B- Le contrôle exercé par le Procureur de
la République
Ce contrôle qui se manifeste sur plusieurs plans (1),
présente aussi des limites (2) que nous allons examiner.
1- Les manifestations du
contrôle
L'article 137 du CPP dispose que le PR dirige et
contrôle les diligences des OPJ et APJ. Tout comme l'ancien CIC, le CPP
reconnaît aussi au PR les prérogatives et les pouvoirs
attachés à la qualité d' OPJ. Le PR exerce sur les
enquêtes de police un contrôle sur pièce et sur place. Le PR
contrôle l'action des OPJ à travers l'étude des
procès verbaux qui lui sont transmis par ces derniers. Le PR doit
être à mesure, à partir des PV, de vérifier les
constatations qui ont été faites et les circonstances qui les ont
entourés ainsi que les traces qu'elles ont
laissées68.
66 G. MANGIN (Dir.) <<Procédure
pénale », nouvelle éd. africaine, 1982, Encyclopédie
juridique, tome 10, page 196.
67 Lire à ce sujet l'article 20 c du code de
procédure pénale du Gabon.
68 Lorsque certaines formalités ne sont pas
respectées par l'OPJ, le PR renvoie les PV à ce dernier afin
qu'il puisse les remplir comme il se doit. Nous pouvons citer les cas où
l'OPJ n'a pas notifié au suspect sa garde à vue par exemple.
Le PR apprécie les auditions, les confrontations, les
questions posées aux suspects, en bref toutes les opérations
menées par l'OPJ au cours de l'enquête de police. Ce
contrôle se fait aussi au niveau de la garde à vue69.
Le Procureur de la République doit faire des descentes inopinées
dans les unités de police et de gendarmerie afin de s'enquérir
des réalités du respect par les OPJ de la procédure
pénale en matière de garde à vue. Le ministre de la
justice garde des sceaux à ce sujet, a pris une circulaire70
dans laquelle il prescrit aux magistrats d'inviter les OPJ responsables des
unités de police et de gendarmerie à leur adresser des
états hebdomadaires des individus gardés à vue. Ces
états doivent comporter les mentions suivantes relatives à chaque
cas : nom et prénom, profession, date d'arrestation, motif, date
d'élargissement ou de déferrement.
Lors des contrôles des chambres de sûreté,
les magistrats pourront comparer les indications fournies dans ces
établissements avec celles contenues dans les différents
registres d'écrou ou de main courante.
Très souvent les visites des magistrats ne sont pas
hebdomadaires, elles sont parfois mensuelles et même trimestrielles. Dans
les villes de Douala et de Yaoundé, les magistrats sont souvent
très inondés de travail au point où les visites et les
contrôles des chambres de sûreté sont
reléguées au second plan. Pour plus d'efficacité, nous
proposons que certains fonctionnaires du ministère de la justice
puissent être affectés au parquet et que ceux-ci soient
exclusivement désignés à cette tâche et viennent
seulement rendre compte au PR dans les grandes agglomérations du
pays.
Une autre difficulté est le plus souvent relative au
fait que certains OPJ lors des contrôles des chambres de
sûreté par les magistrats refusent de leur ouvrir les portes.
Certains justifient leur refus par l'absence du chef d'unité ou le fait
qu'ils n'ont pas été avisés au préalable de
l'arrivée du magistrat. Certains s'opposent carrément aux
instructions du magistrat lorsqu'il demande
69 L'article 34 du CPP dispose que les OPJ adressent
quotidiennement au Procureur de la République compétent,
l'état des personnes gardées à vue dans leurs services.
70 Voir à ce sujet la circulaire n°
9276/DAJS du 1er novembre 1990.
l'élargissement du suspect dont la garde à vue
s'avère longue ou illégale au motif qu'ils n'ont pas reçu
d'ordre dans ce sens de la part de leur supérieur hiérarchique.
D'autres enfin refusent de recevoir les substituts et exigent la
présence du PR lui-même. C'est le lieu ici de dénoncer pour
le regretter les nombreux incidents qui opposent magistrats et OPJ lors des
contrôles des chambres de sûreté. Le cas le plus tristement
célèbre est l'affaire LAGASSO71. Cet OPJ a, de
concert avec certains de ses collaborateurs, copieusement battu un magistrat
qui est allé contrôler la cellule un samedi au commissariat du
1er arrondissement de la ville de Yaoundé. Non contents de le
passer à tabac, ils l'ont enfermé pendant des heures dans une
cellule où se trouvaient d'autres personnes gardées à vue.
L'OPJ fautif fut condamné à deux ans d'emprisonnement ferme.
L'officier de police judiciaire doit collaborer et surtout faciliter le passage
du PR.
Ce contrôle du PR est d'une importance capitale et
apparaît comme la seule garantie dont bénéficient les
suspects qui assistent parfois de manière impuissante à la
violation de leurs droits.
2- Les limites au contrôle exercé par le
PR
Compte tenu de son implication dans l'enquête de
flagrance en particulier et dans les enquêtes de police en
général, il était nécessaire de l'écarter du
contrôle de la régularité de la garde à vue (pour
plus d'efficacité) surtout qu'il signe les bons de garde à vue. A
titre d'illustration pour la garde à vue ordonnée par le PR dans
les unités de police72, nous voyons les suspects passer deux,
trois, parfois même un mois sous bon de garde à vue signé
de ce haut fonctionnaire. Ces suspects passent le temps à faire des
navettes entre le commissariat et le parquet. Tout ceci se fait en violation
des dispositions du CPP sur le délai maximum de 08 (huit)
71 Le TGI du Mfoundi a dans son jugement n°
122/crim du 1er mars 1996 condamné ce policier à dix
ans d'emprisonnement ferme : la Cour d'Appel du Centre a ramené cette
peine à deux ans dans son arrêt n°37/crim du 10
décembre 1996.inédit.
72 Nous avons au sein du commissariat central n°
1 de la ville de Yaoundé une cellule du parquet. Les gardés
à vue sont sous bon signé des PR (TPI ou TGI).
jours de garde à vue73. Interrogés,
certains nous ont fait savoir qu'ils étaient en information judiciaire.
Pourquoi se retrouvent-ils encore sous bon de garde à vue, alors qu'ils
devraient être en détention provisoire ? Qui contrôle ces
gardes à vue du PR ? Nous soulevons un problème très
sérieux sur lequel doivent se pencher nos autorités judiciaires
et législatives avant que le pire n'arrive. Cette charge (contrôle
de la régularité des gardes à vue) aurait pu être
confiée à certains fonctionnaires de la chancellerie
spécialement affectés au parquet à ces fins. Ils
pourraient rendre compte au PG du déroulement de leurs activités
sur le terrain.
Avec sa qualité de supérieur hiérarchique
et les pouvoirs d'OPJ que lui confèrent le CPP, il est
déjà juge et partie et quelque soient les qualités
reconnues à ce grand magistrat, on peut difficilement se contrôler
soi-même74. Le législateur aurait mieux fait de laisser
tous les pouvoirs d'OPJ aux OPJ exclusivement et laisser que le PR dirige et
contrôle, qu'il reste en amont pour mieux exercer ses pouvoirs de chef de
la police judiciaire.
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