WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le contrat de commande dans les propriétés intellectuelles

( Télécharger le fichier original )
par Mohammed Youssef
Université Aix Marseille III Paul Cezanne  - M2 2009
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 La prohibition des cessions globales d'oeuvres futures.

Antérieurement à la loi de 1957, en l'absence de texte prohibant les cessions globales d'oeuvres futures. La jurisprudence a parfois été saisie d'affaires dans lesquelles se posait la question de la validité de telles conventions et la doctrine36, pour sa part, s'y est intéressée, même si ses développements ne sont pas toujours exempts d'une certaine obscurité. L'avènement de la loi de 1957 a conduit à la consécration de la prohibition des cessions

34 Selon l'arte L. 122-8 du CPI « les auteurs d'oeuvres originales, graphiques et plastiques ( ) bénéficient d'un droit de suite, qui est un

droit inaliénable de participation au produit de toute vente d'une oeuvre après la première cession opérée par l'auteur ou par ses ayant droit, lorsqu'intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l'art. Par dérogation ce droit ne s'applique pas lorsque le vendeur a acquis l'oeuvre directement de l'auteur moins de trois ans avant cette vente et que le prix de vente ne dépasse pas 10 000 € »

35 Cornu MARIE. Mallet-Poujol Nathalie : Droit, oeuvres d'art et musées protection et valorisation des collections. CNRS. 2006.

36 Trib. Civ. Seine. 25 mai 1897. Ann. Prop. Indu. 1900. P. 60

globales d'oeuvres futures. Toutefois, la signification de l'article L.131-1 du CPI pose qu'en principe « la cession globale des oeuvres futures est nulle ».

L'article L.131-1, dont l'objectif est de soulager de l'inquiétude quant à la sauvegarde des intérêts tant moraux que patrimoniaux des créateurs37, est d'une interprétation délicate. En effet, le sens et la portée de cette disposition ont été abondamment discutés en doctrine sans qu'un accord ait pu être trouvé sur la signification exacte qu'il convient de lui attribuer. Même son application aux contrats de commande n'est pas à l'abri des controverses.

Sous-section 1 - la définition classique de l'article L.131-1.

Les divergences de la doctrine sur l'interprétation de cette disposition semblent, de même, trahir un certain désarroi38. Afin d'en déceler la signification, tentons de reprendre l'analyse de la définition classique de cette article ainsi que son influence sur le contrat de commande.

A- La notion de la cession globale.

La thèse d'HUGUET : A propos du mot global, il faut tout d'abord écarter l'interprétation suivant laquelle il serait synonyme de total et embrasserait à la fois toutes les oeuvres à venir d'un auteur et tous les droits portant sur celles-ci39.

Proposer une telle interprétation de l'article L.131-1 reviendrait à le priver de signification : en effet, une cession si générale se présente rarement, et une prohibition si vague est, de toute façon, facile à contourner. L'intention du législateur n'a donc pu être celle-ci.

La thèse de DESBOIS : La prohibition de l'article L.131-1 doit pouvoir s'entendre comme la cession d'un ensemble indéterminé d'oeuvres futures est nulle. Cette interprétation suppose que la cession globale est nulle. Toutefois, est licite la stipulation, par laquelle l'auteur s'engage à accorder un droit de préférence à un commanditaire pour ses oeuvres futures de genres nettement déterminés ; la doctrine de la relation logique de l'article L.131-1 avec l'article L.132-4 relatif au pacte de préférence en matière d'édition40.

Les représentations de la doctrine négligent de prendre en compte le fait que ces deux textes concernent des domaines différents.

37 Rappelons que l'arte. 1130, al. 1er du C.civ dispose que « les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation ».

38 Le Tarnec, Alain : Manuel de la propriété Littéraire et artistique / 2e édition. / Dalloz / 1966. P. 111

39 HUGUET André : L'ordre public et les contrats d'exploitation du droit d'auteur : étude sur la loi du 11 mars 1957, Paris : LGDJ, 1962. P. 111.

40 Ce droit est limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux à compter du jour de la signature du contrat d'édition conclu pour la première oeuvre ou à la production de l'auteur réalisée dans un délai de cinq années à compter du même jour. KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008, P 121. H.DESBOIS : P. 648. F&P-B GREFFE. P. 186.

L'article L.132-4 intéresse une hypothèse particulière, celle du pacte de préférence en matière d'édition41. La liberté intellectuelle de l'auteur n'est pas restreinte par le pacte de préférence. Au contraire, l'article L.131-1 vise une série indéfinie de cas dans lesquels l'auteur aura pu s'engager à créer vis-à-vis de son cocontractant42.

Rares sont les décisions de justice qui ont été amenées à se prononcer sur l'existence d'une cession globale43, mais il est devenu un courant qui laisse aux juges de refuser ou admettre l'argumentation fondée sur la prohibition de la cession globale d'oeuvres futures.

B- La notion d'oeuvres futures.

La majorité de la doctrine s'accorde à considérer que la prohibition de l'article L.131-1 ne concerne que les droits d'exploitation sur les oeuvres futures. Par une sorte d'ellipse, la formule d'oeuvres futures se référerait exclusivement aux cessions portant sur des droits patrimoniaux et non sur les oeuvres elles-mêmes. Un créateur qui s'engagerait dés lors à céder la propriété corporelle de ses prochaines oeuvres, ne pourrait pas jouir de la protection instituée à l'art. L.131-1 du CPI. En ce cas, le droit commun des contrats retrouve normalement à appliquer44.

En revanche, prétendre que les supports matériels sont exclus du champ de l'article L.131-1 semble pour un courant de la doctrine arbitraire et les arguments avancés au soutien de cette thèse peu convaincants. La législation sur le droit d'auteur serait surtout destinée à répondre strictement aux problèmes posés par des cessions de droits et non par des cessions d'oeuvres. Même si cette affirmation est exacte, il n'en reste pas moins vrai que de nombreuses dispositions concernent le statut de l'oeuvre45.

Après avoir tenté de dégager les traits dominants qui caractérisent la prohibition instituée par ce texte et surtout d'en dégager les fondements, nous examinerons quelle peut être son incidence sur la validité des contrats de commande.

C- L'incidence de la définition sur la validité des contrats de commande.

L'application de cette disposition à de telles conventions a été contestée par Desbois qui
restreignait le champ de l'article 33 de la loi de 1957 aux cas dans lesquels l'auteur a cédé ses

41 A travers ce pacte, l'auteur fait la promesse de céder un certain nombre de ses oeuvres futures ou sa production à venir pendant un nombre d'années donné. Mais, d'une part, cette cession n'a lieu que s'il crée. D'autre part, il n'a pris aucun engagement sur le contenu ou la nature des oeuvres à réaliser.

42 P-Y GOUTIER : P. 572 et s.

43 Paris, 26 juin 2002, PI avril 2003, n° 7, P. 175.

44 H. Desbois, Le droit d'auteur en France : Dalloz, 3e éd. 1978, p. 646.

A. Huguet, Ordre public et contrat d'exploitation du droit d'auteur : LGDJ, 1961, p. 133

45 GAUTIER Pierre-Yves. La propriété littéraire artistique, Presse universitaire, Paris, 2007. P. 574.

oeuvres futures sans contracter d'obligation de créer. Selon lui, en effet, l'auteur « ne peut prendre l'engagement de réaliser les oeuvres dont il cède les droits qu'après mûre réflexion, alors qu'il serait plus volontiers enclin à conférer l'exclusivité relativement à des oeuvres qu'il ne s'engage pas à réaliser »46

Selon S. DENOIX, il semble paradoxal de réserver l'application de l'article L.131-1 aux hypothèses dans lesquelles l'auteur reste libre de toute obligation de produire, et d'exclure du domaine de cette disposition celles dans lesquelles l'auteur promet d'exécuter des oeuvres dont il cède généralement les droits. En effet, dans le premier cas, seuls sont en cause les intérêts économiques de l'auteur. Dans le second, au contraire, s'ajoutent à ceux-ci des intérêts intellectuels et moraux liés à l'obligation de création.

En plus, la lettre même de l'article L.131-1 ne suggère nullement une telle exclusion et, à vouloir ainsi restreindre le champ d'application de ce texte, on risque fort de priver de l'unité qu'il peut présenter à titre de directive générale et de le vider de son sens.

En outre, l'opinion de DESBOIS ne pourrait se justifier que par l'idée, d'ailleurs sous-jacente à son argumentation, que la conclusion d'un contrat de commande est toujours exclusive d'indétermination47. Or, l'observation des faits dément cette analyse. Il ne semble donc pas que ces contrats doivent, par principe, échapper à la règle posée par l'article L.131-1 la difficulté qu'ils soulèvent est ailleurs.

Sous-section 2 - la définition moderne de l'article L.131-1.

L'article L.131-1 du code de la propriété intellectuelle pose le principe de la prohibition des cessions globales d'oeuvres futures, dans un souci de protection des intérêts des créateurs. Au premier abord, une telle disposition ne paraît pas devoir intéresser le contrat de commande et l'on voit mal quelle commande globale pourrait mettre en péril les intérêts du créateur. Pourtant, à l'examen, on s'aperçoit que les créateurs indépendants sont à la frontière du contrat de travail et du contrat de commande et qui ont pour objet un nombre élevé d'oeuvres. Il arrive même que de telles conventions ne soient définies que par leur durée, sans que les oeuvres commandées soient individualisées au moment de la formation de l'accord de volontés48.

46 DESBOIS : cit. P. 649.

47 LUCAS André : Droit d'auteur et création salariée, Revue Lamy Droit de l'Immatériel, 03-2008, N°36.

48 VIVANT Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 117.

A- La thèse de l'indétermination des oeuvres.

Suite aux thèses classiques, un courant de la doctrine49 a avancé l'idée d'assimiler les cessions globales à des cessions d'un ensemble indéterminé d'oeuvres futures. Mettant alors en doute les enseignements tirés de l'analyse des travaux préparatoires, elle rejette l'idée de définir la prohibition de l'article L.131-1 du CPI << à partir de seuils fixés à l'avance auxquels le juge serait tenu de se soumettre »50. Selon elle, au contraire, le juge doit apprécier le caractère global de la cession en tenant compte principalement du << degré de précision dans la définition de l'obligation de création des oeuvres à réaliser »51. Par conséquent, un auteur << pourra s'engager à produire pendant une durée déterminée, même longue, ou bien à exécuter en nombre d'oeuvres, même élevé ; si les parties ont convenu un minimum de précision de ces créations à venir et de leur destination, leur accord ne saurait être censuré »52.

Son raisonnement se base essentiellement sur l'analyse de la jurisprudence contemporaine. Il semble que depuis 1957 les juges ont tendance à écarter l'application de l'art L.131-1 du CPI dans des cas où justement les oeuvres futures font l'objet d'un degré de précision suffisant. Mais il n'est pas sur qu'il y ait là la raison déterminante de la mise à l'écart de la disposition par le juge.

B- L'application jurisprudentielle vis-à-vis du contrat de commande.

Comment rechercher la manière dont il faut mettre en oeuvre l'article L.131-1 dans le domaine des contrats de commande ? Deux décisions rendues, l'une par la cour d'appel de Paris, l'autre par la cour de cassation fournissent à cette question des éléments de réponse.

Dans un arrêt, du 10 juin 198653, la cour d'appel de Paris a sanctionné, en vertu de l'ancien article 33 de la loi de 1957, une convention conclue avec l'auteur M. de MONTPEZET pour rédiger différents ouvrages qui, s'ils avaient pour caractéristique commune purement fortuite d'être à prétention autobiographique, étaient pourtant totalement indépendants les uns des autres, les personnes ayant inspiré ces différents écrits étant elles-mêmes étrangères les unes aux autres.

Dans l'affaire MONTPEZET, l'objet du contrat n'imposait pas l'indétermination dont
l'obligation de l'auteur était empreinte : chaque ouvrage, successivement, aurait pu donner

49 DENOIX de SAINT MARC Stéphanie : le contrat de commande en droit d'auteur français, Litec, 1999. P. 137. Cette opinion dépende la thèse ancienne de S. Strömholm, Le droit moral de l'auteur en droit allemand, français et scandinave : t. 1, p. 160, Stockholm, 1967.

50 DESBOIS : cit. P. 653.

51 MOUSSERON Jean-Marc et SCHMIDT-SZALEWKI Joanna : Les créations d'employés, Litec, 1990, p. 273

52 Cass. 1er civ. 6 nov. 1979, n° 77-16.001, Publication, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 1 N. 271

53 CA Paris, 10 juin 1986, RIDA n° 133, juillet. 1987, P. 193.

lieu à un accord séparé entre les parties ; l'exigence de détermination aurait été ainsi respectée. Seules des motivations d'ordre pratique, et, vraisemblablement, des préoccupations de nature financière, de la part de l'éditeur, ont dicté la globalité des termes de la convention.

Au contraire, dans la seconde affaire - Cabut c. Société Dargaud- la cour de cassation54a approuvé la cour d'appel « Dès lors qu'une Cour d'appel relève que le contrat écrit, par lequel un auteur cédait à une société d'édition, à la suite d'une commande, le droit de reproduire une série d'histoires et de gags illustrés qu'il s'engageait à écrire et à illustrer aux fins de publication régulière dans un journal, à raison d'une ou plusieurs planches, et destinés ensuite à être publiés en album, individualisait chacun des droits cédés, déterminait la date de cession, définissait d'une façon précise le domaine d'exploitation des droits cédés quant à l'étendue, la destination et la durée, fixait la rémunération de l'auteur et comportait une cession par l'auteur à la société d'édition du droit de réunir en recueil les planches dessinées qui paraîtraient, cette juridiction a pu sans admettre que la publication dans le journal devrait être assimilée à un écrit, considéré qu'il avait satisfait aux exigences de l'article 31 de la loi du 11 mars 1957.

La juridiction qui retient qu'une cession de droits ne portait que sur des histoires, commandées par une société d'édition à un auteur et ayant le même personnage principal, et que l'auteur pouvait cesser sa collaboration au journal reproduisant ces histoires, sous réserve de livrer normalement jusqu'à sa fin l'épisode en cours, a pu considérer qu'il n'avait pas été contrevenu aux dispositions de l'article 33 de la loi du 11 mars 1957, qui prohibe la cession des oeuvres futures ».

De l'analyse de ces décisions, deux conclusions de portée générale peuvent être tirées.

Tout d'abord, l'hypothèse où la détermination des oeuvres à réaliser ne sera jamais que relative. Il relèvera alors de l'appréciation des magistrats de considérer, dans chaque espèce, si les intérêts de l'auteur sont assez protégés55.

Puis, l'indétermination qui est susceptible d'affecter un contrat de commande trouve avant tout sa source dans la délimitation de la mission créatrice de l'auteur. Ainsi, ce n'est ni la durée de l'engagement, ni le nombre d'oeuvres qu'il aura promis de réaliser qui, en euxmêmes, créeront les conditions de l'annulation du contrat, mais l'insuffisance des stipulations contractuelles relatives à la nature du travail de création qui, le cas échéant, en sera la cause56.

54 Cass, 1er civ. 6 novembre. 1979, RIDA, N° 103, juillet, 1980. P. 167.

55 Vivant Michel, KHALVADJIAN Boris : Le contrat d'auteur outil d'anticipation, Université d'AIX MARSEILLE, 2008. P. 115.

56 Le commandité pourra s'engager à produire pendant une durée déterminée, même longue, ou bien à exécuter un nombre d'oeuvres, même
élevé ; si les parties ont convenu avec un minimum de précision de ces créations à venir et de leur destination, leur accord ne saurait être

Enfin, on trouve que la définition moderne de l'article L.131-1 est plus acceptable par la jurisprudence que les autres, aussi une décision de la cour de cassation daté de 8 novembre 1989 a assuré cette thèse57.

La question des oeuvres futures concernant le dessin et modèle :

Il est admis que la prohibition légale de cession d'oeuvre future ne s'appliquait pas au contrat de commande relatif aux dessins et modèles, pour plusieurs raisons, les oeuvres, si elles ne sont pas encore créées sont du moins individualisées au moment du contrat, le contrat de commande est en générale passé pour une pluralité d'oeuvres si ce n'est de la totalité de la production future d'un artiste est interdite. Puis l'auteur bénéficiaire d'un contrat de commande conserve son entière liberté de création en dehors du contrat58.

Enfin, à propos du contrat de commande concernant le commandité qui n'a pas la qualité d'auteur, tant qu'il est soumis toujours au droit commun, on applique l'article 1130 du code civile « les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation » donc c'est au contraire de l'article L.131-1du CPI.

Chapitre 2 : la lecture jurisprudentielle et doctrinale de l'aspect
créateur.

Parallèlement avec la loi, la jurisprudence va interpréter toujours l'ambiguïté de la loi au profit de la conception protectrice de la partie présumée faible. Dans le contrat de commande même s'il n'y a pas précision expressément claire, le juge recourt à une interprétation large, et aussi aux règles de l'analogie, afin de donner au commandité une position unique, soit au niveau de l'écriture du contrat soit au niveau de la détermination de la rémunération.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille