CHAPITRE II : La protection juridictionnelle des droits
de la personne humaine
La justice, fonction d'Etat, gardienne et garante des
libertés individuelles et collectives des citoyens, a pour but de faire
régner la paix entre les individus, entre l'individu et l'administration
et entre l'administration elle-même par le règlement des conflits,
ainsi que par la répression des actes illicites. Elle reflète
l'état d'une société et la vitalité d'une
démocratie24.
Le service public de la justice est assuré par des
juridictions25 composées des magistrats qui rendent des
décisions (jugement ou arrêt) au nom de la République,
lesquelles seront exécutées avec l'aide de l'Etat, par le recours
à la force publique. C'est ainsi qu'au sens d'une bonne administration
de justice, la constitution centrafricaine du 27 décembre 2004
prévoit en son article 79 que : « les juges sont
indépendants. Ils ne sont soumis, dans l'exercice de leurs fonctions,
qu'à l'autorité de la Loi. Les magistrats du siège sont
inamovibles».
Si la justice ne peut se réaliser qu'à travers
la bonne marche des juridictions et le déterminisme de ceux qui sont
appelés à la rendre, alors, la déontologie du pragmatisme
de celles-ci se relève dans le respect stricto-sensu des textes,
nationaux et internationaux, en vigueur.
De ce fait, sur le plan interne, les droits humains, qui sont
un ensemble de principes directeurs auxquels toute Loi et tout citoyen
devraient se conformer, sont par définition applicables à tous
les hommes, donc aux étrangers comme aux nationaux.
S'il est préférable d'éviter d'aller
devant le juge, cependant la préservation des droits de la personne
humaine implique souvent de recourir à ce moyen efficace. A ce titre, il
existe d'une part plusieurs voies juridictionnelles nationales (Section I) et,
d'autre part, des voies juridictionnelles régionales et internationales
(Section II) offertes aux victimes de droits violés.
Section I : les voies juridictionnelles nationales
Rien ne sert de proclamer et de reconnaitre les droits et
libertés de la personne humaine avec le luxe de détails si dans
le temps même leur efficacité est affectée de certaines
insuffisances. Le caractère d'un droit est d'être justiciable,
c.à.d. susceptible d'être mis en oeuvre par un juge.
Conformément au principe révolutionnaire de
séparation des autorités administratives et judiciaires (Loi des
16 et 24 août 179026 ; décret du 16 fructidor an
24 Cf. interview de François GUERET, directeur
de la législation et de la réforme du Droit, ancien ministre de
la justice
25 Juridiction signifie étymologiquement «
dire le droit »
26 Article 13 dispose : «les fonctions
judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des
fonctions administratives. Les juges ne pourront a peine de forfaiture,
troubler d'une quelconque manière que ce soit les opérations des
corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs en raison de
leurs fonctions».
III27), l'organisation juridictionnelle
française, à laquelle s'est inspirée la RCA, repose sur la
distinction entre le juge judiciaire et le juge administratif (Paragraphe 2).
Mais le juge constitutionnel est venu enrichir l'édifice (Paragraphe
1).
Paragraphe 1 : La protection des droits de la personne
humaine exercée par la Cour Constitutionnelle
La création de la Cour constitutionnelle en RCA a
institué une étape majeure en matière de protection des
droits et libertés fondamentales. En faisant émerger le bloc de
constitutionnalité, la Cour s'est dotée d'un outil essentiel dans
son contrôle de constitutionnalité des Lois. Ainsi, il convient de
présenter d'abord la formulation constitutionnelle de la protection des
droits de la personne humaine (A) avant d'analyser le contrôle de la
constitutionnalité des Lois (B) exercé par celle-ci.
A / La formulation constitutionnelle
D'abord, la Constitution du 27 décembre 2004, dans son
préambule, affirme l'attachement du peuple centrafricain à la
Charte de l'ONU, à la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme, aux pactes internationaux du 16 décembre 1966 relatifs aux
droits économiques, sociaux et culturels d'une part et aux droits civils
et politiques d'autre part et à la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples ; sa volonté de promouvoir le règlement
des différends dans le respect de la justice, de
l'égalité, de la liberté et énonce le souci d'
« assurer à l'homme sa dignité dans le respect du principe
de ZO KWE ZO». Cela conduit résolument à construire un Etat
de droit, axé sur une démocratie garantissant la protection et le
plein exercice des libertés et des droits fondamentaux.
Pour être plus explicite, la Constitution de 2004 a
énoncé les droits tels que : l'inviolabilité de la
personne humaine (art. 1er) qui sous-tend le droit à la vie,
à la liberté, à la solidarité et à
l'intégrité de la personne humaine ; la présomption
d'innocence (art. 3), ce qui condamne la détention arbitraire, le droit
à la dignité qui induit à la dégradation humaine ;
l'inviolabilité du domicile, de la vie privée, de la famille et
de la correspondance ; les libertés de pensée, d'opinion et
d'expression (art.13), la liberté de conscience et de croyance, la
liberté de religion et la liberté de culte (art.8), la
liberté d'aller et venir, la liberté d'association, la
liberté de réunion et de manifestation...
A côté de ces droits, la Constitution consacre de
nombreuses dispositions relatives aux droits sociaux, économiques et
culturels. Il s'agit là du droit de propriété (art.14), de
la liberté d'entreprise (art.11), du droit au travail (art.9) qui induit
l'amélioration de la condition du travailleur, le droit de grève,
la liberté syndicale (art.10), du droit à la culture, à
l'instruction, à la santé (art.7), du droit à un
27 Article3 du décret du 16 fructidor an III :
« défenses impératives sont faites aux tribunaux de
connaitre des actes de l'administration de quelques espèces qu'ils
soient ».
environnement sain (art.9). De même, la liberté
de création des partis politiques ainsi que le libre exercice des
activités politiques ont été énoncés en son
art.20. L'article 19 consacre le droit pour tous les citoyens de participer aux
affaires publiques avec son corollaire le droit au suffrage universel,
égal et secret.
En effet, la jouissance des droits proclamés par la
Constitution n'est effective que si d'autres textes viennent compléter
le texte fondamental. C'est ainsi que la RCA, Etat partie aux différents
instruments juridiques internationaux et régionaux, se dote de
législations et de règlementations relatives aux droits
constitutionnellement proclamés et reconnus. C'est pourquoi il y'a eu de
nombreux textes législatifs et règlementaires en ce sens.
Dans ce cadre, il convient de citer entre autre la Loi
no06.05 fixant les sanctions de l'excision, Loi no06.032
du 15 décembre 2006 portant protection de la femme contre les violences,
Loi no09.004 du 29 janvier 2009 portant Code du travail de la RCA,
Loi no98.006 du 27 mai 1998 relative à la liberté de
communication, Loi no89- 009 du 23 mars 1989 fixant les principes de
la Santé publique en RCA, Loi no09-014 du 10 août 2009
portant statut général de la fonction publique centrafricaine,
Loi no10.001 du 16 janvier 2010 portant code pénal et code de
procédure pénale de la RCA... Face à l'exhaussement de la
liste des dispositions, nous ne pouvons pas tout citer, mais ces quelques
textes présentés prouvent plus ou moins une importance pour la
protection des droits de la personne humaine. A cela s'ajoutent des textes
règlementaires.
La Constitution centrafricaine de 2004 reconnait les droits de
la personne humaine. Ces droits sont protégés par celle-ci de
telle sorte que tout individu, tout agent de l'Etat, toute organisation qui se
rend coupable de tels actes de violation sera puni conformément à
la Loi.
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