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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoirepar Arsène NENI BI Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018 |
A. UN ROLE INDISPENSABLE DES ONGLes Organisations non gouvernementales (ONG)744 opèrent sous différents mandats et se focalisent sur un large éventail de différentes questions. Leur taille varie de quelques personnes à des opérations internationales majeures et elles emploient différents types de professionnels. Elles travaillent sur un niveau international, régional, national ou local. De façon générale, il existe de nombreux moyens pour les organisations non gouvernementales et autres membres de la société civile de s'engager et de soutenir d'autres systèmes mondiaux, régionaux et nationaux de suivi et d'application des droits de l'enfant. Ces derniers incluent : « - La promotion du développement de l'adoption et de la ratification des traités ; - La pression auprès des Etats afin qu'ils mettent en oeuvre les obligations imposées par le traité ; - La surveillance de la conformité des Etats concernant leurs obligations ; - La soumission d'informations et de rapports écrits aux organes de la charte des traités internationaux et régionaux ; - La participation et la contribution aux sessions des organes de la charte et des traités internationaux et régionaux, le cas échéant ; - La soumission de plaintes individuelles aux organes de traités, au Conseil des droits de l'homme et aux cours régionales des droits de l'homme ; - L'éducation des individus concernant leurs droits humains ; - Attirer l'attention sur les violations des droits de l'homme et de couvrir de honte les pays afin qu'ils prennent des mesures ; - La mobilisation de soutien pour l'application des droits de l'homme745. » 744 A propos du rôle des ONG en matière de droits humains, lire : MELEDJE (D.), La contribution des organisations non gouvernementales à la sauvegarde des droits de l'homme, Thèse de doctorat d'Etat en droit public, Université d'Amiens, 1987, 556p. 745 JESSICA (C.), LAWRENCE (J.C.), Les droits de l'homme, Harvey J.Langholtz , Peace operations trainig institute, Williamsburg, 2014, p.137. 283 En Côte d'Ivoire, les actions menées par les ONG peuvent être classées en trois groupes. Tout d'abord, la sensibilisation et le plaidoyer, ensuite l'assistance juridique et enfin l'assistance matérielle et psychologique. 1. La sensibilisation La sensibilisation représente l'une des activités prépondérantes des ONG en matière de lutte contre le phénomène de la violence à l'égard des enfants. Les activités consistent en des causeries, conférences, des émissions radiophoniques. Des campagnes intensives concentrées sur une période donnée sont également réalisées. Une attention est également accordée à la production d'outils et de supports divers tels que les affiches, les dépliants, les sketches sur cassettes vidéos et sur cassettes audio. Des scénettes, des sketches et des pièces de théâtre sont présentés dans divers milieux pour traiter publiquement de la question de la violence, susciter le débat dans le but d'exhorter les victimes à dénoncer les actes de violences et à rechercher de l'aide et d'amener les différents acteurs par lesquels passe une solution au problème, à prendre leurs responsabilités. Des réformes à cet effet sont exigées de la part des autorités nationales. En Côte d'Ivoire, les organisations non gouvernementales sont de plus en plus sollicitées par les services gouvernementaux en charge de la promotion des droits de l'enfant. Elles interviennent en qualité d'experts et de techniciens et sont parfois intégrées à des comités de lutte contre certaines formes de violences faites aux droits de l'enfant. Par exemple, la coalition ivoirienne pour les droits de l'enfant qui comprend des ONG de promotion de l'enfance est membre du Comité national de lutte contre le travail des enfants. La présence d'une coalition des organisations de la société dans ce comité lui permet d'atteindre et de mobiliser plus facilement les populations. Par souci d'efficacité, comme c'est le cas en matière d'excision, les ONG associent parfois aux activités de sensibilisation, un appui pour la réalisation d'activités génératrices de revenus. Ainsi, l'action de certaines ONG a permis la reconversion d'une centaine d'exciseuses dans les activités génératrices de revenus telles que le tissage, la teinture, la poterie, la fabrication de briques cuites et l'aviculture. Par leurs pressions, les associations peuvent pousser le Gouvernement à initier et faire adopter une législation beaucoup plus 284 protectrice des droits de l'enfant746. Elles ont remporté de nombreuses grandes victoires ; par exemple, la convention 2006 relative aux droits des personnes handicapées, résulte principalement du lobbying des ONG. Cette importante augmentation du pouvoir et de la présence des ONG a conduit les observateurs à parler de deux dernières décennies comme le début d'une « révolution du plaidoyer »747. 2. L'assistance juridique La Commission Internationale de Juristes (CIJ) définit l'assistance juridique748, les services juridiques ou encore les cliniques juridiques comme étant « des dispensaires de services juridiques à l'instar des dispensaires de santé publique. Ils dispensent une instruction juridique, ...informent les populations de leurs droits et leur montrent comment elles peuvent les faire valoir et les garantir ». En Afrique, cette activité a démarré à titre expérimental à Dakar à l' l'initiative de la CIJ749. Elle consistait en la formation de para juristes qui sont des personnes qui vulgarisent le droit dans leur communauté. Devant le succès enregistré par cette démarche, de nombreuses ONG de différents pays ont adopté la méthode et l'ont centrée sur la problématique des droits de l'enfant. Concrètement, les cliniques ou services juridiques sont des lieux où les enfants peuvent trouver des spécialistes du droit qui leur donnent des conseils juridiques, les assistent et font des médiations en vue de résoudre les problèmes auxquels elles sont quotidiennement confrontées. Des exemples tirés de l'expérience des centres d'assistance juridiques démontrent que les enfants victimes de violences consultent peu ces centres pour y chercher une solution. L'essentiel des activités d'assistance juridique consiste à écouter les plaignants, à les informer du contenu de la législation et des recours dont elles disposent, à les introduire au besoin devant les tribunaux par la rédaction d'une requête ou d'une plainte et à suivre leur 746 Il y a eu lieu de mentionner le rôle éminemment déterminant des ONG dans l'élaboration, la signature et la ratification de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. 747 IGNATIEFF (M.), « Human Rights as Politics », In. Michael Ignatieff, Human Rights as Politics and Idolatry (2001), p.8. 748 Pour plus d'infos sur l'assistance juridique adaptée aux enfants, lire avec intérêt, Unicef, Undoc, l'assistance juridique adaptée aux enfants en Afrique,
Juin 2011 disponible sur 749 https://www.icj.org/ (consulté le 18 septembre 2015). 285 dossier. Certaines ONG comme l'Organisation Nationale pour l'enfant, la femme et la famille (Onef) 750 organisent des consultations mobiles et sillonnent le pays pour apporter l'information et le conseil juridique aux enfants. Dans l'ensemble des pays, ces prestations sont gratuites. Cependant, dans certaines localités du pays, l'assistance juridique commence à être rémunérée de façon très modique. Ces associations aident également les enfants à se faire établir des certificats de nationalité751 et, à la demande des victimes, invitent les personnes violentes à l'égard des enfants pour leur exposer la loi et discuter avec eux pour arrêter les violations et abus des droits de l'enfant. 3. L'assistance psychologique et matérielle La prise en charge psychologique et matérielle des enfants en difficulté est un volet important de la lutte contre les violences car il convient d'éloigner les enfants victimes et leur domicile et de les aider à reprendre confiance en eux-mêmes. Des centres d'accueil existent à cet effet pour héberger les enfants accusés de sorcellerie, les jeunes filles victimes de mariages précoces ou de violences conjugales. Certains centres comme ceux du Centre espoir de Grand-Bassam, créé par l'association Enfance Meurtrie Sans Frontières (EMSF)752, offrent en plus de l'hébergement, une prise en charge psychologique, médicale, alimentaire et scolaire aux enfants. Il en va de même de l'ONG Dignité et Droits de l'enfant en Côte d'Ivoire (DDECI)753. Cette organisation mène de nombreuses activités, dans le cadre de la protection des enfants handicapés et des enfants en conflit avec la loi. Les enfants handicapés bénéficient d'un centre de rééducation appelé Centre d'Eveil et de Stimulation des Enfants Handicapés (CESEH) tandis que de nombreuses autres interventions de DDECI aboutit à la libération de nombreux enfants souvent incarcérés à la brigade de protection des mineurs ou au centre d'observation des mineurs (COM). Cette ONG rédige souvent des projets de propositions de lois qu'elle soumet à certains parlementaires. 750 http://www.onef-riof.org/executes.html (consulté le 18 septembre 2015). 751 L'importance du certificat de nationalité réside dans le fait qu'il est un moyen de preuve de possession de la nationalité ivoirienne : Voir Articles 97, 98, 99 et 100 de la Loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de la nationalité ivoirienne. 752 Pour plus de détails sur EMSF, voir http://www.emsf.org/(consulté le 21/11/2017). 753 http://bice.org/fr/dde-ci/ (consulté le 21/11/2017). 286 Pour renforcer les capacités de leurs membres à assumer ces différents types d'assistance, certains réseaux ou ONG organisent à leur intention des formations ou mettent à leur disposition des outils pouvant les guider dans l'exercice de leurs activités. On citera ici, l'exemple du guide de prise en charge des enfants victimes de violences, réalisé par le BICE. Comme on le voit, les actions des organisations non gouvernementales représentent sans aucun doute une contribution importante à la lutte pour une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Toutefois, plusieurs tares ou limites caractérisant l'action de ces ONG méritent d'être mis en lumière. B. LES LIMITES DE CES ACTIONS L'observation des ONG offre de constater, qu'il s'agit pour la plupart d'entre elles, d'organisations matériellement pauvres et dépendantes (1) mal organisées du point de vue administratif et financier (2) diversifiées ou cacophoniques (3) concentrées à Abidjan (1) avec une inégale répartition géographique et un déficit de ressources humaines qualifiées (4). 1. Des organisations pauvres et dépendantes A l'instar des ONG africaines, la première limite des ONG ivoiriennes est liée au contexte socio-économique que connaît beaucoup de pays africains depuis des années, à savoir la pauvreté754. Celle-ci est manifestement le premier goulot d'étranglement des ONG. Plus concrètement, à l'exception de celui de leurs dirigeants, les ONG d'origine nationale sont incapables d'afficher des moyens capables de les rendre crédibles, et crédibiliser derechef, leurs actions et leur représentativité755. Pour être matérielle et financière, cette pauvreté perceptible jusqu'aux structures d'organisation (bâtiments abritant les sièges, matériels de bureaux adéquats, moyens de transport rapides et efficaces...) constitue la première limite et en même temps, le premier obstacle au développement respectable des ONG ivoiriennes. Il en résulte que les ONG ivoiriennes, fonctionnant dans ce contexte de pauvreté généralisée, 754 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academiia Bruylant,, 2004, p.327. 755 Ibidem. 287 ne peuvent échapper ni à la corruption, ni a fortiori, à l'aliénation de leur propre indépendance. La conséquence immédiate de cette pauvreté affectant les ONG est que la plupart de ces ONG, sinon toutes, reçoivent l'essentiel de leur financement de l'extérieur ; l'extérieur renvoyant ici soit au Gouvernement ou aux bailleurs de fonds extérieurs. On voit ainsi la plupart de ces ONG sillonner les capitales occidentales ou inonder les administrations des « partenaires » extérieurs de différentes demandes d'interventions financières qui, pour organiser une « session de formation », qui pour tenir une simple « conférence de presse », qui parfois, pour vilipender le Gouvernement en place756. Bien que leurs démarches ne soient pas en principe condamnables, il faut cependant craindre une certaine perte d'indépendance, d'impartialité et de dignité de la part de ces représentants de la société civile du fait précisément de ces demandes extérieures757. En dehors de cette situation de dépendance et de pauvreté, ces associations se présentent également comme des structures ayant une organisation administrative et financière aléatoire. 2. Des associations à organisation administrative et financière aléatoire Sauf quelques exceptions confirmant la règle, la plupart des ONG de défense des enfants accusent également des carences criantes au niveau de leur organisation administrative et financière. La plupart de leurs bailleurs extérieurs n'hésitent pas, du reste, à le leur rappeler ou, même, à en faire une véritable condition d'octroi d'aide758. Peu ou certaines seulement des ONG disposent, en Côte d'Ivoire, de sièges administratifs identifiables (un siège véritable, une adresse postale, des coordonnées téléphoniques ou électroniques fiables, un compte en banque lisible, etc.). Peu ou certaines seulement font 756 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academia Bruylant,, 2004, p.328. 757 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academiia Bruylant,, 2004, p.328. 758 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academia Bruylant,, 2004, p.328. 288 preuve d'une pratique saine et courante de tenue et de reddition des comptes. Bref, on assiste à une organisation administrative et financière encore embryonnaire759. Il en résulte un manque de confiance et de crédibilité certain de ces ONG ivoiriennes aux yeux, notamment, de certains « partenaires » officiels et de leurs bailleurs de fonds étrangers760. Pour certaines associations, l'enfant devient comme un élément clé d'un fonds de commerce, qui de par l'empathie qu'il inspire, sert à séduire les donateurs généreux au bénéfice quasi exclusif des fondateurs desdites associations. Les enfants servent de décor ou d'appât qu'on enlève aussitôt le bailleur de fonds parti. Certaines de ces associations officiellement sans but lucratif battent monnaie avec la misère des enfants qu'elles prétendent défendre et protéger, ce qui assure à leur personnel un certain niveau de vie : rémunération, emplois pour leurs proches, moyens de déplacement, missions à l'étranger... exploitant ainsi sans vergogne les associations prétendument fondées pour le bien des enfants à des fins mercantiles. C'est entre autres, pour cette raison, qu'on n'observe pas assez d'amélioration sensible des conditions de vie en général et de l'enfant, en dépit du nombre impressionnant d'associations qui prétendent exister pour le seul intérêt de l'enfant. Une autre limite de ces associations réside dans le fait qu'elles se présentent comme des structures non spécialisées et cacophoniques manquant de coordination. 3. Des structures non spécialisées et cacophoniques manquant de coordination Le manque de coordination, et la non spécialisation des actions des ONG de protection des droits de l'enfant, limite l'efficacité de leurs actions. En effet, en Côte d'Ivoire, comme dans divers autre pays africains, aucune initiative véritable n'est prise en vue de rationaliser, de fédérer ou d'organiser une complémentarité entre les efforts et activités des diverses ONG en la matière. Les actions restent donc pour la plupart éparses et parcellaires, en l'absence de concertation pour créer un cadre de travail permettant une synergie efficace et un impact minimum. 759 Ibid. 760 NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Droit congolais des droits de l'homme, Academia Bruylant,, 2004, p.328. 289 Si l'on s'en tient uniquement à leur nombre important, on est frappé par un déséquilibre criant entre les associations qui ont pour objet la protection générale des droits de l'enfant et celles ayant un domaine d'intervention spécifique. Ainsi par exemple, parmi la multitude d'associations dont l'objet social est la défense et la protection des droits de l'enfant, rares sont celles qui s'occupent exclusivement de la défense des droits des mineurs en conflit avec la loi ou du droit à l'éducation ou encore tout autre droit particulier considéré. La conséquence en est que nombre d'entre elles vont mener les activités au profit des mêmes enfants. L'absence de spécialisation des associations dans leurs activités compromet ainsi gravement leur efficacité et leur rentabilité. Pour mieux remplir leurs missions de défense et de promotion des droits de l'enfant, ces associations devraient « s'associer » elles-mêmes en collectifs, recadrer leur mode d'intervention afin de ne pas disperser leurs efforts, ce qui leur permettrait de faire face au travail combien immense de la défense des droits de l'enfant, car « l'union fait la force ». Pire, la nébuleuse des ONG présente sur la scène sociale et politique du pays fait que la plupart d'entre elles, au lieu d'axer leurs actions sur la défense réelle des intérêts de la population, passent le clair de leur temps, à se combattre ou à « se mettre les bâtons dans les roues ». D'autres vont jusqu'à se disputer les faveurs des bailleurs ou à vouloir exercer un certain leadership politique sur les autres. Cette situation a rongé la crédibilité de ces associations, à l'instar du déficit de personnel qualifié et de la forte concentration dans la capitale économique du pays. 4. De l'insuffisance du personnel qualifié à une forte concentration des activités des ONGs à Abidjan L'insuffisance du personnel qualifié est également un problème auquel font face les Ong761. Ainsi par exemple, certaines ONG, dont l'action d'assistance juridique est d'envergure nationale, ne dispose que de bénévoles. Selon Ferrand BECHMAN, « Est bénévole, toute action qui ne comporte pas de rétribution financière et s'exerce sans 761 HERVE (E.), Contraintes et pouvoir des ONG contemporaines, Mémoire de recherche Institut d'Études Politiques de Toulouse, 2010, pp.21-24. 290 contrainte sociale ni sanction sur celui qui ne l'accomplit pas ; c'est une action dirigée vers autrui ou vers la communauté avec la volonté de faire le bien, d'avoir une action conforme à de nombreuses valeurs sociétales ici et maintenant »762 . Or, le bénévolat apparait comme une limite en matière de ressources humaines, les bénévoles n'ayant souvent pas une disponibilité suffisante en marge de leur activité professionnelle. Certaines ONG disposent de personnes n'ayant souvent aucune compétence ou qualification en matière de droits humains ou droits de l'enfant. Cette absence de professionnalisme retentit, logiquement sur l'efficacité des ONG de défense des droits de l'Homme763. Ainsi pour le Professeur Martin BLEOU, la LIDHO, qui n'échappe pas à ce triste constat, doit « se renouveler en passant de l'amateurisme au professionnalisme (...). Cela signifie que la LIDHO doit recruter du personnel permanent et techniquement qualifié, qui doit, à partir des instructions reçues du Bureau Exécutif National, préparer les dossiers, assurer le fonctionnement de la ligue au quotidien, prendre des initiatives, mener une politique agressive dans le sens d'un mieux-être des droits en Côte d'Ivoire »764.Pire, certains ne font aucun effort pour renforcer leurs compétences en la matière ; la conséquence est que souvent leurs interlocuteurs sont surpris du manque criard de connaissances dans le domaine prétendument donné comme celle justifiant l'existence de l'ONG. Une autre limite de l'action des ONG réside également dans la faible couverture géographique des actions menées. On observe ainsi que ces ONG locales et internationales s'implantent quasi systématiquement à Abidjan, même si leur compétence s'étend théoriquement à tout le pays ; ce qui, à n'en point douter, handicape leur efficacité : la plupart d'entre elles, étant ainsi loin de leurs nombreux bénéficiaires. Nous pensons que ces associations serviraient davantage la cause de l'enfant si elles étaient présentes sur toute l'étendue du pays, ce qui leur permettrait d'intervenir en faveur de l'enfant en temps réel. Faute de s'implanter de façon pérenne en province, elles devraient se déployer selon un calendrier préétabli et connu de la population et des services judiciaires pour faciliter l'accès des enfants à leurs services. A ce sujet, la méthode d'Avocats sans frontières mérite d'être 762 BECHMAN (F.), Bénévolat et solidarité, Paris, Syros, Alternatives, 1992, p.35. 763 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'Homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Tome 2, Thèse de doctorat-Université de Cocody 2008, p.299. 764 Voir Martin BLLEOU, Allocution prononcée à la cérémonie d'ouverture du 4e congrès ordinaire de la LIDHO. 291 292 soulignée. Cette ONG internationale de droit belge organise des consultations juridiques à l'intérieur des pays où elle intervient, à travers ce qu'elle appelle la « boutique du droit » et à des endroits et selon le calendrier préalablement annoncés. Bref, les caractéristiques fondamentales des ONG contribuent de beaucoup dans le faible développement du mouvement et dans sa décrédibilisation. Comment, ne pas dès lors, déplorer son manque de puissance et d'efficacité ! Toutefois, en dépit de ce tableau peu reluisant, il faut avouer que la contribution des ONG ivoiriennes et internationales, notamment dans le domaine de l'éducation civique de la conscientisation des populations et des enfants, de la défense de leurs droits, de prise en charge matérielle des enfants ainsi que dans l'avancement du processus de démocratisation, est, objectivement indéniable. Il reste cependant à rationaliser le mouvement et à coordonner les actions en vue des meilleurs résultats, d'une certaine cohérence dans l'action, de lisibilité des interventions et de crédibilité des ONG nationales vis-à-vis de l'extérieur. Tels sont les gages premiers de l'efficacité de ces mécanismes dans la défense des droits de l'enfant. Le rôle d'appui des institutions internationales et privées ainsi analysé, il importe d'examiner le rôle des organes de contrôle qui apparaît incontestablement mitigé. |
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