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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoire


par Arsène NENI BI
Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018
  

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A. UNE RECONNAISSANCE LEGISLATIVE DU DROIT A L'EDUCATION

Historiquement, les premières écoles qui ont été introduites en Côte d'Ivoire servaient à former des agents au service du colonisateur. Les élèves y étaient enseignés selon le programme éducatif français.

A la faveur des indépendances des pays africains, il était normal de former des nationaux qui travailleront désormais au service de leur pays. « Cela supposait donc un réaménagement des programmes de l'enseignement dans le sens de leur adaptation aux réalités culturelles du pays »425. C'est dans ce sens que le Président de la République de Côte d'Ivoire de l'époque, Félix HOUPHOUET-BOIGNY, promulgua le 18 août 1977 la loi n° 77-584 portant réforme de l'enseignement.

Avec le temps, la mobilisation sociale stimulée par les agences d'aide des Nations Unies et appuyées par les bailleurs de fonds, va inciter la communauté éducative à une révision de la loi sur l'enseignement. En 1994, une Concertation Nationale sur l'Ecole Ivoirienne, regroupant les différents partenaires, a élaboré un rapport, qui a servi de base à la réforme promulguée par la loi du 17 septembre 1995426. Ainsi, conformément à la Constitution ivoirienne427 et à ses obligations internationales en matière de droits de l'enfant, l'Assemblée nationale ivoirienne vota la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement qui énonce les principes gouvernant l'éducation.

Cette loi réaffirme le droit à l'éducation et l'égalité de traitement de tous les citoyens, notamment dans l'enseignement public. Elle est composée de cinq (5) titres comprenant 74 articles consacrés aux principes généraux, aux droits et obligations de la communauté éducative, à l'enseignement préscolaire et primaire, à l'enseignement secondaire, à l'enseignement supérieur et aux dispositions transitoires et finales. Soulignons qu'il n'existe aucune loi spécifique au droit à l'éducation de l'enfant.

425 Propos recueillis auprès de l'inspectrice de l'enseignement primaire de la Sous-préfecture de Taabo, lors d'un entretien en date du 10 Aout 2014.

426 ODOUNFA (A.), « Le défi de l'éducation pour tous en Côte d'Ivoire », in Background paper prepared for the Education for All Global Monitoring Report 2003/4 Gender and Education for All: The Leap to Equality, UNESCO, 2003, p. 7.

427 Article 101 Constitution du 08 novembre 2016 : « La loi fixe les règles concernant (...) les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ». ; (Voir également Article 71 Constitution du 01er Aout 2000).

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La loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement établit des principes fondamentaux sur lesquelles l'éducation dispensée doit se fonder : la neutralité, la gratuité et l'égalité428.

Le principe de neutralité429, appliqué à l'éducation, signifie que l'école publique est non confessionnelle et l'enseignement qui y est donné est areligieux430. Sur l'éducation, ne doit dominer aucun courant de pensée politique ou philosophique.

Quant au principe de gratuité, il signifie que l'enseignement dispensé ne doit pas être onéreux. Mais, il ne s'applique pas aux droits d'inscription, aux prestations sociales et aux charges relatives aux manuels et autres fournitures scolaires431 . Il est d'ailleurs affirmé par les différentes conventions supra évoquées.

En ce qui concerne le principe de l'égalité, il « impose la non-discrimination entre les usagers, quels que soient leur race, leur genre, leurs opinions politiques, philosophiques, religieuses et leur origine sociale, culturelle ou géographique »432 . On peut dire qu'il tire aussi son fondement de l'article 30 de la Constitution ivoirienne : « La République de Côte d'Ivoire...assure à tous l'égalité devant la loi, sans distinction d'origine, de race, d'ethnie, de sexe et de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

Toutefois, ladite loi n'institue pas l'obligation scolaire comme principe malgré une proposition faite en ce sens, dans le temps, par le ministre M. Pierre Kipré à l'Assemblée Nationale, refusée « faute de moyens de contrôle »433. Selon l'UNESCO, la Côte d'Ivoire se serait à présent dotée d'un cadre législatif rendant l'école obligatoire de 6 à 16 ans434.

Le travail des enfants fait aussi l'objet d'un encadrement législatif constamment renouvelé.

428 Cf. article 2 de la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement.

429 On peut l'appeler aussi « principe de laïcité ». Il tire aussi son fondement de l'article 30 de la Constitution ivoirienne : « La République de Côte d'Ivoire est...laïque ».

430 ROBERT (J.), Droits de l'Homme et libertés fondamentales, Paris, Montchrestien, 5è éd., 1993, p. 546.

431 Article 2 de la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement.

432 Article 2 de la loi la loi n°95-696 du 7 septembre 1995 portant réforme de l'enseignement.

433 LANOUE (E.), « Côte d'Ivoire », in Background paper prepared for the Education for All Global Monitoring Report 2003/4 Gender and Education for All: The Leap to Equality, UNESCO, 2003, p. 1.

434 UNESCO, Rapport mondial de suivi sur l'EPT 2002:Éducation pour tous. Le monde est-il sur la bonne voie ? , disponible sur : www.unesco.org/education/efa. (Consulté le 02/03/2015).

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B. UN ENCADREMENT JURIDIQUE CONSTANT DU TRAVAIL DES ENFANTS

En Côte d'Ivoire, le travail des enfants a de tout temps fait l'objet de réglementation juridique en vue d'une meilleure protection de l'intérêt des enfants. Cette volonté est manifeste tant au niveau du code du travail que de lois spéciales postérieures à ce code.

La loi de 1995 portant code du travail assure la réglementation du travail des enfants. Nous citerons ici les articles les plus significatifs. L'article 23-2 du code du travail fixe l'âge minimum d'accès au travail à 14 ans. Celui-ci interdit de recevoir même comme apprenti un mineur de 14 ans. Avant l'âge de 14 ans, le mineur doit consacrer son temps aux études ou à la formation professionnelle ; Les travaux de nuit et les travaux dangereux sont interdits435 ; L'enfant qui travaille doit offrir librement sa force de travail et travailler dans des conditions acceptables. Il ne doit pas être privé de sa liberté de mouvement et il doit percevoir sa rémunération sinon ce travail est assimilable au travail forcé et à l'esclavage interdit par la Constitution, le code du travail436 et le code pénal437. La mise en gage d'un mineur de 15 ans est sanctionnée par un emprisonnement de cinq ans438 .

L'examen du code du travail révèle que celui-ci présente quelques atouts et faiblesses en matière de réglementation du travail des enfants.

L'interdiction du travail forcé à des mineurs, l'interdiction du travail précoce aux enfants mineurs de 14 ans et l'interdiction des travaux de nuit et des travaux dangereux aux mineurs de moins de 18 ans constituent à n'en point douter des éléments positifs s'inscrivant dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

En ce qui est des faiblesses, on peut regretter le fait que le code du travail ivoirien de 1995 n'ait pas réglementé tous les secteurs d'activité où s'exerce le travail des enfants. Il en va ainsi de l'absence de réglementation du travail des enfants dans les domaines de l'agriculture et les mines artisanales. De même, il ne définit pas les travaux dangereux et les travaux interdits aux enfants mineurs ; Une autre faiblesse réside dans la faculté accordée à

435 Article 22-3 du code de travail ivoirien.

436 Article 3 code du travail ivoirien.

437 Articles 376 et 378 du code pénal ivoirien.

438 Article 377 du code du travail.

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l'inspecteur du travail d'accorder des dérogations en ce qui concerne les travaux de nuit et les travaux dangereux même pour les mineurs.

C'est certainement conscient de ces faiblesses que le législateur ivoirien, à travers de nouvelles et récentes lois, va procéder à une définition légale des travaux dangereux interdits aux enfants pour aboutir à la consécration de l'interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants. En effet, la volonté législative des pouvoirs publics de lutter légalement contre la question du travail nuisible aux enfants s'est fait en deux temps.

D'une part, l'arrêté du 14 mars 2005 qui a le mérite de dresser la liste des travaux dangereux et interdits aux mineurs de moins de 18 ans. Cette liste concerne plusieurs domaines à savoir : l'agriculture et la foresterie, les mines, le commerce et le secteur urbain domestique, l'artisanat et le transport. Aux termes de l'article 1er dudit arrêté, sont qualifiés de travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans, les travaux dont la liste suit et qui sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant :

- Dans l'agriculture : l'abattage des arbres ; le brûlage des champs ; l'épandage de produits chimiques (insecticides, herbicides, fongicides, nematicides, etc...), l'épandage des engrais chimiques, le traitement chimique des pépinières ; le port de charges lourdes ;

- Dans les mines : la foration et les tirs de mine, le transport des fragments ou des blocs de pierre ; le concassage, l'extraction de minerai à l'aide de produits chimiques tels que le cyanure de sodium, l'acide sulfurique, le dioxyde de soufre, le travail dans les mines souterraines ;

- Dans le commerce et le secteur urbain domestique : la vente de support à caractère pornographique, le travail dans les débits de boisson, la récupération d'objet dans les décharges publiques ;

- Dans l'artisanat : l'ajustage, le meulage, la vidange, l'affûtage, le fraisage, le laminage, la descente de moteur, la manipulation des batteries, la fabrication et la réparation d'armes à feu, la production de charbon de bois, et le métier de bûcheron, le ponçage motorisé de cuir et le tannage de la peau, la teinturerie et l'impression ;

- Dans le transport : l'activité d'apprenti de mini cars communément appelé gbaka.

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L'article 2 précise que la liste des types de travaux ci-dessus énumérés sera, au besoin révisée chaque année.

Pour être un instrument juridique salutaire, cet arrêté du 14 mars 2005, n'a pas été et n'est toujours pas suffisamment vulgarisée au niveau des populations par les autorités politiques ou administratives.

D'autre part, vu la persistance du travail nuisible à l'intérêt supérieur et au bien-être des enfants, la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'Ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

La loi n°2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire appelle à une double présentation aussi bien formelle que substantielle. En effet, pris d'abord sous l'angle purement formel, cette loi se compose de 43 articles subdivisés en cinq chapitres à savoir les dispositions générales439, les définitions440, la prévention441, les sanctions442 et les dispositions finales443. Par ailleurs, cette loi, facilement accessible en ses termes et foncièrement digeste dans son sens, se donne pour objectif de définir, de prévenir et enfin de réprimer la traite et le travail dangereux des enfants et prendre en charge les victimes comme en témoigne l'article 1 de ladite loi. Cet article s'inscrit dans le droit fil des instruments internationaux de protection des droits de l'Homme qui énoncent, consacrent et promeuvent les valeurs principielles de dignité, d'égalité et de nondiscrimination. Ainsi, sont concernés par cette loi, tous les enfants « quels que soient leur race, leur nationalité, leur sexe et leur religion résidant ou séjournant sur le territoire de la république de Côte d'ivoire ». L'article 4 interdit les pires formes de travail des enfants. Ces pires formes de travail sont définies de manière énumérative, et assurément non limitative en y incorporant entre autres, toutes les formes d'esclavage et pratiques analogues,

439 Articles 1 et 2 de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

440 Articles 3 à 15 nouveau de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

441 Articles 16 nouveau à 17 nouveau de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

442 Articles 18 nouveau à 39 de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

443 Articles 40 à 43 de la loi n° 2010-272 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants en Côte d'ivoire fut adoptée le 30 septembre 2010.

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l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins d'exploitation sexuelle. Ce faisant, cette définition épouse, sans différence majeure, celle du protocole additionnel à la convention, le Protocole relatif à la vente d'enfants, à la prostitution et à la pornographie infantile. De plus, Cette loi innove en prévoyant en amont, des mesures visant la protection de la traite et des pires formes de travail des enfants. Ainsi, aux termes de l'article 17 de la loi, ces mesures de prévention nécessitent, voire, exigent la participation et la conjugaison des efforts de l'État et des collectivités territoriales auxquels la loi enjoint de prendre « toutes les mesures appropriées » en vue d'assurer la protection de tous les enfants contre de telles pratiques. Ces mesures de prévention, au coeur desquelles se trouvent l'intérêt supérieur et la dignité de l'enfant, comprennent l'obligation pour le transporteur de vérifier que l'enfant qui voyage détient tous les documents légaux et les autorisations administratives requis, la présomption du statut d'enfant accordée à la victime, une autorisation spéciale en cas de sortie et d'entrée du territoire national pour les enfants non accompagné de ses parents ou tuteur...

La loi prévoit enfin des mesures de sanction visant à lui donner une force doublement probante à savoir dissuasive et surtout punitive. Et pour cause, que serait une loi sans mesure de sanctions ? Assurément, un condensé de valeurs et principes axiologiques dépourvus de force contraignante. Ces mesures de sanctions sont aussi diverses que variées allant des peines d'emprisonnement de 1 à 20 ans selon les cas ou de la qualité des personnes incriminées, des amendes pouvant aller jusqu'à 50 millions de Franc CFA, des sanctions administratives et professionnelles. Aussi, convient-il de rappeler que les infractions prévues dans la présente loi constituent, aux termes de l'article 39, des délits dont la tentative est punissable.

Toutefois, si l'on en croit une étude de l'OIT/IPEC/LUTRENA de 2005 intitulée «La traite des enfants aux fins d'exploitation de leur travail dans le secteur informel à Abidjan-Côte d'Ivoire», ces dispositions ( mesures de prévention et de sanction) semblent être inadéquates pour lutter contre la traite des enfants aux fins d'exploitation économique, dans la mesure où elles ne visent que les cas d'enlèvement de mineurs alors que la traite interne ou transfrontalière d'enfants en Côte d'Ivoire s'appuie sur les réseaux traditionnels de placement d'enfants et s'effectue par conséquent avec l'accord des parents ou des personnes ayant la garde des enfants.

Somme toute, l'adoption de la loi 2010-27 du 30 décembre 2010 a constitué à n'en point douter une avancée législative majeure dans la lutte contre la traite, le trafic, l'exploitation des enfants en Côte d'ivoire. Cependant, les mesures de vulgarisation et d'application de cette loi, à l'effet d'amorcer une évolution à défaut d'une révolution des habitudes socioculturelles des populations, sont-elles véritablement prises ?

Outre cela, la Côte d'Ivoire a récemment adopté une loi portant statut de pupille de la nation qu'il convient d'examiner à la lumière de l'intérêt des enfants.

C. LA LOI DEFINISSANT LE STATUT DE PUPILLE DE LA NATION

Adoptée par l'Assemblée nationale lors de la séance plénière de sa première session extraordinaire au titre de l'année 2014, la loi n°2014-137 du 24 mars 2014 portant statut de Pupille de la Nation vise à fixer les règles applicables aux pupilles de la nation444. Il s'agit d'une loi visant à prendre en charge des enfants d'une catégorie de fonctionnaires deux ans après la crise électorale qui a endeuillé la Côte d'Ivoire. Cette loi définit de façon énumérative les catégories d'enfants visées par la notion de « pupilles de la Nation ». Ainsi, aux termes de l'article 2 de cette loi, « Ont le statut de pupille de la nation :

- Les enfants mineurs des personnels des forces armées, des personnels de la gendarmerie, des personnels des forces de police et des autres corps paramilitaires, des magistrats, des fonctionnaires et agents de l'État et des personnes titulaires de mandat électif, dont l'un ou les deux parents ou le tuteur légal sont morts ou sont portés disparus à l'occasion de guerre ou d'opérations de maintien de la paix ou de la sécurité, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire national, ou à l'occasion de l'exécution de mission en service commandé ou de service public, ou se trouvent du fait de ces évènements, dans l'incapacité de pourvoir à leurs obligations et charges de famille ;

- Les enfants mineurs des personnes victimes d'évènements déclarés catastrophes nationales, dont l'État accepte la prise en charge »

444 Article premier loi n°2014-137 du 24 mars 2014 portant statut de Pupille de la Nation.

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Aux termes de l'article 3, les enfants mineurs visés à l'article 2 sont déclarés pupilles de la Nation par décret pris en conseil des ministres, sur rapport conjoint du ministre chargé de la solidarité et ministres intéressés.

Elle précise les formes de protection et de soutien de l'État dont peuvent bénéficier les enfants reconnus pupilles de la Nation. Cet article indique que « les pupilles de la Nation ont droit, jusqu'à leur majorité civile, à la protection, au soutien financier, matériel et moral de l'État445.

Le texte précise que la protection, le soutien financier, matériel et moral de l'État sont également accordés jusqu'à l'âge de 25 ans aux enfants à charge des personnes mentionnées à l'article 2, s'ils justifient de la poursuite d'études supérieures. Pour être la toute première loi instituant le statut de pupille dans l'histoire de la Côte d'Ivoire moderne, cette loi comporte des limites inquiétantes. Tout d'abord, une lecture attentive de l'énumération des enfants potentiellement bénéficiaires du statut de pupille, appelle quelques interrogations. Pourquoi a-t-on omis les enfants des personnes non visées par l'alinéa 1 de l'article 2 ? Quel est le critère ayant permis d'écarter les enfants d'une certaine catégorie de familles ? Mieux, quel sera le sort de l'enfant d'un paysan, agriculteur ou encore commerçant décédé(s) à l'occasion d'un conflit armé en qualité de victime civile d'un conflit ? Pourquoi privilégie-t-on certaines catégories d'enfants au détriment d'autres enfants ? N'y a -t'-il pas ici, une discrimination entre les enfants en fonction de leur origine sociale ? Et si discrimination positive, il doit y avoir, ignorer les enfants d'éventuels victimes civiles au profit des personnes bénéficiant d'un mandat électif en période de conflit, apparait-il comme une bonne solution ? Mieux, le législateur ivoirien fixe-t-il désormais à 25 ans, l'âge de cessation de la qualité d'enfant ?

De même, l'imprécision du concept de catastrophes naturelles contenu dans ce texte peut apparaitre comme une volonté sournoise de ne point considérer certains événements comme telles ? A quel moment ou dans quelles circonstances, peut-on parler de catastrophes naturelles ? Qui a compétence pour qualifier ou reconnaitre une catastrophe comme étant naturelle ? Ce texte brille négativement par son mutisme sur ces éléments, à nos yeux, essentiels pour l'intérêt de l'enfant.

445 Article 4 loi n°2014-137 du 24 mars 2014 portant statut de Pupille de la Nation.

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Au-delà de ses limites, et bien que profitant spécifiquement aux enfants ayant perdu l'un ou les deux parents en situation de guerre ou dans l'exécution d'une mission de service public ou encore en cas de catastrophes naturelles, cette loi vise à combler un vide juridique en créant les conditions du bien-être de cette catégorie d'enfants visés, à l'instar de nombreuses autres lois sociales portant protection des enfants.

D. AUTRES LOIS PERTINENTES EN MATIERE DE PROTECTION SOCIALE DES ENFANTS

Tout d'abord, on peut citer ici la loi n° 98-756 adoptée en 1998 regardée comme une consécration législative de la protection des enfants contre les pratiques traditionnelles néfastes (excision, mariage précoce et forcé). Cette loi vise essentiellement à interdire et sanctionner certains actes néfastes sur les enfants ; malheureusement, elle n'établit pas de services de préventions ou de réponse pour des enfants et leurs familles. L'une des grosses faiblesses de cette loi, est manifestement l'inexistence de mesures de réhabilitation pour les jeunes filles victimes de ces pratiques. Il serait donc souhaitable que des mesures de réhabilitation soient envisagées par les ministères techniques et services chargés de la protection des mineurs.

Ensuite, on peut citer, la loi n° 2001-636 prévoyant la mise en place et le fonctionnement de l'assurance Médicale Universelle ; même si elle n'est pas spécifique à l'enfant, elle vise incontestablement un renforcement de la protection de la santé infantile. Cette loi établit à n'en point douter un projet novateur auquel adhère l'ensemble de la population, si l'on en réfère aux résultats des enquêtes réalisées par l'Institut National de la Statistique (INS) sur la pauvreté en 2002. L'assurance maladie universelle (AMU) est basée sur les objectifs principaux suivants :

- Améliorer l'état de santé des populations en assurant sans exclusion, l'accessibilité financière de tous aux soins de santé ;

- Développer l'activité de la médecine, en favorisant l'équilibre de l'offre et de la demande de soins de santé ;

- Réduire les disparités régionales et économiques, disparités qui amplifient, les inégalités entre les groupes et régions et accroissent les déficits sociaux ;

- Réaliser une meilleure solidarité nationale, facteur de cohésion sociale.

La protection juridique de l'enfant en Côte d'Ivoire a aussi été affirmée par un renforcement du cadre pénal.

§ 3. LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION DES ENFANTS PAR L'ADOPTION D'UNE DIVERSITE DE LOIS PENALES

Les lois pénales ivoiriennes adoptées depuis les indépendances, et revisitées depuis 1981, semblent pour la plupart vétustes. Toutefois, elles contiennent des dispositions consacrant et protégeant les droits de l'enfant. Cette protection pénale est assurée aussi bien par le code de procédure pénale que le code pénal.

La protection pénale telle que prévue par les textes concernant aussi bien l'enfant délinquant que l'enfant victime446 . On examinera donc successivement le cadre pénal applicable aux mineurs délinquants marqué par un caractère hybride (A) et la protection pénale de l'enfant victime qui se traduit par une répression pénale des auteurs de violations des droits de l'enfant (B).

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