2. L'isolement comme pierre angulaire de la souffrance.
La souffrance au travail à de nombreux
facteurs, mais un revient avec insistance. Il s'agit de l'isolement. Le
problème est que le stress entraine en premier lieu un sentiment de
culpabilité. Le manager interrogé évoque bien cette
idée :
« Au début je me sentais responsable,
on me mettait la pression donc je travaillais plus, je n'avais aucun soutien de
la part de mes supérieurs ».
Le problème est bien là il y a une
certaine négation de la souffrance au travail, que ce soit les
collègues de travail ou la direction on considère bien souvent la
situation comme normale. Cela à une conséquence directe, les
salariés se sentent automatiquement responsable de ce qui leur arrive.
Ils se mettent à travailler plus pour compenser et s'isolent petit
à petit dans une souffrance dont ils n'osent pas parler. Le manque de
réaction des collègues est aussi un problème majeur, le
chargé de clientèle explique bien cette idée :
« Lorsque vous n'êtes pas bien il ne
faut pas le montrer, aujourd'hui il faut savoir encaisser pour progresser
»
On retrouve cette perte de solidarité source de
souffrance. Aujourd'hui difficile de compter sur ses collègues de
travail, encore moins sur sa direction il faut être capable de subir, le
travail est perçu comme un combat dans lequel seuls les plus
résistants évolueront. Le contexte actuel n'arrange en rien les
choses, la crise économique fait rage et le travail se fait rare. Il est
capital de conserver son travail,
cette idée est assez présente
principalement chez les plus âgés. Le manager du crédit
agricole le montre assez bien :
« J'avais 52 ans, on était en pleine
crise je ne pouvais pas me permettre de perdre mon travail, j'ai pris sur moi
».
Cette situation pose un réel problème
pour les plus âgés et conduit à un isolement encore plus
prononcé, le manager de l'entreprise du secteur
énergétique confirme cette idée :
« Je pense qu'à partir de 50 ans les
choses sont différentes, tu n'as plus la même énergie qu'au
début et tu ne peux pas te permettre de perdre ton emploi
».
Le gérant de la PME nous explique
« Pour conserver leur emploi certains sont
prêts à tout et font tout ce qu'on leur demande même si
c'est contre leur nature. Ce n'est pas étonnant de voir le
harcèlement et la pression devenir monnaie courante. Il y a 20 ans tu
pouvais te permettre de démissionner, aujourd'hui c'est
compliqué, il faut faire avec, mais ce n'est pas normal.
»
La question de l'isolement est centrale, elle est
directement liée à la perte de solidarité qui est une
idée évoquée lors de la première partie. La
concurrence pose un problème de fond car elle empêche de
créer des liens entre les individus, ce même lien qui permet de se
sentir soutenu par ses collègues de travail.
Le manager en banque met en avant un problème de
fond :
« Les causes sont liées à un
manque d'écoute et de discernement donc on ne privilégie pas
l'essentiel pour favoriser les ambitions personnelles de certains managers qui
veulent progresser dans l'entreprise quel qu'en soit le prix.
»
Les ambitions personnelles posent un problème
primordial, pour progresser certains managers sont prêt à tout
pour satisfaire les attentes de la direction, une des conséquences
première c'est de mettre sa propre équipe sous pression. La
commerciale en banque confirme cette idée
« J'ai connu un jeune manager qui avait une
ambition démesurée, il exerçait sur notre équipe
une pression constante pour améliorer l'efficacité du service, au
bout de deux ans, il est parti car il avait enregistré d'excellents
résultats, mais aucun membre de l'équipe ne le regrette, depuis
nous travaillons plus sereinement »
Aujourd'hui le travail est capital pour pouvoir vivre,
les circonstances actuelles font qu'il est bien souvent complexe de changer de
travail. Certains pour ne pas le perdre sont prêts à
souffrir.
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