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La faute de l'Administration en matière foncière au Cameroun

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par Ariane Lidwine NKOA NZIDJA
université de Yaoundé II - Diplôme d'études approfondies en droit privé 2008
  

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§ 2 : La singularité de la faute administrative

Comme sus évoqué, la faute administrative se distingue de la faute ordinaire commise par une personne. Cet état de chose est dû non seulement à l'auteur de la faute, en ce que l'administration s'entend, comme une pluralité de personnes juridiques étant toutes des personnes morales qui n'agissent qu'à travers leurs organes qui sont des personnes physiques. La faute administrative serait alors la faute commise par un agent, une autorité ou un service administratif. Cette faute est indissociable de l'idée du service qui constitue sa principale caractéristique21(*). C'est à la jurisprudence PELLETIER que la notion de «faute rattachée au service» tire son origine. Il est loisible d'analyser la faute de service qui se distingue de la faute personnelle de l'agent (A), mais encore aller au-delà de cette distinction pour mieux rendre compte de la notion de faute administrative, et ceci à travers la prise en compte du degré de gravité de la faute dans la qualification de faute administrative (B).

A - Le rattachement au service : la qualification de faute de service ou de faute personnelle

Le rattachement de la faute au service comme critère de distinction de la faute administrative soulève la question de la dualité faute personnelle - faute de service qui a longtemps intéressé la doctrine, et a eu un retentissement en jurisprudence depuis l'arrêt PELLETIER22(*).

Dès lors, pour rendre compte de la notion de faute de service, il sied de ressortir la ligne de démarcation qui existe entre elle, et la faute personnelle. Il s'agit donc de relever les notions et les contours de la faute personnelle d'une part (1), et de la faute de service d'autre part (2).

1 - Notion et contours de la faute personnelle

La définition et la recherche des critères de la faute personnelle ont été l'oeuvre de la doctrine face à l'absence de formule de portée générale de la jurisprudence.

C'est sous l'impulsion de E. LAFERRIERE dans ses conclusions dans l'affaire Laumonier-Carriol23(*) que la faute personnelle a pu être systématisée. Ainsi, il y a faute personnelle « si l'acte dommageable révèle l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences ». De ce qui précède, l'on peut dégager deux traits susceptibles de révéler la faute personnelle : l'intention malveillante et la gravité de la faute. Mais cette approche s'est effacée peu à peu, devant le rapport, de la faute au service, et du comportement de cet agent et du service. Dans tous les cas, la faute personnelle est celle-là qui peut être sanctionnée par le juge judiciaire sans que ce dernier n'apprécie le fonctionnement du service public.

Une faute sera alors qualifiée de personnelle, soit parce qu'elle a été commise par l'agent en dehors de l'exercice de ses fonctions, soit parce que, alors même que l'agent est en fonction, elle révèle un comportement incompatible avec le service.

En ce qui concerne la faute sans rapport avec le service, l'acte révèle l'homme à titre privé ; il est totalement étranger au service. Il s'agit alors de fautes intentionnelles ou délits intentionnels de droit commun, notamment d'un accident de la circulation provoqué par un agent utilisant sa voiture personnelle en dehors de toute mission de service ; il en est aussi le cas, dans les hypothèses où, la fonction, n'a que très indirectement fourni les moyens de l'acte dommageable ; à titre d'exemple, l'utilisation d'armes fournies par le service dans des opérations purement personnelles, notamment, le vol, le meurtre commis au cours d'une altercation privée.

Ensuite, quant à ce qui est de la faute non dépourvue de lien avec le service, ce sont généralement des fautes commises à l'occasion de l'accomplissement du service, à l'instar d'une volonté d'enrichissement personnel qui entraîne le pillage d'un logement exproprié, d'un dommage provoqué par un agent qui s'est enivré pendant son service, de brutalités ou de violences physiques envers un usager, de propos grossiers, injurieux ou diffamatoires. Bref il y a faute personnelle lorsque le but personnel recherché entache l'acte ou l'agissement de l'agent administratif ; cela est d'ordre purement psychologique, d'une vengeance, de l'intention de nuire, d'une animosité personnelle envers un individu.

En tout état de cause, la faute personnelle est celle-là qui est dépourvue de tout lien avec le service, c'est-à-dire, a été commise hors du temps et du lieu de service, et est révélatrice d'un comportement incompatible avec la qualité d'agent administratif.

2- La faute de service

La faute de service, entendue comme un acte dommageable commis par un agent public à l'occasion de l'exécution du service, et dont la réparation incombe à l'administration, a longtemps constitué la clef de voûte du régime de la responsabilité de l'administration, son fondement et sa condition première. Elle demeure une des notions majeures des systèmes développés par les jurisprudences Blanco & Pelletier en tant qu'elle est une technique spécifique d'engagement de la responsabilité administrative. En doctrine, la faute de service peut avoir un prolongement technique à savoir la faute du service. Aussi, selon le Lexique des termes juridiques, en droit administratif on distingue deux catégories de fautes : « la faute du service public [ ] désignant tout défaut de fonctionnement des services publics de nature à engager la responsabilité pécuniaire de l'administration à l'égard des administrés » et la « faute de service [...] désignant toute faute qui n'ayant pas le caractère de faute personnelle, ne peut engager la responsabilité civile de son auteur que ce soit envers l'administration ou envers les administrés ».

Au regard de la définition donnée par E. Laferriere, selon laquelle, il y a faute de service seulement « si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur », la faute de service grosso modo est celle-là qui est commise par un agent en temps et en lieu de service, et qui ne peut être détachée de ses fonctions.

La faute de service dans son analyse aura deux caractères fondamentaux : c'est une faute anonyme, c'est une faute directe.

Faute anonyme d'une part parce qu'il y a dépersonnalisation de l'agent qui l'a commise. L'individualisation de l'agent est sans intérêt car sans effets juridiques. C'est le service seul qui est mis en cause. Cela ne veut pas dire que c'est le service qui commet une faute, étant une personne morale, il ne peut agir lui-même, mais seulement à travers ses organes. Claude Gour dit à ce propos que « la faute de service sera toujours la faute d'un homme mais la personnalité de ce dernier est gommée dans le contentieux... »24(*).

D'autre part, la faute de service est une faute directe dans la mesure où la victime, l'administré lésé n'a pas besoin d'identifier l'auteur physique de la faute ; il suffit d'invoquer le fait objectif du fonctionnement défectueux du service qui est à l'origine du dommage. L'imputabilité du dommage à l'administration est directe contrairement aux mécanismes d'imputation de la faute des articles 1382 et suivant du Code civil qui obéissent à des règles particulières.

A tout le moins, tout acte juridique, ou tout agissement matériel de l'administration sont susceptibles de s'analyser en faute de service. Tout réside dans l'anormalité de l'action administrative. La faute de service apparaît comme une violation des lois et des règles du service, ou comme un manquement aux obligations de service. L'idée sous-tendue ici est celle selon laquelle la puissance publique n'est liée ni à la faute de l'agent, ni à la faute de la personne morale répondante, mais au fait du service qui a un caractère fautif par référence à ce que l'administré était en droit d'attendre. Selon le Professeur Duez on distingue alors trois hypothèses de faute de service.

Il y a faute de service :

· lorsque le service a mal fonctionné25(*)

· lorsque le service n'a pas fonctionné du tout

· quand le service a fonctionné tardivement.

Néanmoins, tout resterait simple si ce critère de distinction faute personnelle - faute de service est purement objectif et matériel, que s'il est affaire de temps ou de lieu de service ou au contraire de vie privée. Mais cela n'est pas toujours aisé, car tout agent de l'administration reste simultanément un homme, une personne privée dans l'exercice de ses fonctions. Et comme le disait Monsieur Gour, « l'homme et l'administrateur ne se laissent pas aisément séparer dans la réalité ; pendant l'exercice de ses fonctions, il reste une personne privée avec ses faiblesses, ses passions et simultanément, hors du service sa profession peut faciliter la commission de faute à l'aide des moyens fournis par le service »26(*). Ce sont donc des situations d'enchevêtrement qui complexifient la distinction nette faute personnelle et faute de service, et comme le déclare le Professeur GUIMDO, « cette distinction est d'application difficultueuse. ».

* 21 V. supra

* 22 En 1873, l 'autorité militaire a fait saisir, en vertu des pouvoirs qu'elle exerce en état de siège, le premier numéro d'un journal dont la publication avait été entreprise par le sieur Pelletier. Ce dernier porta l'action devant le tribunal de Senlis, juridiction de l'ordre judiciaire, pour faire déclarer arbitraire et illégale, nulle et de nul effet la décision administrative ; et donc, la restitution des exemplaires du journal saisi, et la condamnation des défendeurs notamment, le Général LADMIRAULT, commandant de l'état de siège, le Préfet du département M.Choppin et M.Leudot, Commissaire de police, à payer des dommages intérêts s'élevant à 2000F Français.

Le Tribunal de Conflit décida que l'interdiction et la saisie du journal appartenant au sieur Pelletier, et ordonnées par le Général LADMIRAULT, constituent une mesure préventive de haute police, et parce que la demande de Pelletier se fonde exclusivement sur cet acte de haute police administrative, et qu'en dehors de cet acte, il n'impute aux défendeurs, aucun fait personnel de nature à engager leur responsabilité personnelle et particulière, le Tribunal de Senlis étant incompétent pour connaître la demande de sieur Pelletier.

TC 30 juillet1873, PELLETIER, Rec.1er suppl.117, concl. David D.1873.3.5.

* 23 T C 05 Mai 1877, Rec. p. 437

* 24 V. Claude GOUR, faute de service in Répertoire de la Responsabilité de la Puissance Publique ( RRPP), Dalloz, Paris, p.18 .

* 25CS/CA, jugement n°45 du 27 mai 1982, DZIETHAM Pierre c/ Etat du Cameroun: dans l'espèce, la voie publique défectueuse a causé un dommage au sieur Dzietham, inédit ;

Également, CS/CA, jugement n°13 du 23 novembre 1989, ENYENGUE DIPOKO Bernard c/ Etat du Cameroun, inédit.

* 26 Claude GOUR op. cit.

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