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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoirepar Arsène NENI BI Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018 |
Titre I : UN DISPOSITIF JURIDIQUE AU CONTENU REEL61 Les droits de l'enfant sont à l'ordre du jour dans le monde entier et notamment dans tout Etat qui se veut démocratique. Ainsi, en vue de satisfaire à cette exigence, l'Etat de Côte d'Ivoire a souscrit au mouvement juridique de protection des droits de l'enfant. Désormais, devenue Etat partie aux diverses normes internationales relatives aux droits de l'enfant, la Côte d'Ivoire, s'engage ainsi à reconnaitre et respecter les obligations juridiques qui découlent de ces normes. Ce faisant, elle est amenée à rendre lesdites normes applicables sur son territoire ou à y conformer sa législation nationale. Ce mouvement amorcé ne peut se faire sans influer, d'une certaine manière, sur le droit national de l'État partie. En d'autres termes, nous nous intéresserons ici, aux sources juridiques des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire ; cela suppose que soient répertoriées, de jure, les principales sources juridiques qui, de statut conventionnel ou non conventionnel, constitutionnel ou légal, organisent et permettent aux enfants vivant en Côte d'Ivoire de bénéficier d'un dispositif juridique de protection au contenu réel. Ce dispositif juridique au contenu réel est mesurable à travers deux actions importantes menées par l'Etat ivoirien, à savoir : une reconnaissance internationale des instruments protégeant les droits de l'enfant (Chapitre 1) mais aussi par la réception nationale des droits internationaux de l'enfant (Chapitre 2). 62 Chapitre I :UNE RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DES
INSTRUMENTS Prosaïquement, dire qu'un Etat a conclu un traité, c'est affirmer qu'il a donné son consentement à être lié par ce traité. En Côte d'Ivoire, les pouvoirs publics usent de divers modes d'expression du consentement à être lié par un traité : la signature, la ratification et l'adhésion. Et, l'engagement de l'Etat de Côte d'Ivoire est parfait, dès qu'il exprime ce consentement. En principe, pour les conventions internationales soumises à la procédure longue, la conclusion s'effectue au moyen de deux actes successifs : la signature et la ratification. La signature135 est le premier acte de la procédure de conclusion mais la phase ultime de la négociation : elle clôt la négociation menée au cours de longues et âpres discussions. Toutefois, dans certains cas, « la signature peut constituer en elle-même, l'expression par l'Etat de son consentement à être lié par le traité qui devient alors obligatoire à son égard, du seul fait qu'il l'a signé136 ». Ces cas ont trait à la procédure courte, applicable aux accords en forme simplifiée137. Il va sans dire que ceux-ci échappent à l'exigence de la ratification : car leur conclusion se réalise selon la procédure courte, à un seul degré ; de sorte que l'Etat de Côte d'Ivoire est lié dès la signature. Il est donc clair que pour ce type de conventions, aucun retard n'existe, de façon générale, pour la conclusion puisque la signature seule suffit pour l'expression du consentement de la Côte d'Ivoire. Quant à la ratification138, elle constitue le second acte de la conclusion et n'intervient que dans les conventions soumises à la procédure longue, à un double degré, c'est-à-dire dans les traités formels ou solennels : elle permet à ceux-ci de produire leurs effets. Il s'agit d'une prérogative propre du Président de la République. Cette prérogative reconnue au Président 135 DEYRA (M.), Droit international public, Gualino, 4ème édition, 2014, p.37. 136 N'GUYEN (Q. D), PELLET (A.) et DAILLER (P.), Droit international public. , L.G.D.J., Paris, 8e édition, 2009, p.136. 137 CHAYET (C.), Les accords en forme simplifiée, in Annuaire français de droit international, volume 3, 1957, pp.3-13. 138 DEYRA (M.), Droit international public, Gualino, 4ème édition, 2014, pp37-38. 63 de la République tire son fondement de l'article 84 de la Constitution du 1er Aout 2000 reprise par l'article 119 de la Constitution de 2016 aux termes desquels: « Le président de la République négocie et ratifie les traités et les accords internationaux. ». Certes le Président de la République est le seul organe compétent pour négocier et ratifier les traités et accords internationaux car il a seul, qualité pour représenter l'Etat et agir en son nom au plan international. Mais, dans la pratique, la plupart des traités et accords internationaux sont négociés par des plénipotentiaires. Pour certaines conventions internationales, le droit interne peut rendre la ratification plus difficile, et partant, la procédure plus longue. Ainsi, aux termes des articles 85 de la Constitution du 1er Août 2000 et 120 de la Constitution du 8 novembre 2016, « Les traités de paix, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui modifient les lois internes de l'Etat ne peuvent être ratifiés qu'à la suite d'une loi ». L'alinéa 2 de l'article 120 de la Constitution du 08 novembre 2016 ajoute que « la loi d'autorisation en vue de la ratification est soumise au contrôle du Conseil constitutionnel ». Une lecture attentive de ces textes permet de constater que la ratification de trois types de conventions, ne pourra être réalisée qu'à la suite d'une autorisation parlementaire soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Il s'agit : des traités de paix139, des traités ou accords relatifs à l'organisation internationale et les traités qui modifient les lois internes de l'Etat. Que le débat interne s'impose pour ces traités est, dès lors, évident. Néanmoins, rien n'interdit à l'exécutif de soumettre, de manière facultative, d'autres engagements internationaux à cette procédure. En outre, l'usage de la technique de la ratification est rendue plus compliqué dans l'hypothèse où la convention à ratifier comporte une clause contraire à la Constitution : dans ce cas, aux termes de l'article 122 de la Constitution ivoirienne du 08 novembre 2016, « ...l'autorisation de la ratifier ne peut intervenir qu'après la révision de la Constitution ». On le voit la procédure de révision est une procédure longue et complexe. Ainsi, certaines conventions ne sont conclues qu'après de multiples étapes franchies : négociations, signature, autorisation parlementaire, contrôle du Conseil Constitutionnel ou révision constitutionnelle, ratification. La longueur et la complexité de la procédure de ratification constituent, on le constate, une cause indiscutable de retard dans la conclusion des traités. 139 BECKER (J.J.), « Les conséquences des traités de paix », Revue historique des armées, n°254, 2009, pp.3-8. 64 Au surplus, dans tous les cas, le Président de la République reste libre de ratifier ou de refuser de ratifier la convention. Et la décision de refus de ratifier prise par le Président de la République ne peut pas être portée devant les tribunaux, car il s'agit d'un acte de gouvernement140 : tel, il échappe à tout contrôle juridictionnel. A côté de la signature et de la ratification, se trouve la technique de l'adhésion141 qui s'analyse également comme une expression du consentement à être lié. Suivant GERARD CORNU, « l'adhésion est un acte unilatéral par lequel une personne se rallie à une situation juridique déjà établie (statut, pacte, concordat, convention) en devenant, le plus souvent, membre d'un groupement préexistant (association, société, syndicat, etc.) ou partie à un accord dont elle n'était pas, à l'origine, signataire. »142. Mieux, en droit international public, l'auteur précise que « l'adhésion est l'acte par lequel un Etat devient partie à un accord dont il n'était pas signataire »143. Selon le Professeur Louis CAVARE, « l'adhésion est l'acte par lequel un Etat s'approprie les stipulations d'une convention passée entre d'autres Etats et, est appelée à bénéficier des droits qu'elle procure comme à assumer les obligations qu'elle impose »144. Ainsi, par cette technique, tout Etat, qui était originairement étranger à un traité, peut-il donner son consentement définitif, pour devenir partie à ce traité. Un dépouillement des conventions conclues par la Côte d'Ivoire sur les droits de l'homme ou les droits de l'enfant, offre de voir que ce pays use abondamment de la technique de l'adhésion. A l'instar de la signature et de la ratification, l'adhésion à une convention ressortit au pouvoir discrétionnaire des autorités publiques ivoiriennes. Or, celles-ci peuvent, pour des raisons d'opportunité, de pure opportunité politique, refuser d'adhérer à une convention déjà en vigueur, ou attendre des mois, des années ou même des décennies pour y adhérer. La 140 GIRARD (D.), « Les actes de Gouvernement demeurent insusceptibles de tout recours juridictionnel en France », Note sous TC, 6 juillet 2015, K. et autres, n° C03995, Revue générale du droit online, 2015, numéro 22851 www.revuegeneraledudroit.eu/?p=22851 ( consulté le 12/12/2015). 141 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e édition mise à jour quadrige, PUF, 2014, p.30. 142 Ibid.. 143 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e édition mise à jour quadrige, PUF, 2014, p.30. 144 CAVARE (L.), Le droit international positif, Tome II, les modalités des relations juridiques internationales. Les compétences respectives des Etats, A. PEDONE, Paris, 3e édition, 1969, p.179. 65 compétence discrétionnaire des pouvoirs publics ivoiriens constitue ainsi, de façon évidente, une cause de retard de conclusion des conventions internationales. On le sait : l'adhésion à une convention internationale ou sa ratification n'est pas obligatoire : le Président de la République jouit en la matière d'un pouvoir discrétionnaire. Il s'ensuit que ce dernier peut, après avoir négocié et signé une convention internationale, refuser de la ratifier, et cela, pour des raisons d'opportunité, de pure opportunité politique. Jouissant d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix du moment, les pouvoirs publics ivoiriens attendent des mois, des années, voire des décennies pour procéder à la ratification de certaines conventions internationales, ou à l'adhésion à d'autres. Il en résulte, dans ces conditions, des retards parfois longs. Au fond, ces retards longs, par trop longs, observés par les pouvoirs publics ivoiriens pour ratifier les conventions internationales ou pour y adhérer sont condamnables, car celles-ci portent sur les droits fondamentaux de l'être humain, singulièrement de l'enfant. Toutefois, on peut saluer et se réjouir de cet engagement certes tardif mais précieux ; car les textes auxquels la Côte d'Ivoire a souscrit offrent aux droits de l'enfant de bénéficier d'une présomption d'effectivité en vertu du principe de pacta sunt servanda. De ce qui précède, on peut indiquer que les droits de l'enfant en Côte d'ivoire reposent sur une catégorie des sources juridiques d'origine internationale. L'attitude de l'Etat de Côte d'Ivoire à l'égard desdites sources d'origine internationale amène à distinguer, d'une part, une reconnaissance indirecte à travers des instruments généraux des droits de l'homme (Section1), et d'autre part, une reconnaissance directe à travers des instruments spécifiques aux droits de l'enfant (Section 2). 67 Section I : UNE RECONNAISSANCE INDIRECTE A TRAVERS LES INSTRUMENTS GENERAUX DES DROITS DE L'HOMME La reconnaissance indirecte des droits de l'enfant à travers les instruments généraux des droits de l'homme a été opérée sur les plans universel (Paragraphe 1) et régional (Paragraphe 2). § 1. AU NIVEAU UNIVERSEL Avant 1940, la protection des droits de l'homme, à l'échelle universelle, était embryonnaire et fragmentée. Le Pacte de la SDN n'avait envisagé que la protection de deux catégories d'hommes : les minorités nationales et les populations des pays sous mandat145. Quant à l'Organisation internationale du Travail (OIT), elle visait la protection des seuls travailleurs en tant que tels146. Cependant, l'universalité des droits de l'homme a été proclamée et reconnue par les instruments internationaux onusiens au lendemain de la seconde guerre mondiale. Ces droits reconnus et proclamés s'adressent à tous les hommes sans exclusion aucune ; que l'on soit homme, femme, enfant, adulte. Chronologiquement, parmi ces instruments auxquels la Côte d'Ivoire est partie, on détache, la Charte des Nations Unies et la DUDH (A) d'une part, et les Pactes internationaux de 1966 (B). A côté de ces instruments universels susvisés, se greffe un instrument régional, à savoir, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (C). Ces instruments reconnaissent à des degrés divers une certaine protection des droits de l'enfant. 145 MOUTON (M.R.), « La SDN et la protection des minorités nationales en Europe », Relations internationales, n°75, Automne 1993, pp.315-328. ; BARRE (M.C.), Les minorités territoriales et le droit international, R.Q.D.I, vol. 6, n°1,1990, pp.12-23. ; GRIMAL (H.), La décolonisation, de 1919 à nos jours, Edition complexe, 1985, pp. 17-19. 146 BIT, Droits fondamentaux au travail et normes internationales du travail, Genève, Bureau international du Travail, 2004, pp.1-2. 68 A. L'ADHESION DE LA COTE D'IVOIRE A LA CHARTE DES NATIONS UNIES ET LA DUDH Au titre de la proclamation d'une protection universelle des droits de l'Homme, il faut compter en tout premier lieu avec la Charte de San Francisco de 1945, qui contient des objectifs généraux en termes de paix, de développement et de droits de l'Homme, mais aussi et surtout avec la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Pour avoir fait de l'homme, c'est-à-dire tout être humain, l'objet des droits consacrés, la Charte des Nations Unies (1) et la DUDH (2) présentent un intérêt certain pour les droits de l'enfant. 1. La Charte des Nations Unies La Charte des Nations Unies fut signée le 26 juin 1945147 par les 50 Etats ayant participé à la Conférence de San Francisco. Tous les Etats africains sont parties, sans exception, à la Charte des Nations Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945. La Côte d'Ivoire fut admise à l'ONU, le 20/09/1960148. Cette adhésion leur confère la qualité de membres de la plus grande organisation mondiale. Par l'effet de cette adhésion, ils ont adhéré aux principes contenus dans cette charte. C'est dans la charte des Nations Unies que la protection générale des droits de l'homme a pour la première fois obtenu un statut formel en tant que partie du droit international149. Le terme « droit de l'homme » est mentionné à plusieurs reprises dans la Charte150. La Charte de l'Onu est une convention internationale, qui impose aux Etats signataires, l'obligation de respecter les droits de l'Homme sans définir ni même mentionner lesdits droits. La charte établit une corrélation claire entre la paix et la sécurité internationale et le respect des droits de l'homme. Dans le préambule de la Charte, les Etats membres proclament à nouveau leur « foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, 147 Le texte français de la Charte est disponible à partir de l'adresse suivante : www.un.org/french/aboutun/charter.htm (consulté le 15/03/2013). 148 http://www.un.org/fr/members/index.shtml (consulté le 12 septembre 2014) ; le Bénin, le Burkina, le Congo, le Gabon, le Madagascar, le Niger sont aussi devenus membres de l'Onu à cette même date du 20/09/1960. 149 JESSICA (C.), LAWRENCE (J.C.), Les droits de l'homme, Harvey J.Langholtz, Peace operations trainig institute, Williamsburg, 2014, p.23. 150 Le préambule et les articles 1, 13, 55, 62, 68 et 76 de la Charte de l'ONU. 69 ainsi que des nations grandes et petites » et se montrent résolus « à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Parmi les buts des Nations Unies, l'article 1, paragraphe 3 de la Charte énonce la réalisation de « la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » . Une idée analogue est exprimée à l'article 55 c de la charte qui précise également que les Nations Unies favorisent « le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion », tandis qu'aux termes de l'article 56, les Etats s'engagent, en vue d'assurer le respect des droits de l'homme à coopérer avec l'Onu. Cette première consécration générale des droits de l'homme dans un traité international fondamental inaugure leur essor, en les plaçant au coeur des missions conférées à l'organisation universelle151. La charte confie aux organes principaux des Nations Unies, à savoir l'Assemblée Générale et le Conseil économique et social (ECOSOC), des compétences d'études et de recommandations en matière de droits de l'homme152 . En somme, l'oeuvre de la Charte en matière des droits de l'homme est modeste. Certes, engage-t-elle les organes des Nations Unies à favoriser et à développer les droits de l'homme. Mais à part l'interdiction explicite de toute discrimination fondée sur la race, le sexe, la langue ou la religion, elle ne comporte aucune définition de ce qu'il faut entendre par « droits de l'homme ». Pire, la Charte n'instaure aucun mécanisme effectif de contrôle du respect de ces droits. Cependant, le mérite de la Charte, est d'avoir soustrait les droits de l'homme au domaine réservé des Etats, en ce qu'elle oblige les Etats à coopérer avec l'organisation pour le respect des droits de l'homme. Cette lecture paraît être en contradiction avec le célèbre article 2 § 7, qui dispose: «Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à soumettre les affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte»; ceci sans préjudice de l'application du 151 WACHSMANN (P.), Les droits de l'homme, Paris, Dalloz, 4ème édition, 2002, p.12. 152 Art. 13, alinéa 1b, et 62, al.2) Charte des Nations Unies. 70 Chapitre VII relatif aux pouvoirs du Conseil de sécurité en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression. Que déduire de cette apparente contradiction entre l'internationalisation des droits garantis à l'individu contre l'Etat et le rappel du droit de l'Etat à régler souverainement ses affaires intérieures ? Une première thèse aboutit en réalité à ruiner les virtualités contenues dans la proclamation de l'importance attachée par les Nations Unies au respect des droits de l'homme. Elle ne voit que dans cette mention de la Charte qu'une déclaration d'intention et s'appuie sur l'article 2, § 7, pour dénier toute portée contraignante à la mention des droits de l'homme. Spécialement, comme le souligne le Professeur Wachsmann, en présence d'un cas concret de violation, même massive , des droits de l'homme, cette thèse refuse aux Nations Unies, toute compétence pour évoquer la question et a fortiori pour réagir de quelque manière que ce soit. Mais, fort heureusement, à cette vision par trop restrictive, s'oppose une vision plus dynamique ; d'éminents internationalistes en seront les chefs de file153. Cette doctrine met l'accent sur le fait qu'une affaire ne saurait être considérée comme relevant essentiellement de la compétence nationale d'un Etat, à partir du moment où elle se rattache à une matière régie par le droit international. En insistant sur l'importance des droits de l'homme, la Charte oblige alors les Etats parties, en vertu de leur propre consentement à être liés, à les respecter et à accepter que l'Organisation puisse examiner l'effectivité de l'engagement pris. La référence de la Charte aux droits de l'homme et le lien établi entre maintien de la paix et respect de ces droits peuvent ici déployer tous leurs effets : la matière est bien internationalisée, elle rentre dans les compétences de l'Organisation, ce qui permet aux organes des Nations Unies d'exercer les différents pouvoirs que leur reconnaît la Charte. Bien que la Charte ne mentionne pas de façon expresse, la question des droits de l'enfant, on peut déduire qu'elle vise tous les hommes y compris les enfants à travers l'expression « droits de l'homme ». Pour être membre des Nations Unies, la Côte d'Ivoire, se doit de respecter en conséquence, les droits de tous les hommes, notamment de l'homme-enfant, et ce conformément au but des Nations Unies sus indiqué. Les dispositions de la Charte ont valeur de droit international positif parce que la Charte est un traité et constitue à ce titre un document juridiquement contraignant. Tous les Etats membres de l'Organisation des Nations Unies doivent s'acquitter de bonne foi des 153 LAUTERPACHT (H.), « The International Protection of Human Rights », R.C.A.D.I., t. 70, 1947, p.1. 71 obligations qu'ils ont contractées aux termes de la Charte : obligation de promouvoir le respect et la protection des droits de l'homme, obligation de coopérer avec l'Organisation des Nations Unies et avec les autres Etats pour que ces objectifs soient atteints. Les auteurs de la Charte étaient conscients des lacunes de celle-ci en matière de droits de l'homme : elle n'énonce pas de droits de l'Homme et ne met en place aucun mécanisme spécifiquement chargé d'en assurer la mise en application dans les Etats membres. Aussi dès 1946, l'Assemblée générale recommanda à l'ECOSOC de créer un organe subsidiaire, la Commission des droits de l'homme, composée des représentants des Etats, en vue de la rédaction d'un instrument approprié. La commission prépara un traité et une déclaration. Suite à l'opposition du bloc soviétique à l'idée de traité contraignant, seul le projet de déclaration a été retenu. C'est ainsi que l'Assemblée générale adopta, par sa résolution 217 (III), la Déclaration universelle des Droits de l'homme qui n'est pas sans enjeu dans la reconnaissance internationale des droits de l'enfant. 2. La déclaration universelle des droits de l'homme « La déclaration universelle des droits de l'homme représente le premier manifeste, le premier mouvement d'ordre éthique, que l'humanité organisée n'ait jamais adopté »154. Lors de la Table Ronde sur les droits de l'homme (Oxford, 11-19 novembre 1965), René Cassin disait : « La Déclaration universelle (...) ne se présente pas uniquement comme la protestation nécessaire et positive de la conscience humaine en riposte à des atrocités d'une ampleur inouïe. Elle est aussi, c'est ce qui fait sa force durable, l'expression des aspirations élémentaires, permanentes de l'ensemble de l'humanité : celles sans doute des êtres déjà parvenus à un certain niveau de vie, de culture et d'exigences, mais aussi celles des centaines de millions d'êtres humains encore accablés par l'oppression, la misère, l'ignorance et commençant à prendre conscience des conditions nécessaires à leur dignité collective et individuelle »155. La DUDH a été rédigée par la Commission des droits de l'homme en 18 mois (janvier 1947-décembre 1948). Elle fut adoptée par l'Assemblée Générale qui représentait les 58 Etats membres des Nations Unies, le 10 Décembre 1948156. C'est le 154 CASSIN (R.) et AGI (M.), La Cité Humaine, Cours de DUEDH, inédit, cité par M. Roger KOUDE dans son cours de Philosophie des droits de l'Homme, Institut des droits de l'Homme de Lyon, 2010. 155 In l'enseignement des droits de l'homme, Unesco, Paris, 1985. 156 Http : // WWW.UN.ORG/french/aboutun/historique.htm (consulté le 02/12/2012). 72 premier texte international qui a énoncé que les droits fondamentaux et libertés publiques doivent être considérés comme inaliénables à la personne humaine et donc proclamés comme étant universels. D'ailleurs, les auteurs qui l'ont rédigée et les Etats membres de l'assemblée générale qui l'ont ratifiée étaient de différentes cultures, traditions et religions. La DUDH comprend aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques, sociaux et culturels. Si elle est la manifestation quasi unanime des Etats composant alors l'ONU, c'est au prix d'un laborieux compromis entre deux blocs idéologiques d'alors : le monde marxiste et le monde occidental. Aussi fait-elle une place non négligeable aux droits économiques et sociaux, exaltés par le bloc marxiste, comme le droit à la sécurité d'existence, le droit au travail, le droit syndical, le droit au repos et aux loisirs, le droit à la santé, à l'éducation et à la culture157 . Le monde occidental obtient, en échange, la consécration des droits civils et politiques classiques, comme la liberté religieuse, la liberté d'expression, le droit à un procès équitable, ainsi que le droit de propriété, mais doit renoncer à la reconnaissance du droit de grève et de la liberté de commerce et d'industrie que le bloc soviétique récuse. Ainsi, elle témoigne d'un net recul de l'individualisme comme en témoigne son article 29 qui met l'accent sur les devoirs de l'individu envers la communauté « dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible ». En outre, la Déclaration consacre de nouveaux droits qui ne peuvent se concevoir que dans une perspective transfrontalière. Il s'agit notamment du droit de chaque individu à une nationalité (art.15), du droit de quitter n'importe quel pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays (art.13, §2), et de recevoir et de diffuser des informations et des idées sans considération de frontières (art.19). La DUDH ne prévoit cependant aucune institution spécifique de promotion et de protection des droits et libertés qu'elle se contente de proclamer. Considérant les droits de l'enfant, on remarque d'abord que la DUDH énonce que « toute personne a droit... ». L'enfant étant inclus dans les vocables « toute personne » ou « tout individu » bénéficie ipso facto de tous les droits reconnus dans cette déclaration ; Ensuite, le terme enfant n'est cité qu'aux articles 25 et 26 de la DUDH. L'article 25- 2 dispose que « la maternité et l'enfance ont droit à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés 157 Articles 22à 27 de la DUDH. 73 dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale». Il résulte donc de ce texte que des mesures spéciales de protection doivent être prises par les Etats en faveur de l'enfance mais aussi de la femme durant la maternité et ce au nom de l'intérêt certain de l'enfant à naître. De même, cet article rappelle l'égalité des droits des enfants, y compris adultérins, ou simplement nés hors mariage. Quant à l'article 26-3, il énonce « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants ». Se trouve ainsi affirmé le droit à l'éducation en faveur de l'enfant. La déclaration de 1948 a été conçue par ses auteurs comme un idéal commun à atteindre, une exhortation issue du tréfonds de la conscience universelle. Pour être une recommandation de l'Assemblée générale de l'Onu, elle est en principe dépourvue par elle-même, de force juridique contraignante. Les jurisprudences nationales françaises confirment cette interprétation158. Le juge français a considéré que la DUDH étant une déclaration et non un traité international, elle a une valeur juridique modeste et n'est pas même invocable en droit français159. Dans le même ordre d'idées, les juridictions allemandes ont refusé, dans certains cas, de reconnaitre le caractère de droit coutumier international à certaines dispositions de la DUDH160 . Il en va autrement de la position d'une certaine doctrine et de la jurisprudence américaine qui accordent un caractère coutumier et donc obligatoire à la déclaration. L'idée de recourir à la DUDH en tant que règle coutumière a été défendue dans un premier temps par la doctrine qui considère que la Résolution de l'Assemblée Générale des Nations Unies, ou du moins certaines de ses dispositions, correspond à une coutume internationale161. La Jurisprudence a suivi la voie de la doctrine dans le sens de la 158 Cf. Cass, 4 décembre 2001, R.W., 2001-2002, p.1353 ; C.E. fr. 23 novembre 1984, Roujansky, Rec. Lebon, p.383. 159 CE 18 avr. 1951, Elections commune de Nolay, Lebon p. 189. 160 Voir les exemples de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale allemande cités par MERON (T.), Human Rights and Humanitarian Norms as Customary International Law, Clarendon Press, Oxford, 1989, 263 p., p. 133, note 183. Selon la Cour constitutionnelle fédérale, l'article 13-2 de la DUDH accordant le droit à toute personne de quitter un pays ne contient pas de règle universelle de droit international et, de ce fait, ne fait pas partie du droit allemand en vertu de l'article 25 de la loi fondamentale. 161 LILLICH (R.B), « The Role of Domestic Courts in Enforcing International Human Rights Law ». , American Association of International Law Proceedings of the 74th Annual Meeting, 1980, p.20-25 ; June M. Ross, « Limitations on Human Rights in international Law: their Relevance to the Canadian Charter of Rights and Freedoms. »., HRQ, 1984, p.180-223, p.197 et note 81 ; HUMPREH ( J.), « The Universal Declaration of Human Rights: its History, Impact and Juridical Character »., in B.G. RAMCHARAN(dir.), Human Rights: Thirty Years After the Universal Declaration, Martinus Nijhoff, la Haye, 1979, 274p., p.28-37,p.29 et p.37 ; MOULTON (E.), « Domestic Application of International Human Rights», Saskatchewan Law Review 1990, 74 consécration de la DUDH en tant que norme internationale coutumière162 , mais de façon plus ponctuelle. Ainsi, les tribunaux américains citent souvent la DUDH comme une source de droit international coutumier, même si elle ne constitue pas l'unique référence. A titre d'exemple, dans l'affaire Filartiga v.Pena-Irala, la Cour d'appel du second circuit a considéré que l'interdiction de la torture « est devenue partie du droit international coutumier telle que mise en évidence et définie par la DUDH (...) »163 . De même, dans l'affaire Rodriguez-Fernandez v. Wilkinson, la Cour d'appel du dixième circuit a fait référence aux articles 3 et 9 de la DUDH pour conclure au caractère coutumier de l'interdiction de la détention arbitraire164. Toutefois, on peut se demander si, au niveau international, une évolution ne se dessine pas vers la reconnaissance du statut de droit international coutumier à la Déclaration. A cet égard, les conceptions divergent. Certains dénient à la Déclaration la valeur coutumière en excipant de l'absence d'une pratique étatique généralisée tendant vers un respect des droits qu'elle contient165. D'autres font valoir que toutes les dispositions de la Charte font partie intégrante du droit international coutumier, la Déclaration s'analysant en une interprétation authentique des dispositions de la Charte sur les droits de l'homme que les Etats se sont engagés à respecter166. Lorsqu'on se réfère, non plus au contenant, c'est-à-dire l'acte, à l'instrument qu'est la résolution, mais à son contenu, on se rend compte qu'elle constitue un acte renfermant des p.39. ; DECAUX (E.), « De la promotion à la protection des droits de l'homme, droit déclaratoire et droit programmatoire » in La protection des droits de l'homme et l'évolution du droit international, Colloque de la S.F.D.I, Pedone, Paris, 1998, 344p., p.81-119, p.108. 162 Voir LILLICH (R.B.), « Invoking International Human Rights Law in Domestic Courts », in Cincinnati Law Review, 1985, p.402. ; « La commission des Droits de l'homme des Nations Unies, faisant référence à la DUDH a admis qu'étant donné la solennité et la signification plus grande d'une déclaration, on peut considérer que l'organe qui l'adopte manifeste ainsi sa vive espérance que les Membres de la communauté internationale la respecteront. Par conséquent, dans la mesure où cette espérance est graduellement justifiée par la pratique des Etats, une déclaration peut être considérée par la coutume comme énonçant des règles obligatoires pour les Etats ». Rapport de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies, E/3616/Rev. 1, § 105. 163 Cour d'appel, 2nd circuit, Etats-Unis, 30 juin 1980, Filartiya v. Pena-Irala, 630 F.2d 876. 164 Cour d'appel, 10th circuit, Etats-Unis, 9 juillet 1981, Rodriguez-Fernandez v. Wilkinson, 654 F.2d 1382 (1981). 165 SUDRE ( F.), Droit international et européen des droits de l'homme, Paris, PUF, 4ème édition, 1999, p.116. 166 SOHN (L.), « The New international law: Protection of the rights of individuals rather than States », American University Law Review, 1982, p. 16 et s. 75 principes obligatoires s'imposant aux Etats, à la fois au double plan national et international. Au plan national, tous les Etats modernes, y compris la Côte d'Ivoire, font référence aux principes et droits de l'Homme tels que définis par la DUDH, à travers leurs constitutions respectives. Il s'ensuit que celle-ci acquiert valeur de droit positif. L'Etat se doit donc de les respecter au même titre que sa Constitution. Au plan international, les principes contenus dans la DUDH constituent non seulement des règles obligatoires, mais encore des règles impératives. Ce sont des règles obligatoires qui trouvent leur fondement sur une base à la fois conventionnelle et coutumière. Au plan conventionnel, la déclaration peut être appréhendée comme une explicitation des principes contenus dans la Charte. Celle-là constitue ainsi une interprétation autorisée de celle-ci167. La Charte qui est un acte obligatoire se borne dans certains de ses articles (1 à 55) à prescrire le respect des droits de l'Homme sans le mentionner. La déclaration, qui est une résolution, c'est-à-dire un acte non obligatoire, vient citer les Droits de l'Homme et les définir, comblant ainsi la lacune de la Charte. La Charte confère ainsi sa valeur à la déclaration. La CIJ est allée dans ce sens lorsque, dans son arrêt relatif au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran en date du 24 mai 1980, elle s'est fondée à la fois sur les deux actes pour condamner l'Iran accusé d'avoir violé les droits de l'Homme168. Au plan coutumier, les principes et droits de la déclaration universelle consacrés par de nombreux textes juridiques (constitutions, résolutions, conventions, etc.) ont acquis valeur de coutume et s'imposent ainsi aux Etats qui sont tenus de les respecter. Ce sont des règles impératives, c'est-à-dire des règles si importantes que les Etats souverains ne peuvent y déroger par des conventions particulières. On peut ainsi soutenir que certains des droits consacrés par la Déclaration sont à ces points essentiels qu'ils ont pénétré le droit international coutumier : génocide, esclavage, disparition involontaire d'individus, torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, détention arbitraire prolongée, 167 Voir en ce sens CASSESSE (A.), Le droit international dans un monde divisé, Berger-Levrault, 1986, p.124. ; SALCEDO (J.A Carel LO), « Les valeurs juridiques de la Déclaration dans l'ordre international », in la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme 1948-98, la Documentation française, Paris, 1999, p.290 et 293. 168 TCHICAYA (B.), Mémento de la jurisprudence du droit international public, Hachette, 4ème éd.2007, pp.109-111. 76 discrimination raciale systématique, ainsi que les violations systématiques et graves des droits internationalement reconnus169. C'est cette conception que la Cour internationale de justice paraît avoir partagée dans son arrêt du 24 mai 1980 relatif à l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran170 en déclarant que : « le fait de priver abusivement de leur liberté des êtres humains et de les soumettre, dans des conditions pénibles, à une contrainte physique, est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des Nations Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ». Cela étant, on ne saurait ignorer le vaste rayonnement que la Déclaration a connu dépassant de loin les espoirs de ses auteurs. Exaltant la primauté de l'individu, la DUDH continue aujourd'hui d'assurer « le défi d'une révolution inachevée : celle qui a pour but de placer l'être humain au centre de toute valeur nationale et internationale »171. La Déclaration a servi de source d'inspiration à maintes constitutions nationales. Ses dispositions ont été reprises par différentes déclarations et traités sur les Droits de l'Homme tant au niveau universel qu'au niveau régional. Par ailleurs, en tant qu'elle contient le fonds de principes d'éthique à laquelle devrait tendre toute société humaine, la Déclaration fait oeuvre de pédagogie. Elle fournit à l'opinion publique mondiale et aux organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, un précieux instrument de référence dans la sensibilisation des Etats à la cause des droits de l'homme, des droits de l'enfant. Au-delà de son caractère coutumier liant tout Etat membre de l'Onu, l'adhésion de la Côte d'Ivoire à la DUDH, rappelons-le, est de statut constitutionnel. En tant que telle, elle fait partie du droit positif ivoirien, et devient par ricochet, une précieuse source des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. Le contenu de la Déclaration universelle des droits de l'homme fut repris et amélioré sous une forme conventionnelle dans les deux pactes adoptés à 169 BUERGENTHAL (Th.) et. KISS (A.), La protection internationale des droits de l'homme, N.P. Engel, Strasbourg, 1991, p.22. ; ROBERTSON (A.H) et MERRILS (J-G), Human Rights in the World, Manchester University Press, 4ème éd. 1996, p.29. 170 Rec., 1980, p.42. 171 MARTENSON (J.) « The Preamble of the universal Declaration of Human Rights and the UN Human Rights Programme », in Eide et al., The Universal Declaration of Human Rights- A Comentary, 1993, p.17. 77 l'unanimité par l'Assemblée générale de l'ONU, le 16 décembre 1966, dans sa résolution 2200 A (XXI). Outre la DUDH qui a acquis une valeur constitutionnelle, la Côte d'Ivoire a adhéré aux deux pactes internationaux de 1966 qui présentent des enjeux majeurs pour les enfants et leurs droits. B. L'ADHESION DE LA COTE D'IVOIRE AUX PACTES INTERNATIONAUX DE 1966 La Côte d'Ivoire est partie à ces deux pactes. Toutefois son adhésion est intervenue vingt-cinq ans après leur adoption. Le fondement juridique de cette adhésion est la loi n°91-883 du 27 Décembre 1991 autorisant l'adhésion et le décret n°91-884 du 27 Décembre 1991 portant adhésion de la République de Côte d'Ivoire aux deux pactes. Après avoir présenté ces pactes (1), on n'examinera leur apport dans la protection des droits des enfants (2). 1. Présentation des pactes de 1966 Les deux pactes des droits de l'Homme, adoptés par l'Assemblée générale de l'Onu le 16 décembre 1966, ont mis les textes dans leur contexte. Ce faisant, il a fallu vingt ans de débats souvent serrés pour les adopter (de 1946 à 1966) et dix ans de délai pour leur entrée en vigueur (de 1966 à 1976), preuve s'il en faut, des difficultés rencontrées quand il s'agit d'entériner un texte à l'échelle internationale. En raison du manque de valeurs communes entre les traditions libérales, les traditions socialistes marxistes, et les Etats du Tiers-Monde, on a été amené à adopter deux pactes séparés, l'un relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l'autre aux droits civils et politiques, faits sans cesse de compromis172. Ces deux pactes viennent compléter et renforcer la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948. Tous deux contiennent une énumération longue et précise des droits traditionnels (53 articles) et des droits économiques (31 articles)173. Tout y est, des droits individuels aux droits collectifs et communautaires, extensibles pour certains, accompagnés de restrictions pour d'autres. Un exemple. Le droit de changer de religion à l'honneur dans la Déclaration 172 YACOUB (J.), Les droits de l'homme sont-ils exportables ? Géopolitique d'un universalisme, éd ellipses, Paris, 2004, p.70. 173 MADIOT (Y.), Droits de l'Homme, éd. Masson, 2eme édition, Paris, 1991, p.87. 78 de 1948 (art.18), ne figure plus explicitement dans le pacte des droits civils et politiques, qui a été remplacé par le droit d'adopter une religion (art.18 du Pacte). Ce qui n'empêche pas cependant les experts du Comité des droits de l'Homme de lire cette nouvelle clause dans le sens de la première, c'est-à-dire du droit au changement. Or si le sens est le même, pourquoi donc a-t-on changé de formulation ? Ces deux pactes internationaux ont introduit la notion fondamentale de conditions susceptibles de rendre possible progressivement la jouissance des droits de l'homme en tenant compte des ressources disponibles, relativisant ainsi l'application des droits de l'homme. Or cette notion de progressivité des droits de l'homme, qui ne figurait pas dans la Déclaration de 1948, est une concession faite par les Etats européens aux pays en voie de développement. Les préambules des Pactes qui exposent leur orientation philosophique, soulignent dans des termes identiques le caractère progressif de leur mise en oeuvre : « Reconnaissant que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme, l'idéal de l'être humain libre, jouissant des libertés civiles et politiques et libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si les conditions permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques, aussi bien que de ses droits économiques, sociaux, et culturels, sont créés ». En conséquence, « chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le Présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier par l'adoption de mesures législatives ». On pensait, entre autres, au caractère obligatoire et à la gratuité de l'enseignement primaire avec le souhait de voir adopter « un plan détaillé des mesures nécessaires pour réaliser progressivement dans un nombre raisonnable d'années fixé par ce plan, la pleine application du principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous » ( art. 14). En même temps, les Etats parties reconnaissent la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et leurs droits égaux et inaliénables, qui constituent le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. Le même préambule mentionne d'emblée 79 les devoirs : « Prenant en considération le fait que l'individu a des devoirs envers autrui et envers la collectivité à laquelle il appartient et est tenu de s'efforcer de promouvoir et de respecter les droits reconnus dans le Présent Pacte ». En outre, l'insertion d'un article sur le droit des Peuples à disposer d'eux-mêmes, à trouver son accomplissement par l'adoption d'une disposition incorporée dans les deux pactes et libellée dans des termes identiques. Ce droit collectif jouit de préséance sur les autres droits puisqu'il figure en première place : « 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
Quinze articles traitent des droits économiques. L'article 10 est consacré à la famille, aux mères et aux enfants. Les Etats parties reconnaissent que : « Une protection et une assistance aussi large que possible doivent être accordées à la famille, qui est l'élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu'elle a la responsabilité de l'entretien et de l'éducation d'enfants à charge. » (par.1). Par ailleurs, lors des discussions, il y eut des oppositions fondamentales sur le droit de propriété, ce qui explique la non incorporation de ce droit dans les Pactes. Mais ces deux pactes174 n'obéissent pas à la même conception que celle qui anime la Déclaration. En 1966, l'Onu comptait 122 membres au nombre desquels de nombreux Etats du tiers monde. Il en 174 MOURGEON (J.), Les pactes internationaux relatifs aux droits de l'homme, AFDI. , 1967, p.327. 80 résulte un très sensible affaiblissement de l'individualisme au profit d'un phénomène de collectivisation des droits de l'Homme175. Les pactes constituent avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, « la Charte internationale des droits de l'Homme » : ce sont les 3 textes fondamentaux de protection des droits de l'homme. Les deux pactes ont des dispositions communes, notamment leur préambule qui vient rappeler que les deux catégories de droits sont indivisibles. Ce principe d'indivisibilité et d'interdépendance des droits de l'homme sera, d'ailleurs, solennellement consacré dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne adoptés le 25 juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme. Les deux pactes consacrent également le droit à l'autodétermination des peuples (article 1) ainsi que l'égalité des sexes pour l'accès à l'ensemble des droits fondamentaux (article 3). Le Pacte international sur les droits civils et politiques protège notamment : Le droit à la vie (article 6) ; L'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 7) ; L'interdiction de l'esclavage et des travaux forcés (article 8 ) ; Le droit à la liberté et à la sécurité, et l'interdiction de la détention arbitraire (article 9) ; L'égalité devant les tribunaux et les cours de justice (article 14); Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 18) ; Le droit de vote et d'être élu au suffrage universel et égal (article 25). Le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels protège notamment : Le droit au travail (article 6) ; Le droit à un niveau de vie suffisant (article 11) ; Le droit de jouir d'un bon état de santé (article 12) ; Le droit à l'éducation (article 13) ; La gratuité de l'enseignement primaire (article 14); Les droits culturels (article 15). Les pactes ayant été analysés, on peut à présent procéder à l'examen de leurs enjeux pour les droits de l'enfant. 2. Les enjeux des pactes pour les droits de l'enfant Les Pactes présentent des enjeux majeurs pour les Droits de l'Enfant. En effet, « les deux pactes internationaux font également référence aux droits de l'enfant et confirment des droits 175 SUDRE (F.), Droit international et européen des droits de l'homme, PUF, 2016, p.76 et s. 81 qui avaient déjà été consacrés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Déclaration de Genève de 1924 et la Déclaration des Droits de l'Enfant de 1959. »176 L'article 24 du Pacte international sur les droits civils et politiques réaffirme le droit des enfants à une protection, et le droit à un nom et à une nationalité : « Tout enfant, sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'origine nationale ou sociale, la fortune ou la naissance, a droit, de la part de sa famille, de la société et de l'État, aux mesures de protection qu'exige sa condition de mineur.». Le droit des enfants à bénéficier d'une protection contre l'exploitation infantile et l'obligation des États à fixer un âge minium au travail sont confirmées par le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), en son article 10. L'article 12 de ce PIDESC confirme encore le droit des enfants à jouir du meilleur état de santé possible. Enfin, le droit à l'éducation des enfants et le principe de gratuité de l'enseignement primaire pour tous les enfants sont réaffirmées par l'article 13 en ces termes: « [...] l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.». Comme le reconnait l'Ong internationale « Humanium » : « La réaffirmation de ces droits est une avancée importante dans la protection des droits de l'enfant. En effet, le droit à une protection et le droit à une identité, ainsi que le droit à l'éducation et à la protection contre l'exploitation font partie des droits les plus fondamentaux des enfants. Avant l'adoption des pactes internationaux, ces droits n'étaient reconnus que par des déclarations. Les pactes confèrent une valeur contraignante à ces droits. Dès lors, tous les États parties sont juridiquement tenus de respecter et de faire respecter ces droits pour tous les enfants relevant de leur juridiction. »177. Au-delà des textes universels à caractère général, l'enfant de la Côte d'Ivoire bénéficie aussi de la protection des droits de l'homme proclamés au niveau régional africain, par le biais de la Charte africaine des droits de l'homme et de peuples (C.A.D.H.P). 176 https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/ (consulté le 20/06/2018). 177 https://www.humanium.org/fr/normes/pactes-internationaux-1966/ (consulté le 20/06/2018). 82 83 § 2. AU NIVEAU AFRICAIN : LE CAS DE LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES Le système africain de protection des droits de l'Homme constitué par la charte revêt une importance fondamentale pour la communauté internationale venant en complément et en renforcement de la protection internationale des droits de la personne humaine. Aussi, l'Assemblée générale des Nations Unies n'a-t-elle pas manqué d'adresser, le 16 décembre 1981, ses vives félicitations à l'OUA pour l'adoption de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples178. Ainsi, la communauté internationale s'enrichit, dans le cadre régional, d'un nouvel instrument juridique. Après l'Europe, avec la convention de Rome sur la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et l'Amérique, avec la Convention de San José de Costa Rica relative aux droits de l'Homme du 22 novembre 1969, c'est l'Afrique qui se préoccupe d'assurer la protection internationale des droits de l'homme. Le résultat n'a pas été atteint sans difficultés, car l'idée d'un instrument de protection des droits de l'homme, conçue dès janvier 1961 par les juristes africains, n'a pu voir le jour que le 28 juin 1981, soit vingt ans plus tard. La charte a été en fait le fruit des souffrances atroces des peuples africains qui ont atteint un seuil intolérable en République centrafricaine, en Guinée Equatoriale et en Ouganda. Ces trois peuples ont en effet subi les dictatures violentes et sanglantes. Ces dictatures respectivement de l'empereur Bokassa 1er, du Président Macias NGUEMA et du Maréchal Idi Amin DADA, dictatures sanctionnées par leur chute spectaculaire en 1978-1979, ont été marquées notamment par le massacre de centaines d'enfants. La réaction des peuples africains à la répression, ainsi que la répulsion ressentie par leurs dirigeants face à ces horreurs n'ont pu que faire prendre conscience de la nécessité d'une protection régionale des droits de l'Homme.179 La Côte d'Ivoire a adhéré à la CADHP en date du 27 décembre 1991, soit dix (10) ans après son adoption et cinq (5) ans après son entrée en vigueur. Afin de mieux cerner les traits généraux de la C.A.D.H.P, nous utiliserons la démarche comparative qui nous permettra de faire ressortir tout d'abord ses ressemblances avec les 178 Résolution A/Res/36/154. 179 Voir en ce sens A.F.D.I. 1981 P.426-427. autres instruments internationaux de protection des droits de l'homme avec lesquels elle conserve une certaine fraternité dans la droite filiation de la Déclaration universelle des droits de l'Homme(A). Nous examinerons ensuite seulement, les aspects spécifiques de cet instrument régional (B) avant de mettre en exergue les enjeux du traité africain des droits de l'homme pour l'enfant (C). A. LES ELEMENTS DE RESSEMBLANCE ENTRE LA CHARTE ET LES AUTRES INSTRUMENTS DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME L'analyse de la C.A.D.H.P révèle une adaptation et une interprétation, mais en aucun cas une remise en cause radicale de la substance du corpus de la protection internationale des droits de l'homme. C'est ce qui a conduit OUGUERGOUZ a déclaré que « les similitudes de la Charte africaine et de la charte internationale des droits de l'homme sont plus nombreuses que les différences »180 . Sans prétendre épuiser l'examen des points communs entre la CADHP et les autres traités de protection des droits de l'homme, nous pouvons néanmoins relever trois traits marquants qui traduisent cette proximité. Tout d'abord, sur le plan formel, la charte africaine utilise la technique juridique conformément au droit des traités de Vienne. On pouvait s'attendre au moment de la rédaction de la Charte africaine que d'autres techniques, ou formulation soient sollicités. En effet, si l'on garde présent à l'esprit les tensions relatives au paradigme de l'universalisme des droits de l'homme, c'est souvent la formulation juridique qui est avant tout indexée pour récuser le caractère universel des droits de l'homme. Or, c'est cette même technique qui est reprise par les rédacteurs de la charte africaine. Cette technique de proclamation des droits qui rappelle le décalogue, aurait pu céder le pas au mythe, légende ou d'autres modes de consécration en Afrique. Ensuite, sur le plan matériel, hormis quelques exceptions, la CADHP reprend le catalogue des droits inspirés de la Déclaration universelle des droits de l'homme. La Charte africaine contient, un catalogue de droits que l'on retrouve, mutatis mutandis, dans les autres instruments internationaux de protection des droits de l'homme. Comme ces textes, la charte 180 OUGUERGOUZ (F.), Cours polycopié Institut international des droits de l'homme, 1999, p.23. 84 africaine consacre les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, même si cette dernière va plus loin en formulant les droits de troisième génération, dits de solidarité. La Charte africaine est du point de vue des droits qu'elle consacre très proche des autres traités de protection des droits de l'homme, notamment des deux pactes et la Déclaration universelle des droits de l'homme. En sus, une certaine emprunte de modernité traverse la philosophie à la base de cet instrument. Ce qui fait de la charte un texte équilibré entre tradition et modernité. Tout en conservant des éléments de tradition africaine, la CADHP reste profondément ancrée dans une conception moderne des droits de l'homme. Tout d'abord, elle consacre (pas exclusivement) dans une certaine mesure le triomphe de l'individualisme au coeur de la philosophie moderne des droits de l'homme. Elle proclame aussi les droits de l'Etat et ceux des peuples, tout en accordant une place aux droits individuels, de telle manière que l'on ne peut pas lui faire le procès d'établir une prépondérance de la communauté sur l'individu. Or, la philosophie traditionnelle à la base des sociétés africaines a été décrite comme celle qui consacre justement le primat du groupe sur l'individu. Pourtant, se démarquant de cette caractéristique majeure de la philosophie africaine traditionnelle, la charte consacre l'individualisme, tout en essayant de le diluer par des éléments communautaires. Poussée par le vent de la modernité, la CADHP, consacre les droits de troisième génération qui constituent une nouvelle catégorie de droits de l'homme, qui ont récemment émergé en droit international, sans doute du fait des tristes événements enregistrés à la fin du dernier siècle. Au coeur de ces nouveaux droits, se trouve l'idée de solidarité et de fraternité : « ceux-ci sont des droits de l'homme sécrétés par l'évidente fraternité des hommes et par leur indispensable solidarité, droits qui uniraient les hommes dans un monde fini(...). Ils sont nouveaux car les aspirations qu'ils expriment sont nouvelles sous l'angle des droits de l'homme visant à faire pénétrer la dimension humaine dans des domaines dont elle était jusqu'ici trop souvent absente, étant abandonnés à l'Etat, aux Etats. »181. Ces droits de solidarité sont : le droit au développement, le droit à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité, le droit à la paix et le droit à un environnement sain. 181 VASAK (K.) , Pour une troisième génération des droits de l'homme, in Etudes et Essais en l'honneur de Jean PICTET, Comité international de la Croix-Rouge et Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1984, p.639. 85 Enfin, même lorsque la CADHP déclare dans son préambule s'inspirer « des vertus des traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine » et qu'elle érige en devoirs des individus « l'obligation de veiller dans ses relations avec la société, à la prévention et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives », elle l'entoure d'une exigence « d'esprit de tolérance, de dialogue et de concertation » qui l'inscrit dans la modernité. En ne retenant que les « valeurs africaines positives », l'Afrique sélectionne dans ses valeurs historiques celles qui sont capables de soutenir les fondations d'une civilisation moderne et universelle. Nous pouvons remarquer que la charte africaine ne fait aucune référence aux dieux, aux esprits, aux ancêtres, aux rites d'initiation, à aucune forme de transcendance, qui du reste, sont présent dans la cosmogonie africaine. Cet appel à la modernité se retrouve dans le discours du Président SENGHOR à l'ouverture des travaux de rédaction de la charte en ces termes : « Mesdames, messieurs les experts, gardez-vous à votre tour d'élaborer une charte des droits de l'homme africain ; l'humanité est une et indivisible et les besoins fondamentaux de l'homme sont partout identiques. Il n'y a ni frontière, ni race quand il s'agit de sauvegarder les libertés et les droits attachés à la personne humaine. Cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer à penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes. »182. Au-delà des traits communs qu'elle présente avec les autres instruments qui l'ont précédé, cette Charte présente quelques particularités même si la plupart des droits consacrés ne sont forcément par des innovations. B. DES SPECIFICITES DE LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES La plupart des spécificités de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ont pour fondement les traditions et les valeurs de civilisation africaine. Ces caractéristiques propres figurent en filigrane dans les trois discours faits à l'ouverture des travaux de la conférence des experts au moment de la rédaction de la Charte à Dakar du 28 novembre au 8 décembre 1979.183 En dehors de la dénomination de l'instrument qui est une particularité que la charte ne partage pas avec les autres instruments de protection des droits de l'homme (sauf en Afrique la charte de l'OUA, la charte culturelle de l'Afrique, la charte des droits et 182 Cité par MBAYE (K.), Les droits de l'Homme en Afrique, pedone, 1998, p.125. 183 Il s'agit des discours des présidents Senghor, Diawara, et du SG de l'époque Edem KODJO. Cité par MBAYE (K.), op.cit., pp.151-160. 86 du bien-être de l'enfant) on peut retenir trois principales spécificités de la charte sur un triple plan philosophique, normatif et organique. Les spécificités philosophiques recouvrent deux aspects : les valeurs de civilisation et la conception africaine des droits de l'homme. S'agissant des valeurs africaines de civilisation, dans le préambule de la charte, on retrouve cette volonté des auteurs de considérer que si les valeurs de civilisation africaine doivent nourrir la philosophie de la charte, il est également souligné que toutes les traditions ne sont pas bonnes à garder. Seules les valeurs « positives » qui correspondent aux besoins de la société africaine doivent servir de base à la conception de la charte. Quant à la conception africaine des droits de l'homme qui traverse la charte, elle semble liée à la conception du droit en Afrique. Une conception qui appréhende le droit moins comme un instrument de défense contre le groupe, mais comme un ensemble d'instruments protecteurs du groupe dont fait partie l'individu184 . On relève donc avec le Professeur Oberdorff qu'il « existe bien une conception africaine des droits de l'homme qui n'est pas simplement leur traduction à une région du monde, elle-même très diversifiée. La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 prend en considération à plusieurs reprises, dans son texte, l'idée d'une spécificité africaine » qui renvoie à « un système de pensée holiste »185. Comme le souligne Michel Levinet186, suivant la conception africaine des droits de l'homme, « les droits de l'homme ne sont pas séparables des droits des peuples ; les droits de l'homme ne sont pas dissociables de ses devoirs envers des entités essentielles comme la famille, l'Etat, voire la communauté africaine ». Si l'on rapporte cette conception aux principes fondateurs de la théorie moderne des droits de l'homme, elle se rapproche d'une forme d'« universalisme concurrent ». En effet, les approches diffèrent sensiblement, cette théorie présupposant que « la personne humaine doit être respectée par elle-même et non plus qu'elle appartient à un tout187. Quant aux particularités organiques liées au système originaire de la CADHP, notons à la fois l'absence d'une cour africaine des droits de l'homme, l'absence d'une déclaration préalable pour la compétence des organes pour recevoir des communications, et enfin la 184 Ibid., p.163. 185 OBERDORFF (H.), Droits de l'homme et libertés fondamentales, LGDJ, manuel, 5e éd., 2015, p.47et s. 186 LEVINET (M.), Théorie générale de droits et des libertés, Bruyant, 2008, p.216. 187 DE BOULOIS (X.D), Droits et libertés fondamentaux, PUF, « Licence Droit », 2010, p.19. 87 place prépondérante accordée par la charte africaine à un organe composé des chefs d'Etats et de gouvernement. De nombreuses analyses ont longtemps voulues voir dans l'absence d'une cour africaine des droits de l'homme, une conséquence directe de la conception du Droit en Afrique qui serait plus conciliatoire que contentieux. Il faudrait faire la critique d'une telle argumentation188 . Dans tous les cas, l'absence d'une Cour africaine des droits de l'homme a été un fait objectif donné à un moment précis ; lequel fait objectif a longtemps caractérisé la structure du mécanisme africain de sauvegarde des droits de l'homme, à la différence des deux autres mécanismes régionaux européen et américain. En revanche, les justifications philosophiques que l'on prête à cet élément objectif, sont très subjectives et relèvent d'une analyse hasardeusement inconsistante et du reste scientifiquement peu rigoureuse. Mieux, cette absence d'une Cour africaine indexée dès l'adoption de la charte a disparu, depuis l'adoption en date du 09 juin 1998 à Ouagadougou du protocole facultatif relatif à la création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples. Boudée au départ par les Etats, il ne comptait que six ratifications en 2003 (Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Gambie, Maurice, Sénégal, Afrique du Sud). A ce jour, 24 Etats ont signé et ratifié ce protocole, 25 Etats l'ont signé mais pas ratifié et 5 Etats n'ont pas encore signé ou ratifié cet instrument. Le Protocole est entré en vigueur le 25 janvier 2004 et les juges ont prêté serment en juillet 2006. Mais, depuis le 1er juillet 2008, l'Union africaine a adopté, à Sharm El Sheik, en Egypte, le protocole portant statut de la Cour Africaine de justice et des Droits de l'Homme et des peuples. L'on s'achemine vers l'extension des compétences de la cour aux affaires pénales (reprise des principaux crimes de la CPI : génocide, crime contre l'humanité, crime de guerre). Une autre spécificité critiquable du système originaire africain de protection des droits de l'homme réside dans l'absence d'une possibilité de mise en place d'un régime d'exception en cas de circonstances exceptionnelles. La CADHP ne contient effectivement pas de clause comparable à l'article 15 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme 188 KONDE MBOM (J.M), Le contrôle international de l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Presses Universitaires du septentrion, 1999, p. ; Voir également MBAYE ( K.),les droits de l'homme en Afrique, op-cit, p.165. 88 89 et des libertés fondamentales ou de l'article 27 de la convention américaine des droits de l'homme189. La place prépondérante accordée à un organe des chefs d'Etas dans le mécanisme de sauvegarde apparait comme une situation sui generis en droit international des droits de l'homme. Cette caractéristique singulière de la C.A.D.H.P. ne se rencontre dans aucun traité de protection des droits de l'homme. En effet, si l'on trouve à des degrés limités l'action des organes politiques dans le contrôle de l'application des instruments de défense des droits de l'homme, il est souvent question d'un organe ministériel aux compétences réduites. Il en va ainsi notamment en Europe où l'influence du Conseil des ministres s'est réduite avec le protocole 11 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Au-delà de l'impact négatif d'une telle implication de l'organe politique dans le dispositif originaire de sauvegarde de la Charte, nous pouvons d'ores et déjà indiquer la décrédibilisation, et une certaine désaffection de l'opinion internationale vis-à-vis de la charte africaine du fait justement qu'il est suspendu dans une certaine mesure à la bonne volonté des chefs d'État du continent. Surtout que les dispositions de la C.A.D.H.P.190 instaurent une prépondérance de cet organe politique qui se voit doté d'un véritable pouvoir décisionnel au détriment de la Commission africaine des droits de l'homme reléguée à un organe d'études et de propositions. Les spécificités normatives tiennent à l'unicité de l'instrument, à la consécration des droits et devoirs spécifiques et des nouveaux droits. L'OUA a préféré l'unicité conventionnelle à la dualité adoptée par la majorité des systèmes de protection des droits de l'homme. Ainsi, la CADHP, proclame dans le même texte, toutes catégories confondues des droits de l'homme, contrairement aux autres systèmes qui les séparent191. Elle réussit de ce fait à faire coexister trois catégories différentes de droits dans un seul instrument : droits civils et politiques (articles 8 à 14), droits économiques sociaux et culturels (articles 15 à 18), droits de solidarité (articles 19 à 22)192. 189 OUGUERGOUZ (F.), La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, op.cit.p.24. 190 Articles 58 et 59. 191 ETEKA YEMET (V.), La charte africaine des droits de l'homme et des peuples, l'Harmattan, 1996, p. 175. 192 OUGUERGOUZ (F.), Recueil des cours Institut international des droits de l'homme, 1999, p.5. Elle est ainsi fidèle au principe d'indivisibilité des droits de l'homme, et de leur interdépendance qui appelle une approche plus globalisante193. L'examen de la genèse de la CADHP nous permet de mieux saisir les spécificités qui la caractérisent. On en arrive ainsi à la conclusion selon laquelle, la charte africaine est la somme d'un difficile compromis sur un sujet sensible, car il comporte des implications directes qui révèlent à l'extérieur la manière dont sont gérés les Etats. En dépit de ces spécificités, la CADHP n'est pas sans conséquence sur les droits de l'enfant. C. LES ENJEUX DE LA CADHP POUR LES ENFANTS Tout peuple, tout homme, chaque homme vivant sur le territoire ivoirien est bénéficiaire des droits inscrits dans cette charte. Tel est le cas des enfants qui au-delà du bénéfice des droits civils et politiques, des droits de solidarité reconnus à tout homme dans cette charte, se voient accorder une attention particulière au niveau des droits économiques, sociaux et culturels. En effet, la CADHP accorde une attention singulière à la protection de la famille et de certaines catégories de personnes à savoir, les enfants et les femmes. La famille, en tant qu'élément naturel de base de la société, bénéficie d'une protection particulière. Les devoirs de l'Etat envers elle, prescrits par l'art. 18 par.1 et 2, consistent pour celui-là à protéger celle-ci en veillant à «sa santé physique et morale» et à l'assister «dans sa mission de gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la communauté». Quant à l'individu, il pèse sur lui l'obligation de respecter sa famille, d'oeuvrer pour sa cohésion, de protéger son développement harmonieux et même de «respecter à tout moment ses parents, de les nourrir et de les assister en cas de nécessité.» La famille bénéficie ainsi de cette protection renforcée non seulement en sa qualité d'élément naturel et fondamental de la société, mais également en tant qu'instrument de promotion des droits de l'homme et des peuples. C'est effectivement elle qui assure, en premier lieu, la formation et l'éducation des enfants et tous ses membres y participent sans exception : 193 Déclaration et plan d'action de la conférence de Vienne sur les droits de l'homme, juin 1993, par 1 (1er considérant). 90 grands-parents, parents, oncles et tantes, frères et soeurs, cousins et cousines. Mais, la Charte africaine retient-elle une acception aussi compréhensive de la famille ? Rien n'est moins sûr. Elle ne donne aucune précision et les législations internes des Etats africains optent généralement pour la famille « nucléaire », c'est-à-dire le sens restreint du terme, ne comprenant que les époux et les enfants194. Il s'agit peut-être d'un compromis permettant la coexistence de deux conceptions, l'une africaine, l'autre occidentale. Toutefois, le contexte et les objectifs de la Charte autorisent à faire pencher la balance du côté de la conception africaine, d'autant plus que pour la famille retenue, l'accent est mis sur le respect des parents et leur assistance, et en dehors de celle-ci, sur certaines catégories de personnes qui font l'objet d'une protection particulière. Les catégories de personnes qui bénéficient de protection particulière sont, aux termes de l'article 18, la femme et l'enfant d'une part et d'autre part les personnes âgées et les handicapés. Pour la première catégorie, il pèse sur l'Etat, l'obligation de non-discrimination et de protection conformément aux « déclarations et conventions internationales » y relatives195. Quant à la seconde, il lui est reconnu le « droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques et moraux » (art. 18 par.4). Ces dispositions tirent incontestablement leur source d'inspiration de la tradition africaine. Celle-ci est, en effet, très protectrice des catégories de personnes visées. Il en va ainsi de l'enfant qui, perçu comme un don du ou des dieux ou de la nature, est titulaire de droits bien précis, tels que le droit à la maternité, le droit à une famille, le droit à une éducation, le droit à une formation. Cette protection est renforcée au point de prohiber toute discrimination entre l'enfant adultérin, l'enfant naturel et l'enfant légitime196. Il ressort de ce qui précède que les droits de l'homme sont inhérents à la nature humaine, de même que l'égalité en droits et en dignité. Ainsi les droits de l'homme dont parlent les instruments juridiques sus-analysés, sont les droits de tous les hommes, y compris les enfants. Cette consécration transcendantale de l'égalité universelle des êtres humains, en 194 DEGNY-SEGUY (R.), « Codification et uniformisation du droit », in Encyclopédie juridique de l'Afrique, T.1, l'Etat et le droit, p. 453 et s. 195 Art. 18 par. 3. 196 Cette idée d'égalité entre enfants est reprise par nombre de législations internes des Etats africains. Voir étude précitée, DEGNY-SEGUY (R.), « Codification du droit en Afrique », in E.J.A. p.64. ; Voir aussi BAKARY (T.), « Introduction, » in Les Droits de l'Homme en Afrique, Institut de droits de l'homme et de la paix, Université de Dakar, 1991, p.10. matière de droits, n'a pas occulté la réalité redoutable de la différence inégalitaire entre les composantes de l'espèce humaine sur le fondement de divers critères, notamment sur le sexe et l'âge. L'enfant, homme vulnérable, le plus petit des hommes en âge, se verra progressivement être le bénéficiaire d'un ensemble de droits contenus dans divers instruments internationaux. Ainsi, des instruments juridiques spécifiques à l'enfant auxquelles la Côte d'Ivoire est partie, viendront au secours des instruments à caractère généraux ci-dessus évoqués. Ce faisant, ces textes reconnaissent directement des droits aux enfants. 91 . 93 Section II. UNE RECONNAISSANCE DIRECTE A TRAVERS DES INSTRUMENTS SPECIFIQUES AUX DROITS DE L'ENFANT La démarche sectorielle de consécration d'instruments internationaux de protection des droits de l'enfant s'explique d'une part, par une certaine inefficacité des textes généraux, d'autre part, par l'occurrence des violations des droits de l'enfant dans le monde, et particulièrement en Afrique. Il s'agit donc de l'expression juridique d'une volonté d'organiser une protection supplémentaire des droits de l'enfant. Pour y arriver, divers instruments juridiques internationaux vont être consacrés au profit de l'enfant tant au niveau universel (Paragraphe 1) que régional africain (Paragraphe 2). § 1. AU NIVEAU UNIVERSEL Au niveau universel, en vue de renforcer la protection juridique des enfants vivant sur le territoire ivoirien, la Côte d'Ivoire a respectivement ratifié la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) (A), les deux protocoles facultatifs à ladite convention ainsi que le protocole de Palerme (B), puis les conventions n°131 et 182 de l'OIT (C). A. LA RATIFICATION DE LA CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'ENFANT (CIDE) La Côte d'Ivoire a ratifié la CIDE le 04 février 1991, soit 6 (six) mois après l'entrée en vigueur de la CIDE. Pour mieux comprendre le contenu de ce premier instrument universel dédié à la protection de l'enfant, il importe d'examiner les droits que ce texte consacre au profit des enfants (1) avant d'analyser les obligations en découlant à la charge des Etats (2). 1. Des droits au profit des enfants La convention des droits de l'enfant de 1989 couvre toute la gamme des droits de l'homme. Il est d'usage de les classer en deux catégories, d'une part les droits civils et politiques et de l'autre, les droits économiques, sociaux et culturels. Bien que l'article 4 se réfère à ces catégories, les articles du dispositif ne sont pas eux-mêmes classés de la sorte. La convention cherche au contraire à mettre en exergue le lien qui unit étroitement tous les droits et qui en fait un bloc, afin de garantir ce que l'Unicef appelle « la survie et le 94 développement » de l'enfant. Il serait utile, à cet égard, de décrire la gamme des droits garantis par la Convention comme les « trois P » : prestation, protection et participation. Les enfants ont donc le droit d'obtenir la prestation d'un nombre de choses et de services allant d'un nom et d'une nationalité à des soins de santé et une éducation. Ils ont le droit d'être protégés d'actes tels que la torture, l'exploitation, la détention arbitraire ou le retrait injustifié de la garde des parents. Enfin, les enfants ont le droit d'agir et de s'exprimer, en d'autres termes de participer aux décisions concernant leur vie et à la vie de la société dans son ensemble. La CIDE ne fait pas de distinction entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Comme le souligne Guillemette Meunier, les droits contenus dans la CIDE, pour des raisons pédagogiques, sont décrits en 3 « P », c'est-à-dire, Prestation, Protection et Participation197. Ainsi, au titre des droits contenus dans la CIDE, on peut opérer la classification suivante : - Droits Prestation : le droit à un nom, le droit à la nationalité, le droit aux soins de santé, le droit à l'éducation ; - Droits Protection contre : la torture, l'exploitation, la détention arbitraire, le retrait non justifié du droit de garde des parents ; - Droits Participation : le droit de participation aux décisions les concernant, etc En rassemblant ces droits dans un texte unique qui les cimente, la Convention vise trois objectifs essentiels : - Réaffirmer, à l'intention des enfants, des droits que d'autres traités accordent déjà à tous les êtres humains. L'application de certains de ces droits aux enfants, tels que la protection contre la torture, n'est pas sujette à controverse. D'autres droits, tels que la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de religion et le droit à la sécurité sociale ont suscité des débats enflammés tout au long du processus de rédaction pour savoir si les enfants devaient ou non en bénéficier directement et, si oui, dans quelles conditions. Ainsi, la réaffirmation de ces droits n'était nullement superflue, elle était au contraire le moyen de souligner que les enfants sont eux aussi des êtres humains ; 197 MEUNIER (G.), L'application de la Convention des Nations-Unies relatives aux droits de l'enfant dans le droit interne des États parties, l'Harmattan, Paris, 2002, 253 p., p.43. 95 - Donner à une série de droits de l'homme fondamentaux un statut privilégié pour qu'il soit tenu compte des besoins spéciaux et de la vulnérabilité des enfants. L'exemple évident qui vient à l'esprit est celui de conditions de travail acceptables, pour lesquelles les normes doivent être plus strictes pour les enfants et les jeunes que pour les adultes. Un autre exemple est celui des conditions de privation de liberté d'un mineur ; - Elaborer des normes dans des domaines qui concernent plus particulièrement ou exclusivement les enfants. La sauvegarde des intérêts de l'enfant au cours de la procédure d'adoption, l'accès à l'éducation primaire, la prévention de l'abandon et des mauvais traitements au sein de la famille et la protection contre ces situations, le recouvrement des pensions alimentaires sont quelques-unes des questions spécifiques à l'enfant qui sont couvertes par la convention. Au-delà de l'ampleur de sa portée, cette convention apparait comme une innovation constructive en ce qu'elle présente trois nouveautés fondamentales. Tout d'abord, elle introduit la notion des droits de «participation» de l'enfant, grande absente des Déclarations précédentes. Dans la même veine, elle reconnait explicitement qu'il faut veiller à ce que les enfants eux-mêmes soient informés de leurs droits. Ensuite, la Convention soulève diverses questions qui ne l'avaient été dans aucun autre instrument international : le droit à la réadaptation des enfants victimes, par exemple, de diverses formes de cruauté et d'exploitation, l'obligation des gouvernements de prendre des mesures visant à l'abolition des pratiques traditionnelles nuisant à la santé de l'enfant. Elle comporte des principes et normes qui ne figuraient à ce jour que dans des instruments non contraignants, notamment les questions relatives à l'adoption et à la justice pour mineurs. La convention mentionne par ailleurs deux notions essentielles ayant d'importantes retombées : - d'une part, « l'intérêt supérieur »198 de l'enfant devient une considération primordiale dans toutes les « décisions qui concernent les enfants », conjointement avec tous les droits pertinents figurant ailleurs dans le texte de la Convention ; En réalité, la CIDE emprunte cette notion à la Déclaration des droits de l'enfant adoptée 198 Article 3 CIDE. 96 le 20 novembre 1959. Le principe 2 de cette Déclaration prévoit : « dans l'adoption des lois en vue d'assurer une protection spéciale aux enfants, l'intérêt supérieur doit être la considération déterminante. ». Loin d'être une notion juridique stricto sensu, ce terme fait l'objet de nombreuses études multidisciplinaires dont les effets peuvent être parfois très variés. Cette notion, en dépit de sa signification, est à la fois ancienne et nouvelle. « On en trouve trace dans la favor liberorum des Instituts de Justinien ou dans le plus grand avantage de l'enfant inscrit dans le code Napoléon comme critère (subsidiaire) de choix entre les père et mère divorcés »199. Sur le concept de l'intérêt de l'enfant, Jean CARBONNIER écrivait : « l'intérêt de l'enfant, c'est la notion magique. Elle a beau être dans la loi, ce qui n'y est pas c'est l'abus qu'on en fait aujourd'hui. A la limite, elle finirait par rendre superflues toutes les institutions du droit familial200 ». Si l'intérêt pour l'enfant consiste à le protéger physiquement et moralement en raison de sa vulnérabilité, désormais on cherche l'intérêt de l'enfant parce qu'il est sujet et non plus un simple objet de droit201. - d'autre part, le principe selon lequel les parents (ou autres personnes légalement responsables) doivent donner à l'enfant l'orientation et les conseils appropriés à l'exercice de leurs droits, d'une manière qui corresponde au « développement des capacités»202 de l'enfant. Pour une mise en oeuvre concrète de ces droits de l'enfant consacrés par la CIDE, les rédacteurs ont assortis ces droits d'un certain nombre d'obligations pesant sur les Etats. 2. Des obligations à la charge des Etats La convention de New York est rédigée de telle manière qu'elle fait peser sur les Etats de nombreux engagements, non seulement pour donner vie aux droits reconnus, mais surtout pour organiser des politiques publiques adaptées aux droits de l'enfant par exemple pour la 199 FULCHIRON (H.) « De l'intérêt de l'enfant aux droits de l'enfant » in Une Convention, plusieurs regards. Les droits de l'enfant : une belle déclaration ! Et après ? Introduction aux droits de l'enfant, Tome 1 (1995), 1997, p.19. 200 CARBONNIER (J.) cité par Gilbert DELAGRANGE, Comment protéger l'enfant ?, Karthala, 2004, p.30. 201 RENAUT (A.), La libération des enfants, contribution philosophique à une histoire de l'enfance, Bayard, 2002, p.337-341. ; DE SINGLY (F.) « L'enfant à l'épreuve de ses droits » in Enfants, adultes : vers une égalité de statuts ?, Universalis, Paris, 2004, pp.63-76. 202 Article 5 CIDE. 97 famille, la protection de l'enfance, la régulation de procédures d'adoption, les enfants handicapés, la santé, pour l'éducation et la formation, la lutte contre l'exploitation des enfants dans le travail ou sur le plan sexuel203. En d'autres termes, plus qu'un simple catalogue des droits de l'enfant, la Convention est une liste complète des obligations que les États acceptent de contracter vis-à-vis des enfants. Il s'agit d'obligations directes, telles que la mise à disposition d'établissements scolaires ou l'instauration d'un système approprié pour l'administration de la justice pour mineurs, ou d'obligations indirectes permettant aux parents, à la famille élargie ou au tuteur de remplir pleinement leur rôle et leurs responsabilités en matière de bien-être et de protection de l'enfant. En d'autres termes, la Convention n'est absolument pas une « charte de libération de l'enfant », pas plus que son entrée en vigueur ou son contenu ne remettent en cause l'importance de la famille, ce que confirme la lecture de la Convention envisagée comme un tout. Toutefois, d'aucuns s'efforcent de prouver le contraire en pointant l'index sur des dispositions précises, qui tirées de leur contexte, peuvent sembler hostiles envers les parents et la famille ou laisser croire qu'elles confèrent à l'enfant un degré d'autonomie contestable. Il est important de rappeler que l'esprit et la lettre de la Convention ne recherchent ni l'un ni l'autre. Quant à sa portée juridique, il est à rappeler que la Convention internationale relative aux droits de l'enfant est perçue, par la doctrine, comme le premier instrument juridique spécifique à caractère obligatoire pour la protection des enfants au plan international. Perçue sous cet angle, la Convention devrait être opposable aux États parties tant au plan international qu'au plan interne. Ainsi, en tant qu'instrument juridique à caractère obligatoire, les juridictions nationales et internationales devraient pouvoir sanctionner sa violation. La recherche du consensus qui a abouti à l'adoption de la CDE a favorisé un manque de fermeté et de contrainte dans sa rédaction204, favorisant ainsi des interprétations diverses quant à sa portée. Ce fut le cas en France « où a éclaté une controverse jurisprudentielle et doctrinale passionnée (...) les uns déplorant la mollesse et les autres souhaitant à cette Convention la portée et la force les plus grandes, (...) et qu'elle ne soit 203 OBERDORFF (H.), Droits de l'Homme et Libertés fondamentales, A. Colin, 2003, p.52. 204 GRANET (F.), « La Convention de New-York sur les droits de l'enfant et sa mise en oeuvre en France », in L'enfant et les Conventions internationales , Dir. RUBELLIN-DEVICHI (J.) et RAINIER (F.), Presses Universitaires de Lyon, 1996, 492 p., pp.95-114, spéc. p.95. 98 pas reléguée au rang des pieuses déclarations qui satisfont l'esprit en donnant bonne conscience sans rien coûter. »205 . La Convention permet aux Etats d'émettre des réserves lors de la signature ou de la ratification, à condition que celles-ci ne soient pas incompatibles avec son objet et son but206. Contrairement à la Côte d'Ivoire, les pays islamiques ont émis des réserves à l'égard des articles relatifs à l'adoption, qui n'existe pas dans ces Etats. De même, la France (elle a ratifié la CIDE en 1990), a émis une déclaration interprétative sur la question du droit systématique d'interjeter appel d'une décision constatant une infraction commise par un mineur (art.40). Elle a aussi émis une réserve sur le droit à la vie (art.6) dont elle a précisé qu'elle ne constituait pas un obstacle à l'interruption volontaire de grossesse. Une autre réserve émise par la France a trait à l'article 30 relatif aux minorités. Le conseil d'Etat a rappelé dans l'arrêt du 3 juillet 1996, Paturel207, que « le gouvernement français a déclaré que l'article 30 de la Convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la République française ; qu'il ne peut donc être utilement invoqué ». Comme elle appartient à la sphère des droits de l'homme, la Convention permet de sortir la question des enfants du domaine d'un sentimentalisme et d'un sensationnalisme bien intentionnés, mais déconsidérés, dans lequel elle était généralement restée enfermée, avec parfois des conséquences désastreuses. Mais, malgré ses faiblesses, la CIDE constitue aujourd'hui le seul instrument à caractère universel qui pourrait amener la communauté internationale à obliger les États à prendre des mesures au plan interne pour assurer la jouissance effective des droits qui y sont reconnus et promus. Outre la CIDE, l'Etat de Côte d'Ivoire a également ratifié les deux protocoles facultatifs à la CIDE en vue de renforcer la protection juridique des enfants en période de conflit armé et la protection des enfants contre la vente, la prostitution et la pornographie infantile. 205 GRANET (F.), op. cit. p.96. 206 Art. 51 al. 2 de la CIDE. 207 JCP 1996.I.2279, obs. Ch. Rouault. 99 B. LA RATIFICATION DES DEUX PROTOCOLES FACULTATIFS A LA CIDE ET DU PROTOCOLE DE PALERME La récente ratification des deux protocoles facultatifs à la CIDE en 2001, au lendemain de la crise ivoirienne a eu pour effet de renforcer le cadre normatif international de protection des enfants en Côte d'Ivoire. Il s'agit du protocole facultatif de la CIDE concernant l'implication d'enfants dans les conflits et le protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants . La même année la Côte d'Ivoire a marqué son adhésion au Protocole de Palerme. Nous examinerons ces trois textes en relevant leur importance dans la protection des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire. La ratification du protocole facultatif de la CIDE concernant l'implication d'enfants dans les conflits contribue au renforcement de la protection des enfants en temps de guerre. D'emblée, il est opportun de noter qu'avant 2011, la protection des enfants en Côte d'Ivoire en période de guerre était assurée par les Conventions de Genève et de leurs protocoles. En effet, La Côte d'Ivoire a respectivement adhéré aux quatre conventions de Genève, le 28/12/1961 ; De même, elle a adhéré aux deux protocoles facultatifs aux conventions de Genève, le 20/09/1989. Le droit international humanitaire s'applique dans toutes les situations de conflit armé. Et il va de soi que les dispositions générales du droit international humanitaire sur la protection des civils au cours des conflits armés s'appliquent également aux enfants. Toutefois, quelques vingt-cinq (25) articles des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977, traitent spécifiquement de la protection des enfants. La quatrième convention de Genève afférente à la protection des civils dans les situations de conflit armé, comporte moult dispositions consacrés aussi à la protection des enfants. On peut citer : l'article 14 indiquant que les Parties pourront créer des zones de sécurité afin de protéger, entre autres, les enfants de moins de quinze ans ; l'article 17 vise aussi les enfants au titre de la mesure d'évacuation des civils hors des zones assiégés ; l'article 23 relatif au libre passage de produits de première nécessité destinés aux groupes particulièrement vulnérables de la population civile, fait explicitement référence aux enfants de moins de quinze ans ; l'article 24 a trait à la protection des enfants de moins de quinze ans devenus 100 101 orphelins ou séparés de leur famille du fait de la guerre et prévoit l'identification des enfants de moins de douze ans ; l'article 38 applicable aux personnes protégées sur le territoire national des belligérants, inclut les enfants âgés de moins de quinze ans parmi les personnes devant jouir de tout traitement préférentiel au même titre que les ressortissants de l'Etat concerné ;quant à l'article 50, il réfère aux enfants dans les zones occupées et des institutions qui doivent en prendre soin, tandis que l'article 51 interdit à la Puissance occupante d'astreindre au travail les personnes âgées de moins de 18 ans ; l'article 68 interdit de condamner à mort toute personne protégée âgée de moins de dix-huit ans au moment de l'infraction. Outre ces dispositions, le principe d'une protection spéciale en faveur des enfants en situation de conflit armé international est établi explicitement par le Protocole additionnel I aux conventions de Genève. L'Article 77 (1) du protocole dispose in fine : « Les enfants doivent faire l'objet d'un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. Les parties au conflit leur apporteront les soins et l'aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison ». Le protocole additionnel II aux conventions de Genève comprend des dispositions analogues pour la protection des enfants en cas de conflit armé non international. Ainsi, l'article 4 relatif aux « garanties fondamentales »contient des dispositions spécifiquement consacrées à la protection des enfants, et reprend certains des principes de la Quatrième convention de Genève, et notamment ceux des articles 17, 24 et 26. Il est important d'indiquer que la responsabilité de l'application du droit international humanitaire, y compris la protection particulière qu'il accorde aux enfants, est une responsabilité collective. Il est du devoir de chaque Etat partie aux Conventions de Genève de respecter et de faire respecter ces normes. La Convention relative aux droits de l'enfant reprend ce devoir en son article 38, en disposant : « Les Etats parties s'engagent à respecter et à faire respecter les règles du droit humanitaire international qui leur sont applicables en cas de conflit armé et dont la protection s'étend aux enfants » Suivant cet article, les Etats parties à la CIDE « prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants qui sont touchés par un conflit armé bénéficient d'une protection et de soins », conformément à leurs obligations au titre du droit international humanitaire de protéger les populations civiles lors des conflits armés. Le droit international a fixé à 15 ans l'âge minimum pour le recrutement dans les forces armées et la participation aux hostilités. Cette limite a été établie après la fin de la deuxième guerre mondiale, sans doute parce qu'elle correspondait à l'âge de la fin de l'école dans les pays occidentaux208. Cette limite fut reprise par la Convention relative aux droits de l'enfant bien que des efforts vigoureux aient été accomplis par le CICR, d'autres organisations non gouvernementales, diverses agences des Nations Unies et certains Etats aux fins de tenter de relever l'âge minimal de recrutement et de participation aux hostilités à 18 ans. Nonobstant l'adoption finale de l'article 38 de la convention relative aux droits de l'enfant, le débat houleux209 qu'il avait suscité a créé un sentiment d'insatisfaction partagée par de nombreuses délégations. Aux termes de l'article 38 de la convention relative aux droits de l'enfant, les Etats : « prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités ». En réalité, la Convention n'a pas freiné le phénomène des enfants soldats. Dans son étude sur l'impact des conflits armés sur les enfants, Madame Graça MACHEL précise : « La convention sur les Droits de l'enfant, si elle assure une protection complète, doit néanmoins être renforcée pour ce qui est de la participation des enfants aux conflits armés ». C'est pourquoi la journée thématique sur les enfants dans les conflits armés organisée en 1991 a été le prétexte pour recommander la rédaction d'un Protocole facultatif à la CDE, relatif au recrutement et à la participation des enfants dans les conflits armés. Dans 208 BADIANE (S.), Les enfants aux deux bouts du fusil, Presses Universitaires de Dakar, 2004, p.305. 209 En ratifiant la Convention, un certain nombre d'Etats ont fait des déclarations pour exprimer leur souci de voir que l'article 38 n'interdit pas la participation aux hostilités et l'enrôlement dans les forces armées de toutes les personnes de moins de 18 ans. Par exemple : « La principauté d'Andorre déplore le fait que la Convention relative aux droits de l'enfant n'interdit pas l'utilisation d'enfants dans les conflits armés. Elle ne souscrit pas aux dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 38 concernant la participation et l'enrôlement d'enfants à partir de l'âge de 15 ans ». « En ce qui concerne l'article 38 de la Convention relative aux droits de l'enfant, la République argentine déclare qu'elle aurait souhaité que la Convention ait formellement interdit l'utilisation d'enfants dans les conflits armés, comme le stipule son droit interne-lequel continuera de s'appliquer en la matière en vertu de l'article 41 ». « L'Autriche n'appliquera pas le paragraphe 2 de l'article 38, qui donne la possibilité de faire participer aux hostilités les personnes ayant atteint l'âge de 15 ans, cette règle étant incompatible avec le paragraphe 1 de l'article 3, qui prévoit que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ( voir aussi les déclarations de l'Allemagne, de la Colombie, de l'Espagne, des Pays-Bas, de la Pologne et de l'Uruguay, CRC/C/2/Rév.7). 102 cette perspective, l'Assemblée générale de l'Onu adopta par consensus, en date du 25 mai 2000, un Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la participation des enfants aux conflits armés. Entré en vigueur le 18 janvier 2002210, ce protocole a été ratifié par la Côte d'Ivoire le 03 Aout 2011 au lendemain d'une crise politico-militaire ayant fait de nombreuses victimes, y compris des enfants. Il interdit aux Etats et aux acteurs non gouvernementaux d'utiliser les enfants dans les conflits armés. Bien que ce document n'interdise pas l'engagement volontaire des enfants ayant plus de 15 ans dans les forces armées, ils ne peuvent pas être enrôlés ou utilisés de force dans un combat s'ils ont moins de 18 ans211. Les principales dispositions de ce texte porte sur212 : - La participation aux hostilités : "Les États parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de dix-huit ans ne participent pas directement aux hostilités." ; - La conscription : " Les États parties veillent à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de dix-huit ans ne fassent pas l'objet d'un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées." ; - Les groupes armés non-gouvernementaux : " Les groupes armés qui sont distincts des forces armées d'un État ne devraient en aucune circonstance enrôler ni utiliser dans les hostilités des personnes âgées de moins de dix-huit ans." De même, "Les États parties prennent toutes les mesures possibles pour empêcher l'enrôlement et l'utilisation de ces personnes, notamment les mesures d'ordre juridique voulues pour interdire et sanctionner pénalement ces pratiques." ; - L'engagement volontaire : les États parties doivent relever l'âge minimum de l'engagement volontaire au-delà de celui de quinze ans prévu par la Convention, et déposer une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum qu'ils s'engagent à respecter. En pratique, cela signifie que l'âge minimum de l'engagement volontaire est porté à au moins seize ans. Les États parties qui autorisent l'engagement volontaire avant l'âge de dix-huit ans doivent mettre en place une série de garanties assurant que l'engagement soit effectivement volontaire; qu'il ait lieu avec le 210 UNICEF, Combattre la Traite des Enfants, Guide à l'usage des parlementaires, n°9, 2005, p.27. 211 UNESCO, Droits de l'Homme Questions et réponses, Editions Unesco, 4ème édition, pp 70-71. 212 http://www1.umn.edu/humanrts/monitoring/Fchapter12.html#3 (consulté le 20/09/2014). 103 consentement, en connaissance de cause, des parents ou tuteurs légaux de l'intéressé; que les recrues soient pleinement informées des devoirs qui s'attachent au service militaire; que la preuve de l'âge soit apportée ; - Application : les États parties doivent démobiliser les personnes enrôlées ou utilisées en violation du Protocole, et apporter toute l'assistance nécessaire à leur réadaptation et à leur réinsertion. Les organes des Nations Unies et ONG concernés encouragent les Etats à ratifier ce protocole facultatif et à retenir l'âge de dix-huit ans comme minimum pour l'engagement volontaire. Les Nations Unies ont fait savoir que les Etats participant à des missions de maintien de la paix de l'ONU ne doivent pas y faire participer d'observateurs âgés de moins de vingt-cinq ans, qu'ils appartiennent à la police civile ou aux forces armées et que dans l'idéal, les hommes de troupe devraient avoir plus de vingt-et-un ans, mais jamais moins de dix-huit. Par ailleurs, cette protection des enfants en période de conflit armé est davantage renforcée par le statut de la Cour pénale internationale adopté en 1998 ; lequel statut a été récemment ratifié par la Côte d'Ivoire, en date du 15 Février 2013213 . Aux termes dudit statut, sont définis comme « (a) crimes de guerre, la conscription ou l'enrôlement ou l'utilisation au cours d'hostilités, par les forces armées ou des groupes armés, d'enfants âgés de moins de 15 ans ; (b) comme un délit de génocide, le transfert forcé d'enfants originaires d'un groupe ethnique, racial ou religieux menacé dans un autre groupe ; (c) comme des crimes de guerre : le viol, l'esclavage sexuel et la prostitution des enfants sous la contrainte ». La même année 2011, la Côte d'Ivoire a en outre ratifié le deuxième protocole facultatif à la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Ratifié par la Côte d'Ivoire, le 07 septembre 2011, ce Protocole facultatif complète les dispositions de la Convention relative aux droits des enfants en établissant les critères 213 http://www.icc-cpi.int/fr_menus/asp/states%20parties/african%20states/Pages/Cote_d_Ivoire.aspx (consulté le 10 Octobre 2014). 104 détaillés requis pour pénaliser les violations des droits de l'enfant à l'égard de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. Ses principales dispositions comprennent : les définitions des délits de "vente d'enfants"214, de "prostitution des enfants"215 et de "prostitution mettant en scène des enfants"216; des normes relatives au traitement de toute violation au titre du droit interne, y compris à l'égard de ceux qui s'en rendent coupables217; la protection des victimes et les efforts de prévention218; un cadre permettant d'accroître la coopération internationale en la matière, notamment en ce qui concerne les poursuites visant les auteurs d'infractions219. Le Protocole facultatif met un accent particulier sur les sanctions pénales devant frapper les violations graves des droits de l'enfant, en l'occurrence la vente d'enfants, l'adoption illégale, la prostitution infantile et la pornographie mettant en scène des enfants. De même, le texte met en avant la valeur de la coopération internationale comme moyen de combattre ces activités transnationales, et des campagnes de sensibilisation, d'information et d'éducation pour améliorer la protection des enfants contre ces graves violations de leurs droits. En un mot, le protocole vise l'interdiction de la vente d'enfants aux fins de leur exploitation sexuelle, de leur mise au travail ou de leur adoption, et couvre la prévention, l'interdiction et l'assistance aux victimes. Si la Convention relative aux droits de l'enfant 214 Article 2- a du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : « ...On entend par vente d'enfants tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant est remis par toute personne ou de tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage. ». 215 Article 2-b du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants : « On entend par prostitution des enfants le fait d'utiliser un enfant aux fins d'activités sexuelles contre rémunération ou tout autre forme d'avantage ». 216 Article 2-c du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants: « On entend par pornographie mettant en scène des enfants toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles ». 217 Articles 3 à 8 du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. 218 Article 9 du Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. 219 Article 10 Protocole facultatif de la CIDE concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. 105 insiste surtout sur la prévention de l'exploitation sexuelle, le Protocole est axé sur la criminalisation de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. Il convient de rappeler que l'interprétation des deux Protocoles facultatifs peut se faire à la lumière de la Convention dans son ensemble, et se fonder sur les principes de nondiscrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant, et de sa participation. Ces deux protocoles présentent ainsi qu'on vient de le démontrer des enjeux certains pour les droits de l'enfant, à l'instar du Protocole de Palerme auquel la Côte d'Ivoire a adhéré en 2011. Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, communément appelé « Protocole de Palerme », a été adopté par la résolution A/RES/55/25 du 15 novembre 2000 à la cinquante-cinquième session de l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies. Il est entré en vigueur, conformément à son article 17, le 25 décembre 2003. Il vise à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des enfants220. Il a fallu attendre douze (12) années après son adoption, pour que la Côte d'Ivoire en soit partie ; elle a en effet ratifié ce protocole en date du 25 Octobre 2012. A ce jour, 182 Etats y sont parties au nombre desquels certains pays africains tels que l'Algérie qui l'a ratifié le 07 Octobre 2002 et la République du Bénin, le 30 août 2004221. Conformément à son article 1er, le Protocole de Palerme (PP) se veut un complément de la Convention contre la criminalité transnationale et s'applique à la prévention, aux enquêtes et aux poursuites concernant les infractions de traite lorsqu'elles sont de nature transnationale et qu'un groupe criminel organisé y est impliqué, de même qu'à la protection des victimes de ces infractions. Rappelons, néanmoins, que l'une des particularités du Protocole de Palerme est d'avoir réussi à obtenir un consensus international sur la notion de « traite » des êtres humains, et donc de la traite des enfants. En effet, le protocole de Palerme est le premier instrument de droit international qui donne une définition précise de la traite. Outre qu'il préconise des politiques et des programmes complets pour empêcher la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, il contient des dispositions détaillées sur les obligations qui incombent aux parlements 220 Art.3 du Protocole de Palerme de 2000. 221 Pour plus d'information, se référer au recueil des traités des Nations Unies, vol.2237, p.319. Voir aussi : https://treaties.un.org/doc/Treaties/2007/12/13/XVIII-12.fr.pdf (consulté le 21/10/2014). 106 d'adopter des lois contre la traite, sur la répression et le traitement des victimes. Au nombre des mesures évoquées, figurent l'incrimination du trafic, les sanctions appropriées, la protection des victimes dans les pays d'accueil et les échanges d'information entre pays. Outre cela, l'Etat ivoirien a aussi renforcé son engagement international en souscrivant à d'autres instruments juridiques internationaux sectoriels de protection des enfants. C. LA RATIFICATION DES CONVENTIONS N°138 et 182 de l'OIT On examinera successivement l'apport de chacune des conventions 138222 et 182223 de l'OIT dans le processus d'affirmation et de protection des droits de l'enfant. L'élimination du travail des enfants implique que soit adoptée et appliquée une politique mettant en oeuvre de manière coordonnée un ensemble de moyens. C'est dans cette perspective de développement que s'inscrit la convention 138 sur l'âge d'admission à l'emploi, adoptée en 1973 par la Conférence internationale du Travail. Ratifiée par la Côte d'Ivoire, le 7 Février 2003224, elle met l'accent sur la nécessité de permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances qui lui permettront de jouer à l'avenir son rôle dans la société et de protéger son développement physique, intellectuel et moral225. Les conventions internationales du travail adoptées avant 1973 se référaient explicitement au travail salarié industriel (conventions 5 et 59), commercial (conventions 33 et 60), ou souterrain (convention 123) et au travail dans l'agriculture, sans préciser s'il s'agit de travail salarié ou non (convention 10). Ces conventions avaient pour objectif l'adoption et la mise en oeuvre d'une législation interdisant le travail des enfants en dessous d'un certain âge. La convention 138 vise tout travail ou emploi, salarié ou non, et poursuit un objectif beaucoup plus ambitieux que les conventions anciennes qu'elle révise. Il ne s'agit pas seulement de fixer un âge minimum d'admission à l'emploi et donc d'interdire le travail 222 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.103. 223 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.106. 224 http://ilo.org/dyn/normlex/en/f?p=NORMLEXPUB:11300:0::NO::P11300_INSTRUMENT_ID:312283( consulté le 20 Septembre 2014). 225 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, p.103. 107 salarié en dessous d'un certain âge, mais de définir et d'appliquer une politique visant l'élimination du travail des enfants et l'élévation progressive de leur âge d'admission à l'emploi. Il y a lieu de rappeler que la convention établit des règles minimales. Il est toujours possible d'aller au-delà de ce plancher et d'adopter des mesures plus favorables aux enfants. Les États qui ratifient la convention 138 supportent en principe des obligations minimales. L'engagement central de la convention réside dans la poursuite d'une politique nationale dont l'objectif est d'assurer « l'abolition effective du travail des enfants et d'élever progressivement l'âge minimum d'admission à l'emploi ou au travail à un niveau permettant aux adolescents d'atteindre le plus complet développement physique et mental »226. Les États ont la liberté de choisir les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif. Néanmoins, il faut souligner qu'une politique relative au travail des enfants n'a de sens que si elle est coordonnée avec l'ensemble des autres aspects de la politique de l'enfance (éducation, santé infantile, soutien aux familles etc.). En particulier l'âge d'admission à l'emploi doit correspondre à l'âge de fin de scolarité obligatoire227 . En outre, une politique visant l'abolition effective du travail des enfants doit être coordonnée avec la politique de l'emploi, avec celle des revenus et notamment avec les mesures prises pour réduire la pauvreté et les risques d'exclusion, ainsi qu'avec les mesures prises pour réduire la pauvreté et les risques d'exclusion, ainsi qu'avec les mesures de sécurité sociale. La recommandation 146 qui accompagne la convention précise (paragraphes 1 à 5) ce que pourrait être le contenu des politiques en matière de travail des enfants. Elle insiste particulièrement sur « la haute priorité » à accorder à un ensemble de mesures couvrant un très vaste champ et sur l'indispensable coordination entre les mesures prises pour abolir le travail des enfants et les mesures prises en matière d'éducation, de santé ou d'emploi. La convention 138 procède aussi à une spécification d'un âge minimum d'admission au travail pour les enfants. La politique nationale en matière de travail des enfants doit établir un critère délimitant ce qui est permis socialement et juridiquement et ce qui ne l'est pas. L'Etat qui ratifie la convention doit déclarer un âge minimum en dessous duquel, aucune personne d'un âge inférieur ne devra être admise à l'emploi ou au travail dans une profession 226 Article 1 de la Convention 138 de l'OIT. 227 Article 2 Paragraphe 3 de la Convention 138 de l'OIT. 108 quelconque, sauf exceptions prévues dans la convention228. Cet âge minimum est fixé à l'âge auquel cesse la scolarité obligatoire (si celui-ci est égal ou supérieur à 15 ans) et ne peut, en tout cas, être inférieur à 15 ans229 . A côté de ce principe, il existe de nombreuses exceptions. Certaines sont transitoires et doivent faciliter la ratification par le plus grand nombre de pays ; d'autres peuvent être permanentes, afin de laisser aux gouvernements une plus grande souplesse dans l'application de la Convention. Les mesures d'application sont au nombre de trois230 : «
La convention 138 est-elle un instrument approprié pour relever le défi que pose le travail des enfants tant dans les pays industrialisés que dans les pays en voie de développement ? Plusieurs de ses dispositions, de même que celles des conventions internationales du travail relatives à l'interdiction du travail de nuit ou à l'examen médical des enfants et des adolescents, visent spécifiquement et exclusivement le travail salarié. A ce titre, elles jouent un rôle central car le travail salarié est, et demeurera sans doute longtemps encore, un modèle dominant de la modernité. Peut-elle jouer un rôle semblable pour des activités non salariées, pour le secteur non-structuré ou pour les activités agricoles à la limite de l'économie de subsistance ? Il semble que la réponse soit positive. En établissant l'obligation de définir et d'appliquer une politique nationale visant l'élimination du travail des enfants, la convention invite tous les intéressés, y compris les ONG, a une approche globale du problème. Les mesures à prendre dans les différentes situations (travail salarié, travail dans le secteur non-structuré, travail dans le secteur agricole, travail comme domestique etc.) ne sont pas de 228 Article2, paragraphe I de la Convention 138 de l'OIT. 229 Article 2, paragraphe3 de la Convention 138 de l'OIT. 230 Article 9 de la Convention 138 de l'OIT. 109 même nature ; elles doivent cependant être coordonnées d'autant plus qu'un certain nombre d'instruments efficaces pour lutter contre le travail des enfants seront bien souvent les mêmes (généralisation de l'enseignement gratuit et obligatoire notamment en milieu rural et dans les quartiers pauvres des villes ; politique des revenus ; mesures de protection sociale etc.). La Convention n°182 de l'OIT sur les pires formes du travail des enfants apparaît également comme une source internationale précieuse de protection des enfants en Côte d'Ivoire. Adoptée à la 87ème session de la Conférence Générale de l'OIT en date du 17 juin 1999 et entrée en vigueur le 19 novembre 2000, la Convention n°182 porte sur les pires formes du travail des enfants. La Convention n° 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants a été ratifiée le 21 janvier 2002. Depuis lors, l'État ivoirien s'est engagé à prendre toutes les mesures nécessaires aux termes de la Convention et de sa Recommandation pour faire de l'élimination des pires formes du travail des enfants une réalité sur son territoire. Comme son nom l'indique, elle appelle à l'interdiction et à l'élimination des pires formes de travail des enfants. Celles-ci sont définies à l'article 3 et recouvrent toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans les conflits armés ; l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ou aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants ; et les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant231. Elle vient donc compléter la Convention n°138 et sa Recommandation 146. Elle s'applique à tous les enfants de moins de 18 ans, même si dans l'Etat en question, la majorité est fixée avant 18 ans. Comptant au total 16 articles, la Convention développe en huit points, les obligations des États parties, les notions d'enfant et de pires formes de travail des enfants, et les mesures concrètes à prendre par les États parties. 231 UNICEF, Combattre la Traite des Enfants. Guide à l'usage des parlementaires, n°9, 2005, p.27-28. 110 Ainsi, dans son 1er article, elle oblige les États parties « à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des pires formes du travail des enfants (...) ». Les articles 2 et 3 précisent le sens à donner aux notions d' « enfant » et « pires formes de travail des enfants » ; ensuite les articles 4 à 8 abordent les différentes mesures à prendre par les États parties pour se conformer aux exigences de la norme ; enfin, les articles 9 à 16 abordent les dispositions générales qui découlent de la ratification de la norme. Qu'entend-t-on par travaux qui par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent sont susceptibles de nuire à la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant ? La réponse est apportée par la Directive 190 de l'OIT qui vise : « - Les travaux qui s'effectuent sous terre, sous l'eau, à des hauteurs dangereuses ou dans des espaces confinés ; (il en va ainsi des travaux dans les mines auxquels sont soumis certains enfants en Côte d'Ivoire avec l'utilisation d'un produit chimique redoutable, le mercure) ; - Les travaux exposant les enfants à des substances ou des procédés dangereux, ou à des conditions de température, de bruit ou de vibrations préjudiciables à leur santé ; (c'est le cas des enfants atteints de la maladie du tabac vert : absorption de 54 mg de nicotine par jour soit 50 cigarettes fumées) ; - Les travaux s'effectuant avec des machines ou des outils dangereux : coupe de la canne à sucre ; - Les travaux sur des déchetteries : polybromodiphynyléther qui freinent la développement neurologique, mercure, plomb : maladies gastro-intestinales, dermatologiques, respiratoires ». Quel que soit le niveau de développement des pays concernés, la Convention interdit toutes ces formes d'exploitation « extrême » du travail des enfants qui portent non seulement atteinte à leur intégrité physique et morale, mais aussi à tous leurs droits, et impose aux pays de prendre des mesures « immédiates et efficaces » pour les éradiquer. Pour cela, la Convention met en avant la nécessité de la coopération et l'assistance internationale232. Les Etats liés par la Convention devront ériger en infractions pénales ces formes de travails et prévoir des sanctions pénales en tant que mesures préventives, ainsi que des mesures de 232 Article de la Convention 182 de l'OIT. 111 réinsertion et de réintégration233. Contrairement à la Convention 138, la Convention 182 se veut juridiquement plus contraignante en ce qu'elle exige l'élimination immédiate des pires formes de travail des enfants, et interdit de faire travailler des enfants dans le cadre d'un apprentissage ou d'une activité de formation qui relèverait des pires formes de travail énoncées234. A l'instar de la Convention n°138, la Convention n°182 sur les pires formes du travail des enfants s'accompagne également d'une Recommandation. En effet, la Recommandation (R) n°190 sur les pires formes du travail des enfants a été adoptée le 17 juin 1999 pour compléter les dispositions de la Convention n°182 et doit s'appliquer conjointement avec la Convention. La R. n° 190 aborde les mesures spécifiques à prendre et les politiques à mettre en oeuvre par les États parties pour atteindre le but visé par la Convention Elle décrit donc le mode d'application de cette convention en dressant la liste des programmes d'action à envisager par les gouvernements, celle des travaux dangereux et les modalités de mise en oeuvre par les Etats membres de l'OIT. Ce texte complète la Convention de 1973 ainsi que sa recommandation concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, lesquelles restent les instruments fondamentaux en matière de travail des enfants. Ouverte par les Nations Unies, la voie afférente à la consécration d'instruments spécifiques de protection des droits de l'enfant, va inspirer des acteurs régionaux avec la naissance de divers instruments régionaux de protection des enfants et notamment en Afrique. § 2. AU NIVEAU AFRICAIN Au niveau africain, la Côte d'Ivoire va souscrire à divers instruments spécifiques à la protection de l'enfant, notamment, par son adhésion à la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (A) ainsi que la signature de divers accords multilatéraux ou bilatéraux de protection de l'enfant dans des domaines particuliers (B). 233 Article 7 de la Convention 182 de l'OIT. 234 LA-ROSA (A.), LA VENUE (dir.) La Protection de l'enfant en droit international pénal : état des lieux, Mémoire de Master recherche, Université de Lille, 2003-2004, p. 85. 112 A. LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS ET DU BIEN-ETRE DE L'ENFANTAdoptée au lendemain de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant en juillet 1990, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant apparait comme le premier instrument juridique africain, en matière de protection des droits de l'enfant. Les États membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) (devenue aujourd'hui Union africaine), entendaient se doter d'une norme régionale de protection de l'enfant qui prend en compte, comme l'indique le préambule de la Charte, les vertus de l'héritage culturel africain et les valeurs de la civilisation africaine235. La Côte d'Ivoire y a adhéré le 13 mars 2002. Ce texte consacre des droits au profit des enfants et des obligations tripartites que nous examinerons à travers son contenu et sa portée. 1. Le contenu de la Charte Globalement, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant est restée fidèle à son aînée, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples dans sa forme. Comptant au total 48 articles, elle est divisée en quatre chapitres qui prennent en compte respectivement, les droits et protection de l'enfant (art.1 à 31), la création et l'organisation d'un comité sur les droits et le bien-être de l'enfant (art.32 à 41), le mandat et la procédure du comité (art. 42 à 45) et enfin les dispositions diverses (art. 46 à 48). Elle se veut une norme progressiste à travers la prise en compte des vertus de l'héritage culturel africain, du passé historique et des valeurs de la civilisation africaine qui devraient, aux termes de la Charte, inspirer et guider la réflexion en matière de droits et de protection de l'enfant africain.236 Ainsi s'annonce le démarcage voulu par la Charte vis-à-vis de la CIDE237. A la lecture de la CADBE on se rend compte de la volonté de précision voulue par celle-ci dans la définition de l'enfant en son article 2, à travers laquelle l'enfant est défini comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans». Nonobstant les critiques que cette disposition suscite quant à son réalisme238, elle a l'avantage d'être précise. 235 Cf. le septième paragraphe du préambule de la Charte. 236 Cf. 6è point du préambule de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. 237 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.108-110. 238 Lire les commentaires d'Alain-Didier OLINGA sur la définition de l'enfant africain. 113 En ce qui concerne les droits reconnus et promus par la Charte, nous pouvons noter : « le droit à la non-discrimination ; la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toute action et toute procédure judiciaire ou administrative le concernant ; le droit à la survie et au développement ; le droit à une nationalité ; le droit à la liberté d'expression ; le droit à la liberté d'association ; le droit à liberté de pensée, de conscience et de religion ; le droit à la protection de sa vie privée ; le droit à l'éducation ; le droit aux loisirs, activités récréatives et culturelles ; le droit à la santé et le droit à la protection et aux soins des parents. Dans le même temps, tout en reconnaissant l'importance de la cellule familiale pour la protection de l'enfant et de l'obligation qu'a l'État de l'assister dans sa mission (art.18), la Charte offre une protection particulière aux enfants handicapés (art.13) ; aux enfants en conflit avec la loi (art.17) ; aux enfants réfugiés (art.23) et aux enfants des mères emprisonnées. De même, elle insiste sur la nécessité pour les États parties de protéger les enfants contre : le travail des enfants (art.15) ; les pratiques négatives sociales et culturelles (art.21); l'exploitation sexuelle (art. 27) ; la consommation de drogues (art.28) ; la vente, la traite, l'enlèvement et la mendicité (art.29). »239. A l'instar de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, la Charte africaine des droits et du bien-être l'enfant a eu droit à sa part de devoirs à la charge de ses bénéficiaires (les enfants). En effet, l'article 31 de la Charte, qui boucle le chapitre sur les droits et obligations, énumère quelques responsabilités de l'enfant envers « sa famille, la société, l'État et toute communauté reconnue légalement ainsi qu'envers la communauté internationale.» Ainsi, l'enfant doit : - oeuvrer pour la cohésion de sa famille, respecter ses parents, ses supérieurs et les personnes âgées en toutes circonstances et les assister en cas de besoin ; - servir la communauté nationale en plaçant ses capacités physiques et intellectuelles à sa disposition ; - préserver et renforcer la solidarité de la société et de la nation ; 239 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.108-110. 114 - préserver et renforcer les valeurs culturelles africaines dans ses rapports avec les autres membres de la société dans un esprit de tolérance, de dialogue et de consultation et contribuer au bien-être moral de la société ; - préserver et renforcer l'indépendance nationale et l'intégrité de son pays ; - et enfin, il doit contribuer au mieux de ses capacités, en toutes circonstances et à tous les niveaux, à promouvoir et réaliser l'unité africaine. L'examen minutieux de cette charte appelle quelques observations. Certes, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant affirme dès son article 2, qu'on entend par « Enfant », « tout être humain âgé de moins de 18 ans ». Elle a ainsi, expressément, fixé l'âge maximal de l'enfant, le plafond qu'on ne saurait crever, à dix-sept (17) ans accomplis. Mais curieusement, elle n'a point réglé le commencement de la vie à telle enseigne que l'on se demande, à juste titre, si la vie de l'enfant commence avant ou après la naissance. Fort heureusement, les droits nationaux fixent le début de cette vie de l'enfant. En outre, la Charte contient une pluralité de formules générales et abstraites, voir imprécises comme : « - Intérêt supérieur de l'enfant (article 4) : S'agit-il de l'intérêt matériel, social, familial ou financier de l'enfant ? - L'évolution des capacités de l'enfant (article 9) : S'agit-il de capacités physiques, morales, intellectuelles ou matérielles de l'enfant ? - La vie privée de l'enfant (article 10) : à partir d'où commence cette vie privée de l'enfant, et jusqu'où s'arrête-t-elle ? - Le contrôle raisonnable (article 10) : La Charte se borne à affirmer que les parents gardent le droit d'exercer un contrôle raisonnable sur la conduite de leurs enfants. Mais, elle ne précise pas le sens de « contrôle raisonnable ». Alors, à partir de quand le contrôle des parents devient-il déraisonnable ? - Les valeurs morales, traditionnelles et culturelles africaines positives (article 11) : 115 Ces exemples de termes généraux et ambigus peuvent être multipliés à l'infini. »240. Comment reconnaitre que de telles valeurs sont positives ou, au contraire négatives ? Une réponse a été donnée par le Comité créée par cette charte, le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant (CAEDBE) dans sa note d'orientation pour la commémoration de la journée de l'enfant africain, du 16 juin 2013, note intitulée « Eliminer les pratiques sociales et culturelles affectant les enfants : notre responsabilité collective »241. La liste des pratiques néfastes que l'on peut trouver partout en Afrique est longue, elle inclut certaines pratiques relativement bien connues et d'autres moins connues. Dans la première catégorie, sont inclus les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, le mariage d'enfants, l'utilisation de dot, les crimes d'honneur et les rites d'initiation dégradants et nuisibles. Dans la deuxième catégorie, se trouvent des pratiques néfastes telles que l'uvulectomie, l'extraction des dents de lait, le « repassage des seins », la préférence pour l'enfant mâle, l'infanticide des bébés filles et la sélection prénatale du sexe, les « tests de virginité », l'offrande des jeunes filles vierges à des prêtres (Trokosi), le « remplacement » d'une personne assassinée par une autre personne (enfant), la gavage et les tabous nutritionnels, les enfants accusés de sorcellerie, de meurtre, les mutilations et le sacrifice d'enfants pour des organes et des membres à utiliser dans des rituels de sorcellerie. On le constate : les droits conventionnellement consacrés laissent voir que les termes à contenu imprécis et élastique, notions à contenu variable242 ou encore termes à géométrie variable et aux effets aléatoires sont multiples. Cette flexibilité, ou souplesse, qui caractérise les concepts utilisés montre clairement que les droits consacrés sont éminemment abstraits. La compétence des organes juridictionnels ou quasi juridictionnels appelés à les appliquer s'en trouve, ainsi accrue : ceux-ci apprécieront discrétionnairement leur sens autant que leur valeur et conditions d'application. 240 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, l'Harmattan 2015, pp.108-110. 241 CAEDBE, Note d'orientation pour la commémoration de la journée de l'enfant Africain (JEA) du 16 juin 2013 - « Eliminer les pratiques sociales et culturelles néfastes affectant les enfants : notre responsabilité collective ». 242 GHESTIN (J.), « L'ordre public, notion à contenu variable, en droit privé français », in Chaim PERELMAN et Raymond VANDER ELST (Etudes publiées par), Les notions à contenu variable en droit, Bruylant, Bruxelles, 1984, pp.77-97. 116 2. Portée juridique de la CADBE A la lecture de la Charte, ses effets juridiques s'orientent vers trois catégories : l'enfant, la famille (parents) et l'État. Dès lors, le non-respect par une partie de ses obligations devrait donner lieu à une revendication de la part des autres. Et, on pourrait se poser la question de savoir comment une partie lésée peut obliger l'autre partie à respecter ses obligations ? En ce qui concerne les obligations à la charge des parents, notamment celles énumérées aux articles 19 et 20, elles sont obligatoires et leur inobservation peut, le cas échéant, donner lieu à une répression. Ici, l'État à qui incombe, en premier lieu, la responsabilité de prendre « toutes les mesures nécessaires » pour la mise en oeuvre des droits contenus dans la Charte, peut prendre des mesures de protection et de répression internes, en guise de représailles contre les parents. Par exemple, l'État peut mettre en place des mesures de protection de remplacement qui viseraient à retirer le droit à l'autorité parentale (ceci en tenant compte de l'intérêt de l'enfant). Ou encore si le non- respect de l'obligation parentale est dû à l'absence de moyens des parents, l'État a, dans ce cas, l'obligation de les aider à assumer leurs devoirs envers l'enfant. Quant aux obligations qui incombent à l'État partie, l'enfant, ses parents ou ses représentants légaux peuvent saisir le juge interne pour constater la violation et appliquer la sanction qui s'impose. Ceci étant, nous devons relever qu'en ce qui concerne les droits dits à «réalisation progressive », il appartiendra au juge interne de déterminer si l'État a oeuvré dans « la limite des moyens disponibles » afin de décider de la violation ou non du droit. Concernant les obligations pesant sur les enfants, le Professeur Yves Madiot estime que les devoirs mettent « l'individu au service de la communauté et permettent de justifier toutes les oppressions. »243 . En effet, si pour tous les africains, le respect des parents, des personnes âgées et la prise en charge des parents par l'enfant244, font partie de la culture et de 243 Cf. MADIOT (Y.), Considérations sur les droits et devoirs de l'homme, Cité par BOUKONGOU (J-D), op.cit., p.103. 244 Sur ce point, la Charte donne l'impression de s'écarter de la définition qu'elle a donné de l'enfant, qui se limite à 18 ans. Car en faisant appel aux valeurs culturelles, elle semble justement ignorer le fait que dans les cultures africaines, la notion d'enfant est difficile à déterminer. Dans certaines cultures, par exemple, tant que les parents vivent, l'on est toujours considéré comme enfant et traité comme tel par eux. 117 l'éducation reçue, ce n'est sans doute pas le lieu d'ériger ses valeurs en obligations. En effet, si la Charte se veut un instrument juridique obligatoire, sa violation devrait être sanctionnée. Dès lors, on pourrait s'interroger sur la pertinence de ces dispositions. Sauf si, comme l'a mentionné le Professeur Yves Madiot, elles pourraient servir de prétexte pour justifier l'impunité en cas de violation de la Charte245. De ce qui précède, on observe que les enfants bénéficient de droits reconnus et protégés à travers des textes spécifiques tant au niveau universel qu'africain auxquels la Côte d'Ivoire a librement mais tardivement adhéré. Des accords régionaux et bilatéraux viennent renforcer ces textes protecteurs des droits de l'enfant, constituant ainsi des sources juridiques précieuses. B. A TRAVERS LA SIGNATURE D'ACCORDS REGIONAUX ET BILATERAUX EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ENFANTS Seront examinés respectivement les accords régionaux (1) et bilatéraux (2) en matière de lutte contre la traite des enfants. 1. Les accords régionaux de protection des enfants contre la traite Ces accords régionaux sont au nombre de deux : l'accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest et l'accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l'Ouest et du Centre. L'accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest a été conclu en date du 27 juillet 2005 à Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire246. Les Etats parties sont : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée, Libéria, Niger, Mali, Nigéria et Togo. Soit un total de neuf États signataires247. 245 Cf. MADIOT (Y.), op. cit. 246 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.111.113. 247 Les États signataires de l'accord, énumérés sont ceux dont les signatures des représentants figurent sur l'original du document de l'accord. Il est possible que d'autres États soient parties à l'Accord. En effet, selon son article 23, l'adhésion est ouverte à tout pays de la sous-région ouest africaine. 118 Cette importante convention régionale ouest-africaine compte au total 29 articles : « - l'article 1 porte sur la définition des expressions spécifiques utilisées dans l'accord ; - les articles 2 à 5 énoncent les principes essentiels de l'accord en réaffirmant l'interdiction de la traite des enfants, l'obligation de traiter tous les enfants victimes de traite avec respect et sans discrimination et la recherche de l'intérêt supérieur de l'enfant et son bien-être ; - l'article 6 détermine le champ d'application de l'accord ; Il appert de cet article que l'accord s'applique à la prévention, la protection, le rapatriement, la réunification, la réhabilitation, la réinsertion, la répression et la coopération en matière de traite des enfants ; - les articles 7 à 11 portent sur les obligations des États parties. On y distingue des obligations communes248 à toutes les parties et celles particulières249, selon que l'État partie soit le pays d'origine, de transit ou de destination. En ce qui concerne les obligations communes, on peut citer, entre autres : l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour détecter la traite des enfants, d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans d'action et des programmes de lutte contre la traite des enfants tant au plan national que régional, de prendre les dispositions nécessaires pour harmoniser les législations en matière de traite avec les autres parties, etc. Les obligations particulières du pays d'origine consistent, entre autres : à mettre en place un dispositif de rapatriement, de réhabilitation et de réinsertion de l'enfant victime ; d'identifier les zones d'origine, de transit et les itinéraires ; de poursuivre et de punir les auteurs et complices de la traite des enfants etc. En ce qui concerne le pays de transit, il a pour obligations, entre autres : d'identifier les zones d'origine, de transit et de destination ; de poursuivre et de punir les auteurs et leurs complices ; d'organiser, en étroite collaboration avec les autorités administratives et 248 Cf. Art.7 et 8 de l'Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest. 249 Cf. art. 9 à 11 de l'Accord multilatéral de coopération en matière de lutte contre la traite des enfants en Afrique de l'Ouest. 119 diplomatiques du pays d'origine, le rapatriement de l'enfant victime ; d'assurer la prise en charge provisoire de l'enfant victime de traite avant son rapatriement dans son pays d'origine ; etc. Quant au pays de destination, il a, entre autres obligations : de retirer immédiatement l'enfant victime de la situation de traite ; de poursuivre et de punir les auteurs et leurs complices ; d'organiser le rapatriement de la victime en concertation avec les autorités du pays d'origine ; de récupérer et de restituer à la victime les biens, rémunérations, indemnités et toutes autres compensations qui lui sont dues ; etc. ; - enfin, les articles 12 à 22 mettent l'accent sur la mise en place d'un mécanisme de suivi : la Commission Régionale Permanente de Suivi (CRPS), dont le secrétariat est basé à Abidjan. Cet organe a en charge le suivi et l'évaluation des actions menées par les parties dans la mise en oeuvre de l'accord (à travers un rapport annuel) et de proposer des approches de solutions aux problèmes rencontrés par les acteurs de la lutte contre la traite des enfants. »250 Inspirés par l'accord ouest-africain, des Etats de l'Afrique de l'Ouest et du Centre ont conclu un accord multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants. L'accord de coopération de lutte contre la traite en Afrique de l'Ouest et du Centre, a été réalisé à Abuja (Nigéria) le 6 juillet 2006, soit environ un an après celui adopté à Abidjan pour le compte de l'Afrique de l'Ouest251. Il a été signé par 26 États252 dont la Côte d'Ivoire. La particularité de cet Accord réside dans la détermination des objectifs qu'il vise et la prise en compte de l'entraide judiciaire en matière pénale au niveau des États parties. Concernant 250 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, Dissertation, zur Erlangung des Grades eines Doktors der Rechte der Rechts- und Wirtschaftswissenschaftlichen Fakultät der Universität Bayr, 2013, pp.111.113. ; BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.111.113. 251 BELLO (S.), La traite des enfants en Afrique, L'application des conventions internationales relatives aux droits de l'enfant en République du Bénin, L'Harmattan 2015, pp.111.113. 252 Ce nombre correspond au nombre de signatures apposées sur le document de l'accord qui se trouve en annexe : l'Angola, le Bénin, le Burkina-Faso, le Burundi, le Cap-Vert, le Cameroun, la République Centrafricaine, la Côte d'Ivoire, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, le Gabon, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée Équatoriale, le Libéria, la Mali, le Niger, le Nigéria, le Rwanda, Sao Tome á Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la République du Tchad et le Togo. 120 les objectifs, l'Accord vise à développer un front commun afin de prévenir, supprimer et punir la traite des personnes par la coopération ; protéger, réhabiliter, et réinsérer les victimes de traite ; assurer l'entraide dans les investigations liées à la traite, l'arrestation et la poursuite des coupables à travers les autorités compétentes de chaque État partie ; etc. (art. 2). Quant à l'entraide judiciaire, aux termes de l'article 14 de l'Accord, les États parties doivent prendre les mesures nécessaires pour s'entraider dans la recherche, la poursuite et l'arrestation des personnes impliquées dans la traite des personnes. Dans ce cadre, l'assistance portera sur l'identification et la localisation des personnes suspectées de traite, l'identification et la localisation des victimes de traite, le recueil des témoignages, la signification des actes judiciaires, la perquisition, la saisie, le gel et la confiscation des produits ou des instruments du crime, le transfert temporaire des personnes gardées à vue, l'arrestation et la détention de toute personne impliquée en vue de son extradition, etc.253 Au-delà des accords multilatéraux au plan régional, l'État ivoirien a également conclu des accords bilatéraux avec d'autres États de la sous-région. 2. Les accords bilatéraux contre le trafic transfrontalier d'enfants La Côte d'Ivoire a conclu deux accords bilatéraux en matière de trafic transfrontalier d'enfants avec deux Etats voisins, à savoir : le Mali et le Burkina-Faso : - L'accord bilatéral de coopération entre la République de la CI et la République du Mali en matière de lutte contre le trafic transfrontalier d'enfants Les Gouvernements ivoirien et malien ont signé à Bouaké le 01er septembre 2000, une convention dénommé « Accord de coopération entre la République de Côte d'Ivoire et la République du Mali en matière de lutte contre le trafic transfrontalier des enfants ». Cet accord de coopération relatif à la lutte contre le trafic d'enfants est prévu pour une durée de trois ans renouvelable. Il est composé d'un préambule et d'un dispositif composé de 13 articles. Le trafic d'enfant y est défini comme « l'ensemble du processus par lequel un enfant est déplacé à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays dans les conditions qui le transforment en valeur marchande pour l'un au moins des adultes en présence et quelle que soit la finalité du déplacement de l'enfant ; tout acte comportant le recrutement, le transport, le recel ou 253 BELLO (S.), Ibid. 121 122 la vente d'enfant ; tout acte qui entraine le déplacement de l'enfant à l'intérieur ou à l'extérieur du pays »254. Les articles 2 et 3 consacrent les principes essentiels de cet accord à savoir : l'interdiction du trafic des enfants sous toutes ses formes et la prise en compte par les Etats signataires, de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes actions en faveur des enfants victimes de trafic. Les deux Etats « s'engagent à prendre des mesures pour lutter contre les déplacements et les non retours illicites d'enfants à l'étranger »255 . Ils prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit. La commission permanente de Suivi du protocole a été mise en place près d'un an après la conclusion de l'accord, en raison des contraintes matérielles qu'elle soulevait, tandis qu'un différend persiste entre les deux pays sur l'évaluation de l'ampleur du phénomène de trafic d'enfants maliens en Côte d'Ivoire. - L'accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina Malgré les dispositions de prévention au niveau régional, des centaines d'enfants font toujours l'objet de trafic entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. Selon Mme Chantal Compaoré, « les services de l'enfance au Burkina Faso sont constamment sollicités pour le rapatriement des victimes de cette traite »256. Mieux, La Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, est considérée comme une importante destination régionale du trafic d'enfants en provenance des pays frontaliers, notamment le Burkina Faso et le Mali, afin de travailler dans ses cultures. Il apparaissait donc opportun qu'après le Mali en 2011, la Côte d'ivoire ait signé, le jeudi 17 Octobre 2013 au centre de conférence internationale du Ministère des Affaires Etrangères à Abidjan-Plateau, un accord de coopération dans le cadre de la lutte contre la traite transfrontalière des enfants avec le Burkina Faso. Une volonté manifeste pour ces deux Etats, d'éradiquer définitivement ce fléau. Il s'agit d'un accord de coopération engageant les deux pays à lutter contre la traite croissante des enfants du Burkina Faso vers la Côte d'Ivoire. On peut se réjouir de la 254 Article 1 de l'accord de coopération entre la Côte d'Ivoire et le Mali du 01er septembre 2000. 255 Article 11 al.1 de l'accord de coopération entre la Côte d'Ivoire et le Mali du 01er septembre 2000. 256 http://news.abidjan.net/h/477803.html (consulté le 10/11/217). signature de cet accord qui permettra à n'en point douter, de faire reculer le phénomène. Une initiative saluée à juste titre par La Présidente du Comité National de Surveillance (CNS), Mme Dominique Ouattara en ces termes «J'en suis heureuse car, la mise en commun de nos efforts nous permettra de combattre beaucoup plus efficacement tous les abus et violences qui sont quotidiennement faites à de milliers d'enfants dans nos pays. Parmi ces violences, la traite des enfants est l'une des manifestations les plus extrêmes, et les plus périlleuses pour leur survie »257 ; dans le même ordre d'idées, elle explique le menu des conditions difficiles dans lesquelles vivent les enfants victimes de traite. « En effet, les enfants qui en sont victimes sont souvent recrutés et transportés hors de leur pays où de leur localité d'origine. Ils sont séparés de leurs familles et isolés dans des régions où ils ne possèdent pas de statut légal. Ils vivent souvent dans un état de précarité social très avancé et n'ont pas accès à l'éducation, à la santé et au loisir »258. Comme on le voit, les signataires fondent un espoir immense sur la signature de cet accord de coopération pour freiner définitivement les vagues de trafic des enfants. Reste à espérer que l'accord constituera un outil efficace d'élimination du phénomène. Il ressort de cet accord que, les deux Etats se sont engagés "à élaborer et mettre en oeuvre des plans d'actions, des programmes et projets régionaux de lutte contre la traite des enfants". Le chapitre 1 de cet accord est consacré aux définitions des termes essentiels de cet accord, à savoir : enfant, traite des enfants, État d'origine, État de destination, État de transit, identification, rapatriement, réhabilitation, réinsertion, répression, prévention, protection, réunification, coopération. Quant au chapitre 2 de cet accord, il expose les trois principes essentiels sur lesquels se fonde la convention : l'interdiction de la traite des enfants259, le traitement avec dignité et sans discrimination de tout enfant victime de traite transfrontalière260 et la prise en compte prioritaire du bien-être, de l'intérêt supérieur et de la 257 http://www.travaildesenfants.org/fr/actualites/la-mise-en-commun-de-nos-efforts-nous-permettra-de-combattre-les-abus-et-violences-faits (consulté le 10/11/217). 258 http://www.travaildesenfants.org/fr/actualites/la-mise-en-commun-de-nos-efforts-nous-permettra-de-combattre-les-abus-et-violences-faits (consulté le 10/11/217). 259 Article 2Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 260 Article 3Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 123 participation de tout enfant dans toutes actions en faveur des enfants victimes de traite261. Il ressort de cette convention que cet accord s'applique à la lutte contre la traite transfrontalière des enfants notamment dans les domaines de la prévention, de la protection, du rapatriement, de la réunification, de la réhabilitation, la réinsertion, la répression et la coopération262. Le traité prévoit également des obligations à la charge des États signataires. Ainsi, distingue-t-on les obligations communes263 des obligations particulières variant suivant qu'il s'agisse du pays d'origine264, du pays de transit265 ou du pays de destination266. Cet accord prévoit également un mécanisme de suivi appelé Commission permanente de suivi (CPS). Il apparait important d'indiquer que ces accords bilatéraux sont devenus une sorte d'effet de mode entre différents pays ouest-africains. Ainsi, plusieurs accords de coopération en matière de lutte contre la traite des personnes ont été signés entre le Bénin et le Nigéria267. L'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants » entre ces deux pays suscités en est un exemple. Cet Accord a été signé par les deux parties à Cotonou (Bénin) le 09 juin 2005. Il comporte au total 23 articles dont les articles 1 à 18 déterminent : le sens des termes utilisés268, le but visé par l'Accord269, le champ d'application, les modalités d'application de 261 Article 4Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 262 Article 5Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 263 Articles 6 et 7Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 264 Article 9Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 265 Article 11Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 266 Article 10Accord de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants entre la Côte d'Ivoire et le Burkina. 267 A en croire les données de la brigade de protection de mineurs, le Nigéria serait la principale destination des enfants béninois victimes de traite régionale. 268 Article 1 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005. 269 Article 2 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005. 124 l'Accord270 ; l'identification, la protection et la prise en charge des victimes271 ; le rapatriement, la réhabilitation et la réinsertion des victimes272. Les articles 19 à 23 quant à eux sont réservés aux dispositions finales de l'Accord. Comme on peut le constater, l'Etat de Côte d'Ivoire marque sa volonté de protéger ses enfants par la conclusion de divers instruments universels ou régionaux de protection des droits de l'enfant. Parallèlement à cette étape, ce pays va s'évertuer à organiser la réception nationale des droits internationaux de l'enfant. 270 Articles 4 à 11 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005. 271 Articles 12 à 15 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005. 272 Articles 16 à 18 de l'accord de coopération sur « la prévention, la répression et la suppression de la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants entre le Bénin et le Nigeria du 09 juin 2005. 125 |
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