PREMIERE PARTIE
L'EXAMEN PAR LE JUGE COMMUNAUTAIRE DE LA COMPATIBILITE
DE LA LEGISLATION FISCALE NATIONALE AVEC LES QUATRE LIBERTES
CHAPITRE I : L'identification par la CJCE de
l'atteinte fiscale à l'aune des libertés fondamentales et des
principes proclamés par le Traité.
L'intervention de la Cour de Justice en tant que gardienne du
Traité dans le domaine de la fiscalité des Etats ne s'est pas
faite de manière aisée. En effet, le droit primaire est avare en
ce domaine et rares sont les dispositions qui y sont relatives.
Dés lors, la première étape consista pour
le juge communautaire en la consécration des libertés
fondamentales du Traité sur le terrain de la fiscalité, dont le
caractère essentiellement économique et transfrontalier en
limitait la portée. Ces dispositions aménagées, le juge se
tourna vers les principes communautaires de discrimination et
d'égalité. Appliqués de manière classique dans sa
jurisprudence générale, l'impact de ces notions s'est tout
naturellement vu étendu à la matière fiscale.
C'est ainsi que le juge y a recours dans son examen de la
législation nationale en tant qu'outils de recherche de la
contrariété au droit communautaire. Cette étape de
l'identification de l'atteinte fiscale, qui est au cours du processus
intellectuel prétorien, est elle-même scindée en plusieurs
stades.
L'examen de la comparabilité de la situation des
contribuables en est le premier. A cet effet la Cour prendra appui sur
différents critères, des plus classiques comme la
résidence, aux plus innovants comme l'étude du but poursuivi par
la législation litigieuse. Toutefois, ne relèverons non point
sans étonnement que la comparabilité peut être tout
simplement éludée dans le raisonnement de la Cour, celle-ci
préférant directement passé au prochain stade sa
réflexion. Il s'agit concrètement du choix de la base
légale par la Cour, qui répond à une certaine casuistique,
puisque différents critères devront être remplis en vue de
la sélection de telle ou telle liberté. Néanmoins, le
cumul de celles-ci n'en est pas pour autant exclu.
Les dispositions pertinentes finalement choisies, il ne
restera plus qu'à qualifier l'infraction. Mais la encore, la
jurisprudence de la Cour, de par son caractère fluctuant et
créatif, est source de nouveautés et d'ambiguïtés,
comme nous le démontreront les développements suivants.
Section 1 : La consécration par la Cour de la
portée fiscale des libertés et des principes de discrimination et
d'égalité
Véritables piliers du marché intérieur,
les libertés de circulation sont proclamées par le titre III de
la troisième partie du TCE, sans pour autant que les règles les
régissant prévoient de dispositions particulières en
matière fiscale. Il n'est guère étonnant alors que la CJCE
ait progressivement dégagé leur portée fiscale afin de
corriger les faiblesses du Marché intérieur, dues à la
diversité des impôts nationaux et en particulier des impôts
directs, qui demeurent encore aujourd'hui très peu harmonisés.
C'est donc tout logiquement que le contrôle de
comptabilité communautaire des dispositifs fiscaux nationaux s'est fait
à la lumière des articles pertinents du droit primaire, visant
à protéger une liberté communautaire, et non pas à
la lumière du droit dérivé, outil de prédilection
en matière d'harmonisation des normes au sein de l'Union.
Le juge de Luxembourg a développé à cet
effet des principes de réflexion en vue d'identifier les
éventuelles violations de ces libertés, qui s'articulent
essentiellement autour des notions de non-discrimination et
d'égalité.
En outre, l'idée de comparabilité des
situations, le choix de la base juridique et l'identification de la nature de
la contrariété à la norme communautaire sont d'autant
d'étapes par lesquelles le raisonnement de la Cour suit son cheminement,
en vue de mettre à jour la violation recherchée.
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