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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoire


par Arsène NENI BI
Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018
  

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Chapitre II :

LA RECEPTION NATIONALE DES DROITS INTERNATIONAUX DE

L'ENFANT

La réception, par l'ordre juridique interne, de normes d'origine externe s'inscrit dans le contexte du pluralisme juridique273. Ce dernier est la situation dans laquelle des normes originaires de plusieurs ordres juridiques différents (international, régionaux, interne) sont susceptibles d'être appliquées sur un même territoire274. La cohabitation de plusieurs ordres juridiques imparfaitement intégrés peut ainsi donner lieu à des contradictions entre plusieurs normes. Ce contexte rend nécessairement plus difficile le maintien de la cohérence de l'ordre juridique interne. Dès lors que deux normes sont susceptibles de s'appliquer à un même objet, la cohérence impose d'organiser la supériorité de l'une de ces deux normes sur l'autre275. En effet, chaque ordre juridique, international, régional (africain, européen, américain ou asiatique) et interne, se conçoit comme autonome par rapport aux autres276. Cette volonté d'autonomie conduit à des risques de contradiction importants. Ainsi, l'ordre juridique interne français se caractérise par la primauté de sa Constitution sur le droit international et sur le droit de l'Union européenne277. Mais le droit international, comme le droit de l'Union, se conçoivent eux aussi comme supérieurs à l'ordre juridique interne, y compris à sa Constitution278. Il en résulte une ignorance partielle entre les ordres juridiques279. « Même si la Constitution d'un Etat oblige ses organes à faire primer une norme interne sur tout engagement international contraire, il n'en reste pas moins que, internationalement, il accepte de voir dans cette attitude un manquement à ses obligations,

273 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

274 Plus largement, on peut le définir comme l'« existence au sein d'une société déterminée, de mécanismes juridiques différents s'appliquant à des situations identiques » (Jacques VANDERLINDEN, « Vers une nouvelle conception du pluralisme juridique », RRJ, 1993, p. 573). V. Sally Engle MERRY, « Legal Pluralism », Law & Society Review, vol. 22, n°5, 1988, p. 869

275 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

276 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

277 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

278 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

279 Ibid.

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et à le payer d'une responsabilité internationale »280. Ainsi, « au regard du droit international et de la Cour qui en est l'organe, les lois nationales sont de simples faits »281, et il en va de même pour les Constitutions nationales282. La situation est la même en ce qui concerne le droit de l'Union qui affirme sa primauté sur l'ordre interne283.

La réception du droit international des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire met en présence deux logiques dans ce pays. La première relève de la dynamique exogène de la matière qui implique qu'un corps de règles formalisé dans un cadre extérieur à l'Etat s'impose dans l'ordre juridique national. La seconde, quant à elle, porte sur l'assimilation de ce droit dans la production normative nationale, afin de lui faire produire l'effet escompté. Les instruments juridiques nationaux sont des lois qui relèvent de « l'expression de la volonté générale»284 des ivoiriens. Étant la manifestation de la volonté populaire, ces textes sont pour certains adoptés par le peuple ou législateur, tandis que d'autres tirent leur origine du système colonial. En effet, le système juridique ivoirien s'est basé en grande partie sur le droit civil français285. En Côte d'Ivoire, l'antériorité de certaines lois ivoiriennes à l'adoption de la CIDE montre que les pouvoirs publics ivoiriens se sont intéressés assez tôt à la protection des droits de l'enfant. De sorte que, depuis son indépendance, la Côte d'Ivoire a eu à coeur la question des droits de l'enfant au même titre que celle des droits humains. Cela transparaît non seulement à travers une progressive reconnaissance constitutionnelle des droits de l'enfant (Section I) mais aussi par des mesures d'application législative et réglementaire (Section II).

280 COMBACAU (J.), « Le droit international : bric à brac ou système ? », APD, t. 31, 1986, p. 95.

281 CPJI, arrêt n° 7 du 25 mai 1926, affaire des intérêts allemands en Haute Silésie polonaise, rec. série A, n° 27, p. 19.

282 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

283 BETAILLE (J.), Les conditions juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 2012, p.73.

284 TERRE (F.), Le juriste et le politique, trente ans de journalisme au Figaro, Editions Dalloz, 2003, p. 30.

285 KOUABLE GUEU (C.), « The Legal System in Côte d'Ivoire : Where Do We Stand ? », avril 2009, disponible en ligne sur www.nyulawglobal.com/globalex/Cote_dIvoire.htm#_2._The_Organization (consulté le 25/10/ 2014).

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Section I : UNE PROGRESSIVE CONSTITUTIONNALISATION DES DROITS DE L'ENFANT

Deux types de données permettent de prendre la mesure du sort et de l'importance de la reconnaissance constitutionnelle : le mode de reconnaissance des droits et le lieu de formulation. Ces techniques de consécration ont évolué dans le but d'affirmer « non pas des droits et des libertés nominaux, proclamés et figés dans leur splendide abstraction(...), mais plutôt des droits et des libertés aspirant à la vie, destinés à être concrétisés, vécus, utilisés »286. Ainsi, il est apparu que le constituant a voulu accorder une place primordiale aux droits de l'homme-enfant d'abord en déplaçant le site constitutionnel des droits, et ensuite en affirmant les droits dans un souci d'assurer leur effectivité.

Partant, la constitutionnalisation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire est perceptible tant au niveau des formes de reconnaissance des droits de l'enfant (Paragraphe1) que des techniques de consécration (paragraphe 2).

§ 1. UNE EVOLUTION DES FORMES DE RECONNAISSANCE DES DROITS DE L'ENFANT

Avant d'en arriver à la constitutionnalisation à proprement parler des droits de l'enfant, il importe de présenter avant tout, le statut de la constitution dans le droit des droits de l'homme de façon générale (A). Après quoi, nous démontrerons successivement, l'implicite reconnaissance des droits de l'enfant à travers les deux constitutions (B) et la consécration expresse de la protection de l'enfant en tant que personne vulnérable sous les Constitutions du 1er Août 2000 et de novembre 2016 (C).

A. LE STATUT DE LA CONSTITUTION DANS LE DROIT DES DROITS DE L'ENFANT

La constitutionnalisation de la protection de l'enfant procède de ce que la protection de l'enfant a eu un écho favorable dans la constitution ivoirienne ; si avant l'adoption de la Constitution de 2016, certains auteurs affirment que la Côte d'Ivoire a acquis trois (03)

286 OLINGA (A.D), « L'aménagement des droits et libertés dans la constitution camerounaise révisée », RUDH du 31 Octobre 1996, vol. 8, p.117.

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constitutions287, il convient d'analyser seulement les deux (03) dernières, à savoir celle de 1960, de 2000 et 2016 qui sont du reste celles adoptées depuis l'indépendance du pays. Avant d'entrer dans le fond, il convient de définir la notion de Constitution. La définition de la Constitution nécessite nécessairement de distinguer la définition matérielle de celle formelle. Au sens matériel, la Constitution se définit comme « l'ensemble des règles quelle que soit leur nature ou leur forme relatives aux principaux organes de l'État, à leur désignation, à leur compétence et à leur fonctionnement »288. Au sens formel, la Constitution est un document rédigé ou révisé selon une procédure spéciale, c'est une loi spéciale au-dessus des lois ordinaires, avec une procédure d'élaboration et de révision qui est tout aussi spéciale a contrario des lois ordinaires289.

La Constitution d'un pays, c'est le document de base, l'acte juridique fondamental qui, dans un État, consacre, d'une part, l'existence des droits et libertés fondamentaux des citoyens, et d'autre part, l'aménagement du pouvoir politique nécessaire au fonctionnement de l'État.

De plus, comme l'écrit si pertinemment le Professeur Francis Delpérée, « Au commencement du droit est la Constitution...La constitution, c'est la règle juridique qu'une société politique qui s'organise en État se donne pour permettre la réalisation du bien public. A cette fin, elle établit en premier, les droits et les devoirs qui reviennent aux membres de la société politique. Elle détermine également les règles d'aménagement des pouvoirs publics. »290.

Afin d'appréhender l'importance de la Constitution dans les Droits de l'homme et spécialement les droits de l'enfant, il convient de déterminer les fonctions de la Constitution, qui sont au nombre de deux : La première qui concerne l'encadrement des pouvoirs publics a peu d'intérêt dans cette étude ; Pour être intéressante et appropriée dans le cadre de notre étude, la deuxième acception définit l'ordre social qui doit être promu par les pouvoirs

287 NDRI-TEHOUA (P.), « Constitution et démocratie en Côte d'Ivoire », in RISJPO, mai 2014, PUB, p. 45, p.p. 43-72. Dans son article paru dans la presse universitaire de Bouaké avant l'adoption de l'actuelle Constitution en vigueur, l'auteur affirme que la Côte d'Ivoire, en plus de sa constitution de 2000 a eu 2 premières Constitutions, celle de 1959 et celle de 1960.

288 MELEDJE DJEDJRO (F.), Droit constitutionnel, édition ABC, 2013, p. 38.

289 NDRI-TEHOUA (P.), Op. cit ., p. 43.

290 DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, Bruxelles-Paris, Bruyant-L.G.D.J., 2000, p.11

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publics ainsi que les droits reconnus aux individus291. Un des objectifs principaux de la Constitution d'un État, c'est donc la détermination des droits, des libertés, voire des devoirs des membres de la société étatique qu'elle est appelée à régir. On ne conçoit pas une Constitution moderne sans un chapitre, voire un titre consacré aux droits de l'homme.

En droit interne, la Constitution, est la première source du droit. C'est par rapport à elle que toutes les autres sources des droits de l'enfant doivent être interprétées. C'est à elle qu'on recourt en premier lieu pour justifier, défendre ou revendiquer un droit, une liberté. D'ailleurs, historiquement, tous les droits et libertés ont, de tout temps, été de statut constitutionnel.

Il en découle qu'en matière de droits de l'enfant, la Constitution, tient la première place dans la hiérarchie des sources juridiques. Elle est la règle juridique fondamentale ; « C'est elle qui procure au groupe social toutes les conditions d'une action efficace en matière de sauvegarde, de défense et de protection des droits de l'homme »292.

En Côte d'Ivoire, la protection les droits de l'enfant au niveau constitutionnel, n'a de tout temps pas été expressément proclamée. Les Constitutions ivoiriennes ont connu une évolution significative en matière de protection des droits humains293 et particulièrement en ce qui concerne la protection des droits de l'enfant. En effet, si les droits reconnus aux enfants sous la Constitution de 1960 étaient à rechercher dans la reconnaissance constitutionnelle générale des droits de l'homme, les différentes Constitutions du 1er Aout 2000 et du 08 novembre 2016, font un point d'honneur aux droits de l'enfant en les visant expressément. Il apparait donc nécessaire de démontrer successivement la reconnaissance des droits de l'enfant qui s'est faite de façon implicite par la Constitution de 1960, puis, leur reconnaissance expresse par les Constitutions de 2000 et 2016.

291 NDRI-TEHOUA(P.), Op. Cit, p. 43.

292 Idem.

293 NDRI-TEHOUA (P.), Op. Cit., p. 49.

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B. UNE RECONNAISSANCE IMPLICITE DES DROITS DE L'ENFANT SOUS LE PRISME DE LA PROTECTION GENERALE DES DROITS DE L'HOMME DANS LA CONSTITUTION DE 1960 : UN RENVOI AUX GRANDES DECLARATIONS DE DROITS

Les deux grandes déclarations auxquelles le Préambule de la Constitution du 03 Novembre 1960 renvoie sont : la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la déclaration universelle de 1948. La première est une déclaration française tandis que la seconde est une déclaration onusienne. Un examen respectif de ces deux renvois s'impose à l'attention, en relevant leurs liens avec la protection des droits de l'enfant. La DUDH ayant été examiné dans le chapitre précédent, seule la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) sera examinée dans les lignes suivantes.

Par le jeu du renvoi à la DDHC, la Constitution ivoirienne imprime à la DDHC, une valeur constitutionnelle et fait d'elle une source de protection des droits de l'homme-enfant ; la DDHC consacre des droits civils et politiques. Toutefois, cette consécration de droits emporte des limites.

L'ensemble des droits consacrés, s'articule autour de deux idées forces : la liberté et l'égalité, premiers de tous les droits de l'Homme, selon l'expression du Professeur Jean RIVERO294. Avant de les examiner, il convient d'apporter quelques précisions sur la dualité « droits de l'homme-droits du citoyen » qui affleure dans cette déclaration.

La dualité « droits de l'homme et droits du citoyen » incline à opérer deux grandes distinctions, à savoir : d'une part, les droits de l'homme et les droits du citoyen ne sont pas sur le même plan ; d'autre part, l'homme ne saurait se confondre au citoyen. En fait, une ligne invisible, constituant une différence qualitative, sépare aussi bien l'homme et le citoyen que les droits de l'homme et les droits du citoyen295.

Pour bien comprendre la question, il faut déjà pouvoir distinguer les droits du citoyen de ceux de l'homme. Les premiers sont les droits que possède toute personne en vertu des lois de l'État dans lequel il vit. Les seconds sont les droits imprescriptibles de la personne humaine. Ils peuvent, à ce titre, servir de règle aux précédents, et se caractérisent par leur

294 RIVERO (J.), Les Libertés Publiques, op.cit. , p.66.

295 KOFFI (K. E.), Les droits de l'homme dans l'Etat de Côte d'Ivoire, Thèse unique de doctorat en droit public, Université de Cocody, UFR SJAP, 2008, Tome 1, p.109.

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valeur universelle. Les droits du citoyen, eux varient selon les législations et la nature des États.

Logiquement, les droits du citoyen se rangent à un étage inférieur par rapport aux droits de l'homme. En effet, l'homme est avant tout un être présocial et pré juridique en ce sens qu'il préexiste à la société et au droit. Il se différencie, ainsi du citoyen qui est un être situé dans la société constituée, ou dans la société organisée. Celui-ci est, dans ces circonstances, conditionné et subordonné à l'Etat, la société des sociétés296, tandis que celui-là est antérieur et même supérieur.

Dans un tel schéma, les droits de l'homme ressortissent de manière évidente, au droit naturel, contrairement aux droits du citoyen qui relèvent du droit positif. Droits innés, les droits de l'homme sont inhérents à la nature humaine. En tant que tels, ils sont inviolables et sacrés et s'imposent au pouvoir politique auquel ils préexistent. Ce sont des droits inconditionnels, voire inconditionnés, par rapport et par opposition aux droits du citoyen qui sont des droits conditionnés et limités au triple plan géographique, temporel et politique. En clair, ceux-ci sont à la merci de l'Etat, de chaque Etat, dont ils procèdent et auxquels ils sont subordonnés.

Selon une analyse fort admirable du Professeur Jean RIVERO, « Les droits de l'Homme sont des libertés. Ils permettent à chacun de conduire sa vie personnelle comme il l'entend. Ils lui confèrent une sphère d'autonomie dans laquelle la société ne peut s'immiscer (...) Les droits du citoyen sont des pouvoirs : ils assurent la participation de tous à la conduite de la cité(...). Cette distinction correspond en réalité, à deux conceptions différentes de la liberté, que Benjamin Constant a systématisées en opposant la liberté politique ou liberté des Anciens, à la liberté civile, ou liberté des Modernes (...). Dans la Déclaration, les deux catégories, loin de s'opposer, sont indissociables : seule la reconnaissance des droits du citoyen peut, dans la société politique, assurer la conservation des droits de l'homme »297.

Eu égard à son statut particulier, le citoyen bénéficie de droits particuliers que lui accorde la Déclaration ; ce sont :

296 GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit., p.5.

297 RIVERO (J.), Les Libertés publiques, op. cit. , p. 60.

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- le droit pour chaque citoyen de concourir, personnellement ou par ses représentants, à la formation de la loi 298;

- Le droit pour tout citoyen de parler, d'écrire, d'imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi299;

- L'égalité devant l'impôt : une contribution commune doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés300 ;

- Le droit pour chaque citoyen de constater, soi-même ou par ses représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée301.

A l'opposé, les autres dispositions de la DDHC sont d'application immédiates et sont réservées à l'homme, à tout homme, c'est-à-dire tout être humain y compris les enfants. A titre illustratif, on peut citer quelques droits fondamentaux consacrés par le célèbre texte français de 1789 au profit de l'homme, de la femme , de l'enfant, de la fille , du garçon , etc : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression qui sont des droits naturels et imprescriptibles de l'homme (article 2), la présomption d'innocence (article 9), la liberté de religion et d'opinion (article 10), la libre communication des pensées et des opinions qui constitue l'un des droits les plus précieux de l'homme (article 11), etc.

Les droits de l'homme sont les droits fondamentaux de l'homme, antérieurs à la société. Les droits du citoyen, en revanche, ont cours seulement dans la Cité. Ils ne se recoupent donc pas, et l'on peut les distinguer au plan intellectuel, comme on vient de le faire.

Comment dès lors, comprendre la question : « Peut-on considérer les droits de l'homme indépendamment de ceux du citoyen ? » On peut l'interpréter ainsi : s'ils peuvent se concevoir indépendamment l'un de l'autre, peuvent-ils exister l'un sans l'autre ? Quels droits pour le citoyen, s'ils ne reposent pas sur la déclaration des droits de l'homme ?A l'inverse, que serait cette pure et simple déclaration sans les droits réels du citoyen qui lui

298 Article 6 DDHC.

299 Article 11 DDHC.

300 Article 13 DDHC.

301 Article 14 DDHC.

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donnent chair ? Cette question revient à l'interrogation que posait déjà Marx au siècle dernier : quel est donc cet « homme des droits de l'homme ? »302.

Au XVIIe siècle, la perspective a considérablement changé. L'existence politique n'est pas inhérente à l'homme. On pense que la cité est une création des hommes, antérieurement à quoi les individus étaient censés vivre dans un état de nature. Cet état n'a probablement jamais existé, mais il permet aux philosophes de poser un nouveau rapport à la cité dans lequel les individus sont premiers.

A la vérité, les droits du citoyen constituent un complément, autant qu'un adjuvant, des droits de l'homme en ce sens qu'ils complètent, enrichissent et même améliorent les droits de l'homme qui leurs sont antérieurs. Au fond, droits de l'homme et droits du citoyen sont indivisément et inextricablement liés. En effet, les droits de l'homme se prolongent toujours sous l'aspect des droits du citoyen car la quête des droits fondamentaux en faveur de tout homme ne peut être dissociée de celle du citoyen. Il en va ainsi de la liberté-autonomie qui se prolonge sous la forme de la liberté-participation.

Indivisibles, les deux types de droits sus-analysés, évoquent l'idée de liberté, droit primordial. On connait cette pensée édifiante de RIVAROL qui disait à la fin du XVIIIe siècle : « On mènera toujours les peuples avec deux mots, ordre et liberté : mais l'ordre vise au despotisme, et la liberté à l'anarchie. Fatigués du despotisme, les hommes crient à la liberté ; froissés par l'anarchie, ils crient à l'ordre. L'espèce humaine est comme un océan, sujette au flux et reflux : elle se balance entre deux rivages qu'elle cherche et fuit tour à tour, en les couvrant sans cesse de ses débris. »303 .

A la vérité, il y a, aujourd'hui, sur tous les points de la planète une méfiance, voir une lutte, de plus en plus grande à l'égard des autorités publiques, qui, appelées à faire régner l'ordre, se bornent souvent à confisquer et à violer la liberté, toute liberté. Or, premier de tous les Droits de l'Homme, la liberté préexiste et s'impose à tout pouvoir politique et

302 MARX (K.), La question juive [1843], Paris, Union générale d'éditions, 1968, p.37. ; NOLLEZ-GOLDBACH (R.), Quel homme pour les droits ? Les droits de l'homme à l'épreuve de la figure de l'étranger, Paris : CNRS éditions, 2015, 327 p.

303 RIVAROL cité par JEAN GICQUEL, Droit constitutionnel et institutions politiques, op. cit. p.28. ; Antoine de RIVAROL, Discours préliminaire du Nouveau dictionnaire de la langue française, Facultés intellectuelles et de ses idées premières et fondamentales ; suivi de De l'Universalité de la langue française, Berlin, 1785, vol.1, p.219.

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étatique et, par conséquent, mérite d'être reconnue et respectée par les autorités publiques. On comprend, dès lors, que la Constitution de la Première République Ivoirienne (Constitution de 1960) ait consacré ce droit fondamental en se référant à la Déclaration française de 1789 dont l'article 1er dispose : « Les Hommes naissent et demeurent libres ». A bon droit, le Professeur Jean RIVERO estime que cette prérogative inaliénable « trouve son fondement dans la nature »304. L'article 2 de cette Déclaration ajoute : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. » . Il s'ensuit que de cette notion générale de liberté, toile de fond, se détachent naturellement d'autres droits, ou libertés particulières, que déduit et consacre expressis verbis la Déclaration, à savoir : la sûreté ou liberté individuelle ; la liberté d'opinion ; la liberté religieuse ; le droit de propriété et la résistance à l'oppression.

Cependant, en Côte d'Ivoire la question de la force juridique de la DDHC ne se pose pas ; tout comme dans les autres pays africains, celle-ci l'a dès son indépendance incorporée dans son ordonnancement juridique305. En effet, la constitutionnalisation, ce que le Professeur Guggenheim a appelé « l'individualisation »306 de la norme internationale introduit directement la norme. Cette individualisation légitime la déclaration de sorte qu'elle soit opposable à toutes les autorités publiques nationales. Elle peut se faire par l'intégration de la norme internationale dans un texte de loi.

Le renvoi à ces instruments juridiques réclame leur application dans l'ordre juridique interne. C'est dans cette même veine, que s'accordant avec l'auteur précédent, Jean Pierre ROUGEAUX, pense que le renvoi conduit à l'incorporation de la norme objet du renvoi dans le système renvoyant307. Cette analyse nous permet de dire qu'à travers son préambule, l'Etat de Côte d'Ivoire reconnaît des droits à l'ensemble des citoyens vivant sur son territoire et particulièrement à l'enfant, qui par ce jeu, bénéficie en bonne logique juridique, de tous les droits affirmés dans la DDHC. Il est donc important d'affirmer que certes, la

304 Cela se justifie par ceci que les hommes naissent libres.

305 Voir le préambule de la constitution de 1960.

306 DAILLIER (P.), FORTEAU (M.) et PELLET (A.), Droit international public, Paris, L.G.D.J-Montchrestien, 2009, p. 726.

307 ROUGEAUX (J-P), Renvois du droit international au droit interne, R.G.D.I.P., 1977, p. 362. In TURGIS (S.).

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Constitution de 1960 ne mentionne pas de façon précise les droits de l'enfant ; toutefois, son renvoi à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) et à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) à travers son préambule ayant valeur constitutionnelle308, offre d'affirmer que la reconnaissance des droits de l'homme et de l'enfant, in fine, y est stipulé de façon implicite.

A l'instar du préambule, le corps de la Constitution ivoirienne du 03 novembre 1960 ne se réfère pas explicitement aux droits de l'enfant. Mieux, elle n'emploie à aucun moment les termes enfant ou droits de l'enfant. Elle contient quelques droits fondamentaux, qui plus est, sont timidement exprimés. Ce mutisme du corps de cette Constitution sur la question des droits de l'enfant signifie-t-elle que les enfants et leurs droits sont totalement ignorés ? Une affirmation péremptoire sur la question serait excessive.

En effet, l'enfant étant un homme avant d'être cet être singulier appelé « enfant », il apparait opportun de déduire que l'enfant bénéficie des droits de l'homme laconiquement affirmés dans le corps de la Constitution, dans les limites fixées par le législateur. Ces droits de l'homme se trouvent disséminés dans le corps de cette Constitution. Il s'agit essentiellement :

- Du droit de vote : « le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs dans les conditions déterminés par la loi, tous les nationaux ivoiriens majeurs, des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques »309 ;

- La sureté individuelle : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. Tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'une procédure lui offrant les garanties indispensables à sa défense. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de principe dans les conditions prévues par la loi »310 ;

308 Voir Arrêt société Eky, CE du 12 février 1960, « si la constitution a attribué compétence au pouvoir réglementaire pour déterminer les contraventions et les peines assorties, c'est par dérogation au principe général énoncé à l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme à laquelle se réfère le préambule et qui prescrit le caractère légal des peines (nulla poena sine lege). Si donc seul le constituant peut déroger à un tel principe dans le préambule c'est que ce texte a valeur constitutionnelle. ».

309 Article 5 de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

310 Article 61 de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

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- La liberté de pensée et d'opinion (ou liberté de conscience) : « la République de Côte d'Ivoire est laïque »311 ; « elle respecte toutes les croyances »312 ;

- La liberté religieuse déjà affirmé à l'article 2 est aussi déductible des dispositions de l'article 6 libellé comme suit : « elle respecte toutes les croyances » ;

- La liberté de formation des partis politiques et d'exercice de leur activité : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement sous la condition de respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie, et les lois de la République »313.

Il suit de ce qui précède que moins d'une dizaine d'articles de cette Constitution ivoirienne de 1960, est consacré aux droits de l'homme. En raison de leur importance, les droits de l'homme auraient dû être énoncés de façon détaillé et claire, car comme le mentionne MOUNIER : « Pour qu'une Constitution soit bonne , il faut qu'elle soit fondée sur les droits de l'homme et qu'elle les protège évidemment ,
· il faut donc, pour préparer une constitution, connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus ,
· il faut rappeler tous les principes qui doivent former la base de toute espèce de société et que chaque article de la Constitution puisse être la conséquence d'un principe
»314.

Généralement, la consécration constitutionnelle des droits humains dans son corpus donne plus de force à ces droits d'autant plus que cette parcelle de la constitution bénéficie d'une valeur juridique incontestable. Il est donc clair que la discrétion du corps de la Constitution ivoirienne de 1960 est infondée. Mieux elle inquiète. En effet, il revient à la Constitution, et, plus précisément au corps de la Constitution d'énoncer avec netteté, le champ de compétences des gouvernants et l'étendue des droits des gouvernés. Une telle précision des libertés publiques et une limitation subséquente de la puissance de l'État auraient pu permettre d'assurer une meilleure protection, à tout le moins, formelle du citoyen ivoirien, de toute personne, y compris les enfants, vivant sur le sol ivoirien. Or, aucun titre entier ni aucune section entière de la Constitution de 1960 n'a été consacré aux droits humains ; pire, aucun article ne réfère clairement aux droits de l'enfant ; cela est,

311 Article 2de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

312 Article 6de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

313 Article 7de la constitution ivoirienne du 03 Novembre 1960.

314 MOUNIER cité par Marcel PRELOT, in Encyclopaedia Universalis, op. cit. , p.710.

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incontestablement, source d'inquiétudes. Cette inquiétude sera relativement dissipée grâce à la Constitution de 2000 et l'actuelle Constitution de 2016 actuellement en vigueur qui mentionnent les droits de l'enfant.

C. UNE RECONNAISSANCE EXPRESSE DE LA PROTECTION SPECIFIQUE DE L'ENFANT EN TANT QUE PERSONNE VULNERABLE

A l'opposé de celle de 1960, les Constitutions de 2000 et de 2016 vont jusqu'à constitutionnaliser la protection de l'enfant en Côte d'Ivoire (CI). La consécration d'un titre sur les droits et libertés est devenue une constante dans les différents textes constitutionnels africains. Les constituants ivoiriens de 2000 et de 2016 n'ont pas fait exception à cette règle. Ainsi, contrairement à la première Constitution de la Côte d'Ivoire indépendante, les constituants de 2000 et de 2016 marquent leur attachement aux droits de l'homme par la définition des droits et libertés dans le corpus de la Constitution. Cette constitutionnalisation montre les valeurs prononcées que la Constitution de 2000 et la nouvelle Constitution de 2016 accordent à ces droits et libertés. Elles attachent plus d'importance à la protection de l'enfant en prévoyant des dispositions spécialement dédiées aux enfants. Tel est le cas de l'article 6 de la Constitution de 2000 qui dispose en ces termes : « L'État assure la protection des enfants ». Il en est ainsi également de l'article 32 de la Constitution du 08 novembre 2016 qui dispose : « L'Etat s'engage à garantir les besoins spécifiques des personnes vulnérables. Il prend les mesures nécessaires pour prévenir la vulnérabilité des enfants...Il s'engage à garantir l'accès des personnes vulnérables aux services de santé, à l'éducation, à l'emploi, à la culture, aux sports et aux loisirs. » Consacrant explicitement une place importante de l'enfant dans la Constitution, le législateur ivoirien entend montrer son intérêt pour l'enfant. Il va plus loin en insistant sur le devoir de protection que l'État doit assurer à la famille qui concourt au développement de la personnalité de l'enfant. Celle-ci étant essentielle pour l'épanouissement de celui-ci. Même si on pourrait objecter l'insuffisance de cette reconnaissance du fait que le droit à la protection de l'enfant est reconnu dans un seul article de la Constitution de 2000, il serait intéressant de relativiser cette conception.

En effet, les articles 5 et 8 de la Constitution de 2000, puis les articles 31 de la Constitution de novembre 2016 viennent appuyer les articles 6 et 32 précités, montrant ainsi, l'intérêt que le législateur a pour la famille : un intérêt nécessaire au développement

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harmonieux de l'enfant. La norme suprême ivoirienne montre que la protection de l'enfant est fondamentale pour la société, en la constitutionnalisant.

La Constitution ivoirienne de 2016, à l'instar de sa devancière de 2000, reconnait l'importance de la famille, la responsabilité de l'État et des collectivités publiques dans la promotion du bien-être de l'enfant. La Constitution établit les principes de base pour le système de protection de l'enfant, élaborant les obligations des familles, de l'État, et des collectivités publiques pour le bien-être des enfants sur le territoire national. Elle indique que la famille constitue l'unité de base de la société, et l'État assure sa protection. Elle garantit la protection de l'État pour certains groupes vulnérables tels que les enfants, les personnes âgées et les personnes porteuses d'handicap315. La Constitution ivoirienne du 1er Aout 2000, indique en son article 8 que : « L'État et les Collectivités publiques ont le devoir de veiller au développement de la jeunesse. Ils créent les conditions favorables à son éducation civique et morale et lui assurent la protection contre l'exploitation et l'abandon moral ».Ce devoir de l'Etat envers la jeunesse est également reprise à l'article 34 de la Constitution du 08 novembre 2016 en ces termes : « La jeunesse est protégée par l'Etat et les collectivités publiques contre toutes les formes d'exploitation et d'abandon. L'Etat et les collectivités publiques créent les conditions favorables à l'éducation civique et morale de la jeunesse. Ils prennent toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel, sportif et politique du pays. Ils aident les jeunes à s'insérer dans la vie active en développant leurs potentiels culturel, scientifique, psychologique, physique et créatif.» Comme on le voit, ces deux dernières Constitutions ivoiriennes font mieux que la première de 1960 en ce qu'elles consacrent certains articles à la protection des enfants et non à leurs droits. Toutefois, la Constitution ivoirienne de 2000 apparaissait moins précise sur certains points lorsque l'on tente de la confronter à la Constitution de certains États tels le Benin et le Togo. En effet, les articles 12 et 13 de la Constitution béninoise concernent spécifiquement les enfants et de façon singulière leur éducation ; alors que l'article 12316 consacre la garantie de l'éducation des

315 Article 6 Constitution Ivoirienne du 1er Aout 2000 ; Article 32 Constitution ivoirienne du 08 Novembre 2016.

316 Article 12 Constitution Béninoise du 11 décembre 1990 :« L'Etat et les collectivités publiques garantissent l'éducation des enfants et créent les conditions favorables à cette fin ».

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enfants et les conditions nécessaires pour y parvenir, l'article 13317 de cette loi fondamentale béninoise, établit, les principes selon lesquels l'État pourvoit à l'éducation des enfants par les écoles publiques, l'école primaire est obligatoire et l'enseignement public est gratuit. De même, l'article 40 précise que l' « État doit intégrer les droits de la personne humaine dans les programmes d'alphabétisation et d'enseignement aux différents cycles scolaires et universitaires et dans tous les programmes des Forces Armées, des forces de sécurité publique et assimilés ». Cette constitutionnalisation de l'enseignement des droits de la personne humaine, y compris les droits de l'enfant, est une avancée notable du Bénin par rapport à la Côte d'Ivoire, du moins, avant l'adoption de la Constitution du 08 novembre 2016. De même, la Constitution togolaise surprend agréablement en établissant l'enseignement primaire obligatoire et en instaurant une gratuité progressive, elle va jusqu'à donner un âge obligatoire de fin de scolarité318. Elle se distingue aussi des autres par la suppression de discrimination existante entre l'enfant légitime et l'enfant illégitime319. Fort heureusement, la nouvelle Constitution ivoirienne de 2016 vient corriger cette lacune en reconnaissant en son article 10 que : « L'école est obligatoire pour les enfants des deux sexes dans les conditions déterminées par la loi. L'Etat et les collectivités publiques assurent l'éducation des enfants. Ils créent les conditions favorables à cette éducation... ». Aussi, suivant l'article 28 de ladite constitution, « L'Etat prend les mesures nécessaires pour intégrer la Constitution, les droits de l'homme et les libertés publiques dans les programmes d'enseignement scolaires et universitaires ainsi que dans la formation des forces de défense et de sécurité, et des agents de l'Administration. »

En sus, la responsabilité paternelle de l'État apparait comme le paradigme de la fondation du système ivoirien. Aux termes de l'article 16 de la Constitution de 2016 : « le travail des enfants est interdit et puni par la loi. Il est interdit d'employer l'enfant dans une activité qui

317 Article 13Constitution Béninoise du 11 décembre 1990 : « L'Etat pourvoit à l'éducation de la Jeunesse par des écoles publiques. L'enseignement primaire est obligatoire. L'Etat assure progressivement la gratuité de l'enseignement public. ».

318 Article 35 Constitution Togolaise adoptée le 27 septembre 1992, révisée par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002 « L'Etat reconnait le droit à l'éducation des enfants et crée les conditions favorables à cette fin. L'école est obligatoire pour les enfants des deux sexes jusqu'à l'âge de quinze (15) ans.

L'Etat assure progressivement la gratuité de l'enseignement public. ».

319 Article 31 al.2Constitution Togolaise adoptée le 27 septembre 1992, révisée par la loi n°2002-029 du 31 décembre 2002 : « Les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, ont droit à la même protection familiale et sociale ».

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le met en danger ou qui affecte sa santé, sa croissance ainsi que son équilibre physique et mental ».

En effet, une lecture minutieuse de tous ces articles offre de conclure que l'enfant est supporté par l'État ivoirien pas seulement pour sa condition d'enfant mais aussi pour le sentiment qu'un enfant est un futur citoyen.

En tout état de cause, avec la Constitution de 2016, on note que la Côte d'Ivoire sort progressivement de sa réserve en instaurant dans sa loi fondamentale plus de dispositions consacrées aux droits de l'enfant. Cependant, malgré l'insuffisance de cette reconnaissance constitutionnelle, il convient de relativiser cette conception car cette consécration constitutionnelle traduit que les droits de l'enfant sont une donnée fondamentale en Côte d'Ivoire.

Au-delà de ce qui précède, l'évolution des techniques de consécration justifie aussi cette progressive constitutionnalisation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire.

§ 2. UNE EVOLUTION DES TECHNIQUES DE CONSECRATION DES DROITS DE L'ENFANT

Le lieu d'énonciation des droits de l'enfant est révélateur de la valeur que les constituants veulent accorder à la proclamation des droits et libertés. C'est sonder l'esprit du constituant. Le Professeur Maurice KAMTO, conseille avec raison de rechercher avant toute chose, l'endroit où sont affirmés les droits parce que la « détermination du lieu d'énonciation des droits dans les constitutions africaines est une étape essentielle dans la recherche de leur assise juridique ; car avant même de s'interroger sur leur contenu et leur garantie effective, il faut s'assurer déjà qu'il s'agit de normes juridiques »320. Rechercher le siège des droits énoncés, c'est chercher le degré de juridicité des droits évoqués.

S'il était possible de douter, de la valeur des normes proclamant les droits dans les anciennes Constitutions, une chose est certaine avec les nouvelles Constitutions : elles ont voulu établir avec certitude l'assise juridique des droits de l'enfant proclamés. En effet,

320 KAMTO (M.), L'énoncé des droits dans les Constitutions des Etats africains, Revue juridique africaine 1991, vol.1-2, p.12. Dans le même sens, voir PHILIPPE (X.), L'émergence de la protection et du contrôle des droits fondamentaux en Afrique australe, in J-Y. MORIN (sous la direction), les droits fondamentaux, Bruxelles, Bruylant, 1997, p.325.

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l'examen des constitutions africaines adoptées à partir des années 1990 fait ressortir une tendance : celle de l'intégration et parfois même de la réintégration des droits de l'homme321, directement dans le texte constitutionnel. Quelques États se sont démarqués de cette démarche. Ils ont conservé le préambule comme lieu d'énonciation des droits de l'homme-enfant, avec néanmoins une particularité, celle d'affirmer sa valeur constitutionnelle conférant, aux droits une stature indéniablement constitutionnelle. La Côte d'Ivoire n'échappe pas à ce constat transposable à la question des droits de l'enfant car elle les reconnait aussi bien au niveau de son préambule que du corps de sa loi fondamentale.

A. AU NIVEAU DU PREAMBULE

La Constitutionnalisation des droits et libertés vient ainsi lever le doute sur la valeur juridique des droits de l'homme auparavant proclamés, de manière molle dans les préambules des Constitutions. Quelle valeur leur accorder ? D'ailleurs, ont-ils seulement une valeur juridique ou s'agit-il seulement des principes moraux ?

Ces interrogations concernaient en fait, quelques pays anciennement sous domination coloniale française. Par exemple, la Constitution camerounaise du 2 juin 1972 énumérait les libertés dans le préambule. Le constituant ivoirien s'est contenté d'affirmer dans le préambule de sa Constitution de 1960, son attachement aux valeurs démocratiques et aux déclarations de 1789 et 1948. Il en allait de même du constituant guinéen qui ne proclamait aucun droit. Il se limitait à affirmer dans le préambule de la Constitution du 10 Novembre 1958 que : « l'État de Guinée apporte son adhésion totale à la Charte des Nations Unies et à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH)... ». La Constitution malienne de 1974 se contente elle aussi d'affirmer dans son préambule, les droits et les libertés de l'homme et du citoyen énumérés dans la DUDH du 10 décembre 1948.322

321 Car certaines constitutions, comme celles du Togo sous Eyadema ou du Zaïre sous Mobutu ont purement et simplement supprimé les dispositions constitutionnelles relatives aux droits fondamentaux.

322 LECLERCQ (C.), « Les libertés publiques en Afrique Noire ? » in G.Conac (sous la direction), Les institutions constitutionnelles des Etats d'Afrique francophone et de la République malgache, Paris, Economica, 1979, p.227. ; Diarra (E.), « Constitution et Etat de droit au Mali », RJPIC 1995, n°3, p.264.

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En revanche, la question ne se posait pas pour les États d'Afrique noire anglophone qui avaient hérité de la pratique anglo-saxone du « Bill of Rights », directement inscrit dans le corps même du texte constitutionnel. Il n'y avait donc aucun doute sur sa valeur juridique323.

Le doute sur la valeur constitutionnelle du préambule planait jusqu'au début des années 1990 sans avoir reçu une amorce de solution précise et claire. La justice constitutionnelle africaine avait très peu été sollicitée sur la question. Lorsqu'elle fut sollicitée comme ce fut le cas au Cameroun, elle n'a pas donné de réponse claire. Dans une décision du 08 octobre 1968, la Cour suprême du Cameroun oriental avait affirmé la valeur constitutionnelle du préambule de la Constitution du 04 mars 1960324. Le problème, est que cette Constitution du 04 mars 1960 n'avait plus aucune existence juridique car elle fut remplacée par la Constitution du 01er septembre 1961, qui ne comportait pas de préambule. Sous le règne de la Constitution de 1972, la section judiciaire de la Cour suprême réaffirmera la valeur constitutionnelle du préambule de la constitution de 1960325. Mais les juges d'appel soutiendront le contraire dans un langage assez obscur. Tels sont les termes de la décision : « il est largement admis que les préambules n'énoncent que les principes généraux du droit, et ce, à titre indicatif, alors que la loi énonce les dispositions constitutionnelles proprement dites et, de ce fait, l'emporte sur le préambule de toute constitution »326. Selon cet arrêt, la loi ordinaire, « plus concrète », l'emporte sur le préambule. Cette décision, émanant de juges du second degré aurait-elle pu être cassée si elle avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation ? La jurisprudence passée de la Cour suprême militait pour l'affirmative, les juges suprêmes ayant auparavant soutenu le contraire327. Mais elle est restée en l'état, laissant subsister un doute.

323 LAVROFF (A.D) et PEISER (G.), Les Constitutions africaines, tome II Etats anglophones, Paris, Pedone, 1964, p.31.

324 OLINGA (A.D), « L'aménagement des droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée », R.U.D.H. du 31 octobre 1996, vol. 8, p.117.

325 Arrêt du 22 février 1973. Il affirme que la règle coutumière qui empêche les femmes d'hériter est contraire au préambule de la Constitution qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe, in A.D. OLINGA, op. cit, p.118.

326 Cour d'appel de Garoua, arrêt du 05 avril 1973. Cité par A.D. OLINGA, op.cit.

327 La question s'est posée devant le juge judiciaire camerounais et le juge administratif. Mais les deux juges n'ont pu apporter une solution satisfaisante et claire. Cf. OLINGA (A. D.), « L'aménagement des droits et libertés dans la constitution camerounaise révisée », op.cit., p.117.

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Quant au débat doctrinal sur ce sujet, il ne fit pas l'objet de vives controverses. La majorité des auteurs et des hommes politiques328, pragmatiques, s'accordaient à affirmer que la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français qui a étendu, en 1971, le bloc de constitutionnalité au préambule, serait reproduite en Afrique329. Une telle solution était plus qu'envisageable, puisque la Constitution française de 1958 a été la grande inspiratrice des institutions africaines francophones. Les États ayant recopié servilement les institutions de la France, il ne serait pas surprenant que le juge africain fasse sienne la jurisprudence du Conseil constitutionnel français. La reproduction des décisions des deux ordres de juridictions françaises est un fait courant en Afrique noire.

L'intégration de la déclaration des droits dans le texte constitutionnel constitue la tendance générale des nouvelles Constitutions. Néanmoins, certaines Constitutions ont conservé le préambule comme cadre de déclaration des droits, cette fois avec une particularité : celle de déclarer la valeur constitutionnelle de celui-ci.

Habituellement les dispositions du préambule, rédigées dans un style déclaratoire, sont assimilées à de simples principes philosophiques ou moraux. Les intentions qui y sont insérés n'ont pas de valeur juridique positive. Les droits qui y étaient inclus n'étaient pas assurés d'être opposables à l'État. Désormais, les nouvelles Constitutions africaines qui s'attachent à énoncer les droits fondamentaux dans le préambule, donnent, par une disposition expresse, une valeur juridique au préambule : celui-ci a une valeur constitutionnelle. La déclaration des droits est ainsi constitutionnalisée. Ainsi, par une disposition d'un article de la Constitution, le constituant camerounais dispose que le « Préambule fait partie intégrante de la Constitution. ».

328 Cf. Par exemple le point de vue de P. YACE, Ex-Président de l'Assemblée Nationale ivoirienne : « Le préambule n'est pas un simple énoncé de principes philosophiques ou moraux exempt de valeur juridique. Il a même valeur que la constitution, il est source de droits positifs à l'égard des pouvoirs publics et des particuliers ». Cité par G. CONAC, Les Constitutions des Etats d'Afrique noire et leur effectivité, in G. CONAC (sous la direction), Dynamiques et finalités des droits africains, Paris, Economica, 1980, p.394.

329 La question s'est posée au juge constitutionnel français : le préambule de la constitution française de 1946, auquel renvoie le préambule de la constitution de 1958 et qui contient également la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a-t-il une valeur constitutionnelle ? Le conseil constitutionnel a estimé que le préambule de la Constitution de 1958 faisait partie du bloc de constitutionnalité. Cf. la décision du conseil constitutionnel Français du 16 juillet 1971.

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A la différence du constituant camerounais, c'est par une disposition du préambule que le constituant comorien dispose que le préambule fait partie intégrante de la Constitution330. Il reste à déterminer la valeur du préambule et donc de cette disposition finale. Mais, cette disposition, in fine, très explicite révèle la volonté du constituant de faire des droits proclamés dans le préambule des droits véritablement constitutionnels. Par conséquent, il convient d'approuver sans réserve la conclusion de ce juriste africain qui soutient que toute l'importance doit être restituée à la phrase finale du préambule qui fait des droits consacrés des droits véritablement constitutionnels331.

La Côte d'Ivoire est également un des pays qui consacre les droits de la personne, donc de l'enfant, dans le préambule. Néanmoins, le style de la reconnaissance des droits fait d'elle un cas à part dans le mouvement d'affermissement de la reconnaissance constitutionnelle des droits de la personne humaine. En effet, la Constitution ivoirienne du 03 novembre 1960 s'ouvre en ces termes : « Le peuple de Côte d'Ivoire proclame son attachement aux principes de la démocratie et des droits de l'homme, tels qu'ils ont été définis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par la Déclaration universelle de 1948, tels qu'ils sont garantis par la présente Constitution. Il affirme sa volonté de coopérer dans la paix et l'amitié avec tous les peuples qui partagent son idéal de justice, de liberté, d'égalité, de fraternité et de solidarité humaine. ».

Ainsi énoncé en termes lapidaires, ce texte liminaire pèche-t-il par son imprécision. Tout d'abord, il ne comporte pas d'articles (numérotés), contrairement aux dispositions du corps de la Constitution. En outre, il n'énumère guère les droits proclamés. Que, dans ces circonstances, ce préambule ivoirien, soit source de controverses doctrinales, les interprétations y afférentes étant divergentes, cela ne saurait surprendre. Le doute persiste toujours sur la valeur à accorder au préambule. A-t-il une valeur infra constitutionnelle ou constitutionnelle ?332

330 Constitution comorienne du 7 juin 1997 (dernier alinéa).

331 OLINGA (A.D), L'Afrique face à la « globalisation » des techniques de protection des droits fondamentaux, op. cit. p.72.

332 Constitution du 3 novembre 1960 modifiée, §1. La question ne se pose plus car la Constitution de 1960 a été suspendue depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999. Un nouveau projet constitutionnel a été soumis à un référendum populaire le 23 juillet 2000. Ce projet a été adopté et est devenu la Constitution ivoirienne jusqu'en date du 08 Novembre 2017. Cette Constitution de 2000 était plus prolifique sur les droits des ivoiriens qui sont désormais contenus dans le corps de la constitution (chap. 1, art. 1 à 22). Actuellement la Constitution en vigueur est celle du 8 novembre 2017. Le préambule de cette nouvelle reconnait la valeur constitutionnelle

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Le préambule de la Constitution de 1960 se limite à « proclamer son attachement.. » aux déclarations de 1789 et de 1948. Se pose alors la question de savoir si ce préambule a une valeur juridique ou obligatoire. La doctrine ivoirienne qui a tenté de répondre à cette cruciale question, balance entre deux grandes tendances : l'une dénie au préambule tout caractère positif ; l'autre lui reconnait ce caractère.

Selon la doctrine négative, le préambule ne contient que de simples dispositions d'ordre moral ou philosophique, donc sans valeur juridique. Telle est la position du Professeur LEGRE OKOU Henri333. Quant aux tenants de la thèse positive, ils estiment que les dispositions du préambule ont une valeur de droit positif. Mais, ceux-ci se divisent en deux groupes. Pour le premier, le préambule a, certes une valeur juridique mais une valeur non constitutionnelle ; tel est le point de vue du Professeur Anne-Marie ASSI ESSO qui affirme que le Préambule a une « valeur quasi-constitutionnelle334 ». Pour le second groupe animé principalement par le Professeur Martin BLEOU, le préambule a une valeur pleinement constitutionnelle335.

Il convient d'apprécier les différentes positions ci devant exposées. S'attachant et se limitant au contenu du Préambule, caractérisé par sa grande généralité, certains doctrinaires ivoiriens ont affirmé sans ambages que celui-ci était dépourvu de toute force juridique ; ce qui semble fondé car selon le doyen VEDEL, « La règle de droit ne se définit pas seulement par une forme, mais par un contenu. Un document qui ne modifierait en rien les droits et les obligations de quiconque ne saurait, même coulé dans une forme juridique, contenir une règle de droit. Ainsi, de l'acte qui se bornerait à une simple constatation, ou même de celui qui énoncerait une règle si vague qu'il serait impossible de déterminer et le sujet lié par cette règle, et l'objet exact du droit ou de l'obligation créés. »336. En outre, leurs arguments reposent sur le fait que le Préambule, au lieu d'assurer la garantie des principes de la démocratie et des droits de l'homme définis par les Déclarations de 1789 et de 1948, ne fait

du préambule en ces termes : « Approuvons et adoptons librement et solennellement devant la Nation et l'humanité la présente Constitution comme Loi fondamentale de l'Etat, dont le Préambule fait partie intégrante ».

333 OKOU (H-L), Cours d'Histoire du Droit, 1ere année de Licence, Université d'Abidjan.

334 ASSI-ESSO (A-M), Précis de droit civil : Les personnes- La famille, L.I.D.J., Abidjan 2è édition, 2002, p.39.

335 Voir BLEOU (M.), Cours de Droit constitutionnel, 1ere année de Licence.

336 VEDEL (G.) cité par RIVERO (J.), Les Libertés publiques, op. cit. p. 148.

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que proclamer son attachement à ces principes et droits. Or, le mot « attachement » a un sens beaucoup plus politico-philosophique que juridique. Il découle de là une interprétation littérale du texte consistant à ne s'attacher qu'à la lettre du texte, au vocabulaire retenu. Pourtant, l'on sait que ce préambule contient des dispositions floues ou ambiguës, les termes qui s'y trouvent étant imprécis ; ce qui a suscité des interprétations diverses et divergentes.

Quoique séduisantes, ces arguments ne sauraient convaincre. Il est difficile, voire impossible, de dénier toute valeur juridique au Préambule et ce, pour deux raisons : d'une part, le préambule fait partie intégrante de la Constitution et a été élaboré suivant la même procédure que le corps de la Constitution ; d'autre part, la valeur juridique du Préambule tient au fait qu'en matière de contrôle de constitutionnalité, la compétence du juge constitutionnel, n'est pas limitée au corps de la Constitution mais à l'ensemble du texte constitutionnel.

En France, relativement, à cette question cruciale touchant la valeur juridique du Préambule, la doctrine337 était fort divisée sous la IIIe et IVe Républiques. Aux yeux des Doyens Léon DUGUIT et Maurice HAURIOU, le préambule a pleine valeur constitutionnelle : c'est une loi impérative, fondamentale. A l'opposé, pour les Professeurs CARRE DE MALBERG et ESMEIN, le Préambule ne contient que des principes philosophiques et moraux : dès lors, il est dépourvu de toute valeur juridique. Il importe de souligner qu'en France, cette question liée à la valeur juridique du Préambule n'a été définitivement tranchée que dans la décision du 16 juillet 1971338, par le Conseil constitutionnel, juge de la constitutionnalité, qui a censuré une loi portant atteinte à la liberté d'association. En l'espèce, la haute juridiction a affirmé solennellement que la totalité des dispositions du Préambule de la Constitution française a valeur de loi constitutionnelle. Suivant une édifiante pensée du Professeur Jean RIVERO, c'est là « une merveilleuse révolution opérée par la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971-depuis la prise de la Bastille, le peuple français aime faire ses révolutions au mois de juillet ! Ici, la Révolution s'est faite en quatre mots. (Vu la Constitution et notamment son Préambule). Voilà d'un seul coup, la Déclaration de 1789, le Préambule de 1946, les principes

337 RIVERO (J.), Les libertés publiques, op.cit., p. 168.

338 Voir décision du Conseil Constitutionnel du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association, R.D.P 1971 (p.1171), et A.J. 1971 (p.537).

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fondamentaux reconnus par les lois de la République, intégrés, alors que le Constituant ne l'a pas voulu, à la Constitution française ! La constitution française a doublé de volume par la seule volonté du Conseil constitutionnel »339. Dans le même ordre d'idées, le Professeur Jean GICQUEL affirme : « il lui a appartenu d'affirmer l'Etat de droit, en intégrant globalement le préambule de 1958 au principe de constitutionnalité, le 16 juillet 1971, à l'occasion de la première censure d'une loi, de manière à subordonner à ses vues, le Parlement. »340. Procédant du juge suprême français, cette décision s'impose inéluctablement à toutes les autres juridictions françaises conformément aux prévisions de l'article 62 de la Constitution française de 1958341.

Toutefois, parce qu'elle est intervenue postérieurement à l'indépendance de la Côte d'Ivoire, cette jurisprudence ne saurait s'imposer aux tribunaux ivoiriens ; l'article 76 de la Constitution ivoirienne de 1960 interdit une telle application342. En dépit de cette inapplication de la jurisprudence française du 16 juillet 1971 en Côte d'Ivoire, on peut à bon droit affirmer que, le Préambule de la Constitution ivoirienne du 03 novembre 1960 a valeur constitutionnelle, et ce pour des raisons évidentes. Tout d'abord, il ressort des travaux préparatoires que le constituant de 1960 a voulu reconnaitre au Préambule la même valeur que le corps de la Constitution. En effet, M. PHILIPPE Grégoire YACE, Président de la Commission constitutionnelle d'alors, a solennellement affirmé au lendemain de l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, que le « Préambule n'est pas un simple énoncé de principes philosophiques et moraux exempts de valeur juridique, ainsi qu'on se l'imagine parfois. Le Préambule a la même valeur que la Constitution (...). Il est source de droit positif à l'égard des pouvoirs publics et des juridictions »343. En sus, il est évident que ce texte

339 RIVERO (J.), Rapport de Synthèse, in Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, IIè colloque d'Aix-en-Provence, des 19-20 et 21 février 1981, Economica et Presses universitaires d'Aix-Marseille, Paris, 1987, p.520.

340 GICQUEL(J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Montchrestien, Paris, 14e édition, 1995, p.101.

341 Article 62 constitution française de 1958 « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent juridiquement aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. ».

342 L'article 76 de la Constitution dispose : « la législation actuellement en vigueur en Côte d'ivoire reste applicable sauf l'intervention de textes nouveaux en ce qu'elle n'a rien de contraire à la présente Constitution. ».

343 Philippe Grégoire YACE cité par le Doyen MELEDJE (F.D), Les rapports entre le droit international et le droit interne : application à l'ordre juridique ivoirien, inédit.

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liminaire et les articles numérotés forment un tout opaque qui est la Constitution ; et ce tout opaque, a été élaboré au même moment, suivant la même procédure ; qui plus est, la compétence du juge constitutionnel s'étend à ce « tout opaque » constituant le bloc de constitutionnalité car, en tout cas, aucune loi n'exclut le Préambule du champ d'intervention du contrôle de constitutionnalité.

Il appert de de tout ce qui précède que le Préambule autant que les autres énonciations, ont la même force, la même valeur juridique. Dès lors, on est autorisé à affirmer que la thèse de la pleine constitutionnalité des dispositions du Préambule de la Constitution de 1960 prime sur celle de la négation et celle d'infra-constitutionnalité ou quasi-constitutionnalité. Ce même raisonnement sus-indiqué vaut pour le préambule de la loi fondamentale ivoirienne de 2000, qui, tout en proclamant « son adhésion aux droits et libertés tels que définis dans la DUDH de 1948 et dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, exprime son attachement aux valeurs démocratiques reconnues à tous les peuples libres, notamment : le respect et la protection des libertés fondamentales tant individuelles que collectives ».

Globalement, « les nouvelles constitutions procèdent à une reconnaissance dure ou gratinique des droits fondamentaux »344 soit en considérant le préambule comme faisant partie du bloc de constitutionnalité, soit en consacrant un titre du corps de la constitution aux droits fondamentaux, voire, aux droits de l'enfant.

B. UNE CONSECRATION PLUS CIRCONSTANCIEE DES DROITS AU NIVEAU DU CORPUS DE LA CONSTITUTION SOUS LES CONSTITUTIONS DE 2000 ET DE 2016

Aujourd'hui, le débat est définitivement clos, le nouveau constituant ivoirien, voir africain, ayant posé de manière claire, l'assise juridique des droits de l'homme-enfant dans le corpus de la Constitution.

Plus que les constitutions de l'ère postcoloniale, les Constitutions africaines des transitions démocratiques et post apartheid vont intégrer la proclamation des droits de

344 SINDJOUN (L.), « Les nouvelles Constitutions africaines et la politique internationale : contribution à une économie internationale des biens politico-juridiques », In. Etudes internationales, juin 1995, n°2, p.334.

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l'homme et de l'enfant dans le corps même de la Constitution, « conscientes enfin que le but ultime de tout mouvement constitutionnel est la proclamation des droits fondamentaux »345.

Les droits de l'homme-enfant occupent une place privilégiée au sein de la Constitution. Les droits de l'homme-enfant viennent en premier dans l'agencement des dispositions constitutionnelles. Souvent, le titre relatif aux droits de l'homme vient avant les chapitres concernant l'organisation et le fonctionnement des institutions publiques346 . Tel est le cas particulier de la Constitution ivoirienne du 1er Août 2000 dont le titre premier est consacré aux libertés, droits et devoirs. Il en va également ainsi de la nouvelle Constitution ivoirienne du 08 novembre 2016 dont le titre 1 est également consacré aux droits, libertés et devoirs ( articles 1à 47). Parfois, certaines Constitutions comme la Constitution burkinabè, n'hésitent pas à placer la reconnaissance des droits avant les dispositions concernant la forme et le régime de l'Etat ou encore avant les règles concernant la citoyenneté et la souveraineté. Ces dernières dispositions sont habituellement énoncées en tout début de la loi fondamentale.

La primauté accordée aux dispositions relatives aux droits de l'homme par rapport aux autres dispositions concernant l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics manifeste la volonté du constituant de faire des droits de l'homme, des droits de l'enfant, le coeur du fonctionnement des institutions publiques. Les principes découlant de la reconnaissance des libertés et droits doivent innerver le fonctionnement des organes de l'Etat entre eux et également à l'égard des citoyens. Les droits de l'homme sont une garantie contre l'arbitraire des gouvernants. C'est pourquoi, le constituant ivoirien, à l'instar de ceux des démocraties modernes va consacrer avec autant de force le principe de la séparation des pouvoirs347.

Cette inclination des nouveaux constituants à déplacer le site constitutionnel de proclamation va de pair avec le choix du procédé de déclaration qui, fait de ces droits non pas « des droits et libertés nominaux, proclamés et figés dans leur splendide

345 OLINGA (A.D), « L'Afrique face à la globalisation des techniques de protection des droits de l'homme », in RJPIC n°1, janv.1999, p.71.

346 Il en ainsi pour les constitutions zambienne, namibienne, béninoise, congolaise, Djiboutienne, sud-africaine...

347 C'est l'expression de l'effet vertical de la reconnaissance des droits de l'homme, in X. Philippe, op.cit. p.326.

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abstraction...mais des droits et libertés-aspirant à la vie, destinés à être concrétisés, vécus, utilisés »348.

Dans les nouvelles Constitutions africaines, il existe une tendance générale, à consacrer de manière minutieuse et détaillée les droits et libertés. Sans doute, ce fait est dû, selon le Professeur Jean Du Bois de Gaudusson, à « l'influence des magistrats, avocats et professeurs de droit qui ont souvent peuplé les commissions d'élaboration des Constitutions »349. Les déclarations des droits sont par conséquent plus longues qu'auparavant.

Les méthodes de circonscription des droits, de leur interprétation ou de leurs limites varient d'un État à l'autre. Concrètement, il est principalement le fruit de l'héritage colonial : la structure des catalogues des droits diffère notamment entre les pays anciennement colonisés par la France et la Belgique et les pays qui ont subi la domination britannique.

Dans les États francophones, les Constitutions de ces pays consacrent les droits de manière globale, elles énoncent le principe général. Il appartiendra à la loi d'en fixer le régime et la mise en oeuvre350. Ces Constitutions accordent une confiance à la loi. Cette technique a le mérite de donner une certaine souplesse au domaine des droits de l'homme quoique, elle peut, parfois s'avérer dangereuse pour la protection des droits de l'homme, donc des droits de l'enfant. La réalité a montré que, sous prétexte de sauvegarder l'ordre public ou encore l'intérêt général, le législateur africain n'a pas hésité à adopter des lois arbitraires.

Les États africains d'expression anglaise sont plus méticuleux dans l'énoncé des droits. Les droits sont concrètement organisés dans la Constitution. En effet, dans les États anglophones, la technique d'énonciation des droits des pays africains anglophones est influencée par la tradition anglo-saxonne qui organise avec un luxe de détails, le contenu des droits de l'homme. Les droits sont énoncés de manière pragmatique et concrète. Le souci premier est de permettre une application immédiate des droits consacrés. Le principe général est suivi de nombreux développements énumérant les cas dans lesquels il peut être porté

348 OLINGA (A.D), L'aménagement des droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée, op. cit. p.117.

349 In. Les Constitutions africaines publiées en langue française, op. cit. p.11.

350 Voir Article 71 Constitution ivoirienne 2000.

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atteinte aux libertés. Le constituant indique aussi la procédure selon laquelle ces libertés seront mises en oeuvre. Ce qui explique la longueur parfois vertigineuse de certains articles. La minutie avec laquelle les constituants ont consacré les droits est significative et démontre à quel point la volonté de rendre les droits consacrés a prédominé. Par exemple, le droit à un procès équitable est expliqué dans toutes ses composantes. Il implique pour toute personne faisant l'objet d'une poursuite pénale d'être entendue par un tribunal indépendant, impartial et compétent. Ce tribunal a la possibilité, pour des raisons de moralité, d'ordre public ou de sécurité nationale d'exclure la presse ou le public de tout ou d'une partie des audiences. La personne arrêtée doit être informée des raisons de son arrestation dans une langue qu'elle comprend. En définitive, les codes de procédure s'avèrent presque inutiles car les textes constitutionnels constituent eux-mêmes de véritables codes de procédure351. Contrairement aux catalogues des droits dans les Constitutions francophones, ceux des constitutions anglophones sont immédiatement prêts à l'emploi. Les limites aux droits étant abondamment précisées, le pouvoir d'interprétation des autorités chargées de les appliquer est sérieusement restreint : « la Constitution définit ainsi le degré de pouvoir discrétionnaire dont disposent les autorités publiques dans la mise en oeuvre des droits fondamentaux »352.

Comme souligné, les constituants ont proclamé de manière détaillée les droits de l'homme. En nombre, les droits sont importants, comme si les constituants ont eu peur d'oublier certains droits et que les gouvernants profitent de cette faille pour ne pas les reconnaitre. Cette attitude compréhensible, témoigne de la volonté de « dénoncer très directement des pratiques autoritaires, dont les pays africains avaient été victimes sous les dictatures civiles ou militaires »353. Le contenu des droits s'en ressentira fortement.

En tout état de cause, en Côte d'Ivoire, cette reconnaissance constitutionnelle des droits de l'enfant à travers le dispositif de cette loi fondamentale va être exprimée expressément ou implicitement à travers les articles 3,5, 6 7, 8, 19, 20 et 21 et 22 de la Constitution de 2000, puis réaffirmée à travers les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 27 de la Constitution du 08 novembre 2016. Ces articles se rapportent à différents domaines relevant directement ou indirectement des droits de

351 LAVROFF (D.G) et PEISER (G.), Les Constitutions africaines, op. cit. pp.30-31.

352 PHILIPPE (X.), op.cit., p.328.

353 CONAC (G.), « Le juge et la construction de l'Etat de droit en Afrique francophone » in Mélanges en l'honneur de Guy BRAIBANT, Paris, Dalloz, 1996, p.106.

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l'enfant. Cette reconnaissance constitutionnelle va être davantage précisée à travers l'adoption d'un cadre législatif national conformément à la volonté du Constituant exprimé respectivement aux articles 41, 71 et 101 des Constitutions ivoiriennes de 1960, 2000 et de 2016.

Il suit de ce qui précède que, la Côte d'Ivoire s'est engagée lentement dans la protection des droits de l'enfant. En effet, dès son accession à l'indépendance, l'État ivoirien, n'a pas pris véritablement à coeur dans son droit interne la question des droits de l'enfant et sa première constitution le démontre clairement. Toutefois, les Constitutions de 2000 et de 2016 consacrent explicitement la question de la protection de l'enfant et de ses droits. Ce retour au constitutionnalisme est marqué par le caractère significatif des similitudes des textes constitutionnels des États de l'Afrique subsaharienne francophone avec ceux des grandes démocraties contemporaines354. Cette pratique constitutionnelle a pu a tort être qualifiée à raison de « mimétisme » bien qu'il s'agisse là d'une vision réductrice des États africains355. Si la Constitution ivoirienne n'explicite pas dans son corpus la protection accordée à l'enfant, les mesures d'application législative et réglementaire viennent davantage préciser et renforcer ces droits.

354 SORO ( P.S-G.), L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone (Bénin-Côte d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes démocraties contemporaines (Allemagne-France), Thèse de doctorat en droit public, Université de Bordeaux, 2016, p.95.

355 DE GAUDUSSON (J.du B.), « Le mimétisme postcolonial, et après ? », Pouvoirs, La démocratie en Afrique, n°129, Seuil, Paris, 2009, pp.45-55, spéc. p.47.

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Section II : LES MESURES D'APPLICATION LEGISLATIVE ET REGLEMENTAIRE DES DROITS DE L'ENFANT

La loi, on le sait, est un acte du pouvoir législatif consistant à édicter des normes de conduite de nature générale et impersonnelle et dont la violation entraine, normalement, l'application de la sanction prévue. L'objet d'une loi est donc d'édicter des normes générales, impersonnelles et sanctionnatrices.

Les matières couvertes par la loi sont diverses. Il peut s'agir des matières civiles, des matières pénales ou commerciales. Il peut s'agir aussi des matières relatives au travail, à la sécurité sociale ou encore aux sûretés. Depuis un certain nombre d'années, à cause de la technique du renvoi constitutionnel, les droits de l'enfant, relèvent aujourd'hui également de la compétence du pouvoir législatif. La loi intervient, en effet, en matière de droits de l'enfant, soit pour donner effet à une disposition constitutionnelle trop générale, soit pour créer un droit nouveau ou une garantie nouvelle, soit encore pour en apporter des limitations nécessitées pour des besoins de la vie en société.

Dans la hiérarchie des sources internes du droit des droits de l'homme-enfant, la loi occupe la seconde place après la Constitution. C'est elle qui peut, dans le silence de la Constitution ou en cas d'obscurité de celle-ci, compléter ou clarifier certaines de ses dispositions.

Il en découle que, en guise de preuve, le titulaire du droit revendiqué devrait, en cas d'absence, de silence ou de lacune de la Constitution, recourir aux lois ou actes ayant force de loi pour asseoir le bien-fondé de ses allégations.

La Constitution ivoirienne de 2016 dispose, en son article 101, que « La loi fixe les règles concernant (...) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». La compétence est donc donnée au Parlement ivoirien pour voter des lois garantissant et régissant l'exercice des libertés publiques dont bénéficie chaque individu.

La Législation ivoirienne en faveur de l'enfance et ses droits, est éparpillée dans divers textes. Le législateur en conformité avec les textes internationaux des droits de l'enfant est conscient que « l'enfant en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin de protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d'une protection juridique

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appropriée avant comme après sa naissance »356. Cette protection se perçoit au triple niveau civil (Paragraphe 1), social (Paragraphe 2) et pénal (Paragraphe 3).

§ 1. UNE IMPORTANTE RECONNAISSANCE DES DROITS DE L'ENFANT AU NIVEAU CIVIL

Il existe en Côte d'Ivoire une diversité de lois civiles et sociales protégeant l'enfant. Nous examinerons les plus importantes à savoir les règles de déclaration des enfants (A) celles tenant à l'incapacité du mineur qui fait l'objet d'un encadrement juridique rigoureux (B) au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant , puis, nous analyserons le régime de protection du mineur non émancipé qui constitue un moyen de contrôle des droits parentaux à l'égard de leurs enfants (C).

A. UN ENCADREMENT JURIDIQUE DES REGLES DE DECLARATION DES NAISSANCES FONDEES SUR L'INTERET DES ENFANTS

L'encadrement juridique des règles de déclaration des naissances fondées sur l'intérêt des enfants se décline de diverses manières : L'obligation légale de déclaration et d'établissement d'actes de naissances donnée comme moyens d'individualisation et de protection des enfants (1) , les règles de suppléance en cas de perte de registre ou défaut d'actes de naissance(2), puis, les sanctions de l'inobservation des règles d'établissement des actes de naissances (3).

1. L'obligation légale de déclaration et d'établissement d'actes de naissances, moyens d'individualisation et de protection des enfants

Cette obligation est régie par la loi n° 64-374, relative à l'enregistrement des naissances, modifiées par la loi n° 83-799 adoptée en 1983. Il est fait obligation aux intéressés de déclarer les naissances à l'officier de l'état civil dans le délai de trois mois suivant l'accouchement357. Suivant les dispositions de l'article 43 de ladite loi, la déclaration est faite par le père ou la mère ou des parents proches, et ce afin d'éviter de recourir à la voie judiciaire. Il faut préciser que les personnes citées par l'article 43 sont tenus concurremment

356 Paragraphe 8 du préambule de la CIDE.

357 Article 41 loi 99-961 ; il était de 15 jours.

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et sans aucun ordre. L'acte doit contenir un certain nombre de mentions (année, mois, jour, heure et lieu de naissance, patronyme, prénoms, nationalité des parents, etc.).

La loi ivoirienne prévoit aussi les déclarations de naissance en cas de situations spéciales ; celles-ci concernent les enfants trouvés, les enfants déclarés sans vie et les naissances en mer.

La situation des enfants trouvés est régie par l'article 46 de la loi ivoirienne relative à l'état civil. Aux termes de cet article, il est fait obligation à une personne qui trouve un enfant nouveau- né de le déclarer à l'officier ou à l'agent de l'état civil du lieu de découverte. Si elle ne consent pas à se charger de l'enfant, elle doit le remettre (ainsi que ses vêtements et autres effets) à l'officier. Un procès-verbal est dressé pour constater cette situation, qui énoncera éventuellement l'âge apparent de l'enfant. Il faut noter que si l'acte de naissance vient à être retrouvé ou si sa naissance est judiciairement déclarée, le procès-verbal de découverte et l'acte provisoire de naissance sont annulés358.

Quant à l'article 48 de ladite loi, il a trait à la situation des enfants déclarés « sans vie ». Dans ce cas, la déclaration est inscrite à sa date sur le registre du décès et non sur celui des naissances. La déclaration mentionne seulement qu'il a été déclaré un enfant sans vie. Il en va différemment en France ; en effet, suivant la loi française du 08 Janvier 1993, lorsqu'un enfant est décédé avant la déclaration de naissance, l'officier établit un acte de naissance et un acte de décès sur production du certificat médical indiquant que l'enfant est né vivant et viable359.

La troisième et dernière situation spéciale concerne le cas des naissances en mer. En cas de naissance survenue pendant un voyage maritime, sur un bateau de nationalité ivoirienne, il en est dressé acte dans les 48 heures de l'accouchement sur la déclaration de la mère ou du père, s'il est à bord360.

Pour être antérieures aux textes internationaux pertinents en matière de droits de l'enfant, ces lois ivoiriennes organisant la déclaration des naissances sont conformes aux prévisions

358 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.123.

359 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.123.

360 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.124.

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des desdits textes. Toutes ces mesures légales relatives à la déclaration de naissance de l'enfant constituent à n'en point douter une affirmation d'une protection de l'enfant à travers les actes d'état civil, à l'instar des règles de suppléance en cas de perte de registre ou défaut d'actes de naissance.

2. Les règles de suppléance en cas de perte de registre ou de défaut d'actes de naissance

Le législateur ivoirien a prévu des règles dites de suppléance dans deux hypothèses bien déterminées : l'un en cas de perte ou de disparition des registres ; l'autre, en cas de défaut d'actes de l'état civil. Ces règles par cela seul, qu'elles permettent de reconstituer l'état civil de l'enfant, constituent à n'en point douter une forme de protection de ses droits eu égard à l'importance de l'acte d'état civil pour la jouissance de plusieurs autres droits reconnus à l'enfant.

Ces règles sont prévues aux articles 85 à 88 de la loi n° 64-374, relative à l'enregistrement des naissances. Soit un exemplaire du registre a disparu ou les deux exemplaires ont disparu. Que faire en pareilles hypothèses dans l'intérêt de l'enfant ?

Dans la première hypothèse, aux termes de l'article 85, le Procureur de la République prescrit au greffier de la section du tribunal ou du tribunal compétent de faire une copie de cet exemplaire sur un nouveau registre préalablement côté et paraphé par le président du tribunal361. Dans la deuxième hypothèse, il n'est plus possible de faire des copies, la seule solution consiste à reconstituer les actes en vue de leur transcription sur deux registres côtés et paraphés par le Président du tribunal. Pour ce faire, le Procureur de la République invite l'officier ou l'agent de l'état civil de la circonscription ou du centre secondaire à dresser un état, année par année, des personnes nées, mariées ou décédées pendant ce temps362. Après examen de l'état, le Procureur de la République requiert le tribunal compétent d'ordonner une enquête et toutes mesures de publicité opportunes. L'enquête est faite par un juge

361 Voir le cas de disparition des feuilles d'un registre de l'état civil : Section de trib de Katiola, jugt n°29 du 11/02/1993 ; Cndj/Rec CATBX 1997 n°2 , p.57 ; pour la condamnation d'un agent de l'état civil, pour faux commis à l'état, pour avoir détruit une feuille d'un registre concernant un enfant et la remplacer par un acte avec inscription d'un enfant jamais déclaré : TPI Bouaké jugt n° 1248 du 22/10/1996, CNDJ /Rec CATBX 1998 n°2 p225.

362 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.125.

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commis et un double de l'enquête est déposé au greffe du tribunal et au chef-lieu de la circonscription ou du centre secondaire où toute personne peut en prendre connaissance. Une fois l'instruction terminée, le tribunal, sur les conclusions du Procureur de la République, ordonne le rétablissement des actes dont l'existence a été constatée. Un seul jugement contient les actes d'une année entière pour chaque circonscription. Le jugement est transcrit sur deux registres côtés et paraphés363. Pour être une mesure spéciale, cette reconstitution des actes d'état civil a donc le mérite de permettre aux enfants de pouvoir disposer de leur actes de naissances afin de jouir éventuellement de tous leurs autres droits dont la jouissance requiert parfois, la présentation d'un acte de naissance.

Par ailleurs, en vue de la reconstitution des registres de l'état civil disparus ou détruits entièrement ou partiellement depuis la crise socio-politique ivoirienne, des dispositions spéciales ont été prises avec l'ordonnance n°2007-06 du 17 janvier 2007. Ces dispositions qui dérogent à celles prévues par la loi 64-374 du 07 octobre 1964, en ses articles 87 et 88, prévoient une procédure spéciale364 , après avoir créée une commission de reconstitution des registres. La reconstitution doit se faire dans un délai de quatre (4) mois365, à compter de la mise en place de la commission qui existe dans la ville d'Abidjan et dans chaque sous-préfecture. Cette ordonnance a été modifiée et complétée par une autre en date du 20 décembre 2007 qui étend le champ d'application de la procédure de reconstitution à toutes les commissions administratives du pays et indique que les commissions de reconstitution sont instituées dans chaque sous-préfecture ou dans chaque commune de la ville d'Abidjan366.

De plus, des lois correctives furent adoptées au lendemain de la crise post-électorale. Au nombre de celles-ci, figurent les mesures juridiques spéciales en matière de déclaration de naissances. Ainsi, l'ordonnance n° 2011-258 du 28 septembre 2011 relative à l'enregistrement des naissances et des décès survenus durant la crise apparait comme un correctif visant à régulariser la déclaration des naissances des enfants nés durant la crise

363 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.126.

364 Article 5l ordonnance n°2007-06 du 17 janvier 2007.

365 Voir décret 2007-du 20 décembre 2007 portant modalités d'application de l'ordonnance sus visée.

366 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.126.

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ivoirienne. Cette ordonnance est composée de trois articles. Aux termes de l'article 1er de ladite ordonnance, « les naissances ...survenus pendant la période allant du 20 septembre 2002 au 31 juillet 2011, dans les ex-zones Centre-Nord-Ouest, et du 30 novembre 2010 au 31 juillet 2011, sur le reste du territoire national, pourront être déclarés, nonobstant l'expiration des délais légaux ».

Quant à l'article 2, il fixe la limite de cette opération exceptionnelle dans le temps ; suivant cet article, « les déclarations sont reçues jusqu'au 30 juillet 2012, à compter de la promulgation de la présente ordonnance conformément aux lois et règlements sur l'état civil en vigueur. ». Cette ordonnance a été publiée en date du 28 septembre 2011 par le Président de la République, M. Alassane Dramane OUATTARA. L'article 3 précise que cette ordonnance sera publiée au journal officiel de la République de Côte d'Ivoire et exécutée comme loi de l'État. Toutefois, un amendement à cette ordonnance a été faite suivant une loi intervenue le 25 janvier 2013. La loi n° 2013635 du 25 janvier 2013 porte sur la modification de l'article 2 de l'ordonnance n°2011-258 du 28 septembre 2011 relative à l'enregistrement des naissances et les décès survenus durant la crise. Adoptée par l'Assemblée nationale, elle comporte seulement deux articles ; l'article principal, à savoir l'article premier, proroge l'enregistrement des naissances intervenues durant la crise ; ce faisant, cet article premier contient les dispositions de l'article 2 nouveau libellé comme suit : « Les déclarations sont reçues pendant un délai de 24 mois, à compter du 1er Aout 2012, conformément aux lois et règlements sur l'état civil en vigueur ». Ce qui signifie que cette loi fixe la fin de l'opération au 01er Aout 2014. Une telle décision ne peut qu'être saluée d'autant plus qu'elle a le mérite de permettre aux enfants n'ayant pas pu être déclarés durant la période de crise, d'être enregistrés sur les registres d'état civil. Les développements qui précèdent nous montrent l'attachement de l'Etat ivoirien à l'obligation internationale de veiller à la déclaration des naissances sur ton territoire. Mieux, ce souci est davantage réaffirmé à travers les sanctions attachées à l'inobservation des règles d'établissement des actes de naissance que prévoient les lois ivoiriennes.

3. Les sanctions de l'inobservation des règles d'établissement des actes de naissances

Les sanctions des irrégularités commises dans l'établissement des actes de naissance peuvent être regroupées en deux catégories selon qu'elle touche à l'état civil ou l'acte lui-

même. En réalité, on peut distinguer trois types de sanctions : la nullité des actes, leur rectification, pour ce qui concerne les actes eux-mêmes. En outre, l'officier peut être sanctionné. C'est dire qu'il peut voir sa responsabilité engagée dans l'établissement des actes.

- La responsabilité de l'officier de l'état civil

L'officier de l'état civil peut commettre des irrégularités dans la tenue des registres. Il peut s'agir d'une erreur grave dans la rédaction de l'acte ou d'une acceptation d'une déclaration mensongère367.

La responsabilité de l'officier de l'état civil est engagée à travers l'article 12 qui précise que les officiers sont responsables civilement, disciplinairement et pénalement des fautes et négligences commises à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions. Ainsi, en cas d'acceptation de déclaration mensongère, l'officier sera poursuivi pour faux en écriture publique. La responsabilité civile pourra également être engagée si son comportement a été préjudiciable à l'usager du service public, et ce sur la base de l'article 1382 du code civil. Enfin, en sa qualité de fonctionnaire ou d'agent de l'État, il pourra être traduit devant les instances disciplinaires et subir les sanctions prévues par le statut de la fonction publique. S'il s'agit d'un agent lié à la commune par un contrat de droit privé, c'est le code du travail qui s'applique368. Cette sanction tenant à la responsabilité de l'officier d'état civil, est protectrice pour l'enfant , d'autant plus qu'elle appelle les officiers d'état civil à plus de sérieux dans l'enregistrement des naissances ; elle peut donc permettre à titre préventif à l'officier d'enregistrer correctement et rigoureusement les déclarations de naissances , de sorte à éviter , d'être complice de fausses déclarations pouvant porter préjudice à l'enfant.

Toujours dans l'intérêt de l'enfant, une autre sanction prévue par le législateur consiste en l'annulation d'un acte jugé irrégulier.

- L'annulation de l'acte de naissance

Il s'agit de l'annulation de l'acte irrégulier, c'est-à-dire de la destruction rétroactive d'un acte dressé. Lorsqu'elle aboutit, la personne en cause est privée de moyen de prouver son

367 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.129.

368 Ibid..

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état369. Mais en la matière, le problème est de savoir si un acte peut être annulé aussi facilement, quand on constate que hormis les actes de mariage pour lesquels la loi prévoit des cas de nullité, le législateur est demeuré muet pour les autres actes. Or, il existe un principe essentiel en matière de nullité selon lequel il ne peut y avoir de nullité sans texte370.

En fait, il revient au juge du fond d'apprécier la gravité des irrégularités. Un large pouvoir est donc accordé au juge pour voir si les irrégularités en cause sont substantielles ou non pour entrainer l'annulation de l'acte. Il en va ainsi de l'acte dressé par une personne qui n'est pas investie des fonctions d'état civil ; peu importe que cet acte ait été régulièrement signé par la suite par l'officier compétent, notamment lorsque l'acte est reçu par le secrétaire général de mairie en l'absence du maire qui n'a pas eu connaissance de l'acte371. L'acte peut être régulier en la forme, mais les énonciations sont fausses ou sans objet372 . Il peut s'agir d'un acte qui a constaté une naissance imaginaire ou déjà déclarée373 . En revanche, les tribunaux peuvent refuser de prononcer la nullité lorsque l'irrégularité est moins grave : irrégularité portant sur l'indication du nom ou de l'âge si les erreurs n'ont pas pour but de mettre en doute l'identité de l'intéressé, acte dépourvu de la signature d'un déclarant.

369 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.129.

370 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.130. ; CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 10e édition mise à jour quadrige, PUF, 2014, p.694.

371 Civ. 27 mai 1952 : D 1953.125 S 1953. 1. 137.

372 Filiation portée en marge de l'acte de naissance sans qu'un jugement ne soit intervenu : TPI Gagnoa, jugt n°44 du 25 octobre 1996 : CNDJ/REC JP CATBX 1996 n° 1 p 5 ; pour un acte de naissance annulé, la naissance ayant été déclarée à l'officier de l'état civil compétent trois années plus tard, TPI Gagnoa jugt n°83 du 08/12/2004, mais après l'annulation le tribunal a décidé que le jugement tenait lieu d'acte de naissance et devait être transcrit sur le registre de l'état civil non pas de 2004, année du jugement mais de 1968, ce qui est critiquable ; pour une fausse déclaration : section de tribunal de Bongouanou, jugement n°825 du 27/07/1996 : CNDJ/ Rec CATBX 1996 n°2 p.134.

373 Naissance antérieurement déclarée à l'état civil, annulation du second extrait d'acte de naissance délivré : TPI DALOA, jugt n°86 du 11/11/2005, inédit ; dans le même sens, TPI Bouaflé, jugt n°78 du 09/06/2005, inédit.

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- La rectification de l'acte de l'état civil

Il s'agit d'une autre Il s'agit d'une autre sanction des irrégularités touchant les actes. Elle consiste à corriger les erreurs ou omissions commises par l'officier dans la rédaction d'un acte de l'état civil. La rectification permet d'atténuer l'effet des nullités. Tel est le cas par exemple de l'omission du nom d'une personne. La loi ivoirienne prévoit deux sortes de rectification : l'une judiciaire et l'autre administrative.

Considérant la rectification judiciaire, notons que l'intervention du législateur s'explique par le fait qu'on veut empêcher les changements frauduleux. La rectification judiciaire est ouverte lorsque l'erreur ou l'omission est grave. C'est notamment le cas lorsque l'acte de l'état civil est incomplet, surabondant ou inexact. Il faut ajouter la question du changement d'état374 ou du transsexualisme375 qui ne sera pas abordé vu que le juge ivoirien ne semble pas encore avoir été saisi d'une telle question.

L'acte est incomplet lorsqu'il a omis des indications essentielles, c'est-à-dire celles qu'il devrait contenir (date ou lieu de naissance...). La rectification consistera dans l'addition des mentions manquantes376 .

374 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.131.

375 Mais elle se pose en droit français. D'abord, le juge français a refusé de recevoir les actions en rectification de l'acte de l'état civil estimant qu'en pareille hypothèse, il s'agit d'une question d'état et qu'on ne peut utiliser l'action en rectification pour changer de vie (Voir Tribunal civ Seine 18 janvier 1965 J.C.P, 1965, II , 14 421 ; civ.10 mai 1989.D.1989, IR.171 ; civ.21 mai1990. J.C.P 1990, II, 21.588.).

« En dépit des opérations auxquelles elle s'était soumise, Nadine S. n'étant pas de sexe masculin ». Cf. civ, 30 nov 1983. D. 1984. 165 « même après le traitement hormonal et l'intervention chirugicale auxquels il s'est soumis., Norbert B..continue de présenter les caractéristiques d'un sujet de sexe masculin » Civ.31 mars 1987, D.1987.445 ; J.C.P 1988 II 21 000. Civ 7 juin 1988 Bull civ. I. N° 176p.122. Gaz. Pal. 1989. 1. 417 ; J.C.P. 1989 IV 286). La cour de cassation a donc refusé de prendre en compte le phénomène transsexuel.

Mais cela n'excluait pas la possibilité pour le transsexuel d'obtenir un changement de prénom pour un motif légitime ( Civ, 21 mai 1990, 4e arrêt. J.C.P 1990. II.21 588).

Ensuite, condamnée en 1992 par la Cour européenne des droits de l'homme pour violation du droit à la vie privée, et donc atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation s'est alignée en décidant que « lorsque à la suite d'un traitement médico-chirurgical, subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son l'autre sexe auquel correspond son comportement social, le principe du respect dû à la vie privée justifie que son état civil indique désormais le sexe dont elle a l'apparence, le principe de l'indisponibilité de l'état des personnes ne faisant pas obstacle à une telle modification » (Ass. Plen., 11 déc 1992. 2 arrêts, J.C.P 1993. II. 21 991).

376 CAA arrêt n°108 du 18 février 1977 préc ; TPI Daloa, jugt n°191 du 16/12/1994 : cndj/Rec CATBX 1998 n°1 p 97, pour une omission du patronyme ; TPI Bouaké jugt n°190 du 10/04 /1992 : cndj/Rec CATBX 1998, n°4 p 67 ; TPI Man,jugt n°160 du 28 /10 /1994, pour une adjonction de patronyme omis ; Pour la rectification

162

L'acte est surabondant lorsque l'acte contient des énonciations non réglementaires, voire prohibées. Il en va ainsi de l'indication des circonstances de la naissance sur un acte de naissance ; la rectification aura pour but de supprimer ici les mentions surabondantes377.

L'acte peut aussi contenir des énonciations inexactes. En l'espèce, il peut s'agir d'un nom orthographié sans la particule, des indications erronées sur le sexe de l'enfant, la date ou le lieu de naissance ou encore d'un nom mal orthographié. La rectification a pour but de corriger l'inexactitude378 .

Aux termes de l'article 78 de la loi relative à l'état civil, la requête en rectification peut être présentée par toute personne intéressée ou par le procureur de la République. Il faut souligner que lorsque l'erreur ou l'omission porte sur une indication essentielle, le Procureur doit agir d'office. Dans l'hypothèse où la requête n'émane pas de lui, elle doit lui être communiquée379. La rectification est ordonnée par le Président du tribunal ou le juge de la section de tribunal dans le ressort duquel l'acte a été dressé ou transcrit. S'il s'agit de la rectification d'un jugement déclaratif ou supplétif d'acte de l'état civil, compétence est dévolue au tribunal qui a rendu le jugement380.

Comme on le voit, le législateur ivoirien, a adopté, au nom du principe cardinal tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant, diverses lois de nature civile en vue de protéger les droits de

d'un patronyme qui créerait une confusion : le tribunal a débouté le demandeur, car l'enfant porte le nom patronymique de son père, TPI Gagnoa, jugt n°12 du 20/04/2005, inédit ; pour l'annulation d'un nom et l'adjonction de prénoms, le nom ne permettant pas d'établir la filiation entre l'enfant et son père géniteur : TPI Abengourou, jugt n°226 du 26/07/1995, CNDJ/ Rec JP CATBX n°3 /1999, p 186).

377 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.131.

378 CAA,arrêt n°108 du 18 février 1977 : RID 1978 n° 3-4 ,p 5, où le patronyme a été rectifié en lui adjoignant la particule omise ; Section Trib Dimbokro, jugt n° 15 du 05/02/1997 : cndj/Rec CATBX 1998 n°2 p 239, pour une fausse déclaration, l'enfant ayant été déclaré sous le nom de son oncle-dans le sens, enfant déclaré sous le nom du frère de la mère en l'absence du père : TPI Bouaflé ,jugt n°84 du 16/06/2005, inédit ; voir également Rec cndj/1999 n°2 p 196 pour une substitution de nom ; Section de trib Bouaflé, jugt n°46 du 24 /04/1996 : cndj 1999 n°2 P 172, Section de Trib de Sassandra, jugt n°08 du 17/01/1996, pour une erreur sur le prénom ; pour une substitution du nom de la mère : TPI Daloa,jugt n°109 du 13/08/1997, CNDJ/Rec CATBX 1997 n°1 P 185 ; orthographe du nom de la mère, TPI Gagnoa, jugt n°12 du 20/04 /2005 Préc ; pour une rectification du nom de « jeunesse »du père : Section de Trib de Dabou, jugt n°05 du 18/01/2000, inédit. Voir également Sect Trib Sassandra, pour une rectification du nom du père après avoir été converti à l'islam, jugt n°183 du 03 /09/2003, inédit ou nom donné par le père très attaché à l'islam : TPI Bouaflé jugt n°140 du 24/11/2005, inédit ; Pour patronyme mal orthographié, TPI Gagnoa, jugt n°3 du 02/06/2004, inédit.

379 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.132.

380 Ibid.

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l'enfant, notamment ceux touchant à l'état civil. Cette volonté du législateur ivoirien au niveau de la protection civile touche aussi la question de l'incapacité du mineur qui fait l'objet d'un encadrement juridique rigoureux.

B. UN ENCADREMENT JURIDIQUE RIGOUREUX DE L'INCAPACITE DU MINEUR DANS L'INTERET DE L'ENFANT

L'incapacité juridique frappant le mineur non émancipé est une incapacité générale d'exercice qui connait des exceptions. Elle a été rigoureusement encadrée à travers des lois dans l'intérêt de l'enfant. La protection qu'elle accorde à l'enfant est perceptible tant au niveau de son étendue (1) que des sanctions prévues en cas de non-respect des différentes incapacités (2).

1. L'étendue de l'incapacité du mineur

L'étendue de l'incapacité est fixée par l'article 27 de la loi sur la minorité. Aux termes de cet article, « le mineur non émancipé est incapable de contracter ». Cette incapacité concerne tant les actes juridiques que les actions en justice ; les faits juridiques en sont donc exclus381.

Le mineur non émancipé ne peut conclure d'actes juridiques, c'est-à-dire des actes résultant d'une manifestation de volontés produisant des effets de droit. Ainsi, le mineur non émancipé ne peut par exemple, ni conclure le contrat de donation, ni rédiger de testament. Par cette interdiction, le législateur veut protéger le mineur qui manque de maturité, de discernement382.

Quant aux actions en justice, notons qu'aux termes de l'article 29 de la loi sur la minorité, « le mineur ne peut agir ou défendre en personne qu'assisté de son représentant légal dans toutes les instances ayant le même objet ». Il apparait que le mineur non émancipé ne peut agir sans l'aide de son représentant qui agit en son nom et pour son compte. C'est le représentant donc qui peut ester en justice.

381 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.147.

382 Ibid.

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Les faits juridiques donnés comme tout événement indépendant de la volonté, mais susceptibles de produire des effets de droits sont exclus de l'étendue de cette incapacité du mineur en droit ivoirien. Cela dit, une question mérite d'être posée : qu'en est-il par exemple, lorsque le mineur renverse quelqu'un avec son vélo ? Autrement dit, le mineur peut-il être tenu pour responsable ? L'intérêt de la question réside dans le fait qu'une distinction était opérée par la jurisprudence. En effet, avant la loi de 1970, une distinction était opérée entre le mineur capable de discernement et donc doué de raison, et le mineur qui n'a pas cette capacité. Il s'agit du mineur âgé de 0 à 7 ans, qui est appelé l'infans. Incapable de discernement, ce mineur est considéré par la jurisprudence comme irresponsable. Ce sont les parents qui répondaient de leurs faits. En revanche, les enfants âgés de plus de 7 ans étaient capables de discernement, et répondaient par conséquent de leurs faits. Ainsi, ceux-ci pouvaient engager leur responsabilité personnelle, en plus de celle de leurs parents383.

Avec la loi de 1970 sur la minorité, la distinction n'a plus lieu d'être en ce sens qu'aux termes de l'article 32 «le mineur engage son patrimoine par ses délits, ses quasi-délits, et son enrichissement sans cause ». Ainsi désormais, tout enfant, tout mineur répond de tous ses faits ; il est responsable de ses faits384.

Cette responsabilité civile personnelle du mineur peut s'ajouter à celle des parents sur la base de l'article 1384 alinéa 3 du code civil385. Il s'agit de la responsabilité du parent qui exerce la puissance paternelle. En effet, la responsabilité prévue par l'article 1384 alinéa 3 n'est pas une responsabilité solidaire des parents, mais celle du père investi de la puissance paternelle sur la personne de son enfant mineur vivant avec eux. Celle de la mère n'est envisagée qu'en cas de décès du mari. Elle n'est donc pas solidaire386. Aussi est-il important

383 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.147.

384 Ibid.

385 Section Trib Katiola, jugt n°6 du 5/03/1987, in cndj/Rec CATBX 1996 n°2 p4, dans lequel le tribunal a retenu la responsabilité du père en raison du fait dommageable de l'enfant mineur au moment où l'enfant se trouvait chez sa mère, sur la base de la présomption de l'exercice des droits de la puissance paternelle par le père ; voir également, Cass civ 24/04/1989 bull civ n°89.

386 Dans ce sens, CS ch jud form civ arrêt n°344 du 16 /06/2005 : CNDJ / Rec CS ch jud form civ 2006/n°2.

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de souligner que la rédaction de l'article 32 n'ouvre pas la voie à la distinction entre l'infans et les mineurs doués de raison387.

Toutefois, l'incapacité générale d'exercice frappant le mineur non émancipé est assortie d'exceptions. Ces exceptions constituent une sorte de capacité d'exception et concernent les actes que le mineur non émancipé peut faire lui-même. Il s'agit des actes concernant la personne même du mineur et de ceux relatifs au patrimoine. Il faudrait cependant s'interroger sur les actes de la vie courante.

Considérant les actes touchant à la personne du mineur non émancipé, notons que les actes visés sont ceux qui excluent la représentation du mineur non émancipé. La représentation aurait signifié que le mineur était frappé d'une incapacité absolue de jouissance. Les exceptions sont prévues par l'article 29 de la loi aux termes duquel « les actes qui intéressent personnellement le mineur, ne peuvent être conclus qu'avec son consentement ». Il s'agit des actes concernant notamment l'état du mineur. Mais, il faut que le mineur soit âgé de plus de 16 ans. Il en va ainsi :

- Du mariage : le mineur se marie seul, sans le consentement de son représentant légal. Mais la loi exige en plus de son consentement, celui de ses parents388 ;

- De l'adoption : le mineur âgé de plus de 16 ans doit consentir personnellement à son adoption389 ;

- De la reconnaissance d'enfant naturel : le mineur peut reconnaitre tout seul son enfant ;

- De l'action en recherche de paternité390.

Comme on le voit, ces règles gouvernant l'état du mineur, bien qu'excluant les enfants de moins de 16 ans, donnent la possibilité aux enfants de plus de 16 ans, d'exprimer leur point de vue dans les différents domaines susvisés. Ce faisant, elles sont en phase avec la CIDE qui postule la prise en compte du point de vue de l'enfant.

387 Contra, voir Mme TANO (Y.), Le mineur en droit ivoirien, Thèse de doctorat d'Etat, 1982, p.163 ; lire également l'article du Professeur KACOU (A.C.), Le mineur et la responsabilité délictuelle en droit ivoirien, Annales de l'Université d'Abidjan, DROIT.T.VIII.1988, p 47.

388 Article 5 loi relative au mariage.

389 Article 6 loi relative à l'adoption.

390 Cf. article 26 qui précise que la mère, même mineure, peut intenter seule l'action.

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Quant aux actes touchant le patrimoine du mineur non émancipé, il s'agit essentiellement du contrat de travail, des actes conservatoires et des actes visés par l'article 33. Aux termes de l'article 31, le mineur peut conclure lui-même son contrat de travail. Toutefois, une distinction doit être opérée. Il conclut son contrat de travail et le rompt avec l'assistance de son représentant légal à partir de 16 ans391. A partir de 18 ans, il peut conclure et rompre seul son contrat de travail. Il en résulte qu'entre 16 et 18 ans, la conclusion du contrat de travail se fait avec l'assistance du représentant légal en droit ivoirien392.

S'agissant des actes conservatoires, ils concernent l'ensemble des actes qui ont pour but d'éviter au patrimoine une perte imminente. Ce sont des actes qui sont donc utiles et qui n'engagent en principe aucune dépense. L'article 30 précise que le mineur peut accomplir seul tous ces actes393.

A ces actes susvisés, se greffent ceux prévus à l'article 33. En effet, aux termes de l'article 33 « l'acte accompli par le mineur non émancipé est valable si cet acte est de ceux que son représentant légal aurait pu lui-même faire seul ». Mais de quel acte s'agit-il ? S'il ne se pose pas de problème pour les actes conservatoires, il n'en va plus de même pour les actes d'administration que le représentant légal peut faire seul, sans autorisation ni formalités. L'acte d'administration est un acte de gestion courante du patrimoine du mineur non émancipé. Ces actes faits par le mineur ne peuvent être attaqués s'ils n'entrainent pour lui aucun préjudice. Il en va ainsi par exemple du recouvrement d'une créance ou de la location d'une maison. En tout état de cause, il faut distinguer l'acte d'administration de l'acte de disposition.

Les actes de la vie courante ou autorisés par l'usage constituent aussi une exception à l'incapacité générale d'exercice du mineur non émancipé. Ici, la question se pose de savoir si le mineur peut accomplir les actes de toujours ou pour lesquels il est d'usage qu'un mineur de son âge agisse seul. Il s'agit en fait des actes de la vie courante dont la passation s'avère

391 Il peut adhérer à un syndicat sauf opposition de son représentant légal. Voir article 51.7.c.travail.

392 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.149.

393 Ibid.

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parfois nécessaire394. Tels sont les cas de l'achat de pain, de ticket de bus de transport ou encore achat d'ouvrages, etc395.

L'intérêt de la question réside dans le fait que le législateur ivoirien, contrairement à son homologue français, ait passé sous silence le problème. En effet, en droit français, la faculté d'accomplir les actes de la vie courante a été expressément reconnue au mineur non émancipé396. Cette faculté est également reconnue aux mineurs non émancipés en droit sénégalais397. En droit ivoirien, au contraire, la loi sur la minorité ne fait aucunement pas allusion aux actes de la vie courante. Cependant, la faculté qu'on pourrait reconnaitre au mineur non émancipé peut juridiquement trouver son fondement dans les dispositions de l'article 33, selon lesquelles « tous les actes accomplis par le mineur non émancipé sont valables si ces actes sont de ceux que son représentant légal aurait pu faire lui-même seul ». Ce qui reviendrait à assimiler les actes de la vie courante aux actes d'administration. En droit français, pour la validité de la location d'une automobile par un mineur titulaire du permis de conduire et disposant des fonds nécessaires au dépôt de garantie, « le contrat de location de voiture ne peut être attaqué pour incapacité, mais seulement pour lésion »398 . Ce qui veut dire que cet acte fait partie de ceux que l'administrateur peut passer seul. Par conséquent, le mineur peut le passer. En revanche, l'achat d'une automobile par un mineur sans l'autorisation de ses parents est nul399.

Au total, il apparait qu'avec toutes ces exceptions, en Côte d'Ivoire, le champ d'application des incapacités de l'enfant est réduit. Ce sont les actes accomplis dans cette sphère qui seront frappés de sanction, et ce dans l'intérêt de l'enfant.

394 Sur la question, voir MONTANIER (J.C), Les actes de la vie courante en matière d'incapacité, Sem-jur.1982.I.3076.

395 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.149.

396 Cf. arts 389 et 450. C. civ.

397 Cf. art 174 al3. Code de la famille.

398 Civ. 04 nov 1970.D.1971.186; sem-jur, 1971, II,16631 ; RTD civ 1971.613.

399 Civ. 9 mai 1972. Gaz Pal 1972,2.871.

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2. Les sanctions de l'incapacité du mineur, un régime juridique favorable à l'enfant

La sanction frappant l'acte accompli en violation de l'incapacité du mineur est normalement la nullité dudit acte. Mais dans certains cas, le législateur ivoirien a prévu la rescision pour lésion.

La nullité comme sanction des actes accomplis en violation de l'incapacité est prévue par les articles 33 et suivants de la loi. En effet, après avoir posé le principe de la validité des actes accomplis par le mineur non émancipé, l'article 33 in fine précise que de tels actes sont nuls de plein droit s'ils sont de ceux que le représentant légal n'aurait pu faire qu'avec une autorisation. Il s'agit d'une nullité relative, c'est-à-dire que seul le mineur peut agir en nullité. Ainsi, durant la minorité, l'action appartient au représentant légal et vise la protection d'intérêt particulier. Les dispositions de l'article 34 alinéa 2 refusent au contractant la possibilité d'opposer l'incapacité du mineur avec qui il a contracté400.

Lorsque l'action aboutit, l'acte disparait de façon rétroactive, et les parties doivent être remises en l'état. Cependant, une exception existe en ce qui concerne le mineur non émancipé. En effet, aux termes de l'article 37, « lorsque l'action en nullité a été déclaré fondée, le mineur n'est tenu au remboursement de ce qui lui a été payé que s'il est prouvé que ce paiement a tourné à son profit », preuve qui n'est pas toujours facile à rapporter. Ce qui conforte le régime de la nullité dont l'objectif est la protection de l'enfant, à l'instar de la sanction tenant à la rescision pour lésion401.

Lorsque le mineur, agissant seul, a fait un acte que le tuteur aurait pu faire sans formalités, c'est-à-dire sans l'autorisation du conseil de famille, par exemple, l'acte accompli n'est pas nécessairement nul402. Il n'en serait autrement que si le mineur a subi une lésion. C'est ce que prévoit l'article 33 alinéa 2, sauf si la lésion résulte d'un événement imprévu. En effet, aux termes de cet article, les actes passés par le mineur sont rescindables en faveur du mineur, pour cause de lésion. Il s'agit des actes qui rentrent dans les pouvoirs d'administration du représentant légal, et qui ont été accomplis par le mineur seul, sans avoir été représenté ou assisté. Il en va ainsi en matière de commande de vêtement, de location, de

400 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.151.

401 Ibid.

402 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.151.

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logement. Dans ces cas, la sanction consiste dans la rescision. L'acte est entaché certes de nullité, mais il ne pourra être attaqué que s'il est prouvé qu'il a causé une lésion au mineur. La lésion est le préjudice (pécuniaire) résultant du contrat au moment où celui-ci a été passé. La preuve consiste à démontrer que le cocontractant a abusé de l'inexpérience du mineur et lui a imposé des conditions onéreuses403. Ainsi, dans la vie courante, les tiers peuvent contracter avec les mineurs sans s'inquiéter de leur minorité, dès lors qu'il s'agit d'actes peu importants et qu'ils n'abusent pas de leur inexpérience404.

Une autre forme de reconnaissance juridique de la protection accordée à l'enfant réside dans le régime de protection du mineur non émancipé, qui apparaît incontestablement comme un levier d'encadrement juridique des droits parentaux à l'égard de leurs enfants.

C. LE REGIME DE PROTECTION DU MINEUR NON EMANCIPE, UN MOYEN DE CONTROLE DES DROITS PARENTAUX A L'EGARD DE LEURS ENFANTS

La protection du mineur non émancipé se fait à travers le système de représentation. Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, la loi ivoirienne prévoit deux modes de représentation. D'une part, la représentation par les parents à savoir la puissance paternelle remplacée depuis 2012 par l'autorité parentale ; et d'autre part, la représentation par le tuteur, la tutelle lorsque les père et mère sont décédés ou empêchés ou dans l'impossibilité d'exercer les droits de la l'autorité parentale.

403 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.151-152.

404 Voir civ. 18 juin 1844 : D.P. 1844, 1. 123 ; Gds Arrêts n° 67- Paris, 10 juin 1964 : sem jur 1965 II, 13980.

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1. La substitution de l'autorité parentale à la puissance paternelle

Pendant longtemps, en Côte d'Ivoire, le droit de la famille a organisé la protection de l'enfant sous le prisme de la puissance paternelle. L'instauration de l'autorité parentale en lieu place de la puissance paternelle s'est faite récemment en 2012. Il importe donc de dire quelques mots sur le passage de la puissance paternelle à l'autorité parentale affirmée dans la nouvelle loi n°2013-33- du 25 janvier 2013 portant abrogation l'article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n°64-375 du 07 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n° 83-800 du 02 Août 1983.

La puissance paternelle se présente comme l'ensemble des droits que la loi accorde aux père et mère sur la personne et sur les biens de leurs enfants, mineurs et non émancipés405. C'est une institution qui est commune à la famille légitime, à la famille naturelle et à la famille adoptive. Elle présente un certain nombre de caractéristiques : la puissance paternelle appartient au père et à la mère, mais non aux ascendants ; elle prend fin à la majorité de l'enfant ou avec son émancipation ; elle est d'ordre public, c'est-à-dire qu'elle échappe à la volonté des intéressés et est par conséquent hors du commerce. Celui qui la détient ne peut y renoncer ou la céder en totalité dans ses attributs406. Une éventuelle cession, notamment celle tendant à limiter ou à modifier l'exercice de la puissance paternelle serait frappée de nullité. Dans la même veine, toute convention par laquelle un mari, séparé de fait de sa femme, autorise celle-ci à s'occuper exclusivement des enfants communs fut frappé de nullité407 . La puissance paternelle est un droit aménagé dans l'intérêt des enfants, et non dans celui de son détenteur. Dans certains Etats, on parle plutôt d'autorité parentale. C'est cette appellation qui est aussi utilisée en droit burkinabè408, comme en droit congolais409 et français. Le droit burkinabé exprime cela avec une remarquable formulation. Ainsi, il est précisé à l'article 510 du CPF burkinabè que l'autorité parentale a pour but d'assurer la

405 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e édition mise à jour, Quadrige, PUF, 2014, p.830.

406 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.152.

407 Paris, 25 avril 1913 : S.1914, 2.40 ; renonciation au droit de visite : T.G.II. RIOM, 27 sept 1967 : D.1967.743 ; l'incessibilité du droit de garde ; Paris, 5 mai 1955 : D.1955, 638.

408 Voir chapitre III du titre V du CPF.

409 Voir chapitre 1er du titre X du CF intitulé « De l'autorité des père et mère ».

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sécurité de l'enfant, sa santé, son plein épanouissement et sa moralité. C'est donc un pouvoir de protection des enfants et les prérogatives reconnues aux détenteurs ne sont que la contrepartie des devoirs et de la responsabilité que leur impose le fait de la procréation. Le détenteur est assujetti à un contrôle et peut être déchu. C'est dire qu'elle n'est pas intangible. Le détenteur de la puissance paternelle a le devoir d'user de ses prérogatives dans l'intérêt supérieur de l'enfant410. En droit français, on ne parle plus depuis une loi de 1970 de puissance paternelle, mais d'autorité parentale pour montrer d'une part, que les rapports des père et mère avec l'enfant cessent d'être conçus comme un pouvoir de domination sur la personne : Elle apparait comme une autorité conférée aux parents pour protéger l'enfant ; d'autre part, on affirme que l'autorité est exercée au même titre et de concert par le père et la mère. Il s'agit d'une proclamation de l'égalité des parents411.

Le législateur ivoirien a opéré une réforme de sa législation en 2012 afin d'instaurer l'autorité parentale en lieu et place de la puissance paternelle. Le débat parlementaire sur de nouveaux textes de loi modifiant le code de la famille dans un sens favorable aux droits des femmes a été particulièrement agité en Côte d'Ivoire. La fin du "chef de famille", en particulier, a eu bien du mal à passer412.

Le 21 novembre 2012, le parlement ivoirien a finalement voté de nouveaux textes de lois portant sur la modification du Code de la famille. Modifications qui, selon l'exposé des motifs du gouvernement, visaient à mettre en adéquation le droit ivoirien et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes des Nations-unies, ratifiée par le pays en 1995. Les changements et le vote de cette loi ne se sont pas faits sans débats entre pro et anti militants de la réforme au sein de l'Assemblée nationale. Il s'agit de ceux qui pensent que les priorités sont ailleurs, à l'instar de la députée Yasmina OUEGNIN, qui justifie son « non » à la loi en ces termes : « d'innombrables textes ont été votés depuis notre indépendance en faveur de la protection de la femme et de l'enfant (...) sans la production du moindre effet notable (...) Il me paraît donc plus important et urgent

410 Voir DONNIER, L'intérêt de l'enfant, D.1956, chr, 179.

411 Sur la loi de 1970, voir COLOMBET (C.), commentaire de la loi du 4 juin 1970 sur l'autorité parentale, D.1971, chron.1. GOBERT (M.), L'enfant et les adultes, Sem jur 1971, I.2421.

412 http://www.jeuneafrique.com/173177/politique/c-te-d-ivoire-qu-est-ce-qui-change-dans-le-code-de-la-
famille/ ( 02/05/2017).

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de commencer par donner du sens à ces acquis en invitant l'exécutif à appliquer rigoureusement les lois déjà adoptées »413.

Malgré ces oppositions, cette loi a finalement été votée le 21 novembre par une écrasante majorité de députés (213 voix pour, 10 contre et 6 abstentions)414. Qu'est-ce qui a vraiment changé dans le fond ?

Quelles sont les modifications apportées par les nouvelles lois ? Un article de la loi n°64375 du 07 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n° 83-800 du 02 Août 1983 abrogé (article 53), quatre modifiés (58, 59, 60 et 67). Dans son exposé des motifs, le gouvernement ivoirien justifie ces changements par la volonté de « consacrer » le principe de l'égalité entre les sexes et de renforcer « l'autonomisation des femmes ». L'article 53 qui stipulait que « l'homme et la femme [contribuaient] aux charges du mariage en proportions de leur facultés respectives » a été purement et simplement abrogé. Et si dans son ancienne version, l'essentiel des charges du foyer pesaient sur le mari, la nouvelle version de la loi, en son article 59, répartit les dépenses entre les deux conjoints.

De même, le domicile conjugal doit désormais être choisi d'un commun accord (article 60 nouveau), alors que dans l'ancien code, la décision du lieu de résidence revenait à l'époux. L'article 67 stipule désormais que « chacun des époux a le droit d'exercer la profession de son choix, à moins qu'il ne soit judiciairement établi que l'exercice de cette profession est contraire à l'intérêt de la famille ». Dans sa version antérieure, l'article ne mentionnait que la femme, ouvrant la porte à de multiples interprétations, comme celle disant qu'elle avait besoin de l'accord de son époux pour exercer une activité professionnelle.

Mais, le principal point de discorde réside au niveau de l'article 58 de l'ancien code civil ivoirien. L'article 58 ancien du Code civil ivoirien dispose de façon directe et claire, que l'homme est le chef de la famille. Et à ce titre, il exerce cette fonction, dans l'intérêt commun du ménage et enfants. Il est évident que la formulation ancienne du Code civil ivoirien, qui était identique à l'actuelle disposition du Code civil d'un autre pays africain, le Cameroun, et selon lequel, à son article 213, le mari est considéré comme étant le chef de la famille,

413 http://www.jeuneafrique.com/173177/politique/c-te-d-ivoire-qu-est-ce-qui-change-dans-le-code-de-la-

famille/ (consulté le 25/02/2016)

414 http://www.jeuneafrique.com/173177/politique/c-te-d-ivoire-qu-est-ce-qui-change-dans-le-code-de-la-famille/ (consulté le 25/02/2016)

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consacrait la conception paternaliste du mariage, et du foyer conjugal, dirigé par l'homme et dans lequel, la femme n'a qu'un rôle d'assistance et de soutien, de participation aux charges du ménage dans la limite de ses capacités, sans obligation, puisque l'obligation repose sur le mari. Désormais, la nouvelle mouture énonce que : « la famille est gérée conjointement par les époux, dans l'intérêt du ménage et des enfants ».

Dans la forme, lors d'un mariage civil, le maire ne commencera plus de cérémonie par le traditionnel « l'homme est le chef de famille ». Dans le fond, si la nouvelle loi donne les mêmes droits aux deux époux, elle leur donne aussi les mêmes devoirs. Par exemple, l'homme peut maintenant contraindre son épouse à contribuer aux frais du ménage par voie de justice, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Dans les faits, le Code de la famille ne fait que s'adapter à l'évolution de la vie quotidienne de l'Ivoirien urbain car, avant le vote de cette loi, les femmes contribuaient déjà aux charges de la famille. Leur donner des droits équivalents à ceux des hommes, c'est simplement légaliser une pratique déjà existante.

Mieux, la nouvelle Constitution ivoirienne de 2016, en son article 31, vient consacrer explicitement l'autorité parentale en ces termes : « La famille constitue la cellule de base de la société. L'Etat assure sa protection. L'autorité parentale est exercée par les père et mère ou à défaut, par toute autre personne conformément à la loi. ».

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs reconnus aux parents en vertu de la loi, relativement à la personne de leur enfant.

Il ressort que la nouvelle formulation du législateur ivoirien change la donne. Désormais, le mari n'aura plus le titre de chef. Ce qui, de facto, équivaut à un partage de l'exercice de l'autorité parentale à part égale au sein du foyer. De plus, la nouvelle formulation entraine de facto et de jure, une codirection morale et matérielle de la famille, puisque celle-ci est conjointement dirigée par les époux. De manière plus précise, une codirection entraine un meilleur équilibre juridique dans les décisions du ménage. Elle entraine aussi deux visions, qui, en cas de désaccord du fait de la différence des époux par le fait de leur éducation, religion, personnalité, origine, pourrait transformer le couple, plus en lieu de désorientation qu'en un havre de paix et d'épanouissement, tant de la femme que des enfants, qui est l'objectif du législateur ivoirien.

Mais comment s'opère en Côte d'Ivoire le contrôle des droits reconnus aux parents dans l'intérêt de l'enfant ?

2. Du contrôle à la déchéance de l'autorité parentale, une mesure de protection de l'enfant

Pour assurer la protection de l'enfant, le législateur ivoirien a prévu des mesures de contrôle et de déchéance dans l'exercice de l'autorité parentale.

- Le contrôle de l'autorité parentale

Le législateur prévoit des modalités de contrôle à travers les mesures d'assistance éducative et la délégation de l'autorité parentale.

Les mesures d'assistance éducative sont des mesures dont peuvent faire l'objet des mineurs, soit de leur fait, ou celui des parents415. Ce qui signifie que l'assistance éducative intervient dans des cas énumérés par la loi. C'est ainsi, qu'en ce qui concerne le mineur lui-même, les mesures peuvent être prises lorsqu'ils sont d'une inconduite ou d'une indiscipline donnant aux parents ou aux personnes investies du droit de garde des sujets de mécontentement très graves416. C'est par exemple le cas du mineur qui se drogue.

Du côté des parents, il est question de l'immoralité ou de l'incapacité des pères et mère de la personne investie du droit de garde qui compromet la santé, la sécurité ou l'éducation de l'enfant. C'est l'exemple du père alcoolique ou de la mère prostituée. Les mesures sont décidées par le juge des tutelles qualifiée ou d'organismes spécialisés417.

En tout état de cause, ces mesures ne mettent pas fin à l'autorité parentale, et les parents doivent continuer à entretenir le mineur.

Quant à la délégation des droits de l'autorité parentale, c'est le fait pour les parents titulaires de l'autorité parentale de se dessaisir ou d'être dessaisi en faveur d'un tiers. Elle peut être volontaire ou judiciaire418.

415 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 10e édition mise à jour, Quadrige, PUF,2014, p.93 ; BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.160.

416 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.160-161.

417 Article 11 de la loi ivoirienne sur la minorité.

418 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.161.

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La délégation volontaire résulte de la volonté de ceux qui exercent l'autorité parentale de la déléguer à un tiers, qui doit être capable. La délégation est temporaire et elle s'opère par déclaration conjointe des parties intéressées qui sont reçues par le juge des tutelles. C'est dire que la délégation volontaire se fait devant le juge des tutelles. Elle prend fin à l'expiration du délai convenu419.

Pendant sa durée, les droits et obligations relatifs tant à la garde du mineur qu'à son instruction, son éducation et sa surveillance passent au délégataire. Mais il faut souligner que tout doit se faire dans l'intérêt de l'enfant. Les parties doivent déterminer l'étendue des droits et obligations délégués.

Quant à la délégation judiciaire, elle est ordonnée par le juge et vise le mineur recueilli par une personne et qui n'a pas fait l'objet de réclamation depuis 3 mois. Bien entendu, cela suppose que cet enfant recueilli ait fait l'objet d'une déclaration régulière du juge des tutelles420, par celui qui l'a trouvé.

Dans les deux cas, les parents ou le tuteur peuvent demander au juge des tutelles que le mineur leur soit rendu421; c'est dire que la délégation (volontaire ou judiciaire) a un caractère provisoire.

- La déchéance de l'autorité parentale et le retrait des droits : des garanties juridiques pour le bien-être de l'enfant

La déchéance est prévue aux articles 20 à 23 de la loi sur la minorité. Il existe deux types de déchéance : la déchéance de plein droit et la déchéance facultative.

La déchéance de plein droit se présente comme une sanction encourue par un parent, suite à une condamnation pénale. C'est ce que prévoit l'article 20 pour les parents proxénètes lorsque les victimes sont leurs enfants, ou s'ils sont auteurs, coauteurs ou complices de crime commis par un ou plusieurs de leurs enfants422.

419 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.161.

420 Articles 16 et 17 de la loi ivoirienne sur la minorité.

421 Articles 18 et 19 de la loi ivoirienne sur la minorité.

422 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.162.

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Quant à la déchéance facultative, elle est prononcée contre les père et mère condamnés pour des infractions comme l'abandon d'enfant. Il faut préciser en outre que la déchéance facultative peut être prononcée en dehors de toutes condamnation pénale. C'est le cas en présence d'une inconduite notoire des parents. Dans tous les cas, le juge dispose dans cette hypothèse d'un pouvoir d'appréciation.

L'action en déchéance ou en retrait partiel des droits de l'autorité parentale appartient à tout membre de la famille et au ministère public423.

Le parent qui est déchu de l'autorité parentale peut néanmoins demander qu'on lui restitue les droits. Par ailleurs, celui qui a été déchu de l'autorité parentale peut obtenir la restitution de ses droits, à condition qu'il ait été réhabilité ; il en va de même en cas de retrait desdits droits. A cet effet, il peut exercer une action en restitution devant le juge des tutelles qui se prononcera en tenant compte de l'intérêt de l'enfant, critère déterminant dans le cadre des règles gouvernant l'adoption des enfants424.

Les développements qui précèdent nous montrent que le législateur ivoirien, dans le but de protéger l'enfant et ses droits a adopté une série de lois civiles importantes, qui ont pour critère commun, l'intérêt supérieur de l'enfant. Cette même dynamique juridique de protection des enfants et de leur bien-être se retrouve aussi au niveau des lois de nature sociale qui se caractérisent par leur diversité.

§ 2. UNE DIVERSITE DE LOIS SOCIALES PROTECTRICES DE L'INTERET DE L'ENFANT

En matière sociale, il existe des lois antérieures ou postérieures aux normes juridiques internationales pertinentes qui protègent les droits des enfants. On essaiera de passer en revue les plus pertinentes. Ainsi après avoir analysé la reconnaissance législative du droit à l'éducation (A), nous examinerons successivement l'encadrement juridique constant du travail des enfants (B) une loi portant statut de pupille de la nation (C) nombreuses autres lois sociales portant protection des enfants (D).

423 Pour un retrait de la puissance paternelle, voir CA Daloa arrêt n°111 DU 27/06/1995, Cndj/Rec CATBX 1197n°2 P.113.

424 BROU (K.M.), Droit civil, Droit des personnes et de la famille, Nouvelle édition 2013, Les éditions ABC, 2013, p.162.

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