5. Statut de la presse sur Internet
Cette sixième et dernière hypothèse
énonce que le statut et les règles juridiques applicables
à la presse papier sont similaires à ceux de la presse sur
Internet.
L'avènement de cette presse web ne tarde pas à
questionner le juriste. En effet, cette presse nouvelle qui utilise un support
de diffusion nouveau et complexe ne se laisse pas toujours aisément
intégrer dans le cadre déjà ancien de la presse
traditionnelle.
Il convient à cet égard de rappeler très
succinctement, que la presse française s'est très tôt vue
encadrer par le législateur, même si, dans de nombreux textes, il
est rappelé que la presse est libre en France.
5.1 Historique du droit de la presse
En effet la presse est libre en France grâce au principe
de la liberté d'expression qui a été posé par
l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789.
Elle énonce que « La libre communication des
pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de
l'homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf
à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi ».
Principe énoncé au début de chacune des
lois constitutives du Droit français de la communication et surtout de
la loi du 29 juillet 1881 qui marque la vrai naissance de la liberté de
la presse et de la sanction de ses abus.
Le droit de la presse va évoluer au rythme des
technologies de la communication, et si en 1881, il n'est question que de
presse écrite, la loi a été appliquée au cours du
siècle à toutes les inventions nouvelles telles que la
photographie ou la radio.
L'apparition de la télévision va
néanmoins provoquer l'intervention du législateur pour encadrer
juridiquement ce mode de communication de masse.
La loi de 1982 proclame que « la communication
audiovisuelle est libre » et met fin au monopole de l'état sur
la télévision.
En réalité, la presse audiovisuelle, tout en
étant soumise à certaines règles juridiques
spécifiques, a repris à son compte l'essentiel des règles
de la presse écrite et il en va de même pour la presse sur
Internet.
5.2 Le statut de la presse en ligne.
L'entreprise de presse n'est pas définie ni
régie par un statut particulier. Aucune obligation particulière
n'est prévue quant à la forme juridique que doit revêtir
une société éditant une publication de presse, qu'elle
soit éditée sous forme papier ou sous forme
électronique.
Au cas particulier de la constitution d'une SARL, l'article L
491 du code des sociétés prévoit que les SARL
éditant une publication au sens de l'article premier de la loi du 1er
août 1986 sont autorisées à limiter leur capital social
à 2000 F. La définition de "mode écrit de diffusion de la
pensée mis à la disposition du public et paraissant à
intervalles réguliers" n'est pas circonscrite aux seules publications
éditées sur papier et peut s'étendre aux publications
éditées sur support électronique dès lors qu'elles
répondent à ces caractéristiques.
Les services d'informations diffusées sur
Internet constituent des services de communication audiovisuelle au sens de la
loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 1er août 2000, et
au sein de ceux-ci des services de communication en ligne. La communication en
ligne est définie comme un sous-ensemble de la communication
audiovisuelle qui se caractérise par le fait qu'elle est transmise sur
demande individuelle.
Afin d'affirmer le principe de liberté
prévalant sur l'Internet, la loi du 1er août 2000 a
procédé à la suppression de la formalité
déclarative pour les services de communication en ligne.
Par contre, l'éditeur de sites Internet doit mettre
à la disposition du public, son nom et son adresse s'il s'agit d'une
personne physique, sa dénomination et son siège social s'il
s'agit d'une personne morale, ainsi que le nom du directeur de la publication,
ou le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au
sens de l'article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication
audiovisuelle. L'éditeur doit également indiquer la raison
sociale et l'adresse du prestataire qui est lié contractuellement avec
lui pour la mise en ligne de ses pages Web. Ce dernier cas désigne en
principe l'hébergeur. Par exception, les personnes physiques ou
morales, éditant à titre non professionnel, peuvent conserver
leur anonymat en n'indiquant que le nom, la dénomination et l'adresse de
leur hébergeur sous réserve que celui-ci ait reçu
préalablement l'identification du responsable de l'édition.
En conséquence, l'hébergeur qui serait
incapable ou qui ne voudrait pas fournir les renseignements relatifs à
l'éditeur serait probablement considéré comme responsable
si le site était légalement répréhensible.
Aussi le régime de déclaration prévu par
la loi du 29 juillet 1881 se trouve-t-il réservé à la
presse papier. Il en est de même des formalités de
dépôts (dépôt administratif et judiciaire,
dépôt légal auprès de la Bibliothèque
nationale).
Les infractions de presse et le régime
procédural particulier qui s'y attache s'appliquent quel que soit le
mode de communication utilisé. Ces différentes infractions visant
à instituer un équilibre entre la liberté d'expression et
la protection des personnes sont susceptibles d'être
caractérisées quel que soit le support et le moyen de
l'expression (écrit, parole ou image sur la voie publique, presse,
télévision...) dès lors qu'il y a publication. Il en est
de même pour les dispositions pénales visant les actes de
publication et renvoyant au régime particulier de responsabilité
en cas d'infractions de presse (publication de messages à
caractère pornographique ou violent (article 227-24 du code
pénal), atteintes à l'intimité de la vie
privée).
Tout ceci trouve application dans la loi du 29 juillet 1881
mais on peut dorénavant ajouter une règle qui pose
problème avec l'arrivée d'Internet.
Cette règle est la prescription des infractions de
presse.
En effet, la règle la plus particulière des
délits de presse est, sans conteste, la prescription de trois mois. On
considère que l'information n'est préjudiciable que pendant un
temps très court.
Ainsi dans un procès de presse, les magistrats doivent
rechercher la date du premier acte de publication, car les infractions de
presse sont des délits dits instantanés. Il faut connaître
le moment à partir duquel le public a eu accès au document
litigieux, moment qui donne le point de départ de la prescription de
trois mois.
De ce fait, pour les émissions audiovisuelles, c'est le
jour de la première diffusion, pour les mensuels et éditions de
livre, le jour effectif de la mise à disposition du public.
Le problème qui a été posé pour
les sites de presse sur Internet est de savoir si les articles sont
considérés comme des publications continues lorsqu'ils restent
disponible au public sur le site.
En effet un journal est une matière périssable
et furtive alors qu'Internet, de part ses caractéristiques techniques,
laisse la possibilité plus facilement à l'Internaute de lire
l'article longtemps après la premier publication.
Le délit de presse peut être
considéré comme une publication continue puisque l'auteur a
décidé de le maintenir sur son site et que la mise à
disposition au public reste continue. La prescription de trois mois ne serait
donc pas applicable à la presse sur le net.
C'est en tous cas ce qu'a déclaré la
décision de la Cour d'appel de Paris du 15 décembre 1999 dans
l'affaire Costes qui semblait trancher le débat. La Cour y conclut que
la publication sur Internet est un acte continu. Donc, le délai de
prescription recommence à courir chaque jour.
Cette mesure risque d'être un danger pour la mise en
mémoire des articles sur Internet. En effet si on considère les
articles comme des parutions continues, un site peut être attaqué
à tout moment dés l'instant qu'il garde en archives des
articles !!
Néanmoins, dans une décision récente
(Cass.crim., 30 janvier 2001, Annie Rousseau c/ A. Benssalem), la Cour de
Cassation a confirmé l'application du délai de prescription de
trois mois avant la date de la citation. Selon cette décision mettant
fin aux hésitations jurisprudentielles, le délai commence
à courir au jour du premier acte de publication et non de celui de la
connaissance par la partie civile des propos diffamatoires.
Aussi, le raisonnement de la Cour de Cassation permet de
conclure que la publication sur Internet n'est pas un acte continu.
Il faut tout de même s'interroger sur une
éventuelle interprétation, aux termes de laquelle l'acte de
publication serait renouvelé à chaque modification ou
actualisation d'un site, et constituerait un nouveau point de départ de
la prescription, l'éditeur choisissant de maintenir ou non un contenu.
Voyons maintenant un autre point que soulève la presse
en ligne de par son nouveau support de diffusion. Il concerne les aides
à la presse données par l'état pour faciliter
l'édition.
Cette aide à l'édition doit permettre d'aider la
diffusion et de préserver l'indépendance financière des
entreprises de presse. Ceci doit aider indirectement le lecteur a avoir
accès à une meilleure diffusion.
Au titre des aides à la diffusion figurent : les tarifs
postaux préférentiels, l'aide à l'expression de la presse
française à l'étranger, l'aide au portage.
Au titre des aides destinées à protéger
l'indépendance financière figurent: un taux réduit de TVA
de 2,1% sur les ventes, un régime spécial de provisions pour
investissements (article 39 bis du code général des
impôts), l'exonération de la taxe professionnelle, des fonds
d'aides directs aux quotidiens d'information politique et
générale, le fond de modernisation de la presse quotidienne et
assimilée.
La plupart des aides, directes et indirectes, qui fondent le
régime économique de la presse ne sont pas applicables à
la presse multimédia.
Les aides postales et d'imposition doivent être
agréées pour être applicables par la commission paritaire
des publications et agences de presse répondant aux critères des
articles D 18 et suivants du code des postes et
télécommunications et 72 et 73 de l'annexe III au code
général des impôts : présenter un
intérêt général quant à la diffusion de la
pensée, porter les mentions légales, paraître
régulièrement au moins une fois par trimestre, consacrer moins
des deux tiers de leur surface à la publicité, faire l'objet
d'une vente effective.
Dans un avis en date du 23 juin 1959 délivré au
sujet d'une publication de presse diffusée par voie de
télécopie, le conseil d'Etat a précisé qu'il
convenait de limiter le bénéfice du régime
économique de la presse aux « publications imprimées,
permettant par lecture immédiate la diffusion de la pensée et ne
nécessitant pas un appareillage spécial ». Cette
interprétation a été confirmée par la haute
juridiction dans un arrêt du 23 novembre 1987 refusant l'extension de
l'aide à la presse télématique.
De plus dès
lors qu'elle n'obéit pas aux même contraintes particulières
de fabrication et de distribution, la presse en ligne n'est pas susceptible de
bénéficier des mêmes aides que la presse papier. Le
bénéfice du régime économique de la presse est
justifié par les contraintes matérielles supportées
(fabrication, impression et distribution des exemplaires papier) non
supportées par la presse en ligne. L'absence de charges liées
à la production papier (impression, tirage) réduit les frais de
réalisation du journal à environ 50 % des coûts, pour ne
limiter ceux-ci qu'aux seuls coûts de collecte et de rédaction de
l'information.
La TVA à 2.1% n'est pas applicable n'on plus à
la vente des journaux numériques comme elle l'est pour la vente sur
support papier.
Les propositions d'allègement fiscal pour les
journaux en ligne ou divers produits multimédias n'ont pas
été retenues dans la loi de finances pour 2002.
Le député RPR Patrice Martin-Lalande n'a pas
réussi son coup de pouce. Il avait proposé d'alléger la
fiscalité pour la presse en ligne à 2.1%.
Définitivement adopté par l'Assemblée
nationale le 19 décembre, le budget 2002 ne contient pas cette
disposition.
La raison de ce refus reste toujours que la presse
électronique n'est pas soumise aux même frais que la presse
écrite.
La vente d'un journal numérique reste donc à
20.6%.
En dehors de cela, la presse numérique va tout de
même bénéficier de certaines aides.
Au titre des aides dont peut bénéficier la
presse électronique, doit être mentionné le fond d'aide
presse et multimédia.
Plusieurs titres ont également pu
bénéficier du fond de modernisation de la presse pour aider
à des projets de diversification et de développement
numérique.
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