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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoirepar Arsène NENI BI Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018 |
A. L'INTERET SOCIO-POLITIQUECet intérêt est perceptible tant au niveau de la société nationale que de la société internationale. 1. L'importance des droits de l'enfant dans les relations internationales Idée-force, ou maître mot, des peuples contemporains, les droits de l'homme, et incidemment, les droits de l'enfant, sont à l'ordre du jour dans le monde. Ils ont retrouvé partout, sur tous les points du globe, un regain d'honneur et d'intérêt, même si celui-ci n'est pas dénué d'arrière-pensées politiques. Un des enjeux majeurs qui se dessinent de nos jours 94 http://www.cnrtl.fr/etymologie/réalité (consulté le 22 janvier 2014). 95 Voir notre poème : NENE BI (A.D.), « Enfant, je défendrai à toujours ta cause ! », In. Misères et Espoirs : Voici ma mélodie !, Edilivre, 2018, pp. 83-84. 38 est l'établissement, à l'échelle planétaire, d'un droit international adopté et respecté par tous. Les obstacles sont considérables, le principe de la souveraineté des Etats n'étant pas le moindre. En l'absence d'un tel droit international, les tentatives d'intervenir dans les conflits locaux et les affaires nationales se multiplient. Que ce soit sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, ou au titre de l'aide humanitaire, elles se réclament et s'inspirent des droits de l'homme et prétendent oeuvrer à la protection de la personne humaine partout où elle est menacée. Il semble donc que, de plus en plus, les droits de l'homme servent de normes à ceux du citoyen, mais aussi une action politique au niveau mondial. Mais il ne faudrait pas qu'ils soient employés au détriment de la question du droit des peuples. Assurément, une prise de conscience mondiale, va crescendo, tendant à procurer à l'être humain le plein épanouissement de sa personnalité et de sa dignité, en un mot son bonheur ; à telle enseigne que les droits de l'homme, et partant les droits de l'enfant, sont devenus, non seulement un enjeu majeur dans les relations internationales, mais aussi une conditionnalité de l'aide internationale. a. Le respect des droits de l'enfant : un enjeu majeur dans les relations internationales L'universalité des droits de l'enfant, loin d'être acquise dans les faits, reste cependant une affirmation forte qui trouve sa légitimation dans la plupart des instruments juridiques internationaux auxquels ont librement souscrit presque tous les Etats membres de la communauté internationale. Mais, à l'instar des droits de l'homme, les droits de l'enfant sont un discours à la fois polysémique et hégémonique ; ils sont un outil à tout faire96, avec des risques évidents d'être détournés de leurs fonctions véritables97. Ainsi, les droits de l'enfant représentent aujourd'hui un enjeu politique, géopolitique et géostratégique majeur dans les relations entre Etats. C'est ce que montre la fonction qui leur est dévolue, laquelle fonction se décline sous différentes formes. Il s'agit d'abord d'un facteur d'intégration éthique : la Déclaration de la Conférence de Vienne de 1993 affirme que : « eu égard aux buts et principes de l'Organisation des Nations 96 YACOUB (J.), Les droits de l'homme sont-ils exportables ?, Paris, Ellipses, 2005, pp. 133-166. 97 BESSIS(S.), L'Occident et les autres, Paris, La Découverte §Syros, 2001-02, pp.238-328. 39 Unies, la promotion et la protection de ces droits sont une préoccupation légitime de la communauté internationale »98. Les droits de l'enfant, tels qu'ils résultent des instruments juridiques internationaux, développent un consensus mondial quant au statut même de l'enfant. Dès lors, ne peuvent véritablement faire partie de cette communauté internationale ou s'en réclamer que ceux des Etats qui font clairement allégeance à ces valeurs des droits de l'enfant, s'engageant ainsi à les respecter et les faire respecter. Ils sont un facteur de « civilisation »99 des Etats en tant que membres de la communauté mondiale, ce qui les engage à respecter un certain nombre d'obligations au niveau national et international. Les instruments juridiques internationaux sont des outils de mise en oeuvre et d'évaluation de cette civilisation mondiale des droits de l'homme-enfant. En ce sens, les droits de l'enfant sont un moyen de penser aux évènements tragiques, une lentille à travers laquelle notre société peut être vue et critiquée, un ensemble d'aspirations qui constitue le coeur de l'idéologie libérale. Les droits de l'homme sont devenus, selon les mots de Richard Rorty, une « vérité dans le monde100 ». Vitrine attirante sur la scène politique internationale, les valeurs de l'Etat de droit font recette101 et sont proclamés par la plupart des Etats, du moins, en théorie. Même les Etats dont la qualification d'Etats démocratiques fait l'objet de débats comme les pays de l'Europe de l'est102, et ceux dits du Sud103, affirment constitutionnellement leur attachement à l'Etat 98 Déclaration de la Conférence des Nations unies sur les droits de l'homme du 25 juin 1993, art.4. 99 L'article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 Août 1949 fait mention des garanties reconnues comme « indispensables entre les peuples civilisés ». 100 RORTY (R.), « Human Rights, rationality and sentimentality », in On Human Rights: The Oxford Amnesty Lectures 1993, Stephen Shute and Susan Hurley, eds. (New York, Basicbooks, 1993, p.134. 101 HAMON (L.), « L'Etat de droit et son essence », Revue française de Droit constitutionnel, n°4, 1990, p.699. 102 A titre d'exemple, voir l'art. 1, al. 1 de la Constitution de la Fédération de Russie du 12 décembre 1993 : « La Fédération de Russie est Etat démocratique, fédéral, un Etat de droit ayant une forme républicaine de gouvernement » ; Art. 1 de la Constitution ukrainienne du 28 juin 1996 : « L'Ukraine est un Etat de droit souverain, indépendant, démocratique et social » ; Art.1, al.1 de la Constitution de Biélorussie adoptée le 24 novembre 1996 : « La République de Biélorussie est un Etat de droit social, démocratique et unitaire ». 103 En Afrique, c'est notamment le cas du Bénin qui dès le Préambule de sa Constitution affirme « sa détermination par la présente Constitution (Loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin) de créer un Etat de droit et de démocratie pluraliste... ». Le Sénégal dans sa Constitution de 2001 affirme : « Le respect et la consolidation d'un Etat de droit dans lequel l'Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale ». Le Burkina Faso dans sa Constitution du 27 janvier 1997 s'est engagé dans le préambule à préserver les acquis des droits collectifs et individuels (...) ». En Amérique du Sud, la Constitution de la République bolivarienne du 40 de droit. Il s'agit en fait pour ces Etats en adhérant aux principes de l'Etat de droit, d'acquérir ainsi « un minimum de respectabilité internationale »104. Comme le note John TASIOULAS : « le discours de ces derniers temps sur les droits de l'homme a été élevé au statut d'une lingua franca éthique »105 . Les Etats dans leur majorité ont compris que l'Etat de droit ne va pas sans garanties constitutionnelles des droits et libertés fondamentaux et ces garanties doivent être fondées sur « le mixte de naturalité et de rationalité qui est propre à l'homme »106. Dans ce processus de construction de l'Etat de droit en Afrique, les droits de l'enfant ont sans doute une importance indéniable en tant que composante essentielle de l'Etat de droit. Cet Etat de droit ne doit plus être aujourd'hui une notion purement « incantatoire »107 en Afrique et singulièrement en Côte d'Ivoire. Les droits de l'enfant renforcent la citoyenneté et la démocratie tant au niveau national qu'international. Il y a aujourd'hui la manifestation d'une conscience de citoyenneté mondiale qui fait que l'on se sent concerné par ce qui se passe ici ou ailleurs : exploitation et traite des enfants, résistance à l'oppression à l'échelon mondial, interdiction de la torture et combat pour l'abolition de la peine de mort, lutte contre la pauvreté, les maladies ou tout autre fait qui porte atteinte à la dignité et qui compromet le bien-être et l'avenir des enfants. Enfin, à l'instar des droits de l'homme, les droits de l'enfant sont aujourd'hui, un enjeu politique et géostratégique dans les relations internationales. C'est un argument de poids dans la conception des nouvelles théories, notamment le droit (et même le devoir) d'ingérence politique, puis humanitaire et maintenant judiciaire avec l'avènement des juridictions pénales internationales et l'universalité de leurs compétences108. Un autre aspect Venezuela de 1999 proclame dans son article 2 : « Le Venezuela se constitue en un Etat démocratique, de droit et de justice (...) ». 104 HAMON (L.), « L'Etat de droit et son essence », Revue française de Droit constitutionnel, n°4, 1990, p.700. 105 TASIOULAS (J.), « The moral reality of Human rights », in Freedom from poverty as a human right: who owes what to the very poor? , Thomas Pogge, ed. Oxford, Oxford University Press, 2007, p.75. 106 GOYARD-FABRE (S.), L'Etat, figure moderne de la politique, Armand Colin, Coll. « Cursus », Paris, 1999, p.95. 107 DE GAUDUSSON (J.D.B.), « Défense et illustration du constitutionnalisme en Afrique après quinze ans de pratique du pouvoir », in Mélanges en l'honneur de Louis-Favoreu : Renouveau du droit constitutionnel, Dalloz, Paris, 2007, p.610. 108 KOUDE (R.K.), La pertinence opératoire des droits de l'homme : de l'affirmation universaliste à l'universalité récusée, Thèse de doctorat en Philosophie, Université Jean Moulin Lyon 3, 2009, p.323. 41 de l'importance des droits de l'enfant dans les relations internationales, c'est qu'ils se présentent comme une conditionnalité de l'aide internationale. b. Le respect des droits de l'enfant : une conditionnalité de l'aide internationale Depuis 1990, les droits de l'homme, sinon, les droits de l'enfant sont devenus une condition d'octroi de l'aide internationale, une référence naturelle, voire obligée, des discours des hommes politiques. Les pays développés et les institutions internationales conditionnent l'octroi de leurs aides et de leurs prêts aux gouvernements des pays sous-développés au strict respect des droits de l'homme et des exigences démocratiques. De façon générale, il est aujourd'hui établi un lien direct entre l'assistance occidentale et la démocratie véritable, celle qui repose sur certaines valeurs universelles, telles : le respect des droits humains, le respect des droits de l'enfant, l'investissement dans le droit à l'éducation des enfants, la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants, le multipartisme, la participation des citoyens à des élections libres et honnêtes, le libre choix des gouvernants, l'Etat de droit, la bonne gouvernance. Ainsi, depuis le sommet franco-africain de la Baule109, en date du 21 juin 1990, l'aide de la France est devenue graduée à l'égard des régimes politiques africains : elle est tantôt enthousiaste, tantôt tiède, et cela, selon que les régimes politiques bénéficiaires sont attachés ou non aux droits de l'homme. En juillet 1996, au terme de son voyage officiel au Congo, précisément à Brazzaville, le Président Jacques CHIRAC avait mis les chefs d'Etat africains en garde en ces termes : « Il faut en finir avec les coups de force ou d'Etat, les putschs, les juntes, les pronunciamientos et toutes les manifestations de transition violente. Ces évènements d'un autre âge sont, pour chacun de nous, une véritable humiliation. Pour les peuples, ils sont une déception et l'alibi trop commode du désengagement. »110. 109 Discours de François MITTERAND à la Baule, 20 juin 1990, in Politique étrangère de la France, mai-juin 1990, p.130. ; AKONO (F.T.), Le discours de la baule et les processus démocratiques en Afrique. Contribution à une problématique de la démocratie et du développement dans les pays d'Afrique noire francophone, Thèse de doctorat en science politique, Université de Clermont-Ferrand 1, 1995, 644p. 110 CHIRAC (J.) cité par Nicolas AGBOHOU, Le franc CFA et l'Euro contre l'Afrique, Editions Solidarité Mondiale A.S., Paris, 1999, p.207. Il a également suggéré de cimenter le socle des valeurs intangibles telles que « la liberté, la dignité, le respect de l'autre, l'égalité des hommes, le droit qui les garantit »111. Pour les pays dont la politique se situe aux antipodes de ces valeurs fondamentales, « le risque est grand de voir se tarir l'octroi de l'aide extérieure »112 . Au fond, à l'heure actuelle, les pays développés et/ou bailleurs de fonds internationaux s'abstiennent et souvent refusent de consentir des aides ou prêts aux pays sous-développés qui violent les droits de l'enfant ; autrement dit, ils subordonnent l'aide au développement au respect rigoureux des droits de l'homme, donc, des droits de l'enfant. L'intérêt de notre sujet de recherche ayant été précisé au niveau du droit international et du droit des relations internationales, il importe d'examiner son intérêt national indéniable. 42 111 Idem, p.208. 112 Ibid., p.208. 43 2. L'importance des droits de l'enfant dans la société nationale Gouverner un pays d'une façon démocratique tient compte des besoins et des droits de sa population113. Ces besoins et ses droits ne se réduisent pas à des choses matérielles. Ils sont aussi non matériels. Plus spécifiquement les droits de l'enfant selon la CIDE couvrent les deux aspects de l'enfant : son corps et son esprit. Il s'agit du nouveau concept du « bien-être » de l'enfant114. Le bien-être de l'enfant est le droit pour l'enfant de vivre dans des conditions matérielles nécessaires à son développement physique, mental, spirituel, moral et social. Etant donné que l'enfant a besoin d'être pris en charge matériellement dans sa nourriture, son logement et sa santé, ce dernier doit être pris en charge au niveau intellectuel, psychologique et moral. Il existe une relation inséparable entre la culture démocratique diffusée dans une nation et la perception des esprits de ces citoyens. Et comme l'enfant est un individu à part entière, il est aussi affecté par la culture politique dominante. Un intérêt particulier de cette thèse visera à démontrer la relation existant entre le contexte politique et le respect des droits de l'enfant. L'intérêt national au niveau politique de cette étude consiste à faire face à un devoir né d'une prise de conscience et d'une conviction. L'étude est née d'une prise de conscience, du fait qu'il y a une distance objective entre la réalité vécue par les enfants en Côte d'Ivoire et la reconnaissance de leurs droits et libertés consacrés par les Constitutions et les instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant. De nombreux pays, comme la Côte d'Ivoire se sont engagés lentement dans le mouvement international et national de reconnaissance et de protection des droits de l'enfant. En effet, après son accession à l'indépendance, ce pays n'a pas pris véritablement à coeur dans son droit interne, la question de l'enfant et sa première Constitution le montre 113 ENFANCE TIERS MONDE, Les enfants : levier pour un développement humain durable Investir dans les enfants, Ven Brussels, 2005 p.2. 114 GOUTTENOIRE (A.), « Le bien-être de l'enfant dans la Convention internationale des droits de l'enfant », Informations sociales, 2010/4 n°160, pp.30-33. 44 clairement115. Ce sont les Constitutions de 2000116 et de 2016117qui insistent sur la protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. En plus des lois en matière de protection de l'enfant, elle a également adhéré aux instruments de protection des droits de l'homme en général et de l'enfant en particulier. Nonobstant la ratification des instruments spécifiques, la Côte d'Ivoire n'a pas toujours démontré un intérêt réel pour la défense des droits de l'enfant comme en témoigne la situation réelle des enfants dans ce pays. L'actualité de notre sujet y trouve son fondement. Une étude sur les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire apparait très opportune au vu de la ratification par l'Etat de Côte d'Ivoire, des textes internationaux relatifs aux droits des enfants. De façon globale, cette étude permettrait de mesurer l'écart entre les textes et leur application réelle sur le terrain. Mieux, elle vise à interpeller l'opinion internationale et nationale sur son devoir de protection de l'enfant en tant qu' « avenir du monde » car « l'avenir du monde, c'est-à-dire celui de ses enfants dépend de chacun d'entre nous. Car il appartient à chacun d'entre nous d'améliorer le sort de son prochain »118. Une telle étude est donc opportune et nécessaire dans la mesure où elle nous permettrait de situer les acteurs de la protection de l'enfance sur les actions concrètes réalisées en matière de mise en oeuvre des droits de l'enfant en Côte d'ivoire au regard de ce qui est prescrit par les conventions internationales et régionales. Une telle étude entend donner un aperçu des limites de la mise en oeuvre de la protection afin d'aider les acteurs de la protection de l'enfance à réorienter les actions pour une meilleure prise en charge des enfants en Côte d'Ivoire, afin de déboucher à terme , à une effectivité optimale des droits reconnus aux enfants. En somme, une telle étude vise à mieux faire le point sur les acquis, afin de mieux définir des perspectives pour une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. En effet, cette étude permettrait : 115 En effet, la Constitution ivoirienne de 1960 ne comporte aucune disposition expresse qui réfère aux droits de l'enfant. 116 Cela est perceptible dans les Articles 5 et 6 de la Constitution ivoirienne de 2000 qui feront l'objet d'un examen minutieux dans les développements ultérieurs. 117 Articles 5, 10, 16,31, 32,34 de la loi n°2016-886 du 08 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d'Ivoire. 118 Propos tenu par un enfant nommé GOKCE de nationalité turc, âgé de 16 ans lors de l'assemblée tenue par l'Union interparlementaire. Voir UNICEF, La protection de l'enfant guide à l'usage des parlementaires, 2004, p.7. 45 - de disposer d'une base de données fiables susceptibles d'orienter les politiques nationales de mise en oeuvre des droits de l'enfant en termes de besoins, préoccupations et de prise en charge de véritables intérêts des groupes cibles par les gouvernants ; - d'apporter des réponses ciblées et spécifiques prioritaires en termes de protection et de défense des droits de l'enfant. En un mot, à l'actualité du sujet s'associe, un autre intérêt social devant nous permettre d'analyser le système juridique ivoirien de protection des droits de l'enfant afin d'en déterminer les forces et les faiblesses. Au-delà, un dernier intérêt social consisterait à entrevoir de possibles solutions à la réalisation d'une effectivité optimale des droits reconnus aux enfants vivant sur le territoire ivoirien. Par ailleurs, l'importance du sujet de recherches « les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire : entre normes internationales et réalités locales » n'apparait pas seulement au niveau socio-politique ; il revêt un intérêt scientifique indéniable, car c'est une discipline universitaire transversale peu enseignée et vulgarisée en Côte d'Ivoire. B. L'INTERET SCIENTIFIQUE : LES DROITS DE L'ENFANT, UNE DISCIPLINE TRANSVERSALE NON AUTONOME ET PEU DIFFUSEE EN COTE D'IVOIRE La question de l'effectivité de la règle de droit en général, et des droits fondamentaux en particulier, présente un grand intérêt pour tout juriste. L'effectivité de la règle de droit est la condition nécessaire de l'existence de l'Etat de droit défini comme : « un Etat qui se soumet à un régime de droit119 , c'est-à-dire dont l'action est entièrement encadrée et régie par le droit... (et dont les) divers organes ne peuvent agir qu'en vertu d'une habilitation juridique et faire usage que des moyens autorisés par le droit »120. Pour François LUCHAIRE, le juriste a pour devoir de veiller à l'application du droit dans ses écrits et dans son enseignement121. Cette obligation s'accroit de façon exponentielle en matière de droits fondamentaux. Ainsi, au Congrès de New Dehli du 10 janvier 1959, 119 HENRY (J-P), « Vers la fin de l'Etat de droit ? », RDP, 1977, pp.1207-1235, p.1211. 120 CHEVALLIER (J.) « La mondialisation de l'Etat de droit », in M. BORGETTO (coord.), Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges Philippe Ardant, LGDJ, Paris, 1999, pp.325-337. , spéc. p.326. 121 LUCHAIRE (F.), « De la méthode en droit constitutionnel », RDP, 1981, pp.275-329, spéc. p.282. 46 organisé par la Commission Internationale des juristes, il a été expressément affirmé que la primauté du droit étant un principe dynamique : « ...il appartient avant tout aux juristes d'en assurer la mise en oeuvre et le plein épanouissement, non seulement pour sauvegarder et promouvoir les droits civils et politiques de l'individu dans la société libre, mais aussi pour établir les conditions économiques, sociales et culturelles lui permettant de réaliser les aspirations légitimes et de préserver sa dignité »122. Si les droits de l'homme sont aujourd'hui enseignés dans les universités ivoiriennes, tel n'est pas le cas des droits de l'enfant, stricto sensu. Eu égard à son intérêt socio-politique et à l'intérêt scientifique certain qu'ils présentent, l'enseignement des droits de l'enfant mérite d'être renforcé, aujourd'hui, dans les universités publiques et privées de la Côte d'Ivoire ; Mieux, comme les droits de l'homme, cette matière se révèle être une discipline-synthèse des matières de droit public. Au fond, les Droits de l'enfant s'analysent en une « science carrefour » ou « droit-carrefour », car ils se trouvent au confluent du Droit public et du Droit privé. Partant, ils se présentent comme une matière interdisciplinaire, ou transversale, étant le lieu de confluence, ou de convergence, d'une multiplicité et variété de disciplines juridiques. Dans ces circonstances, il n'est guère étonnant de voir, ou de savoir, que cette étude sur les « droits de l'enfant » tend à promouvoir toutes les branches du droit, donc tout le droit, c'est-à-dire la science juridique dans son ensemble. De même, l'absence d'une importante doctrine uniquement centrée sur la problématique justifie à plus d'un titre cette étude. A cet égard, ici, le sujet de recherche présente un intérêt scientifique certain. En somme, cette étude présente un grand intérêt aux niveaux international, national, et sur les plans politique, académique et scientifique. En effet, cette thèse pourra servir de sources d'informations pour les praticiens et de pistes de préconisations de réformes pour les autorités publiques. Et c'est de cet intérêt que découle la problématique du sujet. 122 Cité in MBAYE (K.), Les droits de l'homme en Afrique, 2e éd., A. Pedone, Paris, 2002, p.80. 47 § 3. LA PROBLEMATIQUE Relativement au sujet de recherche, une question se pose liminairement : Pourquoi une étude sur « Les droits de l'enfant en Côte d'Ivoire : entre normes internationales et réalités locales » ? Ou encore, une telle étude pour quoi faire ? L'importance d'une telle question vient de ce que les droits de l'enfant, revêtent un caractère universel. Dès lors, cette étude semble, a priori, briser la nature universaliste ou unitaire des droits de l'enfant, qui par essence, concerne tout enfant et tous les enfants à la fois. On le sait : l'enfant est éminemment un être complexe : il est ondoyant, inconstant et divers. En outre, il vit dans une société capricieuse, qui change au gré des circonstances. Il est évident que tout cela retentit sur ses droits, bien que ceux-ci possèdent un fond invariable, qui est un véritable atome insécable, résistant à l'usure du temps, et transcendant les espaces et les époques123. Parce qu'ils sont consubstantiels à l'enfant qui, lui-même, évolue, ou varie, d'une société à une autre, les droits de l'enfant apparaissent comme relatifs et évolutifs. Il s'ensuit que leur mise en oeuvre peut se décliner différemment suivant l'environnement socio-politique considéré. C'est donc à juste titre que ces droits présentent des particularités dans l'Etat de Côte d'Ivoire, pays ayant accédé à la liberté de se gouverner et s'administrer elle-même, en date du 7 Aout 1960. Cette indépendance acquise, la Côte d'Ivoire va adhérer au mouvement de reconnaissance et de protection aussi bien international que national des droits de l'homme et plus particulièrement, des droits de l'enfant. Partant, l'on espérait, en bonne logique, un renouvellement qualitatif de la vie socio-politique et culturelle ivoirienne, un sort meilleur des droits, notamment des droits de l'enfant, après les graves et massives atteintes aux droits enregistrés durant l'époque coloniale. Cette circonstance laisse surgir une série de questions : L'ordre juridique nouveau, résultant de l'Etat nouveau, consacre-t-il des droits au profit de l'enfant vivant sur le sol ivoirien ? Quelles sont les pratiques quotidiennes relatives aux droits de l'enfant dans cette ère nouvelle de la Côte d'Ivoire ? Existe-t-il des réponses satisfaisantes d'ordre juridique et institutionnel de promotion et de protection des droits de 123 KOFFI KONAN (E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de droit public, Université de Cocody-Abidjan, UFR-SJAP, 2008, p.90. 48 l'enfant en Côte d'Ivoire ? Existe-t-il en matière des droits de l'enfant, un écart entre, d'une part, les textes internationaux, et d'autre part, leur interprétation et leur application en Côte d'Ivoire ? Y'a-t-il des facteurs inhérents à l'ordre socio-historique et politique qui, tout en accentuant la menace infantile, inhibent l'effectivité des droits reconnus aux enfants dans cet Etat ? Mieux, les enfants vivant sur le territoire ivoirien bénéficient-ils de droits concrets ou réels dénués de toute portée illusoire ou abstraite ? Comment repenser l'action juridique, politique et institutionnelle pour une meilleure effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, pays aspirant à l'émergence à l'Horizon 2020 ? Ces nombreuses questions peuvent être regroupées en une seule, à la question fondamentale suivante : Quels sont les facteurs d'origine juridique et extra-juridiques qui participent ou qui servent de fondement à l' (in)effectivité des droits de l'enfant ? Ou encore, quel est l'état des droits de l'enfant dans l'Etat Côte d'Ivoire ? Pour répondre à cette question délicate, il est, apparemment, tentant de se placer successivement sous la première République, la deuxième République ainsi que la récente troisième République. Mais une telle démarche historique pourrait nous conduire à un travail difforme ou disproportionné, et ce pour la raison fondamentale tenant à ceci que la deuxième République a existé du 01er Aout 2000 au 08 novembre 2016 au est également la date d'établissement la troisième République. Dès lors, il paraît utile d'emprunter une autre voie. Pour mesurer l'effectivité des droits reconnus aux enfants en Côte d'Ivoire, il faut examiner la législation et les politiques nationales ainsi que l'existence et l'efficacité des structures et mécanismes requis pour leur mise en oeuvre ; C'est à cette condition que l'on pourrait mesurer les progrès et limites liés à l'effectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, en ayant en toile de fond, les réalités quotidiennes auxquelles font face les enfants. § 4. HYPOTHESE Nous procédons, dès à présent, à la formulation de notre hypothèse centrale. En effet, « si l'on expérimentait sans idées préconçues, on irait à l'aventure », écrit Claude BERNARD. C'est dire que l'hypothèse est une proposition de réponse à la question posée. Notre hypothèse centrale est la suivante : La situation des droits de l'enfant demeure encore préoccupante en Côte d'Ivoire ; en effet, en dépit d'une certaine effectivité théorique fondée 49 sur des acquis normatifs et institutionnels, de nombreuses pesanteurs politiques, juridiques, économiques, socioculturelles font encore obstacle à une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Le cadre juridique et institutionnel souvent inapproprié et la non application des lois positives existantes constituent également de sérieux obstacles à la jouissance effective des droits reconnus aux enfants. Mieux, s'il est vrai qu'en Côte d'Ivoire, des efforts juridiques et institutionnels insuffisants ont été réalisés, il n'en demeure pas moins que cet édifice juridique et institutionnel perfectible, sert d'habillage à des tristes réalités infantiles dont on ne saurait cacher la nudité, entamant derechef, de façon grossière l'effectivité optimale des droits de l'enfant. Pour une effectivité optimale des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, un renforcement des mécanismes de mise en oeuvre des droits de l'enfant apparaît plus qu'opportun. Par quels procédés pourrons-nous valider cette hypothèse ? 50 § 5. METHODOLOGIE Il faut recourir à une démarche appropriée, en gardant à l'esprit que le choix d'une méthode conditionne tout le travail scientifique. En effet, « la méthode éclaire l'hypothèse et détermine les conditions de la recherche124 ». Notre démarche s'articule autour de trois étapes successives, à savoir : la recherche documentaire, l'analyse et le choix de solutions. La recherche documentaire a eu pour but de dresser un inventaire le plus exhaustif possible, du point de vue normatif et doctrinal, en matière de reconnaissance et protection des droits de l'enfant. Il était question de collecter et d'intégrer les instruments juridiques et les mécanismes régissant la protection juridictionnelle et non juridictionnelle sur le plan national ivoirien. Cette étape nous a amené à rassembler les informations, notamment les données statistiques sur le sort des enfants et l'action menée par les différents intervenants dans la protection des enfants en Côte d'Ivoire. Aussi, avons-nous eu recours à certains documents officiels et rapports des différents organes de l'Onu à savoir, le Comité des droits de l' enfant de l'ONU, l'Unicef, le BIT. Nous avons eu aussi à mener des enquêtes qualitatives sur le terrain ivoirien. La presse ivoirienne a été suivie avec intérêt pour y relever des éléments pertinents à notre argumentaire. Beaucoup de temps a été consacré aux discussions avec des personnes ressources travaillant dans les institutions onusiennes, des Organisations non gouvernementales (ONG), des professionnels du droit, en particulier des professeurs de droit. Nous avons mis à profit les nouvelles technologiques de l'information et de la communication (NTIC125), notamment pour la documentation onusienne ainsi que les données difficiles à obtenir auprès des services compétents. L'analyse, quant à elle, nous a permis d'évaluer l'effectivité des normes et mécanismes de protection des enfants. Le constat d'échec nous a amené à dégager les limites juridiques et les pesanteurs contextuelles qui inhibent l'atteinte d'une effectivité optimale des droits de l'enfant. Nous avons saisi l'occasion pour poser la question cruciale de la menace 124 Pour différentes options méthodologiques, voir, entre autres, KONTCHOU KOUEMEGNI (A.). « Méthodes de recherche et nouveaux domaines en relations internationales ». In : Revue Camerounaise des Relations Internationales (RCRI), éd. Spéciale, n°16-17 décembre 1992. 125 Les NTIC sont aujourd'hui un outil incontournable en recherche juridique avancée. A ce sujet, voir Serge GUINCHARD (S.), HARICHAUX (M.) et Renaud de TOURDONNET (R.). Internet pour le droit ; connexion-recherche-droit. Paris : Montchrestien, 1999, 283p. 51 permanente contre les enfants, et plus particulièrement, les raisons apparentes et inavouées des atteintes permanentes aux droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Au plan méthodologique, notre démarche a été plurielle, car l'interdisciplinarité du sujet impose une triangulation, voire un « cocktail méthodologique »126. A l'instar du Professeur Maurice KAMTO, nous sommes d'avis qu'aucune méthodologie, ancienne ou nouvelle, ne doit a priori être exaltée ou rejetée, pourvu que le chercheur demeure conscient de l'ensemble dans lequel s'insère ou s'intègre sa propre entreprise. Nous avons donc adopté une méthode personnelle comme le recommande, avec pertinence, M. WRIGHT : « soyez un bon ouvrier. Evitez les procédures trop rigides. Cherchez surtout à développer et à exploiter votre imagination. Travaillez à la réhabilitation de l'artisan intellectuel, dans toute sa simplicité, soyez-en vous-même. Que chaque homme fasse sa méthodologie pour son propre compte, que chacun fasse sa propre théorie. Que la théorie et la méthode se pratiquent comme un véritable métier. Défendez le primat de l'intellectuel isolé ; luttez contre la domination des équipes de techniciens de recherche. Abordez pour votre propre compte les problèmes de l'homme et de la société »127. Aussi, avons-nous eu recours, au cours des deux premières étapes, à deux principales, à savoir : l'approche comparative et l'approche synthétique. L'approche comparative, « par son insistance à découvrir la règle sous la coïncidence et l'explication sous la concomitance128 », devrait nous donner la clé de la connaissance cumulative. « Penser sans comparer est impensable, parce qu'il n'y a pas de connaissance de soi qui ne passe par celle de l'autre»129. En partant des diverses expériences dans des pays considérés, il s'est agi d'évaluer l'effectivité des différents aspects de la protection des enfants, eu égard au contenu du droit conventionnel de protection. Nous avons évalué la réalité des droits fondamentaux garantis aux enfants en Côte d'Ivoire en les confrontant aux normes internationales pertinentes, mais aussi et surtout, en analysant des politiques 126 Selon John TODD, toute recherche approfondie en matière sociale doit absolument être interdisciplinaire. Le cocktail méthodologique est ainsi l' « ensemble de divers procédés et démarches intellectuelles conduisant à la recherche de la vérité ». Pour cette définition, voir TODD (J.), Mixing qualitative and quantitative methods. New York : Cornell University Press. 1980, pp.135-148. 127 WRIGHT (M.), L'imagination sociologique, Paris : Editions Maspero, 1971, p.233. 128 DOGAN (M.) et PELASSY (D.), La comparaison internationale en sociologie politique. Paris : LITEC, 1980, p.3. 129 Ibid. p.5. 52 publiques de mise en oeuvre des droits de l'enfant par certains Etats parties (France, Bénin, Togo...) aux conventions internationales pertinentes . L'approche synthétique nous a permis, par la suite, de dégager une vue d'ensemble des particularités inhérentes à la situation des enfants en Côte d'Ivoire. Nous ne pouvions pas prendre les différentes villes ivoiriennes séparément et individuellement ; ce qui aurait été fastidieux et nous aurait mené à des conclusions partielles et par voie de conséquence, partiales. La méthode synthétique devait nous être très utile, notamment, pour envisager une vision d'ensemble des problèmes liés à l'effectivité ou l'ineffectivité des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Enfin, tout au long de la troisième phase, nous avons formulé des approches de solutions pouvant contribuer à un meilleur sort des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. La problématique des souffrances endurées par les enfants étant placée dans un contexte global, nous sommes arrivés à la conclusion que le problème central est la persistance des résistances aux droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Pour cerner une telle problématique et tenter de trouver des pistes de solutions idoines, nous avons eu recours à plusieurs approches dont : - L'approche par « l'arbre à problèmes », qui préconise de s'attaquer à un problème global en partant du secondaire au principal130. C'est-à-dire que nous avons proposé des pistes de solutions convergentes, d'abord pour régler les problèmes connexes ou secondaires, avant d'en proposer pour le problème central ; - L'approche « diachronique » qui nous a permis d'évaluer les percées juridiques réalisées, au plan normatif et jurisprudentiel, depuis l'adhésion de la Côte d'Ivoire à la convention internationale des droits de l'enfant ; - L'approche « droits de l'homme »131, par laquelle nous avons envisagé l'effectivité comme la réalisation totale et pleine de l'ensemble des droits reconnus aux enfants. Nous avons analysé lesdits droits en des créances dues par la puissance publique aux enfants, en tant que membres les plus vulnérables de la population. Ceci met à la charge de l'Etat un certain nombre d'obligations positives, entre autres, la prévention 130 REINTJENS (F.). La guerre des Grands Lacs : alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique Centrale, Paris : L'Harmattan, 1999, p.171. 131
http://www.parentsparticipation.eu/fr/man-observatoire/quest-ce-quune-une-approche-de-leducation- 53 concrète et la répression des violations subies par les enfants. L'approche « droits » nous a ainsi permis de discuter l'effectivité des droits fondamentaux de l'enfant, notamment à travers l'action politique, administrative, législative et juridictionnelle de l'Etat ivoirien ; - L'approche syncrétique s'est imposée, car le caractère interdisciplinaire de nos hypothèses nécessitait le recours à une démarche dépassant le cadre exclusivement juridique et empruntant, avec la prudence scientifique nécessaire, des outils dans d'autres sciences sociales. L'effectivité ne peut se définir, s'appréhender uniquement à travers le droit, il faut la rattacher à d'autres disciplines des sciences humaines comme la littérature, la philosophie ou la sociologie, mais aussi à une discipline autonome à laquelle le droit s'intéresse par un travail de « juridicisation », il s'agit des sciences de l'information et de la communication. Le sujet de recherches, à travers cette approche hors du droit, cette focalisation externe pour emprunter un terme propre à la littérature, permet de penser le droit de manière pluridisciplinaire, car comme le dit le professeur Claude CHAMPAUD : « celui qui ne sait que le Droit, ne connait pas le droit »132. Un autre auteur célèbre, DEL VECCHIO écrit : « Le droit est de toutes les sciences la seule qui doive connaître toutes les autres »133. Nous sommes d'avis que le juriste à lui seul ne pourrait faire face à l'effet dévastateur des atteintes aux droits de l'enfant. Celles-ci sont, en effet, d'une logique et d'une dynamique extrêmement complexes. Pour aboutir à des résultats conséquents et utiles, le juriste aurait besoin de la contribution du sociologue, du psychologue, du politologue, de l'historien, de l'ethno-anthropologue, de l'économiste, du stratège militaire, du sage africain, de la mère de famille et de l'intellectuel. Ainsi, la consultation des personnes ressources dans ces différents domaines, ainsi que des spécialistes dans d'autres sciences sociales, a contribué à valider nos propositions contenues dans le plan ci-dessous. 132 Cité par J-J. SUEUR in Introduction à la théorie du Droit, Préface G. FARJAT, collection Logiques juridiques, L'Harmattan, Paris 2001, 207 p. 133 Cité par F. TERRÉ in Le droit et le bonheur, Dalloz 2010, p. 26. 54 § 6. PLAN Au fond, relativement aux droits de l'enfant, la présente étude est focalisée sur deux chantiers interactifs et complémentaires, à savoir : - L'intégration en droit ivoirien, des normes internationales de protection des droits de l'enfant (Première partie) et; - L'effectivité de la protection des droits de l'enfant à l'épreuve des réalités locales (Deuxième Partie). 55 Première partie : L'INTEGRATION EN DROIT IVOIRIEN DES NORMES INTERNATIONALES DE PROTECTION DES DROITS DE L'ENFANT 57 L'intégration des normes internationales de protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, met en présence plusieurs logiques dans ce pays. La première relève de la dynamique exogène de la matière qui implique qu'un corps de règles formalisé dans un cadre extérieur à l'Etat s'impose dans l'ordre juridique national. La deuxième, quant à elle porte sur l'assimilation de ce droit dans la production normative nationale, afin de lui faire produire l'effet escompté. L'opposition entre ces logiques exogène et endogène crée une forme de tension qui appelle une solution originale. Cette réalité juridique exclut de fait toute forme de mimétisme, car il s'agit d'une part de donner sens à cette matière dans le droit national et d'autre part d'en faire des normes référentielles dans l'univers socio-culturel national. Cette nécessité nous place donc sur un terrain organisationnel qui prédétermine les conditions d'effectivité du droit international des droits de l'enfant. L'intégration des normes internationales de protection des droits de l'enfant en droit ivoirien renvoie ici, à un certain espoir suscité du fait de la conjonction d'un certain nombre de déterminants mis en place par l'Etat afin de donner vie aux droits de l'enfant. Cette espérance se fonde sur les mesures normatives et institutionnelles. Somme toute, l'intégration des normes internationales de protection des droits de l'enfant en droit ivoirien doit s'entendre ici comme devant renvoyer, d'une part, à leur reconnaissance ou consécration normative ; d'autre part, à la mise en place d'acteurs institutionnels jouant un rôle à des degrés divers avec des moyens permettant de contribuer à donner vie aux droits reconnus aux enfants. Mieux, cette intégration s'opère en principe par la médiation de la règle de droit qui en assure l'organisation. Le recours à l'effectivité induit le caractère certain de la protection des droits de l'enfant de par l'énoncé du droit qui le prescrit et dont le contenu met en exergue non seulement ces droits, mais aussi les institutions en charge de leur garantie134. En tout état de cause, la protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire, repose sur un dispositif juridique au contenu réel (Titre1), soutenu par des mécanismes institutionnels de garantie à effectivité limitée (Titre 2). 134 KEUDJEU DE KEUDJEU (J.R.), « L'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone », Revue CAMES/SJP. n°001/2017, p.104. 59 |
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