SECTION 2 : L'IMPORTANCE DES POUVOIRS DE L'OPJ DANS LE
CADRE DU PROCES PENAL
Cette étude va nous amener à examiner les pouvoirs
de l'OPJ avant la saisine de l'autorité judiciaire (paragraphe 1) et
après la saisine de l'autorité judiciaire (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les pouvoirs de l'OPJ avant toute saisine de
l'autorité judiciaire
Les pouvoirs de l'OPJ avant toute saisine de l'autorité
judiciaire sont au nombre de deux à savoir la diligence des principales
enquêtes de police (A) d'abord et d'autres pouvoirs de l'OPJ (B)
ensuite.
A- La diligence des principales enquêtes de
police judiciaire
L'enquête préliminaire (1) et l'enquête de
flagrance (2) sont les principales enquêtes de police judiciaire
prévues par le code de procédure pénale camerounais.
1- L'enquête préliminaire
L'OPJ en matière d'enquête préliminaire a
un pouvoir très déterminant. Il faut souligner que cette
enquête n'était pas définie dans le CIC. Elle était
qualifiée d'enquête officieuse. Le CPP lui a consacré la
section 3 du titre II. Il y est mentionné que les officiers de police
judiciaire (...) procèdent aux enquêtes préliminaires soit
sur leur initiative, soit sur instruction du PR (art. 116 CPP).
L'enquête préliminaire a été bien
codifiée et permet à l'OPJ la manifestation de la preuve. Il
convient d'examiner ici les caractéristiques de cette enquête (a)
et le contenu de ses actes (b).
a- Les caractéristiques de l'enquête
préliminaire
C'est une enquête à coercition conditionnelle mais
qui tend vers une coercition ordinaire. -Une enquête à
coercition conditionnelle :
Les actes de cette enquête ne peuvent être
exécutés de manière coercitive à l'encontre d'une
personne sans que celle-ci ne l'ait préalablement acceptée, ce
qui explique l'économie générale de cette
enquête.
Les actes posés ici par l'OPJ doivent faire l'objet
d'une information à l'endroit de la personne chez qui l'OPJ doit
opérer. Il doit informer le particulier de son droit de refuser la
mesure coercitive qu'il entend mettre en oeuvre à son encontre. Tel est
le sens de la formule habituellement employée pour une perquisition. Le
principe demeure que l'OPJ doit obtenir l'autorisation du particulier
préalablement à l'exécution de tout acte de
l'enquête préliminaire à peine de nullité de l'acte,
voire de poursuite pénale contre son auteur16.
Une jurisprudence constante oblige le juge répressif
à vérifier que le consentement du particulier correspond,
au-delà de l'apparence, à une réalité17
en s'attachant à vérifier in concreto que le consentement a
été donné par une volonté parfaitement
informée de sa faculté de refuser l'acte
posé18.
16 Ainsi, une arrestation ne peut être
opérée sans l'assentiment de la personne arrêtée
(Paris 31 oct 1955, Verba : JCP 1956. II. 9092 ; CA Reims 18 mars 1984, Mme
FATMI JCP 1985, II, 20422, in S. GUINCHARD et J. BUISSON,
«Procédure pénale », Paris, Litec 2000, 864, p. 356.
17 Voir notamment : Cass. Crim 9 juillet 1953,
Acheraoui, D 1954, 110, 19 juin 1957, Guérin : D. idem.p 356.
18 Cass.Crim. 28 janvier 1987 : Bull. Crim n°
48.
Le consentement donné est irrévocable, c'est
dire que l'acquiescement préalable à l'exécution de l'acte
a pour effet d'autoriser définitivement l'exercice de la coercition sans
possibilité de rétractation ultérieure.
Cette enquête est exercée par l'OPJ soit sur son
instruction, soit sur l'instruction du PR (art. 116 CPP). La compétence
territoriale de l'OPJ est étendue sur sa circonscription administrative
de compétence définie par la réglementation en vigueur
(art. 88 (1) CPP).
Le champ d'application de l'enquête préliminaire
quant aux infractions apparaît plus étendu que celui de
l'enquête de flagrance, puisque toutes les infractions peuvent faire
l'objet d'une enquête préliminaire. Toutes les infractions exclues
du champ de l'enquête de flagrance peuvent faire l'objet d'une
enquête préliminaire.
Toute personne physique ou morale peut faire l'objet d'une
enquête préliminaire sous réserve du respect des
règles relatives aux immunités diplomatiques et à
l'inviolabilité parlementaire. L'enquête préliminaire
apparaît comme l'enquête de droit commun dans la mesure où
elle est la seule qui puisse être ouverte pour toutes infractions, sans
qu'il soit nécessaire de caractériser préalablement une
situation de fait particulier comme dans l'enquête de flagrance.
Aucune durée d'exécution ne lui a
été impartie à la différence de l'enquête de
flagrance. La seule limite à la mise en oeuvre d'une telle enquête
réside dans le fait que pour les mêmes faits, une information a
déjà été ouverte.
-L'apparition de la coercition ordinaire :
Le pouvoir de réquisition: l'OPJ peut requérir
une personne qualifiée aux fins de procéder à un examen
technique ou scientifique. En plus de ce pouvoir reconnu à l'OPJ,
celui-ci peut aussi commettre des experts. C'est le cas par exemple lors de la
détermination de l'âge
apparent d'un suspect qui ne dispose pas d'une pièce
d'identification et qui déclare être mineur. En cas de doute,
l'OPJ a le pouvoir de faire appel à un expert19 (art. 92 (2)
du CPP).
L'OPJ peut aussi requérir un expert aux fins
d'expertise médicale de la personne poursuivie pour des agressions
sexuelles ou encore des actes de torture ou de barbarie commis à
l'encontre de mineurs, ou encore aux fins d'expertise médico
psychologique du mineur qui en est la victime.
L'aménagement d'actes coercitifs: Lorsque l'OPJ obtient
une autorisation préalable du PR, une perquisition coercitive peut
être opérée chez le particulier sans son assentiment dans
le cadre de l'enquête préliminaire (article 93 (1) du CPP). Pour
les perquisitions, il y a lieu de souligner qu'au cours de l'enquête
préliminaire, la police et la gendarmerie ne peuvent procéder aux
perquisitions sans le consentement de l'intéressé. S'ils le font,
ils porteront atteinte au principe de l'inviolabilité du
domicile.20
L'interpellation coercitive du témoin : le
témoin convoqué est tenu de comparaître et de
déposer. S'il ne comparaît pas, l'OPJ en informe le PR qui peut
décerner contre lui mandat d'amener (article 92 (b) CPP).
b- Les actes de l'enquête
préliminaire
Nous avons ici les actes soumis à la contrainte
conditionnelle et les actes coercitifs de l'enquête
préliminaire.
Les actes soumis à la contrainte conditionnelle : il
s'agit du transport sur les lieux21, le constat, l'audition, la
garde à vue, la perquisition et la fouille. Pour ce qui est du
transport, il pourrait être librement entrepris dans un lieu ouvert
à tout public, ou a fortiori sur la voie publique.
19 L'OPJ adresse au médecin légiste une
réquisition aux fins de déterminer l'âge apparent du
suspect.
20 R. SOCKENG, « Les institutions judiciaires au
Cameroun »,2e éd., Douala 1998, p. 105.
21 L'OPJ qui se transporte sur les lieux doit dresser
un PV de transport sur les lieux. Voir à ce sujet annexe 7.
Exceptionnellement, le constat d'une infraction peut
être opéré de l'extérieur lorsque commise en plein
air, cette infraction peut être perçue de l'extérieur d'une
propriété22.
L'audition doit respecter les conditions fixées par la
loi, à savoir le fond et la forme. L'audition des mineurs23
doit se faire en présence, soit de leurs parents, soit d'un membre de la
famille du mineur ou de l'administrateur ad hoc.
La garde à vue du suspect doit être
ordonnée par l'OPJ et doit respecter les conditions fixées par la
loi (art. 118 et SS du CPP). Selon l'art. 117 du CPP, à la clôture
de l'enquête, le suspect qui n'a pas de résidence connue ou qui ne
présente aucune des garanties prévues à l'art. 246 (g) est
arrêté et conduit devant le PR s'il existe contre lui des indices
graves et concordants. Le suspect qui a une résidence connue ou qui
présente l'une des garanties prévues à l'article 246
(g)24 est laissé en liberté25. Ici nous
constatons que la liberté est le principe et la garde à vue est
l'exception. Mais il se pose un problème de résidence du suspect.
La loi n'a pas défini ce que c'est que la <<résidence
connue ».En plus, nous savons que dans notre pays le processus d'adressage
n'est pas aussi performant que celui des pays occidentaux. Le
législateur pénal ferait mieux de définir clairement la
notion de <<résidence connue » afin que nul n'en ignore. Il
existe des personnes qui résident dans les hôtels par exemple.
Pourra-t-on parler dans ce cas de résidence connue ? Cette notion fait
partie des innovations contenues dans le CPP et pose un problème
d'interprétation. Nous pensons que la jurisprudence viendra nous
éclairer (cf. la mise en liberté sous caution, art.224
CPP26 ; voir enquête de flagrance).
Lorsque la perquisition et la fouille sont régies par
une autorisation du PR, l'assentiment du maître des lieux n'est pas
exigé. Elles doivent respecter les heures légales, à
savoir 18 heures et
22 Cass. Crim 4 mai 1994, inédit, 23 août
1994, Mesneuux ; Bull. Crim n° 291.
23 Au Cameroun la majorité pénale est de
18(dix huit) ans
24 L'article 246 g) énonce que la personne
arrêtée peut pour sa mise en liberté provisoire <<
fournir, en vue de garantir sa représentation en justice: soit un
cautionnement dont le montant et les modalités de versement sont
fixés par le juge d'instruction, compte tenu notamment des ressources de
l'inculpé, soit un ou plusieurs garants conformément aux
disposition des articles 224 et suivants.
25 Les dispositions des articles 246 g) et 224 (1) du
CPP ne s'appliquent pas aux personnes poursuivies pour crime passible de
l'emprisonnement à vie ou de la peine de mort (article 224 (2) DU
CPP).
26 Voir annexe 1 le PV d'engagement du garant.
06 heures du matin dans un lieu privé. Mais une
perquisition commencée avant 18 heures peut se poursuivre jusqu'au
delà de cette heure. L'assentiment est exigé pour la saisie de
tout objet opéré en dehors de toute perquisition ou encore pour
toute saisie incidente (art.94 (1) CPP).
Les actes coercitifs : En matière d'enquête
préliminaire le principe est la non coercition des actes posés
par l'OPJ. Mais il arrive dans certains cas où l'OPJ serait
obligé de contraindre certaines personnes pour la bonne marche de son
enquête.
C'est le cas par exemple lorsqu'une personne convoquée
ou interpellée, après son audition, s'avère être
impliquée dans la commission de l'infraction, objet de l'enquête.
Alors, l'OPJ va se voir obligé de la placer en garde à vue tout
en respectant les dispositions de l'article 117 du CPP. Ainsi la personne passe
de la qualité de témoin à celle de suspecte.
L'OPJ qui dispose du pouvoir de retenir une personne afin de
vérifier son identité peut la garder à vue (article 86 du
CPP).
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