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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoirepar Arsène NENI BI Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018 |
A. DEFINITION DE LA NOTION D'ENFANTS DES RUESLa notion d'enfant des rues ne désigne pas une catégorie stable ; Il convient en premier lieu de souligner que la notion d'enfant des rues désigne un phénomène très hétérogène : certains enfants vivent en permanence dans les espaces publics ; d'autres y passent la journée pour y travailler, mais rentrent dormir chez eux le soir ; d'autres, au contraire, font des apparitions très irrégulières au domicile familial. Certains enfants ont été chassés de chez eux, d'autres se sont enfuis, souvent attirés par une bande qui vit déjà dans la rue, certains sont accusés de sorcellerie1036, d'autres encore ont subi des sévices...Pour tenter de saisir ces différentes situations, les acteurs de terrain emploient le plus souvent des catégories : ils parlent ainsi d'enfants de la rue, d'enfants dans la rue, voire parfois même d'enfants à la rue. Cette notion est relativement récente, puisqu'elle a été systématisée dans le milieu des années 1980. C'est ainsi que, pour l'Afrique, les participants au Forum de Grand-Bassam1037 (en mars 1985) décidèrent de rompre avec des termes comme « délinquants » et pire « prédélinquants », pour adopter les notions plus neutres d' « enfants de la rue » (en permanence) et d' « enfant dans la rue » (le jour seulement »)1038. En France, les travailleurs sociaux préfèrent parler de mineurs isolés ou de jeunes en errance, mais le phénomène reste similaire : il s'agit bien d'enfants en rupture avec leur cellule familiale, qui vivent et dorment dans les espaces urbains1039. En Côte d'Ivoire, ces appellations désignent en réalité deux situations : La première, et de loin celle qui regroupe la majorité de ces jeunes, vise les 1036 En Côte d'Ivoire comme dans nombre de pays africains, les accusations de sorcellerie semblent être également l'un des facteurs importants d'augmentation du phénomène des enfants de la rue. Pour plus d'infos, voir, Alexandre CIMPRIC, Les enfants accusés de sorcellerie, Etude anthropologique des pratiques contemporaines relatives aux enfants en Afrique, Unicef, Avril 2010, 66 p. ; Les autorités d'une ville au Nord d'Angola ont identifié en en 2007, 432 enfants vivant dans les rues à cause d'une accusation de sorcellerie (La Franière, 2007). Cf. The impact of accusations of Witchcraft against Children in Angola. An Analysis From The Human Rights Perspective, UNICEF. 1037 Ville historique et ancienne capitale de la Côte d'Ivoire (1893-1900),Grand-Bassam est située à 43 kilomètres à l'est d'Abidjan, ; Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, elle fait partie des départements composant la région du Sud-Comoé. 1038 Le Forum de Grand-Bassam (Côte d'Ivoire), organisé par le BICE et l'UNICEF, fut la première rencontre consacrée au phénomène des enfants de la rue en Afrique subsaharienne. Il rassembla près d'une centaine de participants, venus de 14 pays d'Afrique francophone, ainsi que des représentants d'organisations internationales et d'ONG européennes, et élabora des documents d'une grande richesse (Cf. MARGUERAT (Y.) , POITOU (D.), dir., A l'écoute des enfants de la rue en Afrique noire, Paris, Fayard/Marjuvia, 1994, pp.91-152. 1039 Il ne s'agit pas ici seulement du cas des mineurs isolés roumains, phénomène récemment très médiatisé, mais bien de jeunes tout à fait français (voir par exemple le témoignage recueilli par Jean-Claude Alt, « En France aussi...Trois ans dans la rue à Paris », Jeunesses marginalisées n°2, 2003, pp. 85-86. 393 enfants qui passent la journée dans la rue mais ont un endroit où passer leurs nuits. La seconde situation regroupe les enfants qui évoluent et dorment dans la rue, où ils résident. Les perceptions que le commun des mortels peut avoir des enfants des rues sont souvent nourries de fantasmes et d'idées préconçues : « deux modalités coexistent pour les rendre visibles : la violence qu'ils exercent à l'égard des classes moyennes, (...) et les médias qui s'emparent avec un immense talent de leur image pour l'agiter aux yeux du monde, soit comme épouvantails, soit encore comme victimes pitoyables... »1040. Quoi qu'il en soit, ces enfants des rues vivant en Côte d'Ivoire ou ailleurs en Afrique, font l'objet de divers abus dans les rues. B. LES DIVERS ABUS PORTES AUX ENFANTS DANS LES RUES S'inspirant des différents travaux menés par Varindra Tarzie VITTACHI, Richardo LUCCHINI distingue cinq catégories de besoins dont la satisfaction concerne en particulier, l'enfant1041 : - 1°) Les besoins liés à la survie et au maintien de la vie (air, eau nourriture, chaleur, sécurité morale et matérielle...) ; - 2°) les besoins liés à la protection de la vie (abri, sécurité, hygiène, soins préventifs ou curatifs...) ; - 3°) les besoins liés à l'enrichissement de la vie (éducation, prise de conscience de son identité, sentiment d'appartenance...) ; - 4°) les besoins d'agrément et de divertissement (développement des dons innées, formation professionnelle...) ; - 5°) Les besoins liés à l'épanouissement (développement des dons innés, formation professionnelle). De 1 à 5, l'ordre d'urgence dans la satisfaction de ces besoins est décroissant, que ce soit d'ailleurs pour les enfants comme pour les adultes. En ce qui concerne, les enfants des rues, 1040 TESSIER (S.) « Distances, ponts, liens et chausse-trappes », in S. Tessier, dir.,A la recherche des enfants des rues, Paris, Karthala, collection Questions d'enfances, 1995, p.16. 1041 VITTACHI (V.T.), « Droits de l'enfant, devoirs envers l'enfant », in Tribune internationale des droits de l'enfant, Volume 3, n° 3, 1986, p. 14, cité par R. Lucchini, Enfant de la rue, pp.13- 14. 394 la satisfaction de ces différents besoins est évidemment plus ou moins précaire, et elle ne les touche pas tous de manière uniforme. Les enfants devront ainsi surtout « lutter 1042» afin de satisfaire en priorité les besoins de la première et deuxième catégorie (survie et protection) ; ils attachent aussi généralement beaucoup d'importance aux besoins relevant de la quatrième catégorie (jeux et divertissements)1043. Les besoins primaires des enfants des rues ne sont pas satisfaits. En effet, les enfants n'ont pas accès à l'éducation, aux soins de santé, à la nourriture, à un logement décent et sécurisant. Et ces enfants ne sont ni assez grands pour travailler. Les enfants en déshérence vivent en rupture atténuée ou prononcée avec leurs familles. La rue devient le lieu privilégié de socialisation : l'apprentissage des comportements non-conformistes (violence, drogue, VIH, délinquance), les stratégies de survie. De plus en plus dans la rue, les enfants sont plus vulnérables et n'ont ni les ressources physiques et morales pour résister aux agressions extérieures (environnement malsain, violences). Ils sont exposés à de nombreux risques tels que les accidents de la circulation, les abus et sévices sexuels (prostitution, pédophile, viol, etc.) et toutes sortes de violences et d'exploitation économique. Ces enfants sont en situation extrêmement difficile. Ils ne bénéficient d'aucune mesure de protection et quelques-uns parmi eux sont obligés d'élire domicile dans les habitations inachevées, bars, restaurants ou coins de rue, s'exposant ainsi aux nombreuses maladies et autres intempéries. La rue peut être aussi un lieu de travail cruel et dangereux, menaçant souvent la vie même des enfants1044. Beaucoup d'enfants travaillent dans les rues pour s'assurer leur survie ou celle de leur famille. Ils cirent les chaussures, lavent et gardent les voitures, portent des colis, ramassent des objets recyclables. Ce sont des enfants dans la rue, pas nécessairement des enfants des rues1045. Une forme spécifique du travail des enfants dans/ de la rue est celle de la mendicité. 1042 C'est le mot fréquemment employé par les enfants de la rue en Côte d'Ivoire pour décrire leurs conditions de vie. 1043 PIROT (B.), Enfants des rues d'Afrique Centrale, Ed. Karthala, 2004, p.50-51. 1044 Voir l'Affaire dite des enfants de la rue ou affaire Villagrán Morales et autres, arrêt du 19 novembre 1999, op.cit. 1045 L'UNICEF a établi une distinction entre enfant de la rue et enfant dans la rue, le premier étant l'enfant qui ne vit que dans la rue, celui qui a perdu tous liens familiaux, le deuxième, celui qui passe beaucoup de temps dans la rue, souvent celui qui travaille dans la rue et qui rentrent quotidiennement dans leur famille, mais qui a gardé des liens familiaux.; voir à ce sujet : SALMON (L.),, « Les enfants de la rue à Abidjan », Socio- 395 Au total, l'existence du phénomène des enfants en déshérence ou de la rue traduit l'échec collectif de la famille et de la société. Ce faisant, elle met en lumière la vulnérabilité et l'impuissance des enfants puis leur accès limité aux services sociaux de base. Cette situation des enfants des rues est en contradiction avec les articles 181046 de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) sur le droit à la protection familiale et 201047 du même texte et relatif aux droits privés de famille. Les risques qu'ils encourent dans la rue sont en contradiction avec les prévisions de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), notamment, en son article 19 sur le droit des enfants à la protection contre les mauvais traitements, toutes les formes de violence et abus sexuels, son article 32 relatif à leur protection contre l'exploitation économique, en son article 33 sur la protection contre la consommation et le trafic de stupéfiants, de même qu'avec son article 39 sur le droit à la réadaptation et à la réinsertion des enfants. Les enfants de la rue constituent un véritable problème national et l'accroissement du phénomène inquiète la communauté et appelle les autorités publiques et la société civile ainsi que les familles à des réponses pressantes. Car, ces enfants sont des personnes en devenir anthropologie [En ligne], 1 | 1997, disponible sur : http://journals.openedition.org/socio- anthropologie/76#quotation ( consulté le 12/11/2016). 1046 Article 18 CIDE : « 1. Les Etats parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l'intérêt supérieur de l'enfant.
1047Article 20 CIDE « 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'Etat.
396 qui nécessitent de la part des adultes, une meilleure protection à l'image des enfants victimes des pires formes de travail des enfants considérés comme un traitement inhumain de l'enfant. § 2. LES PIRES FORMES DE TRAVAIL DES ENFANTS : UN TRAITEMENT INHUMAIN DE L'ENFANT Tout d'abord, il s'agira ici, de mettre en exergue les formes classiques de travail des enfants qui menacent considérablement l'intérêt de l'enfant (1) ; ensuite, il conviendra d'analyser l'épineuse question de l'exploitation sexuelle des enfants qui constitue manifestement, une forme particulière de travail inhumain et dégradant (2). 1. Les formes classiques de travail des enfants La protection des enfants contre l'exploitation de leur force de travail se fonde sur l'article 32 de la CIDE mais également, sur l'Article 19 qui affirme le droit de l'enfant d'être protégé contre les mauvais traitements. Un enfant est ainsi considéré au travail ou exploité, dans le sens de la CIDE, lorsque le travail exercé est incapacitant ou constitue un obstacle à la jouissance des autres droits qui sont reconnus à l'enfant dans la Convention sur les Droits de l'Enfant, notamment les droits à la santé, à l'éducation, et aux loisirs. Mieux, l'enfant peut être considéré économiquement actif quand bien même son travail n'est pas rémunéré1048. Il peut être économiquement actif au sein d'une entreprise, que celle-ci soit familiale ou non, à la condition que le produit ou le service soit destiné au marché. Cette manière de concevoir le travail de l'enfant fait en sorte que les jeunes qui travaillant à l'extérieur de leur famille comme employés domestiques sont des enfants économiquement actifs, alors que ceux qui travaillent au sein de leur famille ne sont pas considérés comme tel. Le travail doit donc générer un revenu même si l'enfant n'est pas celui qui en bénéficie directement. Pour déterminer quels sont les enfants économiquement actifs, le BIT a établi quatre catégories d'enfants : ceux qui se consacrent à temps plein à l'école, ceux qui se consacrent à temps plein au travail, ceux qui combinent les deux types d'activités, et ceux qui ne sont ni à l'école ni au travail1049. Le BIT qualifie ces derniers de « no where children », des enfants invisibles dont le statut n'est pas bien défini. Cette dernière catégorie est très large. Elle inclut les 1048 BHUKUTH (A.), « Le travail des enfants : limites de la définition », In. Mondes en développement, t.37, vol. 2, n°146, juin 2009, pp. 27-32, spéc. p.28. 1049 Ibid. 397 enfants qui exercent une activité domestique familiale ainsi que les enfants de la rue. Or la majorité des enfants de la rue exercent un travail pour survivre. Ce travail constitue la plupart du temps une activité marchande, mais ils ne sont pourtant pas comptabilisés par le BIT. La définition de l'OIT, fondée sur la notion d'économie, ne fait pas l'unanimité. D'autres organisations ont choisi une définition plus large. Par exemple l'ONG Save the Children définit le travail des enfants dans un sens beaucoup plus large, c'est-à-dire comme : « (...) des activités que les enfants effectuent pour contribuer à la vie économique de leur famille ou à la leur. Cela englobe donc le temps passé à des corvées d'entretien de la maison ainsi que des activités génératrices de revenus, à la maison ou à l'extérieur. Les activités agricoles non rémunérées que de nombreuses filles et garçons accomplissent dans les fermes familiales, ainsi que les corvées domestiques que font beaucoup d'enfants chez eux sont donc englobées dans cette définition. Le travail peut être à temps plein ou à temps partiel1050 ». Cette définition a le mérite d'inclure les enfants de la rue et les enfants qui sont engagés dans les activités illicites1051. Traditionnellement, en Côte d'Ivoire comme en Afrique, le travail des enfants constitue : un mode d'acquisition des connaissances ; une responsabilité, parfois à valeur économique, confiée à l'enfant dans la division des tâches familiales et communautaires, un facteur d'intégration sociale. Les garçons accompagnent leur père dans ses activités productives, tandis que les filles vont rejoindre leur mère pour les seconder tant dans les travaux domestiques que dans les activités productives que celles-ci mènent, conformément à la division sexuelle des tâches au sein de la famille traditionnelle. Ce schéma reste particulièrement prégnant dans les sociétés rurales ivoiriennes, où chaque membre de la famille se voit assigner non seulement un statut et des responsabilités sociales, mais aussi un rôle productif dans l'économie domestique. Dans ce contexte, le travail de l'enfant, en fonction de sa capacité, participe tout autant d'un processus éducatif que d'une reconnaissance de son statut, en tant qu'être social mais aussi comme un élément de la chaine de production, au sein de la famille. L'oisiveté ou la paresse est ainsi souvent considérée 1050 L'ALLIANCE INTERNATIONALE SAVE THE CHILDREN, Position de Save the Children sur les enfants et le travail, Londres, mars 2003, disponible
sur 398 comme un des pires maux qui menace l'enfant dans son développement physique et moral. Le travail constitue ainsi un des principaux moyens d'intégration et de reconnaissance de l'enfant aussi bien à l'intérieur de la famille qu'à l'extérieur de celle-ci. Cependant, depuis longtemps déjà, et cela dans un contexte de paupérisation tant des couches urbaines que rurales, les logiques économiques de rentabilité et de profit, du côté de la demande, et de survie du côté de l'offre de main d'oeuvre enfantine, sont venues supplanter la symbolique de participation de l'enfant à la vie professionnelle et économique des parents, pour ne retenir que la valeur marchande de son travail. De travail éducatif et socialisant, on est passé au travail exploitant et marginalisant. En Côte d'Ivoire, les résultats d'une étude menée en 2008 par le SIMPOC rapportent qu'un quart environ des enfants de 5-17 ans sont économiquement occupés.58% de ces enfants sont utilisés dans l'agriculture, 23 % dans le commerce et 10% dans l'industrie. Environ 1/5 des enfants travaillant dans l'agriculture ont été identifiés comme travailleurs dans les secteurs de café et de cacao. Ces enfants économiquement actifs travaillent plus de 42 heures par semaine1052. Selon d'autres sources, plus récentes, 19, 7% des enfants âgés de 10 à 14 ans sont considérés comme des enfants au travail en Côte d'Ivoire. Les enfants qui travaillent en Côte d'Ivoire le font, la plupart du temps, sous la tutelle d'un adulte, souvent chargé d'en assurer la protection et l'éducation. On retient quatre types de statut pour les enfants travailleurs. La majorité des enfants qui travaillent le font surtout comme : - Aides familiaux : ce statut concerne la majorité des filles domestiques1053, mais aussi la majorité des enfants travaillant en zone rurale, filles comme garçons ; - Apprentis : ce statut concerne surtout les garçons du secteur informel urbain, mais peut viser aussi les filles ; Mais on peut également trouver des enfants qui travaillent comme : 1052 KONE (K..S.), Du travail des enfants au travail décent des jeunes en Côte d'Ivoire. Eléments de politique pour l'action publique, BIT, 2010, p.13. 1053 Le travail domestique est une activité très répandue et socialement acceptée bien que comportant à elle seule tous les facteurs de risque aggravé pour les jeunes filles employées comme domestiques. 399 - Indépendants : c'est le cas des enfants de la rue, en particulier les garçons (les filles travaillant dans la rue sont le plus souvent sous tutelle adulte) ; - Salariés : c'est le cas des enfants en particulier de nationalité étrangère, qui travaillent comme ouvriers agricoles dans les plantations, mais aussi de certaines filles domestiques (les plus âgés). Outre la situation à risque des enfants de la rue, où on assiste notamment à la progression de deux activités particulièrement dangereuses pour l'enfant, que sont la collecte des ordures ménagères et la mendicité1054, la situation des apprentis n'en est pas moins dangereuse pour la santé et le bien-être de l'enfant. Les conditions qui entourent désormais l'apprentissage professionnel posent le problème : - Du développement psychologique, dans un contexte, où l'apprentissage met directement le jeune enfant dans un système commandé par d'évidents rapports de production, où on attend du jeune apprenti docilité et mimétisme ; - Du mode d'acquisition des connaissances, dans un contexte où le maitre mot est souvent analphabète et l'apprentissage se fait par observation ; - Des conditions dangereuses de travail, dans les locaux insalubres, sans aucun respect des normes de sécurité et d'hygiène, du fait le plus souvent d'une occupation irrégulière des sols ; - De l'exploitation de la force de travail de l'enfant, dans un contexte où les objectifs de production marchande l'emportent sur ceux de la formation. Les enfants travaillant en zone rurale constituent la plus grande proportion des enfants travailleurs. Les enfants qui travaillent dans l'agriculture, essentiellement comme aides familiaux, sont particulièrement exposés en raison de l'utilisation de produits parfois toxiques et l'usage, sans protection ni formation de matériel archaïque ou non adapté à leur petite taille. Par ailleurs, les enfants qui travaillent dans les mines ne courent pas moins de dangers que ceux qui évoluent dans l'agriculture même si le secteur minier ne concerne encore 1054 HUMAN RIGHTS WATCH, Sénégal « Sur le dos des enfants » Mendicité forcée et autres mauvais traitements à l'encontre des talibés au Sénégal, Avril 2010, p.19. 400 qu'une minorité d'enfants travailleurs en Côte d'Ivoire. Les enfants qui encourent le plus de risques sont ceux qui travaillent à plein temps, compte tenu de la nature des tâches à accomplir ; ils accomplissent seuls toutes les étapes de la recherche des minerais, notamment, le creusage et l'extraction. L'existence d'enfants travaillant dans les mines en Côte d'Ivoire, compte tenu de son extrême visibilité, est parfaitement connue. Et pourtant, aucune action vigoureuse, qu'elle soit gouvernementale ou non gouvernementale n'a été déployée en leur direction afin de les soustraire à des conditions de vie dangereuses et particulièrement compromettantes pour leur développement physique et mental. La situation des enfants n'a jusqu'à présent, fait l'objet d'aucune étude scientifique rigoureuse destinée à mesurer l'ampleur du phénomène, analyser ses ramifications économiques et sociales ainsi que les besoins et opportunités d'avenir pour les enfants qui y vivent et/ou y travaillent. Toutefois, plus récemment, l'ONG de défense des droits humains dénommée Actions pour la Protection des Droits de l'Homme (APDH)1055 a produit un rapport en mettant en exergue les conséquences nuisibles de ces activités d'extraction des mines sur bien de droits humains1056et notamment sur les enfants. Outre les conditions de travail qui exposent les enfants à des risques pour leur santé et leur développement, il importe d'examiner, le cas particulier des enfants exploités sexuellement qui, pour être préoccupant, constitue manifestement, une forme de traitement inhumain et dégradant. 2. Le cas particulier de l'exploitation sexuelle des enfants Les pratiques liées à l'exploitation sexuelle des enfants sont difficiles à définir juridiquement. Selon l'auteur Geraldine Van Bueren, l'exploitation sexuelle des enfants peut se définir comme étant : « the use of children to meet the sexual needs of others, at the expense of the children's emotional and physical »1057. Cette définition inclut une multitude d'activités à caractère sexuel telles que la pornographie infantile, la prostitution juvénile, la 1055 http://www.apdhci.org/ (consulté le 18/12/2016). 1056 APDH, Côte d'Ivoire-HIRE, Mine d'or ou mine de malheur, Plaidoyer pour le respect du droit des populations à un environnement sain, édition 2015,pp.42-51. 1057 VAN BUEREN (G.), «The international Law on the Rights of the Child », coll. International Studies in Human Rights, vol.35, Dordrecht-Boston-London, Martinus Nijhoff Publishers, 1995, p.275. 401 traite et le tourisme sexuel impliquant des enfants1058. Bien que ces activités aient en commun l'exploitation de la sexualité des enfants à des fins commerciales, il est possible de les distinguer de l'abus et de l'agression sexuelle en ce sens que ceux-ci n'impliquent pas nécessairement un caractère commercial1059. En effet, l'abus sexuel peut se définir plutôt comme : « the involvement of dependent, developmentally immature children and adolescents in activities they do not truly comprehend, to which they are unable to give informed consent, or that violate the social taboos of family roles1060 ». Ainsi, l'exploitation sexuelle peut, dans certaines situations, inclure également l'abus et l'agression sexuelle. Dans le présent travail et afin de s'accorder avec les textes internationaux en vigueur, la définition la plus restrictive de l'exploitation sexuelle, c'est-à-dire celle incluant un caractère commercial, est retenue. La vulnérabilité des enfants se trouve accentuée dans les pays où la commercialisation de l'industrie du sexe est souvent fleurissante1061. Et la Côte d'Ivoire fait incontestablement partie de ces pays. La pornographie infantile est définie comme « toute représentation, par quelques moyens que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou assimilées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles»1062. L'exploitation du corps des enfants dans la prostitution et dans la production de matériel pornographique est considérée comme une forme d'esclavage moderne. L'ampleur de ce type d'exploitation est extrêmement difficile à mesurer, mais l'OIT estimait, en 2005, qu'environ 1,39 millions de personnes étaient victimes d'exploitation sexuelles dans le 1058 MUNTARBHORN (V.), « Article 34 : Sexual exploitation and Sexual Abuse of Children », in A. ALEN et al. (dir.), A commentary on the United Nations Convention on the Rights of Child, Leiden-Boston, Matinus Nijhoff Publishers, 2007, p.2. 1059 VAN BUEREN (G.), «The international Law on the Rights of the Child», op. cit., note 177, p.275. 1060 IRELAND (K.), Wish you weren't here : The sexual exploitation of Children and the Connection with Tourism and International Travel, Overseas Department working paper n°7, London, Save The Children Fund, 1993, p.2, cité in MUNTARBHORN (V.), « Sexual exploitation of Children » In. Human Rights Study Series, n°8, New-York-Genève, United Nations publication, 1996, p.1. 1061 SVENSSON (N.L.), « Extraterritorial Accountability : An Assessment of the Effectiveness of Child Sex Tourism Laws », In. Loy. L.A. Int'l & Comp. L. Rev., vol.28, n°3, 2006, p.641-664, spéc. p. 643. 1062 L'article 2 c du protocole facultatif à la CIDE. 402 monde. Les enfants représentaient environ 43% des victimes et 98 % de celles-ci seraient de sexe féminin1063. Les études font état de graves troubles psychologiques pour les enfants1064. Un autre canal par lequel l'exploitation sexuelle des enfants se développe et prend une envergure incontrôlable est le tourisme sexuel impliquant des enfants. C'est une notion relativement nouvelle qui se réfère au cadre touristique au sein duquel les abus de mineurs ont lieu1065. « La dégradation de la situation des enfants du fait de la pratique généralisée du tourisme sexuel et de l'instauration des réseaux de pédophiles à travers le monde interpelle les consciences1066». Les adeptes du tourisme sexuel sont, dans environ 95% des cas, des hommes qui proviennent majoritairement des pays industrialisés et qui voyagent vers des pays défavorisés1067. L'Unicef estime qu'environ 30 à 35 pour cent des travailleurs du sexe sont âgés de 12 à 17 ans1068. L'industrie du sexe est, pour les pays industrialisés et pour les pays en voie de développement, un marché très lucratif. Certains y voient un frein à la volonté réelle des Etats à réduire ce type d'industries1069. Les fournisseurs de pornographie infantile et de prostitution juvénile peuvent donc répondre plus facilement à la demande puisque la globalisation de l'économie et le perfectionnement des réseaux du crime transnational organisé facilitent grandement la perpétuation de ces infractions1070. 1063 BIT, Rapport du Directeur général, Une alliance mondiale contre le travail forcé. Rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (Raport I (B), présenté lors de la quatre-vingt-treizième session de la Conférence internationale du Travail, Genève, 2005, pp.1-16, disponible sur : 1064 2ème congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants, Etude thématique sur la pornographie enfantine, p.13. 1065 UNICEF, La situation des enfants dans le monde, 2006, p.41. 1066 http://www.libertzone.org/bis.htm : « L'affaire Dutroux » est une affaire criminelle qui a eu lieu en Belgique dans les années 1990, et a connu un retentissement mondial. Le protagoniste de l'affaire, Marc Dutroux, était, entre autres, accusé de viol et de meurtre sur des enfants et de jeunes adolescentes, ainsi que d'activités communément associées à la pédophilie, et fut condamné pour ces faits. 1067 POULIN (R.), « La prostitution des enfants, la notion de consentement et la Convention relative aux droits de l'enfant », in T. COLLINS et al. (dir.), Droits de l'enfant : actes de la Conférence internationale, Ottawa 2007, Montréal Wilson & Lafleur, 2008, p.187-203, spéc. p. 191. 1068 UNICEF, Protection de l'enfant contre la violence et les mauvais traitements. La traite des enfants, 5 mai 2009, disponible sur www.unicef.org/french/protection/index_exploitation.html. (Consulté le 05/04/2015) 1069 SVENSSON (N.L), « Extraterritorial Accountability: An Assessment of the Effectiveness of Child Sex Tourism Laws », In. Loy. L.A. Int'l & Comp. L. Rev., vol.28, n°3, 2006, p.622. 1070 HIGGINS-THORNTHON (S.), « Innocence Snatched: A Call for a Multinational Response to Child Abduction that facilitates Sexual Exploitation », In. GA. J. Int'L &Comp. L., vol.31, 2003, pp.619-648, spéc.p.621. 403 L'exploitation sexuelle constitue une violation de plusieurs des droits fondamentaux des enfants car elle entraine souvent d'autres types d'atteintes à leur santé et à leur sécurité. En particulier, les enfants sexuellement exploités présentent un risque accru de développer une dépendance à la drogue. Dans un tel contexte, se livrer à la prostitution ou à la production de matériel pornographique devient un moyen de satisfaire cette dépendance. Outre les atteintes psychologiques, la santé et la survie des enfants peuvent être compromises, notamment par le virus du VIH/SIDA. Les enfants exploités sexuellement doivent répondre à la demande d'un grand nombre de clients et sont soumis à des pratiques sexuelles à risques, accentuant la probabilité qu'ils contractent la maladie. L'exploitation sexuelle des enfants repose également sur une croyance erronée selon laquelle les enfants, à cause de leur jeune âge ne peuvent pas être porteurs du virus. Ce mythe contribue à augmenter la demande pour des enfants de plus en plus jeunes1071. En Côte d'Ivoire, de nos jours, de plus en plus d'enfants, en particulier, les jeunes filles, sont victimes à l'école ou ailleurs, de sévices et d'exploitation sexuelle. Ces souffrances constituent dans les médias, des faits divers. Les jeunes filles sont abusées sexuellement en famille, violées, poussées à la prostitution et au commerce sexuel ; les jeunes garçons sont les victimes de pédophiles pervers. Les sévices sexuels sont des sujets tabous, de telle sorte qu'il n'y a pas de données statistiques disponibles. Les auteurs sont des membres de la famille vivant en promiscuité, les employeurs des jeunes filles en domesticité, les enseignants, les clients occasionnels, ou encore des personnes travaillant dans les institutions. Quelques faits l'attestent clairement : En cours 1997, deux fillettes K.A. âgée de 9 ans (en classe de CE1) et G.A, âgée de 10 ans (en classe de CE2) ont subi les « assauts sexuels » de Félix ZOKOU, directeur d'école primaire dans le village d'Obregón (Gagnoa). Sollicitées pour effectuer des travaux dans son bureau, les deux gamines ont été déflorées, violées à plusieurs reprises par le directeur qui apparait comme un obsédé sexuel. Ce dernier a alors, été poursuivi pour viol et attentat à la pudeur devant le tribunal (correctionnel) de Gagnoa, et condamné « à 5 ans d'emprisonnement ferme et 200 mille francs CFA d'amende »1072. 1071 DORAIS (M.) « L'exploitation sexuelle des enfants : des situations et des réflexions », In. L. LAMARCHE et P. BOSSET (dir.), Des enfants et des droits, Sainte-Foy, PUL, 1997, pp.60-63. 1072 Voir Actuel n°420 du mardi 30 décembre 1997, p.8. 404 Le 18 mars 2002, la petite K.A.A., âgée de 12 ans élève en classe de 6° au collège municipal de Hiré, a été aussi violée par l'abbé Jean Marc TAYORO, curé de la paroisse Saint François d'Assise de Hiré. Sollicitée par ce dernier pour balayer sa chambre, la fillette accepta humblement et s'exécuta. Mais le curé la rejoignit dans la chambre, ferma la porte et l'entraina dans son lit. Malgré les cris de K.A.A., rien n'y fit ; le prêtre abusa d'elle. Saisi par les parents de la victime, le tribunal de Divo a condamné « l'homme de Dieu à 24 mois d'emprisonnement ferme et à 75000 francs d'amende»1073. A la vérité, ce viol ou attentat à la pudeur a encore soulevé le problème crucial de la crise de valeurs morales et religieuses et celui du déclin de l'éthique religieuse. A côté des abus sexuels commis sur les enfants de sexe féminin, il y en a d'autres commis sur enfants de sexe masculin. A titre illustratif, en mars 2000, un pédophile impénitent dénommé ZAMBI a été appréhendé après avoir sodomisé sa neuvième (9ème) victime qui était le petit garçon C.N.J. Louis, âgé de 12 ans, et élève en classe de 5ème. 1074 Après son assouvissement, sexuel immoral, ZAMBI a menacé le petit C.N.J. Louis de mort, au cas où il divulguerait ce qui s'est passé. Indignés devant le piteux état, ses parents l'ont conduit « au CHU de Treichville ou le docteur Kouadio KOFFI a attesté la sodomie perpétrée »1075 sur le gamin. Les parents ont ensuite porté plainte au 16e arrondissement de Yopougon. Tous ces faits ci-dessus rapportés constituent, à l'évidence de graves atteintes à l'intégrité physique et morale de l'enfant. Ils sont condamnés par les instruments nationaux, et internationaux de protection des droits de l'homme auxquels la Côte-d'Ivoire est partie. En effet, la Constitution ivoirienne de 2016 dispose que la personne humaine est sacrée1076 ; de sorte qu'elle interdit les violences physiques1077. En outre, le Code pénal ivoirien punit le viol1078, l'attentat à la pudeur1079 et l'outrage public à la pudeur1080. Ensuite, 1073 Voir Fraternité Matin du mercredi 22 mai 2002, p.12. 1074 Voir Soir Info n°1677 du mardi 14 mars 2000, p.12. 1075 Ibid. 1076 Article 2Constitution de 2016. 1077 Article 5 Constitution de 2000 ; Article 5Constitution de 2016. 1078 Article 354 du code pénal ivoirien. 1079 Articles 355, 356,357 ,358 et 359du code pénal ivoirien. 1080 Article 360 du code pénal ivoirien. 405 406 la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples énonce que la personne humaine est inviolable. Et, il en tire les conséquences en disposant que tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne1081. Quant à la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, elle interdit les pratiques négatives ou préjudiciables à la santé et au bien-être, voire à la vie de l'enfant1082 . A cet égard, elle invite les Etats parties à prendre des mesures tendant à protéger l'enfant contre toute forme d'exploitation ou de mauvais traitements sexuels1083 . De même, l'article 19 de la Convention Onusienne relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 invite les Etats parties à prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation y compris la violence sexuelle. Malgré cette protection expresse et diverse, par des textes nationaux et internationaux, on constate, aujourd'hui, que les affaires de viol, d'attentat à la pudeur, d'outrage public à la pudeur commis avec violence, ou brutalité, bref, d'abus sexuels dont les enfants sont victimes en Côte-d'Ivoire, notamment en milieu scolaire, demeurent nombreuses et fréquentes. Selon une étude effectuée et publiée en décembre 2002 par l'ONG « SOS violences sexuelles », il ressort que sur un échantillon de 500 élèves issus de plusieurs établissements d'Abidjan et ses banlieues (248 garçons et 252 filles), il y a 136 cas d'abus sexuels, soit un taux de prévalence de 27,2%1084. Il s'agit de cas de viols (33,09%), de tentatives de viol (14,7%), d'attouchements (41,18%), de harcèlement (11,03%). Les statistiques révèlent aussi que les victimes de sexe masculin représentent 25,73% contre 74,27% chez les filles. Les lieux de commission de ces abus sexuels sont divers : l'acte se passe chez la victime (26%) ; chez l'agresseur (14,70%) ; en milieu scolaire (10,29%) ; dans des lieux non précisés (35,3%).Relativement aux agresseurs, les hommes apparaissent en tête avec74,26%1085 contre 13,97% de femmes (agresseurs).Ces agresseurs proviennent tantôt de l'extérieur de 1081 Article 4 Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. 1082 Article 21 Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1083 Article 27 Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 1084 Voir Le Jour n°2297 du jeudi 12 décembre 2002, p.8. 1085 Voir Le Jour n°2297 du jeudi 12 décembre 2002, p.8. la famille (61,77%), tantôt de l'intérieur de la famille (27,20%). L'âge des enfants les plus touchés se situe entre 10 et 14 ans1086. Plus récemment, une étude effectuée entre 2016 et 2017, intitulée « analyse situationnelle de l'exploitation sexuelles des enfants à des fins commerciales en Côte d'Ivoire »1087 a été publiée par l'ONG SOS Violences sexuelles. Cette étude portant sur les villes d'Abidjan, de Man, de Bassam et Korhogo concernait 251 jeunes filles et garçons1088. Il ressort de cette étude que la prostitution est la principale cause des ESEC. Mieux, 62% des victimes interrogées ont été exploitées dans la prostitution par le biais d'un intermédiaire quand l'exploitation sexuelle des enfants dans le voyage et le tourisme (ESEVT) concerne 16% des enfants enquêtés1089. L'étude indique, également, une vulnérabilité particulièrement élevée à l'ESEC chez les mineurs autour de l'âge de 16 ans. 47,93% des filles victimes sont analphabètes, contre 9,23% des garçons parmi la population enquêtée1090. Les enfants interrogés dans le cadre de cette étude, affirment, avoir recours à l'ESEC pour subvenir à leurs propres besoins (primaires ou secondaires) ainsi qu'à ceux de leur famille avec une forte proportion d'enfants victimes de nationalité ivoirienne (79,2%)1091. L'étude témoigne d'une pluralité de contextes familiaux parmi les 251 enfants interrogés. En effet, 13,5% d'entre eux affirment vivre avec leurs deux parents biologiques, 13,6% chez 1086 Voir Le Jour n°2297 du jeudi 12 décembre 2002, p.8. 1087 SOS violences sexuelles, Analyse situationnelle de l'exploitation sexuelles des enfants à des fins commerciales en Côte d'Ivoire, 2016, 82p ; ECPAT France, KOIDIO KROUWA (A.L.) et MESNER (D. C.), Analyse situationnelle de l'exploitation sexuelles des enfants à des fins commerciales en Côte d'Ivoire, 2016, 82p. 1088
https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur- 1089
https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur- 1090
https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur- 1091 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur- lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ (Consulté le 16/12 //2017). 407 un des deux parents, 32,8% chez d'autres membres de leur famille, 22% avec des personnes sans lien de parenté et 9,7% disent vivre seuls1092. La prostitution gagne de plus en plus les jeunes filles dont l'âge se situe entre 12 et 15 ans. Elle se développe principalement en milieu urbain, notamment dans les grandes agglomérations à foyer industriel, portuaire et économique. La prostitution enfantine est soit régulière ou occasionnelle, informelle. Une nouvelle forme du commerce sexuel impliquant les enfants est la migration des filles prostituées de ville en ville (vers Abidjan, San Pedro, Bouaké) des villages vers les villes selon les flux monétaires liées aux activités saisonnières. Dans les quartiers périphériques et les bidonvilles de San Pedro, les jeunes filles se livrent à la prostitution dans la zone portuaire. Les enfants victimes d'abus sexuels et d'exploitation sexuelle sont vulnérables aux MST. La santé physique des enfants victimes est préoccupante. Ils sont pour la plupart sous-alimentés, et beaucoup de filles prostituées souffrent de maladies vénériennes. Le SIDA revêt une importance particulière pour les enfants victimes d'abus sexuels, de viols et les enfants prostitués. Les complications gynécologiques et une santé fragile sont d'autres problèmes auxquels sont confrontés les enfants victimes. En un mot, quelle que soit sa forme, le travail des enfants entre directement en conflit avec deux des dispositions fondamentales de la CIDE, que sont l'interdiction de la discrimination1093 et l'intérêt supérieur de l'enfant1094. En entretenant la spirale de la pauvreté et de l'exclusion, le travail des enfants est une conséquence des inégalités d'aujourd'hui et une cause des inégalités de demain. Le travail des enfants procède d'un choix, qui sacrifie l'intérêt de l'enfant à celui des parents et/ou des employeurs. Le travail forcé, défini par l'article 2 alinéa 1 de la convention n° 29 de l'OIT comme tout travail ou service exigé d'un individu sous la menace d'une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s'est pas offert de plein gré, prive l'homme de sa liberté. Il se distingue des autres formes du travail des enfants par une certaine restriction des mouvements de l'enfant, une violence mentale ou physique, l'absence de consentement et ou/ une forme de contrôle au-delà de la normale1095. Le travail forcé en tant que régime de servitude affecte gravement le 1092 https://www.ffnews.info/2017/06/22/cote-divoire-sos-violences-sexuelles-publie-son-etude-sur- lexploitation-sexuelle-des-mineurs/ (Consulté le 16/12 //2017). 1093 Article 2 CIDE. 1094 Article 3 CIDE. 1095 Article 2 alinéa 1 de la Convention n° 29 de l'OIT sur le travail forcé de 1930. 408 corps physique du travailleur ; pire, il viole les droits fondamentaux de l'enfant, notamment, le droit à la dignité, à la liberté, le droit d'aller et de venir, la liberté contractuelle. Le travail forcé concerne environ 5,7 millions d'enfants dans le monde. Il a été estimé qu'entre 10000 et 15000 enfants du Mali travaillent dans les plantations de la Côte-d'Ivoire1096. C'est l'intérêt supérieur de ces enfants qui est ainsi sacrifié à l'autel d'un travail indigne et inhumain qui ne va pas sans conséquence sur la réalisation de nombre de droits fondamentaux de l'enfant. Le travail de l'enfant, à l'instar de toute forme d'exploitation économique des enfants, les place dans une situation d'activité imposée ou non et dont une tierce personne tire une satisfaction ou un profit matériel, économique, moral ou financier. Elle a pour effet de « compromettre à plus ou moins brève échéance le développement physique, mental, moral, spirituel et social de l'enfant». Elle suppose aussi «trop d'heures consacrées au travail, des atteintes à la dignité et au respect de soi des enfants»1097. Ce faisant comme l'a démontré Mme BELLO Sakinatou dans sa thèse, le travail des enfants porte atteinte à leurs droits civils1098 et à leurs droits économiques et sociaux1099. Tout comme l'intérêt de l'enfant serait un indicateur de protection de l'enfance contre le travail, l'interdiction du travail des enfants serait également considérée comme le ferment de la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. Toutes ces formes d'exploitation constituent des terres fertiles pour la violation des droits les plus élémentaires de l'enfant. L'âge des enfants, leur vulnérabilité et les conditions hideuses dans lesquelles ces activités se mènent ne contribuent aucunement à la sauvegarde de leur intérêt. Il convient alors de les supprimer non seulement légalement mais aussi en pratique par la mise en oeuvre de mesures 1096 UNICEF, Rapport de l'Atelier sous régional sur le trafic des enfants domestiques, en particulier des filles domestiques, dans la région d'Afrique de l'Ouest et du Centre, Abidjan, 1999, cité par BIT, Halte au travail forcé, rapport global en vertu du suivi de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, Genève, 2001, p.22. 1097 UNICEF, op.cit., p.26. 1098 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, 425p. ; 1099 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, 425p. 409 vigoureuses et de lever toute ambiguïté sur la question du travail des enfants aussi bien en Côte d'Ivoire qu'ailleurs dans le monde. A l'instar du travail des enfants, la traite des enfants est également un déni de la nature d'être humain de l'enfant. § 3. LA TRAITE DES ENFANTS, UN DENI DE LA NATURE D'ETRE HUMAIN DE L'ENFANT Après avoir précisé le sens de la notion de traite des enfants (A), nous exposerons les différentes formes de traite (B) . |
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