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Fonds de garantie, quelle cohérence ?

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par Kuitche Takoudoum Florent et Hermine Kugler
Université de Nice Sophia Antipolis - Master II recherche droit économique des affaires 2007
  

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Introduction.

Selon Cl. Lienhard, « la qualité d'une société se juge à la façon dont elle gère la problématique de ceux et de celles qui, pour une raison ou pour une autre,...se trouvent à un moment donné, en situation de difficulté, et, en fait, en situation de rupture par rapport au contrat social qui inclut également que la société assure la sécurité 1(*)». Cette phrase résume le fondement principal de l'existence des fonds de garantie dont nous sommes appelés à réfléchir sur la cohérence. Pour nous cette cohérence, s'il en est une, résulte sans doute du contraste existant entre les incertitudes conceptuelles de cette notion et sa réussite fonctionnelle.

En effet, les fonds de garantie existent aux côtés des assurances et des mutuelles, et toutes ces techniques permettent de couvrir des risques que des personnes juridiques sont susceptibles d'encourir, aussi bien sur le plan patrimonial, qu'extrapatrimonial. Cependant, ces techniques sont très différentes et chacune occupe dans le domaine du droit des assurances une place précise. Chacune d'elles devient ainsi indispensable dans son domaine et son champs d'action, tout ceci n'excluant pas le fait qu'elles puissent parfois être susceptibles de s'imbriquer.

L'assurance est une opération par laquelle une partie, l'assuré, se fait promettre moyennant une rémunération, la prime pour lui ou pour un tiers, en cas de réalisation d'un risque, une prestation (pécuniaire), par une autre partie, l'assureur (société d'assurance), qui prenant en charge un ensemble de risques, les compense conformément aux lois de la statistique. C'est la technique de principe de couverture de risques. A côté, existent d'autres techniques constituant des palliatifs à l'assurance, qui prennent en charge les risques que celle-ci ne couvre pas. On y trouve notamment les mutuelles et les différents fonds. Les mutuelles sont des techniques de garantie de risques par la constitution d'un fonds commun de prévoyance alimenté par la cotisation des adhérents, constitué par le groupement de risques au sein d'une entreprise qui en effectue la répartition, la compensation2(*). Elles diffèrent principalement des fonds, comme par exemple le fonds de garantie, non seulement par l'origine du financement, mais aussi par la nature des bénéficiaires. En effet, tandis que les ressources des mutuelles proviennent directement des cotisations de leurs adhérents, celles du fonds de garantie ont une origine variée : tantôt elles proviennent de l'Etat, tantôt des prélèvements sur les primes d'assurances, tantôt des responsables du dommage ayant causé le préjudice à indemniser... De même, alors que l'action des mutuelles ne profite qu'à leurs adhérents, celle du fonds a généralement vocation à profiter à un public plus large. Du coup, les bénéficiaires de la mutuelle sont connus d'avance, alors que ceux du fonds ne le sont pas.

La différence entre le fonds de garantie et la mutuelle semble assez nette, de même que celle entre l'assurance et le fonds de garantie. En effet, malgré des analogies avec un contrat d'assurance, le fonds de garantie ne peut y être assimilé car le garant parfois prend en charge un risque indéterminé alors que l'assureur, professionnel par définition, organise la compensation des risques3(*) et prévoit habituellement un montant maximum d'intervention en cas de sinistre. Le fonds de garantie n'a non plus pour effet comme un contrat d'assurance de relever de sa responsabilité la partie qui commet une faute ou est en état d'insolvabilité, il en laisse subsister la responsabilité, à l'égard des tiers, de celui qui a été l'auteur du dommage4(*). Ceci étant, le fonds de garantie n'est pas un système d'exonération de responsabilité du donneur d'ordre. En outre, si le fonds est insuffisant et ne couvre qu'une partie de la perte, la responsabilité de droit commun subsiste de la personne physique ou morale concernée.

La cloison entre le fonds de garantie et l'assurance s'accentue encore lorsqu'on s'attarde sur les différents rôles des fonds. Certains fonds ont été créés pour s'articuler avec une assurance de responsabilité civile. Ils sont destinés à intervenir lorsque l'assurance, pour une raison quelconque n'est pas en mesure de s'appliquer. Leurs interventions présentent par nature un caractère soit complémentaire (en complément de l'assurance), soit subsidiaire (à défaut de l'assurance). Les conditions d'indemnisation se calquent alors plus ou moins rigoureusement sur la garantie d'assurance, qui fait défaut. A ce premier type se rattache par exemple le fonds de garantie (circulation et chasse).

D'autres ont été créés en dehors de toute logique d'assurance, sur la base de la solidarité nationale, généralement pour faire face à des phénomènes de société spectaculaires, pour lesquels l'assurance ne peut intervenir pour des raisons diverses, soit parce que le responsable ne peut être identifié, soit parce que toute assurance de ses actes est impossible en raison de leur caractère intentionnel, soit parce que la preuve de la responsabilité est impossible à faire. C'est le cas par exemple du fonds de garantie d'actes de terrorisme et de violence.

Il faut également citer les fonds de garantie qui n'ont pas pour objet de garantir, mais de prévenir comme le fonds de prévention des risques naturels.

Par ailleurs, tous les fonds ne sont pas des fonds de garantie. A côté de ceux-ci, existent d'autres fonds qui tantôt les englobent, tantôt en constituent une composante, ou encore en sont totalement différents. C'est le cas des fonds d'indemnisation, des fonds de prévention, des fonds de compensation, des fonds d'investissement... Pour ce qui est des fonds d'indemnisation par exemple, les auteurs5(*) en général en font un vaste ensemble qui regroupe tant les fonds de garantie, de compensation et de prévention. Les fonds de prévention quant à eux semblent se distinguer des fonds de garantie du fait qu'elles ont pour but non pas d'indemniser, mais de prévenir la réalisation d'un dommage, ou plus généralement d'un événement qui pourrait s'avérer dommageable. Quoi qu'il en soit, la distinction sémantique de ces termes n'est pas tranchée, et il n'est pas surprenant que les uns soient parfois utilisés à la place des autres et vice versa.

Toujours est-il que le fonds de garantie est la résultante de la solidarité de  l'époque « tribale ». Il naquit en Europe lorsque l'esprit de famille était fortement enraciné. Au moyen âge les corporations fortement structurées constituaient au moins moralement des fonds de garantie autonomes pour les victimes de leurs membres. La révolution française signa l'arrêt de mort de ce type de solidarité qui était classique sous l'ancien régime et même antérieurement. Elle mit fin à une situation traditionnelle pour la remplacer par la primauté de l'individu.

Cependant la mise sur pieds du fonds de garantie contre les accidents de la circulation en 1951, marque la création véritable de l'un des premiers fonds d'indemnisation en France6(*). Mais, ce fonds regorge une originalité : il est le principal alors que l'assurance lui est accessoire. Autrement dit, l'assurance n'est pas obligatoire et le fonds a vocation à couvrir les dommages des victimes dont le responsable se révèle insolvable. Cette méthode singulière consistant à mettre en place l'accessoire avant le principal, montra rapidement ses limites. Face à l'afflux considérable d'accidents causés par les automobilistes non assurés, le fonds faillit bel et bien couler en 1957. C'est cette menace de naufrage qui est à l'origine de la mise en place en 19587(*), de l'assurance automobile obligatoire. Par la suite, le fonds devient subsidiaire et n'intervient pour indemniser la victime que parce que celle-ci n'a pu être indemnisée soit par l'auteur de l'accident, soit par l'assureur de celui-ci.

L'évolution ultérieure des fonds de garantie est marquée par le constat qu'il est nécessaire qu'ils interviennent pour suppléer aux carences des assurances et par le développement considérable de divers fonds qui sont créés par le législateur en fonction de la nécessité sociale. La création casuistique des fonds par le législateur se matérialise aujourd'hui par l'existence d'une multitude de fonds de garantie dans des domaines d'une très grande variété. Ainsi par exemple existent de nos jours des fonds de garanties d'assurance obligatoire, des fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, des fonds de garantie pour l'indemnisation des dommages résultant d'une infraction, des fonds de garantie contre les risques naturels majeurs et la liste est loin d'être exhaustive.

Or, c'est ce développement incessant et dans des domaines de plus en plus variés des fonds de garantie, ajouté au fait qu'ils ont chacun leur régime spécifique déterminé par les lois qui instituent chacun d'entre eux, qui suscitent des interrogations. Ils sont tellement diversifiés aujourd'hui qu'on se pose spontanément la question de leur cohérence. Autrement dit, il devient nécessaire de s'attarder sur la nature et le bien fondé de la logique à laquelle tous ces fonds de garantie obéissent. En d'autres termes, il s'agit de se pencher sur l'éventualité d'harmoniser les différents fonds de garantie et d'en étudier tous les tenants et les aboutissants.

L'intérêt de cette étude peut être appréhendé sur un double plan pratique et théorique.

Théoriquement, on constate que les auteurs ne se sont pas embarrassés à étudier les fonds de garantie dans leur ensemble. Les études sont pour la plus part centrées sur des catégories de fonds spécifiques ou en rapport avec une activité ou un sinistre précis ; De même, le code civil se contente juste de décrire les différentes formes de fonds de garantie, sans faire aucun effort de les englober dans une orientation d'ensemble. Du coup, le fonds de garantie apparaît comme une technique originale, particulière en ceci qu'elle n'est fondée sur aucun soubassement théorique général solide, mais paradoxalement se développe à un rythme important. Un intérêt théorique de ce travail se situe donc dans l'étude de l'impact qu'à cette absence d'appréhension dans leur globalité des fonds de garantie, et les conséquences qu'elle est susceptible de générer à long terme sur la progression de cette technique. Autrement dit, ce travail se propose d'éclairer le théoricien du droit sur la nécessité ou pas d'une construction théorique générale, d'un fil conducteur des fonds de garantie.

Par ailleurs, ce sujet regorge un intérêt théorique pour les étudiants de Master II recherche en droit économique que nous sommes. En effet l'étude approfondie des fonds de garantie que nous nous proposons de mener dans le cadre de ce séminaire nous permet non seulement d'affûter nos armes pour affronter le passionnant domaine de la recherche pour lequel nous voulons nous destiner, mais aussi de mieux maîtriser les mécanismes assuranciels, dont la compréhension des bases théoriques est très importante pour notre formation.

Sur un plan pratique, réfléchir sur la question, permet d'éclairer les personnes tant physiques que morales, principales destinataires des services des fonds de garantie. En effet il est important d'étudier l'impact de la diversité des fonds de garantie sur ces personnes, ceci en vue de savoir si cette diversité crée plus de problèmes qu'elle n'en résout. Autrement dit, le citoyen, à base de cette étude doit pouvoir être en mesure de savoir si la multiplication des fonds, plutôt que la mise sur pieds d'un fonds unique de garantie gérant toutes les situations, lui permet de mieux atteindre ses objectifs en la matière, c'est-à dire la nécessité de voir les torts qu'il a subi être urgemment, et le mieux possible réparés.

Somme toute, l'étude de la cohérence existant au sein des fonds de garantie permet de constater la dichotomie qui peut exister entre la théorie et la pratique. Car le non aboutissement sur le plan théorique d'une technique, n'influence pas forcement sa progression sur le plan pratique.

A la question de savoir si la notion de fonds de garantie est cohérente, nous répondons oui ! Mais à la question de savoir de quelle cohérence il s'agit, nous sommes tentés de répondre par cette phrase qui laisse présupposer un paradoxe : c'est le flou conceptuel de cette notion qui rend possible sa réussite fonctionnelle. Ainsi, la cohérence du fonds de garantie serait originale. Elle l'est en ceci que contrairement aux techniques juridiques ordinaires dont la cohérence résulte de l'harmonie entre le conceptuel et le fonctionnel, la cohérence du fonds de garantie résulte de l'effet contraire : c'est parce qu'il n'y a pas de textes précis enfermant le législateur dans un cadre déterminé que celui-ci a la possibilité, en la matière, de créer des fonds de manière spontanée et casuistique. Et si le législateur continue dans cette lancée, c'est que la solution résout plus de problèmes qu'elle n'en crée. Aussi L'incohérence conceptuelle du fond de garantie (Partie I) est-elle au service de son harmonie fonctionnelle. (Partie II).

* 1. LIENHARD (CL), « l'indemnisation des victimes de la violence », journée d'étude et d'information, Paris le 15 décembre 1990, Ministère de l'Economie et des finances et du budget, Ministère de la justice, Paris, 1991, p.89.

* 2. Pour ces définitions, V. CORNU (G) : Vocabulaire juridique. 4e éd, PUF Quadrige, p.82, et p. 580.

* 3. V. arrêt de la Cour de Cassation belge du 18 juin 1992, RDC 1993.

* 4. V. arrêt de la Cour de cassation Belge, du 14 janvier 1994, PAS 1994, 40.

* 5. V. BIGOT (J), BELLANDO (J-L), MOREAU (J) : Droit des assurances, t. I, 2e éd. LGDJ, p. 204.

* 6. Loi du 31 décembre 1951, D. 3 juillet 1952.

* 7. Loi du 27 février 1958.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote