CONCLUSION DU TITRE 1
Les instruments internationaux généraux de
protection de protection des droits de l'homme auxquels la Côte d'Ivoire
est partie, comportent dans certains cas, des dispositions relatives à
la reconnaissance et la protection des droits de l'enfant. La reconnaissance
des droits de l'homme s'est traduite par l'apparition d'une multiplicité
d'instruments conventionnels et déclaratoires suivis de l'adoption de
textes législatifs au niveau national.
466 La peine de mort étant désormais interdite
par la Constitution ivoirienne, il serait opportun que l'article 361 qui
réprime l'infanticide soit révisée et adaptée
à la loi constitutionnelle.
196
Ce qui a amené certains auteurs à parler d'
« essor normatif considérable...depuis la fin de la
deuxième guerre mondiale »467 . Toutefois, cette
protection des droits de l'enfant prônée à travers ces
instruments est de caractère général et non
spécifique à l'enfant.
Devant le caractère général des textes et
les violations de plus en plus massives des droits des enfants, certains
États468 ont interpellé les Nations Unies pour
l'adoption de normes contraignantes en faveur de l'enfant. Cet appel a
contribué à la « prolifération des
réglementations »469 et à
l'élaboration de normes spécifiques protégeant l'enfant
aussi bien au niveau international que national ivoirien.
En effet, nonobstant l'existence de la Charte internationale
des droits de l'homme et des instruments nationaux de protection des droits
humains à caractère général, la communauté
internationale dans son ensemble a senti l'ardent besoin de réaffirmer
les droits spécifiques aux enfants. En effet, les droits
proclamés par ces instruments généraux ne sont pas
toujours respectés. L'égalité des hommes est donc une
simple déclaration ou proclamation philosophique qui n'est pas
réalisée dans la pratique.
Au-delà des limites de ces textes tant au niveau formel
que du contenu, dans la doctrine juridique, l'existence des droits
catégoriels, spécifiques à l'enfant pose plusieurs
problèmes dont les plus importants méritent ici attention.
Le premier tourne autour de l'artifice véhiculé
par l'égalité des hommes et l'existence de leurs droits du fait
de la dignité humaine. L'égalité, analysée dans la
théorie comme « un concept de philosophie
politique470 » est paradoxale. C'est dans cette mesure
qu'elle est à la fois désirable et insaisissable,
c'est-à-dire louée et recherchée par tous, mais en
même temps
467 TURGIS (S.), Les interactions entre les normes
internationales relatives aux droits de la personne, Paris, Edition
A-PEDONE, 2012, p.31.
468 DAOUDI (R.), « La codification des droits de l'enfant
: analyse des prises de position gouvernementales », pp.21
à 40, in Maurice TORELLI, La protection internationale des droits de
l'enfant, travaux du centre d'étude et de recherche de droit
international et de relations internationales de l'académie de droit
international, la Haye, Paris, PUF, 1979, p.38.
469 ROBERT (J.), DUFFAR (J.), Droits de l'homme et
libertés fondamentales, Paris, Montchrestien, 2009, p.3.
470 FAVOREU (L.), GAIA (P.)/ GHEVONTIAN (R.)/
MELIN-SOUCRAMANIEN (F.)/ PFERSMANN (O.)/ PINI (J.), ROUX (A.)/ SCOFFONI
(G.)/TREMEAU (J.), Droit des libertés fondamentales, Dalloz,
3ème éd.2005, p.303.
197
qu'elle reste comme le disait le doyen Vedel « une
institution (...) contradictoire et énigmatique471
».
En réalité, c'est pratiquement un truisme de
considérer que l'égalité des hommes est un axiome inexact
ou du moins infidèle à la réalité ; celle de
l'existence même d'une catégorie d'homme dont les droits ne sont
pas respectés. Il convient donc pour atteindre cette
égalité de discriminer, de les prendre à part, afin de
leur consacrer des instruments spécifiques, en vue de la protection de
leurs droits. Ainsi, c'est l'existence des inégalités de
fait472 qui conduisent à la reconnaissance des droits
catégoriels. Pour y parvenir, on utilise deux techniques qui peuvent
être associés : la discrimination positive473 et la
catégorisation. Ici, l'avantage essentiel est accordé à
cette catégorie qui a souffert de discrimination dans le
passé474, c'est de lui consacrer des conventions
particulières ou des lois particulières pour la protection de ses
droits475.
Par ailleurs, l'égalité ce n'est pas seulement
assurer le même traitement à tous, c'est beaucoup plus.
L'égalité de traitement de personnes qui ne se trouvent pas dans
la même situation perpétuera l'injustice, au lieu de
l'éliminer. La véritable égalité ne peut que
procéder d'efforts faits pour lutter contre les inégalités
et y remédier. C'est cette notion plus vaste de l'égalité
qui est devenue le principe cardinal et l'objectif final de l'acceptation et de
la reconnaissance des droits catégoriels.
Ainsi, en spécifiant, en distinguant dans le cadre de
la protection universelle et nationale, l'on reconnait une importance
particulière à la catégorie distinguée, en
l'espèce, les enfants.
471 VEDEL (G.), « L'égalité » in
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ses
origines, sa pérennité, La Documentation française,
1990, p.172.
472 On peut que des inégalités de fait existent
dans la plupart des sociétés depuis longtemps entre les hommes et
les femmes par exemples, et que les enfants dans toute société
sont les êtres les plus faibles.
473 La doctrine emploie les termes d' « Affirmative
Action » ou « action Affirmative » selon la terminologie
nord-américaine, de « mesures positives » comme en Suisse, d'
« actions positives », de « mesures compensatoires » ou
« compensatrice ». Elle obéit aux critères essentiels
suivants : il faut qu'à l'origine existe une inégalité de
fait ; à celle qui doit répondre une différenciation
juridique de traitement ; cette dernière doit être
finalisée, et doit résulter de la volonté expresse de
l'autorité normative d'accorder un avantage à une
catégorie déterminée ayant souffert de discrimination dans
le passé.
474 S'agissant des femmes et des enfants par exemple,
l'intérêt que les Nations unies leur ont porté
résulte « de leur état d'être considérés
comme vulnérables ou particulièrement défavorisés
», IDHPD, « Les droits de la femme et de l'enfant » , in
Education aux droits de l'homme et à la démocratie : La
démocratie au quotidien, n°13, 1998, p.7.
475 C'est ainsi que les femmes et les enfants, « des
mesures spéciales de protection ont été prises pour
assurer leur promotion et l'égalité dans l'exercice de leurs
droits et des libertés fondamentales ». Ibid.
198
Même si dans certains cas, on ne fait que
répéter les droits contenus dans l'instrument à
caractère général, la seule répétition
marque le degré d'importance que l'on veut accorder. Suivant cette
logique, et fort de l'existence de nombreuses situations
d'inégalité de fait, on assiste à une inflation
conventionnelle et législative des droits de l'enfant.
Il est presque acquis, aujourd'hui, qu'une abondante
proclamation textuelle des droits de l'enfant constitue un code de souhaits
moraux ou politiques qui n'emportent juridiquement aucune conséquence
sérieuse s'il n'est pas de garantie sérieuse de leur application.
Ainsi, le Professeur Henri OBERDORFF affirme : « Affirmer ou proclamer
les droits de l'Homme et des libertés fondamentales ne suffit pas, il
est indispensable de les organiser et de les protéger de manière
adaptée au type des dangers qu'ils courent. Une bonne organisation et
une bonne protection constituent les outils d'une bonne garantie de ces droits
et de ces libertés »476. Il apparait donc opportun
d'analyser les mécanismes institutionnels de garantie des droits de
l'enfant.
476 OBERDORFF (H.), Droits de l'Homme et libertés
fondamentales, 5ème éd., L.G.D.J.-lextenso
éditions, coll. « Manuel », Paris, 2015, p.159.
199
|