WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales établies (article l442-6 1;2?° du code de commerce)

( Télécharger le fichier original )
par Avocat stagiaire (2011), Idarque (promotion 2010- 2011) Cédric Dubucq
Université Paul Cézanne Aix Marseille - Master 2 Droit économique  2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 1 Le constat du peu de succès actuel du texte

En liminaire de ces quelques observations, il semble nécessaire de relever que le déséquilibre significatif entre commerçants est pour l'instant discret dans les prétoires. Il y a trois raisons à ce phénomène.

D'abord, celui qui pourrait s'en plaindre ne le fait pas devant les tribunaux pour la raison évidente qui ne désire pas paraître, aux yeux du partenaire, comme revendicatif et procédurier au regard des conditions acceptées au préalable.

Ensuite, on constate l'absence d'association de consommateurs ou d'équivalent pour réclamer l'éviction de certaines clauses dans les contrats litigieux. Ces associations ont un rôle important dans le démantèlement de certains contrats comportant pléthore de clauses abusives. La reconnaissance du droit français de leur droit d'agir a ainsi permis d'avoir un véritable contre-pouvoir face aux industriels et puissants commerçants.

Actuellement, on ne retrouve pas ce genre d'organe en droit de la distribution, pour l'instant...

Enfin, le succès de l'article L. 442-6, I, 5o, du Code de commerce concernant la rupture des relations commerciales établies tient surtout au fait qu'il est utile une fois la relation consommée.

En effet, dés lors que toute chance de repartir ensemble est anéantie, il reste la voie contentieuse et l'issue est alors nécessairement conflictuelle.

Notre déséquilibre porte sur l'exécution du contrat et, dans cette optique, le conseil qui est souvent sagement donné est de préférer d'autres alternatives à la voie contentieuse, et, a fortiori, dans le cas où l'asymétrie est importante entre les deux partenaires. En effet seuls les partenaires qui sont certes inférieurs par certains aspects, mais disposent en contrepartie d'une monnaie d'échange ou de moyens de pression sur d'autres aspects commerciaux, peuvent utiliser ce texte avec sérénité. Ce sont au final ceux qui en ont le moins besoin, qui auront à user (et abuser) demain de cette disposition.

Section 2 Le souci de promouvoir le texte par une réorganisation judiciaire

Afin d'assister les juridictions et d'harmoniser le déséquilibre sur l'ensemble du territoire, une commission d'examen des pratiques commerciales a été créée (§1). Dans le même sens, on a souhaité une spécialisation des juridictions pour dynamiser ces dispositions, rassembler les plaideurs autour de spécialistes et assurer par conséquent l'effectivité de la protection offerte (§2).

§1 La Commission d'examen des pratiques commerciales, nouvel outil régulateur d'abus

A. La Commission d'examen des pratiques commerciales, guide des juridictions

La Commission d'examen des pratiques commerciales peut être saisie pour avis par une juridiction 124et peut également émettre des recommandations125.

Il serait donc de bon aloi pour le juge de s'inspirer des avis de la CEPC rendus en la matière afin non seulement de voir sa décision revêtue d'une certaine légitimité, mais également d'unifier les décisions rendues afin, de rendre moins vivaces les différences d'appréciation de jurisprudences locales.

La CEPC a fourni un certain nombre d'exemples de pratiques qui pourraient tomber sous le coup de la nouvelle disposition. La commission a estime que le fait d' obtenir la signature d'un contrat pré-rédigé traduirait un déséquilibre significatif126.

Est également abusif le fait d' utiliser sa puissance d'achat pour demander systématiquement à

124 Article R. 132-6 du Code de la consommation : « La Commission peut être saisie pour avis lorsque, à l'occasion d'uns instance, le caractère abusif d'une clause contractuelle est soulevé (...) ».

125 Article L. 132-4 du Code de la consommation.

126 Avis de la CEPC n° 09-05 complétant les questions-réponses du 22 décembre 2008 sur la mise en oeuvre de la loi de modernisation de l'économie.

son fournisseur une baisse de prix au seul motif qu'il a vendu son produit à un distributeur concurrent127.

Est également prohibé le dé-référencement brutal des produits dont un concurrent annonce avoir bloqué le prix de revente si le fournisseur n'accorde pas une compensation financière permettant de s'aligner128

Il en est de même du fait d' exiger de bénéficier des mêmes avantages financiers que ceux obtenus en 2008 ,sans y attacher de contrepartie équivalente à celles pour lesquelles ils avaient été accordés au cours de l'exercice précédent129 ou d'imposer à son fournisseur une déduction sur facture de ristournes conditionnelles si l'obligation qui les conditionne n'a pas été exécutée et vérifiée.130

Cette liste censurant un certain nombre de pratiques singulières que l'on ne retrouve qu'en droit de la distribution n'est évidemment pas exhaustive.

Cette commission est, selon un éminent auteur,« une source de textes généraux et impersonnels »131.

La Cour de Cassation132 a rappelé que les recommandations de la Commission des clauses abusives ne lient pas les juridictions, de sorte que la méconnaissance n'engendre pas un motif de Cassation de la décision. En résumé, la commission n'est pas une source de droit.

Cette réserve de droit ne doit pas faire oublier qu'en réalité, le juge n'hésitera pas, en cas de doute, à saisir cette commission et à suivre ces recommandations.

Cette coopération entre les juges judiciaires et les autorités administratives s'inscrit dans un mouvement plus large, citons notamment l'exemple du rôle croissant dévolu aux commissions de surendettement des particuliers qui, progressivement, empiètent sur les fonctions et les compétences du juge de l'exécution133. Un auteur a même souligné que les

127 Avis de la CEPC n° 09-05, préc.

128 Avis de la CEPC n° 09-05, préc.

129 Avis de la CEPC n° 08-06, préc.

130 Avis de la CEPC n° 08-06, préc.

131 L. Leveneur, La commission des clauses abusives et le renouvellement des sources du droit des obligations, in Le renouvellement des sources du droit des obligations, préc., p. 155 et s.

132 Cass. civ. 1re, 13 nov. 1996, D. 1997. Somm. 174, obs. Ph. Delebecque ; JCP 1997. I. 4015, n° 1, obs. Ch. Jamin ; RTD civ. 1997. 424, obs. J. Mestre.

133 sur cette question, V. les opinions différentes exprimées après l'entrée en vigueur de la loi du 8 févr. 1995, sp. G. Paisant, JCP 1995. I. 3844 et D. Mazeaud, RTD imm. 1995. 228.

créations de commissions engendraient un rapport « triangulaire » entre les deux parties et les différentes commissions créées pour la défense de la partie faible. 134

Il paraît évidemment indispensable, pour les acteurs du commerce, de suivre attentivement les précieux avis de la Commission qui jouera, à n'en pas douter ,un rôle prépondérant dans l'avenir de la jurisprudence ...

B. La procédure: un simple avis qui ne lie pas le juge

L'article L. 442-6, III, alinéa 6 du Code de commerce prévoit que les juridictions «peuvent consulter la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) prévue à l'article L. 440-1 sur les pratiques définies au présent article et relevées dans les affaires dont celles-ci sont saisies».

Cette décision de saisir la Commission n'est pas susceptible de recours de la part des parties au litige. La Commission bénéficie,pour faire connaître sa décision, d'un délai maximum de quatre mois à compter de la date de sa saisie .

L'instance est alors suspendue, jusqu'à l'avis de la Commission ,soit à l'expiration du délai de quatre mois, à l'exception des mesures urgentes ou conservatoires nécessaires pouvant être prises.

Rappelons qu'il s'agit d' un simple avis donné par la Commission, qui,théoriquement ne lie
en aucun cas le juge qui pourra , cas par cas, estimer la mesure abusive ou non.

C. Une garantie pour la sécurité juridique

On le voit, La CEPC va avoir fort à faire pour préciser les contours de cette notion floue de « déséquilibre significatif ».

134 Bureau, Remarques sur la codification du droit de la consommation, préc., n° 23 et 24 ; V. aussi Carbonnier, Droit civil, t. IV, Les obligations, PUF, coll. Thémis, 20e éd., 1996, n° 8

Cette commission aura un rôle juridique considérable sur ce que seront, demain, les clauses abusives entre professionnels.

On sentira sans doute l'inspiration de l'expérience des clauses abusives dans ce domaine sans pour autant être certain que la liste noire et grise ait une influence décisive.

La mission la plus importante sera de faire en sorte que la lésion qui sera probablement
retenue ne soit pas une création génératrice d'une trop grande insécurité juridique.

L' atteinte ne pourra être démesurée et le juge devra évidemment tenir compte de la force obligatoire des contrats, et par conséquent de la sécurité juridique.

Il nous semble intéressant de rappeler ce qu'est ,réellement, la sécurité juridique.

Ainsi selon F. Luchaire, elle est « un élément de la sûreté » qui, à ce titre « a son fondement dans l'article 2 de la Déclaration de 1789 »135. La sécurité juridique constitue, en effet, une notion générale, liée à celles de non-rétroactivité de la règle, de confiance légitime, d'interdiction des validations législatives136. Il a été jugé que le souci d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 constitue un objectif de valeur constitutionnelle.

Le législateur doit (ou devrait...) adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques afin de prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire137.

Ainsi même si la disposition a déjà été reconnue conforme à la constitution, il ne nous paraît pas insensé d'imaginer un nouvel examen par les Sages de cette disposition.

En effet, selon l'interprétation qui sera faite demain du « déséquilibre significatif », le Conseil
Constitutionnel pourrait sans doute estimer que cette nouvelle interprétation, qui n'avait pas

135Et ce, même si F. Luchaire estime qu'en invoquant l'article 16 de la Déclaration de 1789, c'est bien la sécurité juridique qui se trouve «implicitement» protégée. V., La sécurité juridique en droit constitutionnel français, Cahiers du Conseil Constitutionnel, n° 11, 2001, p. 67.

136C'est-à-dire des lois prises par le législateur afin de modifier rétroactivement l'état du droit, en vue de mettre des actes juridiques «à l'abri d'un risque de nullité ou de péremption sans avoir à distinguer selon que ces actes relèvent des relations de droit privé ou des rapports de droit public». O. Schrameck, Les validations législatives, L'actualité juridique, droit administratif, 1996, p. 369.

137 Cons. const., 29 juillet 2004, n° 2004-500 DC, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, op. cit., cons 12 et 13.

anticipée, constituera un fait nouveau.

Et ce fait nouveau, cette interprétation nouvelle que n'avait sans doute pas anticipée le Conseil Constitutionnel (cette position est confortée lorsque l'on lit les motifs de la décision se référant à la jurisprudence consumériste) pourrait ainsi amener les sages a statuer sur cette évolution.

La liberté constitutionnelle et l'impératif de sécurité juridique pourraient ainsi s'ériger, à moyen ou long terme, comme des obstacles aux interprétations futures.

§ 2 L'utiité et les limites d'une spécialisation des juridictions

Il est à noter la volonté du législateur de spécialiser les juridictions commerciales chargées d'appliquer l'article L. 442-6.Cette volonté est animée par le souci d'encourager les juridictions à se saisir de ce texte. La loi LME a souhaité cette spécialisation à l'instar du « grand » droit de la concurrence qui connaissait déjà un regroupement de juridictions (8 tribunaux de commerce , une seule Cour d'Appel) 138.

Ce souci de spécialiser les juridictions a pour conséquence d'augmenter le nombre de dossiers traités et de rendre les magistrats plus réactifs aux nouvelles réformes. Nous notons une double limite cependant à cette préoccupation très moderne de centralisation des juridictions ;d'abord, la spécialisation retenue ne porte pas sur les autres articles pouvant être appliqués dans ce genre de contentieux ,à savoir les prix imposés, les conditions générales de ventes ou encore la facturation sous la forme d'un contrat unique.

Ensuite, le texte étudié fourni un nombre impressionnant de pratiques commerciales qualifiées de restrictives. Notre article devrait en effet devenir dès demain « le siège de la protection des professionnels contre les clauses abusives »139, et la sanction du « déséquilibre significatif » devrait concerner un nombre de contrats trop conséquent pour envisager une spécialisation des juridictions.

Si le succès du déséquilibre significatif se fait encore attendre, on notera que la sanction de la
rupture brutale des relations commerciales a rencontré un succès judiciaire époustouflant.

138 Décret du 30 décembre 2005 et commentaires: V. Michel-Amsellem, Concurrences, n° 1, 2006, p. 185.

139 F. Rome, éditorial, D. 2008, p. 2337.

Le problème de cette spécialisation tient au fait que ce texte s'applique à un tel nombre de situations, que tenter de spécialiser ce qui relève à l'évidence de situations générales paraît être une hérésie.

En outre, ce regroupement risque également d'éloigner l'entreprise de son juge naturel;sans oublier le risque d'engorgement susceptible d'être provoqué par cette loi.

Il nous semble que la volonté et l'enthousiasme du législateur a voir le texte aboutir ne doivent pas être au détriment d'une bonne administration de la justice.

Chapitre 4 Une palette de sanctions adaptées et un mécanisme procédural particulier

On a aperçu les difficultés qui résultent de la position délicate du partenaire économique.

On a ainsi prévu un arsenal de sanctions destinées à dissuader le fort et à protéger le faible. Les actions pourront être engagées par la victime directement (Section 1), et de manière plus originale, par les organes étatiques ce qui traduit un certain dirigisme du gouvernement envers les relations économiques (Section 2). L'influence du droit de la consommation sera enfin abordée sous le prisme de l'office du juge, on verra que le juge devra sans doute relever d'office le déséquilibre significatif (Section 3).

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams