CONCLUSION DU TITRE 2
A l'état actuel, deux éléments majeurs
font obstacle à une appréciation objective des
phénomènes de violations et de violences touchant les enfants.
D'une part, les pesanteurs socioculturelles qui s'imposent aux
acteurs font que des nombreuses formes de violations à l'égard de
l'enfant ne sont pas perçues en tant que telles et font l'objet de
déni. La plupart des formes de violences contre l'enfant, en particulier
les châtiments corporels et l'exploitation dans le travail, continuent
d'être considérées comme légitimes, les mutilations
génitales féminines, comme nécessaires, la violence
sexuelle comme inexistante. Il s'agit ici d'amener les acteurs à une
considération exacte de la nocivité des actes et comportements
abusifs, des mobiles et intentions de ces actes et de leur impact sur le
développement de l'enfant, sur les relations familiales et sociales et,
en dernière instance, sur le capital humain, l'état de droit et
le développement.
D'autre part, l'absence d'analyses quantitatives et
qualitatives approfondies de l'ampleur et de la nature des violations à
l'encontre des enfants ne nous permet pas de connaître l'incidence et la
prévalence réelles de la violence qui touche les enfants ni
d'appréhender en profondeur ses diverses manifestations. Les
études nationales dans ce domaine sont extrêmement limitées
et fragmentaires, soit pour ce qui est de la description de la nature
diversifiée des phénomènes qui s'y rattachent que de leur
ampleur. Un système complet de suivi des phénomènes de
violations touchant les enfants et leurs droits n'est pas encore en place. Les
taux de signalement aux organes chargés de l'application de la loi et
/ou aux services sociaux est de toute évidence extrêmement faible.
Par conséquent, les cas recensés par les services de police, de
justice et les services sociaux sont très limités et non
systématisés. Qui plus est, parmi les comportements constitutifs
de maltraitance de l'enfant, ce sont seulement les plus extrêmes qui sont
portés à la connaissance des autorités, en particulier les
abus sexuels perpétrés par des adultes extérieurs à
la famille et à la communauté.
Malgré cette situation, les quelques études
disponibles et l'observation des praticiens de l'action sociale, de la
sécurité et de la justice, tout comme des associations qui
travaillent dans la protection de l'enfant démontrent que les
phénomènes de maltraitance, abus sexuel et exploitation des
enfants sont alarmants et répandus.
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Partant des multiples facteurs juridiques, institutionnels,
socio-économiques et culturels qui déterminent l'occurrence des
atteintes aux droits de l'enfant, expression d'une importante
ineffectivité de ces droits, les propositions qui ont été
exposées s'efforcent d'apporter une réponse aux facteurs directs
et immédiats qui expliquent l'occurrence des atteintes aux divers droits
de l'enfant. Ces propositions de réponse s'articulent autour des actions
de prévention, de détection, d'assistance et de protection
judiciaire à tout enfant victime de ces violations et abus.
Ces propositions indiquent clairement les orientations
fondamentales pour continuer à construire un système de
protection adapté aux réalités juridiques,
économiques, sociales et culturelles de la Côte d'Ivoire, tout en
respectant les engagements internationaux. Elles proposent des solutions pour
dépasser les défis et les difficultés actuels. Partant des
défis posés par la question de l'effectivité des droits de
l'enfant en Côte d'Ivoire, Elles indiquent des solutions innovantes,
réalistes et potentiellement efficaces. Ces propositions s'inscrivent
dans la logique de complémentarité des politiques et
stratégies sectorielles devant intervenir dans le cadre d'une
stratégie globale de protection sociale. Mais la formulation de
propositions n'est pas une solution miracle. Elle est un instrument de travail
et nécessite désormais de procéder résolument
à son appropriation, voir son adoption par les pouvoirs publics, les
acteurs non étatiques oeuvrant pour la cause des droits de l'enfant,
ainsi que la population ivoirienne dans son ensemble. Toutes les parties
intéressées au mieux-être de l'enfant devront assumer
effectivement les tâches qui leur reviennent, tout en renonçant
à certaines actions irresponsables qui minent parfois la
réalisation des objectifs communs. En mettant en oeuvre de façon
efficace les diverses mesures législatives et administratives contenues
dans cette analyse, la Côte d'Ivoire avancera vers un pays où la
famille, la communauté et l'Etat assument leur devoir de protection
vis-à-vis de l'enfant sans ambiguïtés.

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