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L'attitude postérieure de la victime et la réparation du dommage.

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par Francis Riche BILONG NKOH
Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit privé fondamental 2007
  

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DEUXIEME PARTIE :

L'EVOLUTION PERCEPTIBLE DU DROIT CAMEROUNAIS VERS L'ADMISSION DE L'OBLIGATION DE MINIMISATION DU DOMMAGE

Un regard attentif sur l'évolution du droit consacré par les textes camerounais et dans une certaine mesure, par la jurisprudence camerounaise, nous pousse fortement à constater un ralliement progressif (ou une tendance) du droit positif camerounais à la soumission de la victime à l'adoption d'une attitude obligeant cette dernière à minimiser le dommage et par ricochet, à réduire le coût de la réparation ;de telle sorte qu'en l'absence du respect de cette règle par la victime, sa réparation se verra réduite. Il s'agit d'une position remettant sérieusement en cause la position de principe. En effet la critique de cette position avait déjà été amorcée par plusieurs auteurs. Demogue par exemple pense que « l'utilité sociale d'arrêter un dommage si on le peut, se substitue en un droit solidariste obligeant la victime à travailler pour l'intérêt général.71(*)». Pour sauvegarder l'intérêt général, et aussi pour essayer de limiter autant que faire se peut l'ampleur des conséquences négatives créées par la position de principe, le droit camerounais, à travers les textes et par le biais de la jurisprudence, s'est vue dans l'obligation d'avoir une position à travers laquelle on peut ressortir sa tendance vers la soumission de la victime à l'obligation de minimiser le dommage afin de réduire l'importance du coût global de la réparation du dommage. Grâce aussi à l'avènement de la règle de « l'obligation de minimiser le dommage », existant déjà dans certains droits sous forme de principes tels que le droit anglo saxon où elle a pris sa source72(*). C'est ainsi qu'au regard de cette évolution du droit camerounais, on peut percevoir une tendance ou une orientation vers la consécration de l'obligation de minimisation du dommage (chapitre I), mais, il s'agit néanmoins d'une tendance qui nécessite un aménagement considérable (chapitre II).

CHAPITRE I : LA TENDANCE VERS LA CONSECRATION DE L'OBLIGATION DE MINIMISATION DU DOMMAGE

L'attitude de la victime, en l'état actuel du droit positif, fait l'objet d'une attention particulière. Car, les victimes, dans bien de cas, agissent par passivité et adoptent une conduite qui pousse à croire fortement que l'état de victime est une source d'enrichissement à travers l'octroi de D.I. importants qui peuvent découler de la réparation du dommage qu'ils ont subi. C'est donc une situation qui est susceptible d'engendrer des abus de la part de ces dernières. Et comme l'a si bien dit Horitia Muir Watt, la victime doit «  cesser de pleurer sur du lait renversé »73(*), et faire preuve d'une attitude plus responsable et moins négligente. C'est ainsi que le droit camerounais ne s'est pas fait attendre pour manifester sa tendance vers la consécration de l'obligation de minimisation (section I), une orientation vers la consécration de l'obligation de minimisation qui existe plusieurs raisons (section II).

SECTION I : LES MANIFESTATIONS DE LA TENDANCE

Ce qui permet de voir comment se manifeste la tendance vers la consécration de l'obligation de minimisation, c'est que le droit camerounais s'est orienté d'une manière certaine vers la consécration de l'obligation en matière contractuelle (paragraphe I), en notant qu'il laisse aussi une grande possibilité de s'orienter vers cette consécration en matière délictuelle (paragraphe II).

Paragraphe I : Une orientation certaine vers la consécration de l'obligation de minimisation en matière contractuelle

Dans le domaine commercial, il existe des dispositions qui tendent à obliger la victime sont bel et bien consacrées dans le domaine commercial (A), et dans d'autres domaines du droit des contrats (B).

A) Dans le domaine commercial

Dans le domaine commercial, on peut d'abord évoquer la consécration de cette tendance dans la vente commerciale (A), et ensuite, dans les contrats de louage ou de fourniture de services (B).

1) Dans la vente commerciale

Parmi les textes en vigueur qui régissent la vente commerciale, l'acte uniforme OHADA74(*) relatif à la vente commerciale est un texte qui contient des dispositions qui peuvent fortement nous pousser à entrevoir, dans une certaine mesure, une consécration de l'obligation de minimiser le dommage ; c'est notamment le cas de l'article 266 du livre V de l'acte uniforme, qui dispose que : «  la partie qui invoque un manquement essentiel au contrat doit prendre toutes mesures raisonnables eu égard aux circonstances, pour limiter sa perte, y compris le gain manqué résultant de ce manquement.

Si elle néglige de le faire, la partie en défaut peut demander une réduction des dommages intérêts égale au montant de la perte qui aurait pu être évitée ». De ce texte, on peut constater que le vendeur ou l'acheteur doit prendre des mesures raisonnables chaque fois qu'il y a manquement « essentiel » de l'autre partie au contrat. Certains auteurs voient même en cet article une consécration de l'obligation de minimiser le dommage75(*). Mais, il conviendrait de préciser que ce n'est qu'en cas d'inexécution essentielle au contrat que l'obligation de modération du dommage doit être mise à la charge de la victime dans le but de limiter la perte ou le dommage dont il est victime. Le manquement essentiel pouvant se concevoir comme « tout manquement qui cause à l'autre partie un préjudice tel qu'il prive cette victime substantiellement de ce qu'elle était en droit d'attendre (il s'agit ici des attentes raisonnables) du contrat76(*). », en vertu de l'article 248 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général. Ainsi, le fait de limiter l'obligation de minimisation du dommage dans le cadre d'une inexécution substantielle qu'il y a, dans une certaine mesure reconnaissance de l'obligation de minimiser le dommage, mais, pas au sens des législations dans les quelles l'obligation n'est pas seulement limitée dans le cadre d'un « manquement essentiel » au contrat77(*) ; car selon ces dernières, la victime doit avoir recours à la prise des mesures de limitation du dommage chaque fois qu'il y a manquement au contrat.

Des projets en cours dans l'espace régit par le droit OHADA et même ailleurs78(*) militent aussi en faveur de cette tendance. C'est le cas dans l'espace OHADA de l'avant-projet de l'acte uniforme OHADA relatif au droit des contrats, les limites apportées à la mise en oeuvre des mesures de diligence par la victime pourront disparaître, car, il n'existera plus une exigence rigoureuse d'un manquement essentiel. C'est ce qui ressort de la lecture de l'article 7/26 de cette loi qui précise que : « le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure où le créancier aurait pu l'atténuer par des moyens raisonnables. ». Ce texte s'est inspiré des dispositions des « principes d'unidroit79(*) » applicables en France, qui font référence à la limitation du dommage par la victime à l'article 7.4.8. L'alinéa 1 de cet article dispose que : « le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure où le créancier aurait pu l'atténuer par des moyens raisonnables. », ensuite, l'alinéa 2 du même article permet au créancier victime de « recouvrer les dépenses raisonnablement occasionnées en vue d'atténuer le préjudice. ». En plus des principes d'Unidroit, les principes du droit européen des contrats80(*) ont aussi inspiré l'avant-projet du droit des contrats OHADA. L'article 9.50 (1) de ces principes dispose en effet que : « le débiteur n'est point tenu du préjudice souffert par le créancier pour autant (...) qu'il aurait pu réduire son préjudice en prenant des mesure raisonnables. ».

Ensuite, nous avons la convention de Viennes relative à la vente internationale des marchandises81(*) qui a aussi inspiré la position des textes OHADA sur l'obligation de minimiser le dommage. L'article 77 de cette convention prévoit en effet que : «  la partie qui invoque la contravention au contrat doit prendre toutes les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué résultant de la contravention. ».Enfin, on peut encore citer comme texte ayant inspiré la législation OHADA à agir en faveur de l'obligation de minimiser le dommage est la convention de La Haye relative à la vente d'objets mobiliers corporels82(*). Celle-ci précise en son article 88 que la partie qui invoque la contravention au contrat est tenue de prendre toutes les mesures raisonnables afin de diminuer la perte subie. Si elle négligeait de le faire, l'autre partie peut demander la réduction des dommages intérêts. »

On peut ainsi remarquer que la tendance actuelle du droit positif évolue vers une admission de l'obligation de minimiser le dommage, mais, il s'agit d'une position qui s'inspire de plusieurs textes internationaux, inspiration qui résulte d'une influence importante des législations ayant reconnu cette obligation, à l'instar du droit anglo saxon. En plus du domaine de la vente commerciale, on peut aussi évoquer d'autres types de contrats où le droit positif a retenu une obligation de minimiser le dommage à la charge de la victime.

2) Dans d'autres types de contrats commerciaux

Le droit positif révèle son attachement à l'admission d'une obligation de minimisation du dommage à la charge de la victime dans certains contrats, à l'exemple de ceux où une partie peut vendre ses services à une autre (contrat de prestation ou de fourniture de service), c'est-à-dire effectue une tâche en contrepartie d'une rémunération ou moyennant un certain prix. Ceci peut ressortir à travers une certaine interprétation de l'article 1151 du code civil83(*) (qui diffère de celle qui va dans le sens de l'hostilité du droit camerounais à faire peser sur la victime un devoir de minimisation84(*)) qui dispose que : «  même en cas de dol commis par le débiteur, les dommages intérêts ne doivent comprendre, à l'égard de la perte éprouvé, que ce qui est la suite immédiate et directe de l'inexécution. » Cette disposition permettrait de priver le créancier de la possibilité d'obtenir la réparation du préjudice qui résulte de l'aggravation du dommage initial. Il s'agit ici d'une aggravation qui n'est pas une suite immédiate et directe du dommage, mais, d'une suite dont le caractère indirect peut résulter de l'adoption par la victime d'une attitude plus ou moins négligente ou passive provoquant ainsi l'aggravation du préjudice. C'est la position que la jurisprudence camerounaise a eu à adopter dans une affaire opposant les Ets ATTIS Coiffure au Ministère des Postes et Télécommunication (MINPOSTEL). Par un arrêt de la Cour Suprême camerounaise85(*) relative à cette affaire, l'obligation imposée à la victime d'adopter une attitude raisonnable en cas de dommage c'est-à-dire, une obligation de prendre des mesures de diligence pour empêcher l'aggravation du préjudice a été posée. En l'espèce, le MINPOSTEL avait suspendu la ligne téléphonique de ATTIS Coiffure ; ATTIS, ne pouvant plus communiquer par téléphone notamment pour informer les clients de la livraison à la date convenue avec ces derniers (ses clients) des marchandises commandées, a décidé de demander l'indemnisation du préjudice résultant de la suspension de la ligne téléphonique et des dommages intérêts pour la résiliation des bons de commande, en raison du défaut de livraison des marchandises commandées, en notant que ce dernier préjudice découle de l'aggravation du premier (de la suspension). Les juges de la Cour d'Appel ont condamné le MINPOSTEL à 1 000 000frs CFA (un million de francs CFA) pour la réparation du préjudice moral souffert par ATTIS en raison de la suspension du téléphone que cette Cour a qualifiée de fautive. Mais, en ce qui concerne les conséquences de la coupure fautive, c'est-à-dire le préjudice qui résulte du défaut de livraison des marchandises, la Cour d'Appel a jugé que : « l'on ne saurait établir un lien direct entre la coupure et la résiliation des bons de commande ; alors et surtout que si la gérante était diligente, pour livrer les marchandises à ses clients, l'incidence de la suspension de la ligne téléphonique allait être négligeable », car, la victime (ATTIS) ne justifiait même pas d'un quelconque déplacement à l'étranger et qu'elle pouvait prendre des mesures pour empêcher, limiter voire éviter l'aggravation de son préjudice. La victime décide donc de se pourvoir en Cassation, mais sa demande fut déclarée irrecevable car, selon la Cour Suprême (qui s'est fondée sur l'article 13(2) de la loi N°75/16 du 08 décembre 1975 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour Suprême), le moyen qu'elle excipe n'indique pas le contenu du texte ou du principe violé. On peut donc déduire par là que la victime n'ayant pas démontré que la Cour d'Appel a violé ou a mal appliqué la loi ou un principe de droit, l'article 1151 du Code civil paraît bien être le texte auquel les juges de la Cour d'Appel ont eu recours ici ; car selon eux, il y a absence de « lien direct » entre le dommage (la suspension du téléphone) et les conséquences de ce dommage (l'absence de livraison des marchandises).

La jurisprudence française aussi, a eu, à travers certaines décisions tendance à admettre ce principe dans quelques affaires86(*). Dans la première affaire opposant la Société AUCHAN à la Société P.B.C, la Cour d'Appel de Douai a décidé par un arrêt du 15 mars 2001 que l'indemnisation due à la Société AUCHAN pour la rupture du lien contractuel par la Société P.B.C devait être réduite de 25% du préjudice économique subit par la Société AUCHAN ; cette réduction de l'indemnisation a été instituée à cause de l'imprévoyance de la victime ; car, elle a négliger le fait qu'elle ne pouvait et ne devait plus escompter une perpétuation des relations contractuelles, et trouver un autre partenaire dans le but d'empêcher l'aggravation du préjudice qui résulte de la rupture des relations contractuelles dont elle est victime.

Dans une autre affaire enfin, la Cour de Cassation française a sanctionnée l'Office public d'H.L.M, victime d'une absence de facturation de fourniture d'eau par la Compagnie Générale des Eaux. Cette sanction est faite sous le visa de l'article 1134(3) qui fait référence à la bonne foi dans l'exécution du contrat, car la victime avait l'obligation de prendre des dispositions ou des mesures pour vérifier si la fourniture d'eau qui lui était desservie était bel et bien facturée, mesure censée empêcher une accumulation des factures impayées par une absence prolongée de facturation ( en fait, il s'agit d'une mesure qui a pour but d'empêcher l'aggravation qu'elle a subi par une absence de facturation d'eau.).

On constate bien que le droit positif camerounais et celui de la France n'ont pas pu résister à l'admission de l'obligation de minimiser le dommage par l'existence des règles tendant à admettre cette obligation. Ce constat peut également être fait en matière d'assurance et dans les contrats internationaux.

* 71 R. Demogue « traité des obligations en général » ;A. Mettetal op. Cit. p.1925

* 72 A. Akam Akam op. Cit.p.9 ; C'est d'abord la jurisprudence anglaise qui a eu à consacrer cette obligation, dans l'affaire Dunkirk Collierers co c/ llever (1872) Affaire dans laquelle le juge James précisa en effet que : « les demandeurs sont en droit d'être indemnisés du montant intégral du préjudice qu'ils ont subi en raison de l'inexécution du contrat ;en même temps, celui qui n'a pas exécuté ne doit pas être assujetti à une perte supplémentaire provenant du fait que les demandeurs n'ont pas fait ce qu'ils devaient faire en tant qu'Hommes raisonnables ( en vue de limiter l'importance du préjudice) » ; elle sera encore mieux précisée par V. Haldane dans un arrêt rendu en 1912 en ces termes : « le principe fondamental, c'est l'indemnisation de la perte pécuniaire découlant normalement de l'inexécution. Mais, ce principe est corrigé par un deuxième qui impose au demandeur le devoir de prendre toutes les mesures raisonnables en vue de limiter l'importance de la perte résultant de l'inexécution et lui interdit de réclamer la perte causée par sa passivité ». Même le droit américain à eu à consacrer cette obligation dans le « Uniform Commercial American Code ».

A l'appui de ce droit on peut encore citer les droits italien , éthiopien , belge,canadien, allemand...

* 73 H. Muir Watt, la modération des dommages en droit anglo américains. Colloque CEDAG, 21mars 2002 LPA,n°232 pp.45-49 ;M.Naussenbaum Op. Cit. P.6

* 74 Loi adopté le 17 avril 1997, et entrée en vigueur le 1er janvier 1998, découlant du traité du 12 octobre 1993 signé à Port-louis en Île Maurice par plusieurs Etats africains dont le Cameroun ; traité ayant pour but de doter les pays de l'Afrique, tout au moins, les pays de la zone Franc, d'un droit des affaires commun.

* 75 A. Akam Akam op. Cit. p. 14

* 76 Emmanuel S Darankoum, le critère de privation substantielle, « condition de la résolution dans la vente commerciale OHADA » p.4

* 77 Voir supra p.30, note de bas de page 73

* 78Cas précisément de l'avant-projet de réforme du droit des obligations connu sous le nom de « projet Catala » en France.

* 79 Les principes d'unidroit sont un ensemble de règles juridique adopté par le conseil de direction d'unidroit à la 83e session à Rome (Italie) du 19 au 21 avril 2004.

* 80 Les principes du droit européen des contrats sont des principes destinés à s'appliquer en tant que règles générales du droit des contrats dans l'Union Européenne ; en notant qu'ils ont été adoptés par la commission Lando.

* 81 Convention de Viennes sur la vente internationale des marchandises du 11 avril 1980.

* 82 Convention de La Haye portant loi uniforme sur la vente des objets mobiliers corporels du 1er juillet 1964.

* 83 S. Refeigerste op. Cit. A. Mettetal op. Cit.

* 84 Voir supra p.9

* 85 Arrêt N°354/CC du 08 septembre 2005

* 86 Patrick Matet op cit. p.4

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon