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L'incidence des quatre libertés communautaires sur la fiscalité : étude de la jurisprudence récente de la CJCE

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par Mouna EL HIH
Université Toulouse 1 Capitole - Juriste international 2009
  

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§2 : La réaction de l'administration et du législateur face à la Jurisprudence de la Cour

A) La réaction de l'administration

En acceptant d'intégrer les communautés européennes, les Etats membres se sont dés le départ liés par les règles inhérentes au droit communautaire. Cela inclut bien évidemment l'acceptation d'un ordre communautaire intégré aux droits nationaux.

La CJCE, gardienne du TCE, a d'ailleurs dés le départ posé les règles du jeu : un Etat membre ne peut en effet exciper, pour se soustraire à ses obligations d'application ou de transposition de droit communautaire dans les délais prescrits par les actes communautaires, ni de ses règles législatives et réglementaires, ni même de son droit constitutionnel183(*).

Les Etats membres doivent donc transposer dans leur droit interne l'ensemble des textes du droit fiscal communautaire. Il en est de même s'agissant de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. C'est ainsi que les arrêts rendus par cette dernière trouvent un écho jusque dans la doctrine administrative des Etats membres.

Nous pouvons prendre à titre exemple le Conseil d'Etat, qui a jugé, en matière de lutte contre la fraude carrousel de TVA que l'Administration peut remettre en cause le bénéfice de l'exonération d'une livraison intracommunautaire lorsque le fournisseur savait, ou ne pouvait ignorer, que le destinataire n'avait pas d'activité réelle.184(*) Certes cet exemple concerne la fiscalité indirecte. Néanmoins la logique dont il procède peut être étendue à la matière fiscale directe.

La CJCE avait en effet précisé que le droit à déduction pouvait être remis en cause s'il est établi que l'acquéreur savait ou aurait dû savoir, qu'il participait à une fraude à la TVA185(*).

Or dorénavant, le nouvel article 262 ter-I-1° du CGI, issu de la loi de finances rectificative pour 2006186(*) dispose pour le cas de livraison intracommunautaire « l'exonération ne s'applique pas lorsqu'il est démontré que le fournisseur savait, ou ne pouvait ignorer, que le destinataire présumé de l'expédition ou du transport n'avait pas d'activité réelle».

La doctrine administrative ne se contentera d'ailleurs pas de commenter le nouveau dispositif, allant même jusqu'à citer expressément les arrêts du Conseil d'Etat et de la Cour de Luxembourg dans une instruction du 30 novembre 2007187(*), spécifiant d'ailleurs qu'elle entend appliquer les règles répressives à toutes les fraudes TVA et non seulement aux fraudes carrousel, et intégrant de ce fait la jurisprudence communautaire à la doctrine administrative.188(*)

B) La réaction du législateur

Lorsqu'un arrêt de la CJCE intervient et prononce l'incompatibilité d'une législation nationale avec l'une des grandes libertés communautaires, le législateur national doit savoir « tirer les conséquences d'une décision de justice ».189(*) C'est dans ces termes que s'exprimait le sénateur Marini, qui lors de la séance du 29 novembre 2004 a présenté son amendement visant à l'abrogation de l'article 167 bis du CGI à la suite l'arrêt de Lasteyrie du Saillant, selon lequel la CJCE avait jugé le mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisée prévu par l'article litigieux comme contraire au principe de la liberté d'établissement prévu à l'article 43 TCE.190(*)

Pour certains commentateurs, la réaction du Parlement était excessive191(*). La décision rendue par le CE le 10 novembre 2004, dans l'affaire de Lasteyrie du Saillant, à la suite de l'arrêt de la CJCE intervenu quelques mois plus tôt, suggérait de par son application a minima une solution beaucoup moins radicale que l'abrogation pure et simple de l'article.

En effet, le législateur disposait de différentes possibilités pour régler le sort de l'article 167 bis :

- « Exclure de son champ d'application les États de la Communauté européenne, lorsque la liberté d'établissement est en cause ;

 

- exclure de son champ d'application les États de la Communauté européenne, sans restriction quant aux motifs du départ de France ;

 

- exclure de son champ d'application les États de la Communauté européenne ainsi que ceux qui sont liés à celle-ci par un accord de libre circulation (Suisse, Islande, Norvège et Liechtenstein) ;

- exclure de son champ d'application, outre les précédents, les États liés à la France par une convention fiscale bilatérale ;

- abroger l'article. »192(*)

En retenant la dernière alternative, la volonté du législateur français, de se conformer de manière totale au droit communautaire a été clairement exprimée vis-à-vis de la Cour. Qui plus est, l'amendement a été adopté sans autre débat, l'avis du gouvernement y étant favorable. Cette réaction positive, qui n'est autre que l'expression d'un choix politique, aussi bien du gouvernement que du parlement ne fait que mettre en exergue la soumission d'un Etat membre aux règles dictées par l'organe juridictionnel de la Communauté.

Cependant, cette affirmation se doit d'être tempérée. En effet, dans son rapport devant la Commission des finances, le sénateur Marini s'insurgeait contre le dispositif même de l'article 167 bis qu'il qualifiait de « herse fiscale », exposant qu'il n'a en aucune manière gêné « les délocalisations de contribuables pour des raisons fiscales », qu'il a procuré des recettes extrêmement faibles au budget de l'État et qu'il était possible de s'en passer « en retenant l'hypothèse (...) d'un réaménagement substantiel de la fiscalité du patrimoine et en envisageant ainsi une politique fiscale n'incitant plus à la délocalisation des contribuables ».193(*)

Se pose alors la question de savoir si l'abrogation de cette article avait pour unique motivation la mise en conformité du droit fiscal interne avec les exigences découlant des grandes libertés communautaires, et en l'espèce de la liberté d'établissement, ou alors si l'arrêt de la CJCE n'avait été que l'occasion d'une mise à plat d'un dispositif inefficient que le Parlement n'a eu guère de peine à supprimer. En effet, créé en 1999 par M. Strauss-Kahn, ministre des finances et du Budget, il essuyait déjà de nombreuses critiques, beaucoup ne voyant en lui qu'un moyen de gêner voir empêcher la délocalisation des résidents.

Mais en tout état de cause, l'impact de la jurisprudence communautaire à travers l'exemple de l'affaire de Lasteyrie du Saillant ne fait aucun doute.

Que cela se fasse un travers un contrôle direct ou indirect, la jurisprudence de la CJCE a su se frayer un chemin jusqu'au coeur de la fiscalité interne. A cet, effet, deux procédures communautaires sont privilégiées dans cette recherche de mise en compatibilité avec le droit de l'Union. Il s'agit en l'occurrence du renvoi préjudiciel et du recours en manquement.

* 183 Ord. de la Cour de justice du 22 juin 1965, Aciéries San Michele, aff. 9/65 et 58/65, Recueil 1967, p.35.

* 184 CE, 27 juill. 2005, Req., 273619, Sté Fauba France.

* 185 CJCE, 6 juill. 2006, aff. C-493/04 et C-439/04, Kittel ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 802.

* 186 Article 93 de la loi 2006-1771 du 30 décembre 2006.

* 187 BOI 3 A-7-07 du 30 novembre 2007.

* 188 T. LAMBERT, « L'influence de la jurisprudence communautaire sur le contentieux fiscal : le cas de France », Revue du Marché commun et de l'Union européenne 2008, juillet-août 2008, n°520, pp. 461-469.

* 189 Cf. Note 163.

* 190 CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, M. de Lasteyrie du Saillant, préc.

* 191 Cf. Note 163.

* 192 Ibid.

* 193 Cf. Note 163.

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