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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoirepar Arsène NENI BI Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018 |
A. LES CAUSES DU TRAVAIL ET DE LA TRAITE DES ENFANTSOn analysera successivement les résistances d'ordre immédiat (1), d'ordre sous-jacent (2), puis celles d'ordre structurel (3). 1. Les résistances d'ordre immédiat Le travail précoce et le trafic des enfants sont favorisés par une offre insuffisante d'éducation et de formation, la forte demande d'une main d'oeuvre enfantine bon marché et soumise, le désir des enfants de migrer à la recherche d'une promotion économique et sociale et l'ignorance des risques. Les enfants sont en situation de travail parce qu'ils sont exclus du système éducatif. En effet, les enfants qui n'ont pas été soumis à une obligation scolaire sont obligés de travailler, d'apprendre un métier manuel avant d'avoir 15 ans. Le système éducatif ivoirien a une rentabilité relativement faible, notamment au niveau du primaire étant donné les forts taux d'abandon et de redoublement1563. En outre, le taux de scolarisation dans le primaire, ne progresse pas suffisamment et reste encore caractérisé par une sous-scolarisation des filles malgré des efforts enregistrés ces dernières années1564. Les différences s'accentuent selon les régions. Les études réalisées sur la question attestent que plus de 3/4 des petites bonnes1565 1563 Le taux net de scolarisation primaire est de 68% et le taux net de scolarisation secondaire s'élève à 29%. 1564 Voir MINISTERE DE LA SANTE ET DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA (MSLS) et l'INSTITUT NATIONAL DE LA STATISTIQUE (INS) et ICF International, Enquête Démographique et de Santé et à Indicateurs Multiples de la Côte d'Ivoire 2011-2012 : Rapport de synthèse. Calverton, Maryland, USA : MSLS, INS et ICF International, 2013, pp.28-29. 1565 KRA KONAN (G. L.), « Travaux domestiques et activités scolaires des élèves-filles en milieu urbain : une analyse des effets », European Scientific Journal November, 2015, pp 242-363. ; INS, DGT, OIT, IPEC, Enquête nationale sur le travail des enfants 2005, 2008, Rapport Final, 148 p. ; JACQUEMIN (M.), « Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte d'Ivoire) », In Tiers-Monde, Tome 43, n°170, 2002, pp.307-326. ; JACQUEMIN (M.), « De jeunes travailleuses migrantes si (in)visibles : les «petites domestiques» d'Afrique de l'ouest : Perspectives comparatives à partir de l'exemple des fillettes et jeunes filles au travail à Abidjan », Centre d'Etudes Africaines, Centre for Migration Studies, Migration, 554 a une base instructive faible en raison de la non scolarisation et des échecs scolaires, créant ainsi un raccourci dans le circuit scolaire (déscolarisation). Les enfants victimes de trafic ou traite présentent les mêmes caractéristiques, car ils sont constitués essentiellement de populations analphabètes et déscolarisées. Ils sont donc plus mobiles et susceptibles de tomber sous le charme de la promesse d'un emploi ou d'une activité rémunérée. Il convient donc de développer davantage les opportunités d'éducation et de formation qui sont actuellement insuffisantes. L'absence de l'obligation scolaire durant des années a été un facteur déterminant du travail précoce des enfants. Le faible accès à l'éducation mettait les enfants en situation d'oisiveté ou d'inactivité et les rendait plus vulnérables, compte tenu de leur faible niveau d'instruction. Aujourd'hui, avec l'institution de l'école obligatoire au niveau du primaire, il y a lieu d'espérer que la situation évoluera. Encore faut-il que les modalités du caractère obligatoire et gratuit de l'école soient mieux définies et précisées, afin de limiter les manquements à cette obligation.1566 Le travail des enfants correspond en outre, à une demande de main d'oeuvre croissante. La captation de la main d'oeuvre enfantine répond aux besoins du marché et des ménages. De plus en plus, les employeurs marquent leur préférence pour la main d'oeuvre enfantine qui est à la fois bon marché, mais surtout soumise et corvéable. En outre, le recours à la force de travail de l'enfant, notamment de la jeune fille domestique répond aux besoins du ménage d'accueil1567. En effet, il permet de libérer d'autres forces de travail au sein du ménage, essentiellement, celles de la femme et de diversifier les sources de revenu. C'est ainsi qu'en plus des tâches domestiques, certains enfants se voient confier des activités manuelles rémunératrices pour le compte de la famille d'accueil ou de l'employeur ; il s'agit de la vente ambulante par les « petites vendeuses ». Globalisation et Poverty, Rockefeller Foundation, DFID, Paris,2009, 33p. ; SAVE THE CHILDREN, Ca-la, c'est difficile : L'exploitation du travail des enfants en Côte d'Ivoire, Abidjan, 2009, 84 p. 1566 Ministère délégué à la famille, Les manquements à l'obligation scolaire, rapport Luc MACHARD, janvier 2003, 169p. 1567 JACQUEMIN (M.), « Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte-d'Ivoire) ». In: Tiers-Monde, tome 43, n°170, 2002. Femmes en domesticité. Les domestiques du Sud, au Nord et au Sud. pp. 307-326 ; ANTOINE(P.) et GUILLAUME (A.), Une expression de la solidarité familiale à Abidjan : enfants du couple et enfants confiés, Les familles d'aujourd'hui (Colloque international de Genève, 17-20 septembre 1984), Paris, orstom, 1984 13 p. ; BICE, Les petites bonnes à Abidjan. Travail ou exploitation ?, Abidjan, BICE Côte-d'Ivoire, 1998, 168 p. 555 Dans le secteur minier d'exploitation artisanale, la main d'oeuvre enfantine semble plus appropriée pour des raisons socio-culturelles. L'enfant est perçu comme présentant une virginité capable de capter le trésor (diamant, or) enfoui dans les profondeurs du sol, argileux et parfois en dessous des roches1568. Dans le secteur agricole, la main d'oeuvre enfantine s'accroit et tend à se substituer aux ouvriers agricoles adultes. Ainsi, dans certaines plantations de la région forestière du pays, des enfants de 7 à 17 ans répondent aux besoins exprimés par les exploitants. La demande est tellement forte que l'on recourt à une main d'oeuvre enfantine pour satisfaire aux besoins. Le désir des enfants de migrer à la recherche d'une promotion économique et sociale est aussi donné comme un facteur explicatif de la traite et du travail des enfants1569. Les enfants qui sont dans l'oisiveté et l'inactivité recherchent une promotion économique et sociale. D'où leur désir de migrer de la zone rurale vers la ville pour un meilleur être, à la recherche de sources de revenus. Le désir de l'enfant de migrer correspond parfois aux projets des parents. Ainsi, les jeunes filles migrent en zone urbaine, notamment à Abidjan en vue de préparer leur mariage, et parfois à la recherche de moyens financiers pour subvenir à l'entretien et à l'éducation de leurs enfants ou petits frères restés au village ou l'accompagnant. Le travail est perçu comme un moyen d'ascension sociale. La prestation du jeune travailleur a pour contrepartie une rémunération, qui constituera une épargne capitale pour la réalisation de certains projets, dont l'aide à la famille. Chez les enfants migrants étrangers, le travail en Côte d'Ivoire est envisagé comme une source de revenus suffisants pour satisfaire certains besoins parfois personnels : achat d'un vélo, de tenues vestimentaires et de jouets. Le travail précoce et la migration des enfants répondent ainsi à des aspirations économiques et sociales1570. Malheureusement, les enfants travailleurs sont ignorants des risques du travail précoce et des conditions de travail. Cette ignorance s'explique par leur jeune âge et leur faible niveau d'instruction. Au moment du recrutement ou du placement, les risques du travail ne sont pas 1568 KIHANGI KYAMWAMI (P.), Travail des enfants dans le site minier d'exploitation artisanale de Bisie en territoire de Walikale. Une crise oubliée en République Démocratique du Congo, Anvers, Aout 2013, p.22. 1569 DIALLO (Y.), Les déterminants du travail des enfants en Côte d'Ivoire, Document de travail n°5 Université Montesquieu-Bordeaux IV, France, 2002, 16 p. 1570 JACQUEMIN (M.), De jeunes travailleuses migrantes si (in) visibles: les «petites domestiques» d'Afrique de l'Ouest, perspectives comparatives à partir de l'exemple des fillettes et jeunes filles au travail à Abidjan, Centre d'études africaines, Paris, 2009, 33 p. 556 expliqués aux enfants. Et parfois, le ferme désir de travailler ne permet pas d'appréhender les risques inhérents au travail sollicité. Se pose aussi la question de leur maturité. Tout ceci participe de la persistance du phénomène du travail des enfants à l'instar des facteurs sous-jacents ponctués entre autres, par le faible niveau de vie des familles et la prolifération des agences de placement. 2. Les causes sous-jacentes de la persistance du travail des enfants Au nombre des facteurs sous-jacents, figurent le faible niveau de vie des familles d'origine, la prolifération des agences de placement et d'intermédiaires occasionnels, le statut social des enfants dans la société traditionnelle et les réseaux de solidarité et les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe. Tous ces facteurs contribuent à pérenniser la pratique du travail des enfants. Le faible niveau de vie des familles d'origine figure en première ligne de ce catalogue d'arguments. Si certains enfants s'occupent à exercer un métier pour leur survie, d'autres sont placés en situation de travail pour des raisons de profit. Les enfants en situation de travail ou de trafic sont issus de familles pauvres. C'est la pauvreté1571 des parents qui conduit les enfants au travail. Et le niveau élevé de pauvreté des parents est source de motivation pour certains enfants qui les conduit au travail précoce. La plupart des enfants domestiques sont issus de ménages vivant en zone rurale ou en zone urbaine pauvre ou périphérique. Dans ces familles d'origine, la plupart des parents sont sans emploi. Quant aux familles en zone rurale, le père est planteur ou cultivateur et la mère est ménagère. Les milieux de résidence d'origine des parents se caractérisent par un faible accès aux services sociaux de base. A cela s'ajoute, l'insuffisance et l'inégale répartition des infrastructures éducatives et sanitaires. Cette situation encourage la mobilité1572 des enfants vers la ville, 1571 LACHAUD (J.P.), Le travail des enfants et la pauvreté en Afrique : Un réexamen appliqué au Burkina Faso, disponible sur www.ged.u-bordeaux4.fr/ceddt96.pdf (consulté le 20/11/2016); DIALLO (Y.), « Les déterminants du travail des enfants en Côte d'Ivoire », Journal of economic literature, I2, I3, J2, J4. ; DIALLO (Y.). « Les déterminants du travail des enfants en Côte d'Ivoire. », Journal of economic literature, I2, I3, J2, J4, Grootaert, C. 1998. «Child labor in Cote d'Ivoire», in Grootaert C. And Patrinos A.P. (eds), The policy of child labor: A comparative study, New York: ST. Martin Press. 1572 UNICEF, Quelle protection pour les enfants concernés par la mobilité en Afrique de l'Ouest ? Nos positions et recommandations. Rapport régional de synthèse-Projet « Mobilités »-Projet régional commun d'étude sur les mobilités des enfants et des jeunes en Afrique de l'Ouest et du centre, 83p. disponible sur www.unicef.org/wcaro/french/Rapport_FR-web.pdf (consulté le 20/11/2016). 557 dans l'espoir de trouver un cadre plus propice à leur épanouissement, en échange de leur force de travail. Le niveau d'éducation des parents est un autre facteur favorisant la précocité dans le travail et la mobilité des enfants. L'ensemble des études menées sur la question relève que les parents des enfants placés en domesticité ou dans d'autres secteurs informels, sont analphabètes. Tous ces facteurs placent l'enfant dans une situation de vulnérabilité permanente qui devient une proie facile pour les placeurs d'enfant comme en témoigne la prolifération des agences de placement1573 et d'intermédiaires occasionnels Pour répondre à la forte demande de main d'oeuvre enfantine, certaines personnes fournissent des prestations en contrepartie d'une commission conséquente. Cet intermédiaire peut être soit un parent qui prétend rendre service de façon occasionnelle ou un véritable professionnel qui exerce dans une structure de placement et de recrutement. Ce dernier est chargé de recruter les enfants dans leurs villages et les placer auprès d'un employeur ou d'une famille d'accueil. L'intermédiaire qui recrute dans les lieux de résidence des enfants est souvent une femme vivant en zone urbaine, qui apparait comme un modèle de réussite, parfois une ancienne domestique, faisant jouer les relations familiales et communautaires. Elle agit la plupart du temps, à la demande des parents. En zone urbaine, le marché du placement est dominé par des agences informelles. Ces agences ont pignon sur rue et alimentent les ménages, les maquis1574 et restaurants en main d'oeuvre domestique infantile. Nombreux sont les employeurs qui ont recours à ces agences pour satisfaire leur besoin en domestiques ou petites bonnes ainsi qu'à des parents qui sont à la recherche d'une activité salariée pour leurs enfants1575. Pour la seule ville d'Abidjan, on dénombre une centaine d'agences de placement d'enfants, lesquelles agences sont pour la plupart informelles et clandestines1576. Ces agences travaillant dans l'illégalité occupent des espaces bien connus. On les appelle communément « marché noir » ou « marché kunta 1573 ROLLET (C.), « Les placements d'enfants : historique et enjeux. » In Revue Quart Monde, 2001, 178, pp.9-13. 1574 Ce terme désigne les bars en Côte d'Ivoire. 1575 JACQUEMIN (M.), Travail domestique et travail des enfants, le cas d'Abidjan (Côte d'Ivoire). In : Tiers-Monde, tome 43, n°170, 2002, pp.314-315. 1576 Pourtant, en Côte d'Ivoire, l'ouverture et l'exploitation d'un bureau de placement payant est soumis à un agrément, Décret n°96-193 du 7 mars 1996 relatif aux bureaux de placement payant. 558 kinté1577 ». Chaque agence peut placer entre 20 à 30 petites bonnes par jour selon des informations recueillies durant nos enquêtes de terrain. Ce dynamisme des agences de placement montre l'ampleur du phénomène de trafic ou de traite d'enfants à des fins d'exploitation de leur travail. Le placement des enfants victimes de trafic ou de traite obéit aux mêmes règles. Ici, le recrutement se fait dans le pays d'origine de l'enfant par des ressortissants du pays. Les intermédiaires travaillent en professionnels exerçant en collaboration avec des transporteurs et des pisteurs1578. Le statut social des enfants dans la société traditionnelle et les réseaux de solidarité fournissent aussi des éclairages à la compréhension à la prégnance de cette pratique. En Afrique, le travail des enfants et les pratiques solidaires apparaissent comme deux réalités sociologiques intimement liées. En effet, dans la société ivoirienne traditionnelle, le travail est considéré comme une ressource pédagogique. L'enfant apprend les règles du métier et les techniques culturales et agricoles, les règles sociales auprès de son père ou de sa mère. La socialisation de l'enfant par le travail productif est donc une nécessité sociale qui tend aujourd'hui vers une exploitation. En outre, la mobilité infantile participe aux réseaux de solidarité et d'entraide ainsi qu'au renforcement des liens de parenté. Dès leur jeune âge, les enfants sont confiés au lignage, à un parent, pour son éducation, sa socialisation. Cette pratique de confier les enfants a favorisé le trafic ou la traite d'enfants. C'est ainsi que dans le cas du travail interne, le recruteur d'enfants est un membre de la communauté villageoise ; ce qui instaure auprès des parents de l'enfant des relations de confiance et de reconnaissance. Les trafiquants d'enfants abusent de la naïveté et de la pauvreté des familles pour recruter leurs enfants et les placer dans les réseaux internes et internationaux de trafic ou de traite d'enfants. 1577 Cette expression « KINTA KUNTE » n'est pas fortuite ; Il évoque l'histoire d'un personnage de fiction, héros du roman Racines d'Alex Haley et des films télévisés dénommés « RACINES ». Dans ce film, KUNTA KINTE d'origine mandingue fut capturé et amené loin de sa terre natale à Annapolis où il fut vendu à un planteur en Virginie. 1578 BICE, Les petites bonnes à Abidjan. Travail ou exploitation ?, Abidjan, BICE, Côte d'Ivoire, 1998, 168p. ; DIOP (R.), Secteur informel et exploitation du travail des enfants : une étude de deux réseaux pourvoyeurs d'enfants loués à Abidjan, Abidjan, Université d'Abidjan, Département de sociologie, mémoire de maitrise, 1987, 99p. 559 Par ailleurs, les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe1579 justifient aussi le travail des enfants, notamment de sexe féminin. Dans certaines régions de la Côte d'Ivoire (Nord et Nord-Est), les pratiques éducatives sont basées sur la discrimination à l'égard de la fillette1580. Les enfants sont au centre de stratégies familiales qui privilégient le jeune garçon par rapport à la jeune fille. C'est ainsi que les jeunes filles qui n'ont pas accès à l'éducation sont promises au mariage ou au travail domestique. Non-scolarisés, elles sont prédestinées aux métiers manuels, très peu rémunérés. Dans ces situations, le choix des parents est déterminant pour l'avenir de l'enfant, particulièrement, la petite fille. Au-delà des facteurs sus-évoqués, des facteurs de nature structurelle apparaissent comme une clé de compréhension de ce triste phénomène de travail des enfants. 3. Les résistances structurelles à la lutte contre le travail des enfants Au niveau structurel, les résistances résident au niveau du manque d'efficacité de la volonté politique et l'inadaptation ou l'inexistence d'une législation nationale spécifique qui a eu cours durant de longues années, ainsi que la surveillance insuffisante des frontières et la méconnaissance des droits de l'enfant. Comme déjà indiqué, la Côte d'Ivoire a ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant depuis le 04 février 1991, mais elle a attendu plus de 7 ans avant d'adopter et déposer son rapport initial au comité des droits de l'enfant. La ratification de la convention n'a pas été suivie immédiatement de textes d'application. Bien qu'ayant toujours existé1581, le travail précoce et l'exploitation des enfants se sont davantage répandus parce qu'il n'y avait pas de moyens d'inspection appropriés. Les contrevenants à l'interdiction du travail des enfants n'étaient pas systématiquement sanctionnés. Le code du travail ivoirien ne réglementait pas le travail des enfants dans le secteur informel ou parallèle qui occupait la plupart des enfants concernés. En outre, le trafic ou la traite d'enfants est une nouvelle criminalité qui longtemps 1579 Rapport de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats du ministère français des affaires étrangères, Les violences de genre en milieu scolaire d'Afrique subsaharienne francophone, 2012, 28p. ; MBASSA MENICK (D.), « Les abus sexuels en milieu scolaire au Cameroun : résultats d'une recherche-action à Yaoundé » In. Médecine tropicale, n° 62-1, p. 58-62, 2002. 1580 Note de situation de la Fédération internationale des associations des droits de l'homme, Naitre fille, c'est surmonter beaucoup d'obstacles, 7 mars 2016, 8 p. 1581 http://www.archives18.fr/article.php?laref=482 560 n'a pas été réprimée en tant qu'infraction spécifique. En un mot, cela traduisait le manque d'efficacité de la volonté politique et l'inadaptation ou l'inexistence d'une législation nationale spécifique qui a eu cours durant des années. Cette situation encourageait les trafiquants et exploiteurs d'enfants qui se constituaient en réseaux. De surcroît, la surveillance insuffisante des frontières1582 encourage encore aujourd'hui la persistance de ce phénomène. Le trafic transfrontalier d'enfants est favorisé par la tradition de migration des travailleurs saisonniers1583 ou agricoles1584 en Côte d'Ivoire. La perméabilité des frontières a permis aux trafiquants de développer des réseaux de placement d'enfants. Les enfants victimes de trafic sont envoyés sur le territoire avec la complicité ou le laxisme de certains agents chargés de veiller sur la sécurité aux frontières1585. La méconnaissance des droits de l'enfant par les placeurs d'enfants et les employeurs expliquent aussi en partie la pratique. En effet, ceux-ci ignorent, pour la plupart encore, que le travail précoce des enfants est contraire au bien-être de l'enfant et constitue une violation de leurs droits fondamentaux1586. La majorité des agences de placement et les parents ignorent que l'âge minimum d'admission à l'emploi est fixé à quinze (15) ans et que le placement est prohibé dans certains lieux1587. Et lorsque les droits de l'enfant sont connus des différents acteurs, ils sont inappliqués. Il n'y a donc pas un programme efficace de vulgarisation des dispositions de la CIDE et des autres normes pertinentes de protection des droits de l'enfant à l'intention de cette catégorie de personnes. 1582 GU KONU (E.), Les frontières en Afrique de l'ouest, sources et lieux d'information in Hommes et Migrations, n°1160, décembre 1992, p.24. 1583 OIM, Migration en Côte d'Ivoire-Profil National , 2009, 114p. ; FALL (P.D.), « Travailler en circulant. La circulation en Afrique de l'Ouest et de l'Afrique de l'Ouest à l'Afrique du Sud », In. Migrations-Société 18 (107), 2006 : pp.233-251. 1584 DIALLO (Y.), Les enfants et leur participation au marché du travail en Côte d'Ivoire, Thèse de Doctorat ès Sciences économiques, Université Montesquieu Bordeaux IV, 355p. 1585 Les forces de l'ordre ivoirienne ont récemment mis fin aux activités peu recommandable d'un trafiquant d'enfants. En effet, Yacoub BARI de nationalité togolaise a été mis aux arrêts, le jeudi 12 juin 2016 à Noé (Villé Frontalière entre la Côte d'Ivoire et le Ghana) par la police des Frontières. Ce trafiquant en compagnie de six enfants (3 filles et 3 garçons) dont l'âge varie de 4 à 16 ans en provenance de Boaré dans la sous-préfecture de Dapaong au Togo. Après son arrestation, Yacoub BARI a été déféré au Tribunal d'Aboisso où il a été condamné à une peine d'emprisonnement de douze (12) mois et à payer une amende de cent mille Francs (100.000 Fcfa). Les enfants ont été quant à eux, mis à la Maison d'accueil Padre Pio de Yaou à Bonoua avant leur retour dans leur pays d'origine. 1586 PECES (G.)- MARTINEZ (B.), Théorie générale des droits fondamentaux, Série droit, LGDJ, 2004, pp.34-36. 1587 Débit de boisson, restaurants, sites miniers et aurifères. 561 Cela dit, il importe d'analyser à présent, les résistances tenant à la persistance des sévices et exploitations sexuels des enfants. B. LES RESISTANCES TENANT A LA PERSISTANCE DES SEVICES ET EXPLOITATIONS SEXUELS Outre les mauvaises conditions de vie et une sexualité précoce non maitrisée (1), seront examinés les dysfonctionnements familiaux, le travail des jeunes filles en domesticité, l'influence du milieu de vie (2), et d'autres fortes résistances d'ordre structurel (3). 1. Les mauvaises conditions de vie et une sexualité précoce et non maitrisée On le sait : Les enfants vivant dans des conditions difficiles sont plus exposés aux sévices et abus sexuels. La plupart des parents d'enfants victimes de prostitution vivent dans des conditions de précarité, de misère et parfois des situations d'extrême pauvreté. La prostitution des filles constitue un moyen pour améliorer leurs conditions de vie. Dans cette stratégie de lutte pour la survie, les enfants n'ont pas assez de ressources physiques et morales pour résister à la pression familiale ou du milieu et ils sont poussés, sinon, livrés à la prostitution dès leur puberté. Aussi, certains parents ne se soucient pas de la provenance de l'argent rapporté à la maison par les enfants, du commerce sexuel ou même les encouragent à cette pratique1588. Une sexualité précoce1589 et non maitrisée est un autre facteur déterminant de l'exploitation sexuelle des enfants. De plus en plus, de jeunes filles atteignent la puberté1590 très tôt. La précocité de l'âge de la puberté à 10 ou 12 ans place les jeunes filles dans une situation de besoins physiques. Dans ces circonstances, elles prennent conscience des potentialités qu'offrent leur corps et le commerce du sexe en découlant pour pouvoir sortir de la pauvreté. Les rapports sexuels précoces et non maitrisés moyennant finances, placent les enfants dans une situation de dépendance dont profitent les clients et les réseaux de 1588 KOUTOUAN (N.C.), Etude sur la prostitution enfantine et les réseaux de traite dans les communes de Yopougon et d'Adjamé, GTZ, 2007, p.30. 1589 BOISLARD PEPIN (M.A.), Précocité sexuelle et comportements sexuels à risque à l'adolescence : étude longitudinale des facteurs individuels, familiaux, dans le groupe d'amis et contextuels associés, Thèse de doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal, Février 2010, 249p. 1590 PIENKOWSKI (C.) et GRANDJEAN (S.), La puberté avant l'âge in Nouveaux aspects, juillet 2009, 42 p. 562 563 prostitution enfantine. Par ailleurs, les dysfonctionnements familiaux et le travail des jeunes filles en domesticité expliquent aussi la persistance des sévices et exploitations sexuels des enfants.
Pour être nombreuses, ces résistances se rapportent essentiellement au manque d'efficacité de la répression, l'effondrement des valeurs traditionnelles, les unions précoces et forcées et le développement des réseaux. S'agissant du manque d'efficacité de la répression, il est à noter que les enfants victimes de sévices ou d'abus sexuels éprouvent une gêne à dénoncer les auteurs. Et lorsque les auteurs sont dénoncés, on observe une réticence des autorités de police à identifier les coupables et à les poursuivre en justice. En tout état de cause, le système de répression pénale n'est pas efficace car les faits de viol sont souvent ignorés ou disqualifiés et les auteurs ne sont pas sévèrement sanctionnés. La crainte de représailles finit par convaincre les enfants victimes à abandonner toute poursuite. Quant à l'effondrement des valeurs traditionnelles1591, on constate malheureusement que les normes de bon comportement et les mécanismes traditionnels d'encadrement de la société (sanctions sociales) s'effondrent. L'on assiste à une dépravation des moeurs1592 et l'incitation délibéré des jeunes à la débauche1593. Cette situation est favorisée par certaines croyances qui véhiculent l'idée de richesse et de puissance grâce aux rapports sexuels avec un enfant. La banalisation des valeurs morales et l'abandon des règles de protection des enfants font de ces derniers, des objets de plaisirs sexuels. Quant au développement des réseaux, dans le cas de la prostitution enfantine et de la pédophilie, la demande s'organise en cercles fermés et réseaux. Le proxénétisme1594 se développe et de plus en plus de jeunes couvrent cette demande croissante. Cette situation est due au manque de volonté politique pour aborder de front ce problème. L'indifférence ou la complicité de la police et la puissance des instigateurs ont contribué à l'organisation du milieu et l'expression du marché du sexe impliquant les enfants. En sus, dans la plupart des communautés, le mariage précoce des filles est un projet social de premier ordre. Dès l'enfance, la jeune fille est proposée en mariage et elle doit rejoindre son partenaire, même si elle n'a pas achevé son développement physique ou même si elle s'y oppose. C'est donc ce corps frêle qui doit subir des rapports sexuels inopportuns. Le traumatisme causé à la jeune fille aura des conséquences sur sa santé physique et son bien- 1591 ACHEBE (C.), Le monde s'effondre, Editions Présence Africaine, juillet 2000, 250 p. 1592 KOUTOU (N. C.), DOUABELE (A.-C.), KOFFI (A. P.), KANON (G. L.), ETTIEN (A.M.), Crises et violence en milieu universitaire ivoirien : impact sur les valeurs de l'Université, 2007, 28 p. 1593 UNICEF, Exploitation et abus sexuels des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre : Evolution de la situation, progrès accomplis et défis à surmonter depuis le Congrès de Yokohama (2001) et la Conférence Arabo-Africaine de Rabat (2004), novembre 2008, 71 p. 1594 MARON (M.), C'est la prostituée qui fait le proxénète, Dr. pén. 1990, n°2, chron. 1. ; PRADEL (J.) et DANTI-JUAN (M.), Droit pénal spécial, 4ème édition 2007/2008, Cujas, n°772 ; 564 être psychologique. Les unions coutumières ou religieuses précoces cachent les souffrances des enfants1595. Une autre forme de résistances qui ne peut être passée sous silence a trait à celles relatives aux enfants en conflit avec la loi et ceux en situation d'urgence. § 3. LES CAUSES DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE DES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI OU DES ATTEINTES AUX DROITS DES ENFANTS EN PERIODE DE CONFLIT ARME Seront successivement analysées, les résistances tenant à la persistance du phénomène des enfants en conflit avec la loi (A) puis celles tenant aux graves atteintes aux droits de l'enfant en période de conflit armé (B). A. LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA PERSISTANCE DU PHENOMENE DES ENFANTS EN CONFLIT AVEC LA LOI Après avoir abordé les résistances immédiates (1), nous examinerons les résistances lointaines(2) qui expliquent la situation des enfants en conflit avec loi. 1. Les facteurs immédiats La dislocation de la cellule familiale et les carences éducatives, le développement de la délinquance juvénile, l'influence du groupe et l'ignorance des risques constituent autant de causes directes qui font perdurer le phénomène des enfants en conflit avec la loi. S'agissant de la dislocation de la cellule familiale et des carences éducatives, notons que la famille est le milieu naturel dans lequel se forme la personnalité de l'enfant1596. La dislocation du tissu familial par l'éclatement ou l'éloignement du couple, la perturbation du cercle familial par l'arrivée d'un nouveau conjoint sont de nature à déséquilibrer l'enfant qui cherche des repères sociaux. Dans ce cas, les carences éducatives qui s'observent chez les enfants en danger moral sont des facteurs aggravant de la déviance et de la délinquance juvénile. Ainsi, le processus de socialisation de l'enfant est interrompu et l'enfant qui 1595 Centre de développement de l'OCDE, « Examen du bien-être et des politiques de la jeunesse en Côte d'Ivoire », Projet OCDE-UE Inclusion des jeunes, Paris 2017, pp.108-109. 1596 KARBOWNICZEK (J.), La famille et la créativité de l'enfant à l'âge préscolaire Synergies Pays riverains du Mékong n°1-2010, p.196. 565 traverse sa crise d'adolescence est le plus porté sur la facilité et le passage à l'acte délictuel. Selon les données recueillies au CREA, alors que certains pensionnaires sont non scolarisés, d'autres sont d'un niveau primaire et peu d'entre eux ont un niveau secondaire. C'est dire que si l'ignorance et l'analphabétisme1597 sont l'une des causes de la délinquance, l'échec scolaire et l'exclusion sont des facteurs déterminants dans la marginalité1598 des jeunes. L'éclatement de la famille contribue à la déviance1599 des jeunes. Il ressort de nos entretiens que la plupart de ces enfants provient de famille désunie ; d'autres sont des orphelins. Ce qui les place dans une situation de précarité, d'oisiveté et d'exclusion sociale propice à la délinquance. La délinquance juvénile1600 est un phénomène social qui tend à se développer ces dernières années. Elle se manifeste en milieu urbain, compte tenu des mouvements migratoires et des concentrations de population dans les villes. Les mineurs délinquants commettent des délits de subsistance, des larcins pour leur survie. Ils enfreignent la loi pour couvrir des besoins vitaux pressants : l'alimentation, l'habillement, les soins primaires1601... Les attaques contre les biens d'autrui prédominent et se caractérisent par des délits de vol1602, 1597 SEURAT (A.), Contexte d'alphabétisation dans le contexte africain, thèse, Université de Bourgogne, 2012, 255 p. ; FINK (C.), L'éducation des femmes et le d ìdéveloppement en Afrique subsaharienne, Economies and finances, 2011, p. 51. 1598 IRITIE (N.D.), Echec scolaire et devenir comportemental des adolescentes vivant dans les quartiers précaires à Abidjan : Le cas de YAHOSEI dans la commune de Yopougon, Mémoire de maitrise criminologie 2005 Université de Cocody-UFR de criminologie, 2005, 90p. ; VULTUR (M.), « Les jeunes qui abandonnent les études secondaires ou collégiales : rapport à l'école et aux programmes d'aide à l'insertion socioprofessionnelle », Revue des sciences de l'éducation, vol.35, n°1, pp.55-67 ; VULTUR (M.), « Aux marges de l'insertion sociale et professionnelle »In. Nouvelles pratiques sociales, vol 17, n°2, 95-108. 1599 SICOT (F.), « Conflits de culture et déviance des jeunes de banlieue », Revue européenne des migrations internationales, vol.23-n°2, octobre 2010, pp.29-56 ; BRION (F.), TULKENS (F.) « Conflit de culture et délinquance. Interroger l'évidence », Déviance et société, vol.22, n°3, pp.235-262. 1600 Ministère de la Justice, « Justice, Délinquance des enfants et des adolescents. Etat des connaissances Actes de la journée du 2 février 2015 » In. Justice des enfants §des adolescents quel projet pour notre société ?, Mai 2015, 165p. 1601 Article 104 code pénal ivoirien « Il n'y a pas d'infraction lorsque les faits sont commis pour préserver d'un danger grave et imminent la vie, l'intégrité corporelle, la liberté ou le patrimoine de l'auteur de l'acte ou d'un tiers, et à la condition que le danger ne puisse être écarté autrement et que l'auteur use de moyens proportionnés aux circonstances. ». 1602 Art. 392 et suivants du code pénal ivoirien « Quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol ». ; Vol simple : Art. 393 du CP ; vol aggravé : art. 394 du CP). 566 les abus de confiance1603, l'escroquerie1604 et la grivèlerie1605 Les atteintes contre l'intégrité physique d'autrui (agressions, coups et blessures volontaires, abus sexuels) représentent aussi un pourcentage non négligeable des cas. La détention et la consommation des stupéfiants (drogues) sont reprochées à une quantité d'enfants non négligeable. Le sentiment d'insécurité qui est ressenti par la population a suscité des réactions sociales qui se traduisent par l'emprisonnement des enfants qui ont enfreint la loi1606. L'influence du groupe et l'ignorance des risques exposent les enfants à la commission d'infractions. Les enfants en conflit avec la loi sont entrainés par leur groupe d'âge, par les mauvaises fréquentations. Par l'effet de groupe, ils participent à des actes délictuels avec des jeunes plus âgés et se retrouvent seuls face aux autorités répressives. Les frustrations accumulées par l'enfant en famille et les conditions difficiles d'existence peuvent amener les enfants à trouver réconfort au sein d'un groupe ou d'une bande. Les nouvelles valeurs développées par le groupe sont une référence pour lui. Ainsi, les enfants sont influencés par leur milieu de vie et de fréquentation et ils ignorent les risques réels des actes délictuels qu'ils sont amenés à poser. Les enfants en danger moral développent de nouvelles valeurs qui sont parfois à l'opposé des normes ou règles de conduite admises en société. A ce type de résistances, des causes lointaines expliquent également la pérennisation des enfants en conflit avec la loi. 2. Les causes lointaines de la pérennisation des enfants en conflit avec la loi Elles sont liées à la pauvreté des ménages et des conditions de vie des enfants, à l'attitude de réprobation de la communauté à l'égard des enfants en conflit avec la loi. Deux enfants sur trois privés de liberté sont issus de familles démunies, dans lesquelles l'un ou les deux parents sont au chômage. Ainsi, le revenu du foyer ne permet pas de subvenir aux besoins de toute la famille. Les enfants en conflit avec la loi sortent souvent 1603 Art. 401 du CP ivoirien. 1604 Art. 403 et suivants du Code pénal ivoirien. 1605 Art.398 du code pénal ivoirien. 1606 En Côte d'Ivoire, les mineurs dont l'âge est inférieur à 13 ans ne peuvent être condamnés à une peine d'emprisonnement ; Les juges peuvent appliquer aux mineurs de 13 à 16 ans des peines d'emprisonnement. Mais ces peines doivent être exceptionnelles. Le juge doit en principe leur préférer des mesures éducatives. 567 des milieux défavorisés, vivent dans les habitats précaires. Dans ces milieux de vie, l'enfant n'a presque pas accès aux services sociaux de base. Le mépris et l'indifférence de la communauté attise les actions des enfants candidats à la commission des infractions. Le sentiment d'insécurité suscité par les atteintes contre les personnes et leurs biens a provoqué des réactions de mépris et d'indifférence de la communauté et des parents à l'égard des enfants en conflit avec la loi. Les enfants incarcérés sont abandonnés par leur famille et sont considérés comme des bons à rien, des parias. Le manque d'attention et de visites familiales aux enfants détenus contribue à renforcer le sentiment de solitude, d'incertitude des enfants qui ont transgressé la loi. N'ayant aucun contact avec l'extérieur, les enfants ont un faible apport nutritionnel et en soins médicaux. Ils sont plus ou moins oubliés par la communauté. B. LES CAUSES DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANT EN PERIODE DE CONFLIT ARME Il s'agit principalement du conflit armé ivoirien et des crises successives qu'ont connues certains pays de la sous région africaine. La région de l'Afrique de l'Ouest et du Centre est gagnée par les conflits armés internes1607 qui affectent directement les populations civiles, plus particulièrement les enfants. Depuis son indépendance jusqu'aux récents évènements de 2002, la République de Côte d'Ivoire est restée un Etat de paix. C'est ainsi que les populations civiles des pays limitrophes en conflit armés ont trouvé refuge en Côte d'Ivoire. Parmi les populations déplacées, la situation des enfants non accompagnées1608 reste très préoccupante. Les populations civiles fuyant la guerre civile au Liberia ont été accueillies par les populations ivoiriennes autochtones dans les zones d'accueil (Guiglo, Danané, Tabou et Toulepleu). La guerre civile du Liberia a eu un impact considérable sur la Côte d'Ivoire, Etat voisin qui a 1607 SATCHE (B.R.), Les conflits armés internes en Afrique et le droit international, thèse de doctorat en droit, 2008, 482p. ; SCHINDLER (D.), « The different types of armed conflicts according to the Geneva Convention and protocols »In. R.C.A.D.I., 1979, volume 163. 1608 COMITE DES DROITS DE L'ENFANT, « Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d'origine », Observation générale n°6, CRC/GC/2005/6 (2005) §84. ; « Mineurs non accompagnés », in La Revue de Rabat, La lettre d'information du Dialogue Euro-Africain sur la Migration et le Développement (Processus de Rabat), n°1 Les groupes vulnérables, p.2. ; Au niveau européen, voir, NISRINE EBA NGUEMA, « La protection des mineurs migrants non accompagnés en Europe », La Revue des droits de l'Homme, 7/2005 disponible sur htpp:// revdh.revues.org/1147 (consulté le 15 décembre 2016). 568 déployé des moyens supplémentaires et subi parfois la dégradation de son environnement dans les zones d'accueil. Cette situation s'est aggravée avec une décennie de crise politico-militaire qu'a vécue la Côte d'Ivoire depuis 20021609. Il nous faut donc rêver d'une Côte d'Ivoire débarrassée de tout conflit et de toute guerre, pour ensuite vouloir construire un Etat de droit propice à l'effectivité des droits. Dans la procession de cette Côte d'Ivoire nouvelle, la trêve du conflit ou de la guerre ne sera que l'annonce du droit de la paix et le triomphe du droit à la paix1610. Toutefois la paix tant recherchée doit-elle être obtenue par la guerre ? La réponse à la question semble négative. L'avènement de la paix impose une tout autre logique que celle héritée de l'adage : « si tu veux la paix prépare la guerre ». En effet, l'histoire nous enseigne que chaque fois que les canons se sont tus, les hommes ont toujours nécessairement eu recours au dialogue, à la négociation et à la médiation, seuls moyens garantissant l'accès à la cité idéale dont nous aspirons tous à être les citoyens : la société cosmopolitique1611. Si la maxima civitas1612 doit se faire pour tous les Ivoiriens, elle ne saurait se faire sans eux. L'Etat de droit procède de la volonté de respect des institutions républicaines et de restauration de la dignité humaine, par laquelle le projet de paix1613 devient réalité1614. Les Ivoiriens doivent donc rompre définitivement avec la guerre. Cette rupture devrait servir de référence pour exorciser en chaque ivoirien, notamment, tous les acteurs politiques, l'amour de la guerre en méditant ces sages paroles : « Il faut maintenant que je retourne sur mes pas, et que j'ôte à ceux qui font la guerre, presque tout ce qu'il semble que je leur aie accordé, (...) car (...), il était certainement plus honnête et plus louable, selon le sentiment des gens 1609 ACKA SOHUILY (F.), « Conflit et guerre pour la paix en Afrique : de quel droit », In. L'Afrique de l'Ouest et la tradition universelle des droits de l'homme, Editions du CERAP, colloque d'Abidjan 13, 14 et 15 mars 2006, p.163 et s. 1610 SOMMAGURA (C.), « Réflexions et convictions sur l'humanitaire d'aujourd'hui et demain » in Revue internationale de la Croix Rouge, juin 2000, Vol.82, n°837, p.295. 1611 KANT (E.), Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique(1784), trad. J.M. Muglioni, Bordas, Paris, 1981. 1612 Civitas maxima est une expression d'origine latine qui signifie « communauté internationale ». Elle renvoie aussi à une doctrine juridique qui affirme que tous les êtres humains en tant que membres de la communauté internationale partageant un certain nombre de valeurs et s'entendent sur le fait que les violations les plus graves commises à l'encontre de ces valeurs appellent une réponse équitable et vigoureuse, sans peur ni faveur pour aucun. Cette doctrine considère qu'il existe un intérêt individuel et que cet intérêt commun doit les amener à faire en sorte que les crimes les plus graves ne restent pas impunis. 1613 KANT(E.), Projet de paix perpétuelle (1795), trad. J. Gibelin, 6e éd. Vrin, Paris 1988. 1614 ACKA SOHUILY (F.), « Conflit et guerre pour la paix en Afrique : de quel droit ? » In. L'Afrique de l'Ouest et la tradition universelle des droits de l'homme, Editions du CERAP, colloque d'Abidjan 13, 14 et 15 mars 2006, p.163 et s. de bien, de s'en abstenir »1615. Pour réconcilier la Côte d'Ivoire avec son humanité et la créditer de la paix qui lui est nécessaire et propice à une effectivité des droits de l'enfant, une sagesse nouvelle s'impose aux ivoiriens, intimant son ordre à la pensée et à l'action : si tu veux la paix, prépare la paix ! Les causes identifiées, une autre condition essentielle pour espérer une amélioration de l'effectivité des droits de l'enfant, consisterait à préconiser des mesures significatives face à cette crise d'effectivité. 569 1615 GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, (1687), Livre III, Chapitre X, Paragraphe 1. 570 |
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