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L'incidence des quatre libertés communautaires sur la fiscalité : étude de la jurisprudence récente de la CJCE

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par Mouna EL HIH
Université Toulouse 1 Capitole - Juriste international 2009
  

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Chapitre II : L'évolution des justifications des mesures fiscales contraires aux libertés et l'aménagement du test de proportionnalité

La jurisprudence communautaire, relative aux justifications des restrictions fiscales aux libertés de circulation a connu une évolution des plus remarquables puisqu'en l'espace de quelques années seulement, la Cour semble avoir mis fin au cycle de refus quasi-systématique des justifications invoquées par les Etats membres, instauré depuis son premier arrêt rendu en matière fiscale en 198688(*).Alors qu'elles étaient habituellement admises de façon restrictive, les justifications fiscales des restrictions étatiques aux libertés communautaires tendent à se diversifier, voir même à être différemment modulées par la CJCE. De plus, de nouvelles justifications semblent se faire jour : il s'agit notamment de la préservation d'une répartition équilibrée du pouvoir d'imposition, de la protection de l'environnement, ou encore de la promotion de la recherche et du développement. Il semblerait en outre que la justification tirée de la cohérence du régime fiscal que l'on pensait mort-née vient de renaître de ses cendres dans la récente décision Kankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimsttat GmbH du 23 octobre 200889(*), ce qui n'est pas sans apporter son lot de surprises en la matière.

Pour certains, si la Cour tend à se montrer plus réceptive à l'égard des justifications invoquées par les Etats membres, les motifs d'un tel changement peuvent être décelés dans sa jurisprudence passée. En effet, soucieuse d'affirmer son autorité en matière de fiscalité directe, la Cour a su faire montre d'une grande sévérité à l'égard des Etats membres, en n'admettant les justifications des restrictions fiscales aux libertés que de manière exceptionnelle. Pendant cette période qui s'étend jusqu'à l'arrêt Manninen90(*) de 2004, le juge communautaire s'est borné a donné de la consistance au principe selon lequel «  si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire »91(*). Dés lors les justifications avancées par les Etats ne faisaient que freiner les rouages de la machine prétorienne dans la construction de son oeuvre fiscale communautaire, d'où la détermination du juge dans son rejet des justifications aux restrictions apportées aux libertés fondamentales

Ce n'est qu'après avoir bâti des bases suffisamment solides que la Cour s'est décidée à partir de 2004 à s'ouvrir à la recevabilité des justifications apportées par les Etat membres, éreintés par tant d'années de contrôle communautaire.

Il convient donc d'étudier cette récente ouverture de la Cour, dont les effets doivent toutefois être modérés à la lumière de l'évolution de l'examen de proportionnalité de la mesure fiscale nationale à l'objectif poursuivi.

Section I : Une recevabilité assouplie des justifications aux restrictions fiscales nationales.

En vertu du TCE, des mesures discriminatoires peuvent trouver à se justifier par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, ou de santé publique. Toutefois ces dernières n'ont pas d'intérêt réel en matière de fiscalité. C'est pour cela que la Cour a libéralement admis au fil de sa jurisprudence, des « raisons impérieuses d'intérêt général » en tant que des justifications des restrictions aux libertés. Depuis quelques années, la recevabilité de ces justifications semble s'être assouplie.

Dans cette optique, les arrêts rendus depuis Manninen et de manière plus nette encore depuis Mark & Spencer92(*) sont d'autant d'indices du relâchement de la jurisprudence fiscale de la Cour en matière de justifications des restrictions aux libertés. Celle-ci semble avoir délaissé son approche limitative pour adopter une logique plus évolutive des justifications des restrictions étatiques, ce qui n'est certainement pas pour déplaire aux Etats membres. Toutefois, une telle constatation doit être tempérée puisque que la Cour ne compte pas pour autant accepter tous les motifs avancés. Ainsi, nombre des justifications habituellement exclues par le juge de la Communauté le restent, puisque l'argument tiré de la compensation financière entre le traitement fiscal défavorable subi par le contribuable du fait d'une restriction fiscale, et l'existence d'autres avantages fiscaux dont il bénéficie, sans qu'il n'existe aucun lien entre eux, est toujours exclu93(*).De même, la poursuite d'un objectif purement économique comme la promotion de l'économie d'un secteur94(*), ou le défaut d'harmonisation communautaire95(*) ainsi que la règle de minimis96(*) sont toujours rejetés par la Cour. Quant à l'argument tiré de la perte de recettes fiscales, il demeure lui aussi irrecevable, les Etats ne pouvant utilement invoquer la prévention de l'érosion de la base d'imposition, afin d'éviter que les contribuables ne puissent tirer avantage des différences existants entre les régimes fiscaux des Etats membres97(*). Il est en effet impensable pour la Cour d'admettre que l'on retreigne l'exercice d'une liberté pour limiter la perte que pourrait engendrer son exercice.

Nonobstant, la recevabilité d'une justification n'induit pas que celle-ci soit automatiquement reconnue par la Cour comme fondée. En effet, si le juge estime qu'une restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, il devra néanmoins procéder à l'examen de la proportionnalité de la mesure par rapport à l'objectif qu'elle poursuit. Ainsi, l'admissibilité d'une justification, n'emporte pas sa finale admission par la Cour.

Les récents arrêts de la Cour sont assez intéressant de ce point de vue, puisque l'on voit émerger un double mouvement a priori antinomique : en effet, la recevabilité des justifications tend à s'infléchir, et les justifications admises voit leur nombre aller croissant.

D'autre part, le bien-fondé de ces justifications tend à être de plus en plus souvent évincé par le juge, prenant appui sur l'absence de proportionnalité de la mesure avec les objectifs qu'elle poursuit. Serait-ce une nouvelle stratégie adoptée par la Cour, consistant à annuler au stade de la proportionnalité, son illusoire infléchissement au stade la recevabilité ? Il apparaît donc opportun d'approfondir cette idée, et de voir si le juge communautaire, habile tacticien, n'a pas finalement compensé l'élargissement de conditions de recevabilité par un resserrement du contrôle de proportionnalité.

* 88 CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission c/ France, préc.

* 89CJCE, 4ème ch., 23 oct. 2008, C-157/07, Kankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimsttat GmbH : Dr. Fisc. 2008, n°50, comm. 616, note J.-Ch. Garcia.

* 90 CJCE, 7 sept. 2004, aff. C-319/02, Manninen ; Ph. Derouin et Ph. Martin, Droit communautaire et fiscalité: Litec, 2008, p. 859.

* 91 CJCE, 14 sept. 1995, aff. C-279/93, Schumacker, préc.

* 92 Arrêt Mark & Spencer PLC, préc.

* 93CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission c/ France, préc. ; CJCE, 12 sept. 1999, aff. C-307/97, Compagnie de Saint Gobain : Rec. I, p. 6161.

* 94 Arrêt Verkooijen, préc.

* 95 CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission c/ France, préc.; Arrêt Compagnie de Saint Gobain

* 96CJCE, plén., 15 févr. 2000, aff. C-34/98, Commission c/ France, préc.

* 97 Arrêt ICI  préc.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault