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L'effectivité des droits de l'enfant en Cote d'Ivoire


par Arsène NENI BI
Université Jean Moulin Lyon 3 - Doctorat en droit public 2018
  

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Titre II : DES MECANISMES INSTITUTIONNELS DE GARANTIE A

EFFECTIVITE LIMITEE

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En matière des droits de l'homme, la notion de garantie renvoie à l'idée de mécanismes institutionnels mis en place pour assurer, en droit, la promotion, la protection, ainsi que le contrôle de l'application effective, par les débiteurs, des droits reconnus aux bénéficiaires.

A la multitude des mécanismes observés aujourd'hui dans le domaine s'accompagne une diversité des méthodes et une différenciation des rôles, selon que ces mécanismes sont dits de « promotion » ou de « protection » des droits de l'enfant.

Partout se pose le problème de l'efficacité, voire de l'efficience des mécanismes mis en place. Ces deux éléments ou critères conditionnent tout choix judicieux en matière de protection institutionnelle ou de garantie des droits de l'enfant.

A l'instar de nombre d'Etats, la Côte d'Ivoire est confrontée à la difficulté du choix des meilleurs mécanismes de promotion ou/et de protection des droits de l'enfant. Il se dégage d'un bref parcours de son histoire institutionnelle en la matière que plusieurs mécanismes ont été expérimentés, certains avec plus ou moins de réussite, d'autres avec des résultats complètement mitigés. Il apparait donc opportun d'examiner le cadre institutionnel de protection et de promotion des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire en détachant les mécanismes typiquement gouvernementaux de ceux que l'on pourrait qualifiés de non gouvernementaux. Ces mécanismes se caractérisent par le rôle limité des mécanismes gouvernementaux (Chapitre 1) et l'importance variable des institutions d'appui et de contrôle (Chapitre 2).

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Chapitre I :

LE ROLE LIMITE DES MECANISMES GOUVERNEMENTAUX

Au plan interne, la Côte d'Ivoire dispose de ses propres mécanismes de promotion et de protection des droits de l'enfant. Les mécanismes étatiques constituent le premier niveau de protection des droits accordés par un Etat à ses enfants. Au nom du principe de subsidiarité caractérisant les mécanismes internationaux, on peut les considérer comme des garanties de « première ligne » relatifs aux droits de l'enfant. D'ailleurs en cas de lacunes ou d'inefficience des mécanismes internationaux ou en cas de non ratification par un Etat des traités instituant ces mécanismes, ils constituent, les seules garanties possibles.

A l'heure actuelle, les actions de la Côte d'Ivoire tournent autour de l'organisation ou de la possibilité d'organisation des structures et des mécanismes aussi divers que variés, généraux que spécifiques, dont l'objectif final demeure, dit-on, l'atteinte d'un meilleur niveau d'effectivité des droits de l'enfant.

Ces mécanismes gouvernementaux lacunaires, et surtout limités dans leur rôle s'articulent autour des organes administratifs à caractère politique et technique (section 1) et des juridictions spécialisées pour enfants (section 2).

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SECTION I. LES ORGANES ADMINISTRATIFS A CARACTERE POLITIQUE ET TECHNIQUE

Dans quelle mesure l'engagement de la Côte d'Ivoire à respecter les normes internationales relatives aux droits de l'enfant a-t-il influencé la mise en place des organes administratifs de protection de droits de l'enfant dans ce pays ? Et quel est l'apport de ces organes dans la protection effective des droits de l'enfant ?

Pour répondre à ces interrogations, nous examinerons successivement les organes de protection à caractère général (paragraphe 1) et les organes de protection à caractère spécifique (paragraphe 2).

§ 1. LES ORGANES DE PROTECTION A CARACTERE GENERAL

L'on note des efforts des gouvernements ivoiriens successifs dans la mise en place des organes de protection de l'enfant pour assurer la protection des enfants en général. Au titre des structures étatiques, les Ministères compétents chargés de la mise en application de la CIDE477 apparaissent au premier plan. A défaut d'examiner tous les ministères concernés par la question des droits de l'enfant, nous aborderons quelques organes majeurs mis en place dans les ministères de la famille, de la solidarité nationale et de l'enfant, de la justice, de la législation et des droits de l'Homme à l'exception des ministères de l'éducation

477 KOMAN (Y.- G.), La convention relative aux droits de l'enfant : vers une évolution des droits d'expression et de défense des intérêts de l'enfant en Côte d'Ivoire ?, Mémoire de fin de cycle, ENA, 2007, p.48.

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nationale478 et de la santé479 qui jouent tout aussi un rôle important en matière de droits de l'enfant.

478 Le Ministère de l'éducation nationale comprend dans son organigramme la Direction de la Mutualité et des OEuvres Sociales en Milieu Scolaire (DMOSS). La DMOSS est censée s'occuper des problèmes de protection de l'enfant en milieu scolaire, entre autres : les problèmes de traitement au long cours, d'échecs/difficultés scolaires, de violences sexistes, de maltraitance, etc.). Elle n'a pas de liens fonctionnels avec le MFFAS à l'exception de sa collaboration avec le PNOEV. Son action est majoritairement centrée sur les questions de santé pour lesquelles un partenariat dynamique existe avec le PNSSU. Pour les domaines relatifs à la protection, elle a recours au MEMJDH.

Outre la DMOSS, il existe des Directions Centrales et services rattachés qui interviennent dans la protection de l'enfant :

La Direction Nationale des Cantines scolaires (DNC) : elle a en charge l'alimentation des enfants en milieu scolaire. Son action contribue à améliorer l'accès et le maintien des enfants, surtout les filles à l'école. Par le projet de pérennisation des cantines scolaires, elle lutte, par ailleurs, pour la réduction de la pauvreté chez les femmes.

La Direction de l'Extra et des Activités Coopératives (DESAC) : elle intervient dans l'amélioration de l'environnement scolaire par l'installation de clubs/coopératives scolaires dans les écoles. A cet effet, elle a en son sein, la sous-direction de l'Education Pour Tous (EPT) qui lutte à travers le réseau UNGEI. Ce réseau a en charge la mise en oeuvre des directives du BREDA/ UNESCO qui veulent que les actions de protection soient toujours accompagnées d'un volet éducation et alphabétisation.

La Direction des Ecoles, Lycée et Collège (DELC) : elle a en charge la gestion de tous les établissements scolaires. En matière de protection, elle a fait prendre l'arrêté n° 0075/MEN/DELC du 28 septembre 2009, portant interdiction des punitions physiques et humiliantes à l'école.

Le Service Autonome de l'Alphabétisation (SAA) : il a en charge la définition de la politique nationale d'alphabétisation au niveau de la protection, il intervient dans la lutte contre les pires formes de travail des enfants en partenariat avec le MFPE à travers le projet BIT/IPEC.

La Direction de la Pédagogie et de la Formation Continue (DPFC) : elle s'occupe du développement des programmes scolaires et de la formation continue des enseignants. Dans ce cadre, elle définit des modules et programmes relatifs à la protection des enfants dans les curricula. Ex : Programme d'Education à la Paix et à la Tolérance (PEPT) et introduction d'un module « Droits de l'enfant » dans le curriculum de formation dans les CAFOP.

479 Conformément au décret n°2007-507 du 13 juin 2007 portant organisation du Ministère de la Santé et de l'Hygiène Publique, celui-ci n'a pas de responsabilité formelle en rapport direct avec la protection de l'enfant. Toutefois, dans le cadre d'un système intégré de protection de l'enfant, ce ministère pourrait jouer un rôle fondamental. Au regard de cette potentialité, le cloisonnement actuel du système sanitaire représente une grande opportunité manquée et une possibilité à explorer dans les initiatives de renforcement du système national de protection de l'enfant. Néanmoins, certaines structures sanitaires-surtout les hôpitaux disposent de travailleurs sociaux qui servent d'interface avec les Centres Sociaux pour les enfants et les familles usagers des structures sanitaires qui ont besoin d'une assistance sociale. Mais dans la pratique, la portée de ce dispositif est quasi nulle, faute d'un budget d'aide sociale disponible pour les malades indigents.

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A. AU NIVEAU DU MINISTERE DE LA FAMILLE ET DE LA SOLIDARITE NATIONALE

Depuis l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, les gouvernements successifs ont toujours prévu un poste ministériel en charge de la problématique afférente à l'enfant et ses droits. A titre d'exemple, le décret n°2012-625 du 06 juillet 2012 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de la famille et de la solidarité nationale met à la charge de ce ministère : de concevoir, de mettre en oeuvre et d'assurer le suivi-évaluation de la politique de l'État en matière de développement social et de solidarité conformément aux lois et règlements en vigueur en Côte d'Ivoire et conformément aux visions et politique de développement du gouvernement480.

Les principales missions du ministère de la famille, de la femme et de l'enfant sont de promouvoir la femme sur le plan économique, social, juridique et culturel, de protéger les droits de l'enfant et de favoriser l'épanouissement des citoyens dans le cadre de la famille. Le ministère de la famille, de la femme et de l'enfant est chargé de la mise en oeuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de protection de la femme, de l'enfant, et de la famille.

En liaison avec les départements ministériels intéressés, il a l'initiative et la responsabilité notamment de la promotion économique, sociale, juridique de la femme. Il contribue aussi à l'élaboration et au suivi des lois et règlements en matière de protection de l'enfant. Pour remplir ce mandat, les agents du ministère proposent une sensibilisation sur les droits de la femme et de l'enfant et diffusent de l'information auprès de la communauté. Ils donnent par ailleurs de l'assistance et conseillent les femmes en difficulté, notamment les filles mères, les veuves et les victimes de violences conjugales.

Ses activités de mise en oeuvre de programmes d'éducation et d'assistance aux enfants mineurs en difficulté et des enfants de la rue se font en liaison avec le ministère en charge de la sécurité sociale qui lutte contre les abandons d'enfants, promeut la participation à la coordination des activités de protection de l'enfance, y compris celle des institutions spécialisées de pris en charge des enfants.

480 Art. 1er du décret n°2012-625 du 06 juillet 2012.

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L'actuel ministre a défini les actions prioritaires pour protéger spécifiquement les droits de l'enfant :

a) faire retirer tous les textes sur les droits des enfants et faire le suivi sur la mise en oeuvre ;

b) vulgariser les textes de protection de l'enfant et veiller sur leur application ;

c) intensifier la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants en faisant respecter les accords transfrontaliers ;

d) actualiser et mettre en oeuvre le document de politique nationale en faveur de

l'enfant.

En ce qui concerne les directions techniques, régionales et départementales du ministère, elles assurent la mise en oeuvre au niveau de chaque département de la politique nationale en matière de promotion de la famille, de l'enfant, du genre et de la solidarité nationale. Nous nous pencherons ici sur le rôle des directions de la protection de l'enfance et la direction régionale de l'enfant.

1. La direction de la protection de l'enfance (DPE)

La Direction de la Protection de l'Enfance (DPE) est l'un des services techniques du Ministère de la famille, de l'enfant et de la solidarité nationale. Il intervient, comme son nom l'indique, dans la protection de l'enfance.

Aux termes du décret n°2011-431 du 30 novembre 2011 portant organisation du Ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant, la direction de la protection de l'enfant est chargée : «

- De mettre en oeuvre les programmes d'éducation et d'assistance aux enfants en difficulté ;

- D'élaborer et de suivre l'application des lois et règlements en matière de protection de l'enfant ;

- De concevoir et de développer une politique nationale de protection de l'enfant ; - De lutter contre les abandons d'enfants ;

- D'informer et de sensibiliser sur les droits de l'enfant ; - De coordonner les interventions en faveur de l'enfant ;

- De participer à la coordination, à l'identification et à la mise en oeuvre des mesures liées à la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants et les pires formes de travail des enfants. »481.

La direction de la protection de l'enfance est composée de trois sous-directions que sont : la sous-direction de la Promotion des droits de l'enfant, la sous-direction de l'Enfance et la sous-direction de la planification et du suivi-évaluation. Les sous directions sont dirigés par des sous-directeurs nommés par arrêté482.

Une telle institution existe aussi bien dans d'autres pays ouest africains avec quelques légères différences au niveau de la composition et des attributions. Il en va ainsi de la Direction de la protection de l'enfance au Bénin. Comprenant, entre autres, un service de la Réinsertion de l'enfant et de l'adolescent, un service de la protection de l'enfant et de l'adolescent et un service de la statistique, de la recherche et de la législation, la DPE béninoise assure, au titre de l'article 63 du décret n°2009-244483, l'élaboration, la mise en oeuvre des programmes en faveur de l'enfant et de l'adolescent. Pour cette raison, elle est chargée de :

- veiller à la vulgarisation et à l'application effective des textes juridiques sur la protection de l'enfant, en l'occurrence la Convention relative aux droits de l'enfant et les autres instruments juridiques nationaux et internationaux en faveur de l'enfant, ratifiés par le Bénin ;

- élaborer, en relation avec toutes les structures concernées, le programme de soutien et de réinsertion sociale des enfants en situation difficile ;

481 Article 13décret n°2011-431 du 30 novembre 2011 portant organisation du ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant.

482 Article 13décret n°2011-431 du 30 novembre 2011 portant organisation du ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant.

483 Voir l'article 1er de l'arrêté 2007 n°1280 /MFFE/DC/SGM/DEA/SA, portant Attribution, Organisation et Fonctionnement de la Direction de l'Enfance et de l'Adolescence.

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- définir, en collaboration avec les Ministères et organismes concernés, le cadre de référence pour la création et le fonctionnement des institutions de protection des enfants et des adolescents ;

- coordonner les actions des Organismes et des Organisations Non gouvernementales qui oeuvrent en faveur de l'enfant et de l'adolescent.

- initier, en collaboration avec d'autres départements ministériels, des textes législatifs et réglementaires permettant la mise en application

effective des droits de l'enfant et de l'adolescent ;

- assurer le suivi des programmes, des résolutions et recommandations issus des rencontres nationales et internationales relatives à la promotion de l'enfant ;

- Et enfin, assurer la surveillance nutritionnelle des enfants de 0 à 5 ans.

Comparé à la DPE béninoise, on peut regretter qu'en Côte d'Ivoire, il n'existe pas au niveau de la DPE une direction entièrement consacrée à la réinsertion des enfants eu égard à l'importance de cette notion au nom de l'intérêt de l'enfant. Qui plus est, cette direction reste méconnue de la majorité des Ivoiriens car aucune action de promotion relative à la vulgarisation de cette structure n'est entreprise. Toutefois, à travers ses attributions, la DPE apparaît comme étant l'une des chevilles ouvrières dans la mise en oeuvre des Normes internationales relatives aux droits de l'enfant, ratifiée par la Côte d'Ivoire au niveau de l'administration ivoirienne.

A côté de la Direction de la protection de l'enfance qui a une compétence nationale, les démembrements du ministère au niveau des régions interviennent aussi dans la protection des enfants. C'est le cas de la Direction régionale de la famille et de l'enfant qui coordonne les services extérieurs du ministère de l'enfance.

2. Direction régionale de la Famille et de l'enfant et ses démembrements

Le territoire ivoirien, depuis le décret n°2011-263 du 28 Septembre 2011 était découpé en 30 régions484 ; mais en 2012, aux 30 régions existantes, la région Moronou a été

484 Article 1et 4 décret n°2011-263 du 28 Septembre 2011.

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ajoutée485 comme la 32ème région ; les directions régionales et départementales de l'enfant et de la Solidarité nationale sont présentes dans toutes les régions et chefs-lieux de départements du pays ; Ce qui apparait incontestablement salutaire car rapprochant ces directions des usagers.

Nous aborderons ici le rôle de la direction départementale dans la protection de l'enfant ainsi que les actions des services d'actions sociales oeuvrant sous sa tutelle et qui malheureusement se caractérisent par une inégale répartition sur le territoire ivoirien. - Le rôle de la direction régionale dans la protection des enfants

Ayant pour rôle d'assurer la mise en oeuvre locale de la politique nationale qui relève de la compétence du Ministère en charge des enfants, la Direction régionale doit veiller, au niveau de chaque région, à la réalisation des objectifs du gouvernement en matière de promotion de la femme, de l'enfant, et de la solidarité.

En ce qui concerne la question spécifique de la protection de l'enfant, la direction a la charge de veiller à la mise en oeuvre des actions de protection sociale, à l'application de la législation en vigueur, de promouvoir et d'harmoniser les activités des ONG et associations qui oeuvrent dans le domaine de la protection des enfants, de coordonner, suivre et évaluer les activités des centres de promotion sociale, de veiller à l'exécution correcte des prestations des services sociaux spécialisés, de contribuer à la lutte contre la pauvreté et les fléaux sociaux, de veiller au respect de l'application, par les structures d'accueil, des normes et standards en matière de protection sociale et d'infrastructures, de gérer les secours conformément aux textes en vigueur etc486. Pour mener à bien ses missions, la direction sociale se fonde sur un réseau important des services d'actions sociales marqué au coin d'une inégale répartition géographique.

- Un réseau important de services d'action sociale inégalement répartis

485 Article 1 Décret n°2013-du 02 mai 2013 portant érection de trente et une (31) régions, circonscriptions administratives, en collectivités territoriales régionales.

486 KOUADIO (K.-H.), Cadre législatif et institutionnel de la protection de l'enfant en Côte d'Ivoire, Séminaire de formation du personnel du Médiateur de la République sur les Droits de l'Enfant Thème "La mise en oeuvre de la CDE et la situation des droits de l'enfant en Côte d'Ivoire" Abidjan, du 21 au 22 juillet 2016, inédit.

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Les directions régionales regroupent dans leur zone de compétence : les centres de protection de la petite enfance, les complexes socio-éducatifs, les centres d'éducation spécialisée , le centre d'éducation polyvalent de Kaniasso-Odienné , les centres d'actions communautaire pour l'enfance , les crèches, les garderies d'enfants, les institutions de formations et d'éducation féminine et le centre éducatif de la zone 4-C. Nous les regrouperons volontiers sous le terme de services d'action sociale (SAS) dans le cadre de nos développements. Les services d'action sociale sont sous la tutelle de la Direction régionale de la famille. Ils constituent des relais de cette dernière au niveau des populations à la base (commune). A ce titre, les services d'action sociale appuient le développement des communautés à la base, à travers la prévention et la gestion des risques sociaux encourus par les populations et particulièrement les couches les plus vulnérables dont les enfants.

Sur le terrain, ils ont normalement à charge :

- d'identifier, à travers une étude du milieu, les risques sociaux qui entravent le développement humain durable au sein de la communauté desservie ;

- d'oeuvrer à la résolution progressive des problèmes sociaux en se basant sur les ressources de l'État, les potentialités du milieu et les appuis des partenaires ;

- de donner des appuis-conseils aux individus, aux familles et élus locaux, en cas de nécessité ;

- de contribuer à l'exécution au niveau des communes des projets et programmes de portée multisectorielle, compatibles avec la mission du Ministère ;

- d'appuyer les communautés à la base dans la conception, l'élaboration, la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation des projets et programmes de développement ;

- de contribuer, entre autres, à la promotion de la famille, de l'enfant, des orphelins et enfants vulnérables ; etc.

Dans la pratique, les services d'action sociale (SAS) sont loin d'assurer ces charges qui leur sont assignées. D'une part, il a été relevé sur le terrain, que les SAS ne disposent pas de moyens nécessaires pour assumer leur mission. L'absence ou l'excessive modicité de moyens financiers, notamment du budget de fonctionnement, rend les SAS dépendants des

ONG nationales ou internationales. Aussi, les moyens matériels et humains font défaut. Dans la plupart des SAS visités, on remarque que la grande partie du matériel disponible a été fournie par les partenaires comme l'Unicef ou l'Union européenne487; A cela s'ajoute aussi un nombre limité du personnel en place, celui-ci variant entre 1 et 5 personnes dans les SAS visités.

En Côte d'Ivoire, on dénombre les principales structures d'actions sociales suivantes : 108 centres sociaux (CS), 17 Centres d'éducation spécialisés (CES), 43 centres de protection de la petite enfance (CPE) dont 43 publics et 27 privés, ainsi que 85 centres d'Action communautaire pour l'Enfance (CACE)488. Il existe également des institutions spécialisées (2 orphelinats, 4 pouponnières et 3 villages SOS.)489 Depuis 2011, les services d'action sociale sont assurés par le Ministère de la solidarité, de la famille, de la femme et de l'enfant (MSFFE) et le ministère de l'emploi des affaires sociales et de la formation professionnelle. Le MSFFE a le mandat de la coordination et du suivi de l'action sociale visant la protection de l'enfant.

Comparativement aux autres pays de la région, la Côte d'Ivoire offre un dispositif de services d'action sociale riche mais qui est inégalement réparti sur le territoire, et sans corrélation avec la cartographie des vulnérabilités et des besoins sociaux.

Chaque année l'institut National de Formation sociale (INFS) forme environ 500 travailleurs sociaux diplômés, qui sont déployés dans différents secteurs de la fonction publique490. Les travailleurs sociaux des services d'action sociale demeurent en nombre insuffisant et toujours inégalement déployés sur l'ensemble du territoire. En effet, le déploiement des services ne cadre pas avec la cartographie de la pauvreté. La moitié des travailleurs sociaux étant actifs dans la région des lagunes491 et plus précisément dans la ville d'Abidjan.

487 Le donateur prend soin de mentionner son nom sur le matériel en question.

488 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

489 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

490 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

491 En 2014, on relevait un personnel social pour 52000 personnes au niveau national contre 13000 pour la région des lagunes. Voir Unicef, op.cit.p.99.

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Dans la moitié des départements, les centres sociaux n'existent pas. Seulement un département sur cinq dispose d'un centre d'éducation spécialisée492. Le personnel local des régions de l'Ouest et du centre du pays ne dépasse pas pour chacune d'entre elles, vingt travailleurs sociaux. Or ces régions doivent faire face à des défis importants en termes de protection493.

Les structures d'action sociale opèrent sans que ne soient précisément définis leur mandat et leur fonctionnement494. L'absence d'autonomie de caisse de services d'action sociale handicape la prestation de services d'assistance en particulier pour la prise en charge d'urgence. La standardisation des prestations aux enfants ayant besoin de protection spéciale reste à mettre en place au niveau national pour chacun des services concernés. Des procédures multisectorielles de signalement et de référencement et prise en charge ont été développées en 2013 mais doivent encore être opérationnalisées à l'échelle nationale, y compris avec une formation subséquente de tous les professionnels concernés. Les professionnels des services de l'action sociale, de la santé, l'éducation, la sécurité et la justice doivent avoir leurs compétences renforcées en matière de détection, référence et prise en charge des enfants victimes et handicapés495.

Le système de suivi et d'inspection de l'action sociale est limité. La production périodique de statistiques nationales sur les besoins sociaux et la réponse adéquate n'est pas soutenue par un système national d'information et de routine496. La dispersion des services d'action sociale sous des tutelles ministérielles différentes impacte négativement sur l'organisation efficiente, la qualité et le suivi des services d'action sociale destinés aux populations les plus vulnérables, et en particulier les enfants en situation de détresse ou de grave danger. L'absence d'un système de détection et de suivi à base communautaire est souvent observée497.

En ce qui concerne la protection des enfants, les SAS accueillent les enfants victimes de traite, de violences de tous genres qui y sont conduits (même si telle n'est pas leur vocation).

492 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

493 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.102.

494 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.103.

495 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.103.

496 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.103.

497 UNICEF, Analyse de la situation de l'enfant en Côte d'Ivoire, octobre 2014 p.104.

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Par exemple, dans le domaine de la traite des enfants, les SAS sont souvent chargés de l'identification des familles des enfants victimes, des enquêtes sociales diligentées sur les familles des enfants victimes, du suivi des activités des comités locaux de lutte contre la traite des enfants. Relevons également que dans l'intérêt supérieur des enfants, les services d'action sociale (SAS) collaborent avec les ONG et les centres d'accueil privés498.

Compte tenu du manque de moyens logistiques et de personnel qualifié, les SAS sont très limités dans leurs actions sur le terrain. Ce faisant, ils recourent par le biais de leur ministère de tutelle, à l'action du ministère en charge de la justice et des droits de l'homme dont le rôle apparait non négligeable en matière de protection des enfants et de leurs droits.

B. AU NIVEAU DU MINISTERE D'ETAT, MINISTERE DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE L'HOMME

Comme l'indique sa dénomination, le ministère de la justice, des droits de l'homme et des libertés publiques est chargé de la mise en oeuvre et du suivi de la politique du gouvernement en matière de justice, de droits de l'homme et des libertés publiques. L'analyse du décret 2011-257 remplaçant le décret n°2006-70 du 26 avril 2006, portant organisation du Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme499 , offre de constater une réorganisation dudit ministère. Aux termes de ce nouveau décret, le ministère dispose de sept (7) directions, soit la direction des études de la législation et de la documentation, la direction des affaires civiles et pénales, la direction des services judiciaires, la direction des affaires financières, la direction des archives, des statistiques de l'information, la direction de l'administration pénitentiaire et finalement, la direction de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse500. Mais nous allons, dans ce point, nous focaliser sur la Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la jeunesse et un autre organe théoriquement donné comme indépendant mais dont le budget est rattaché au ministère de la justice, à savoir, la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI) qui contribue aussi à la mise en oeuvre des droits de l'enfant.

498 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, pp.41-42.

499 Article 42 du décret n°2006-70 du 26 avril 2006, portant organisation du Ministère de la Justice et des Droits de l'Homme.

500 Décret 2011-257 du 28 septembre 2011, Article 7.

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1. La Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse (DPJEJ)

La direction de la protection judiciaire de l'enfance et de jeunesse est une direction sous la tutelle du Ministère d'Etat, Ministère de la justice et des droits de l'Homme (MEMJDH). Relevant du Ministère de la justice, elle est chargée d'apporter une assistance judiciaire à la fois aux enfants en conflit avec la loi et aux enfants en danger physique et moral. Pour ce faire, la Direction comprend quatre services à savoir le centre d'observation des mineurs situé au sein de la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan501 (MACA), l'assistance éducative, le service de liberté surveillé et le centre de rééducation de Dabou502.

Elle est chargée de :

- Proposer des réformes en matière de politique de protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse ;

- Mettre en oeuvre la politique de protection de l'enfance et de la jeunesse ;

- Proposer des mesures de prévention et de lutte contre la délinquance des jeunes ;

- Organiser et contrôler les structures d'observation, d'accueil, de placement, d'assistance éducative, de formation et de rééducation des mineurs ;

- Mettre en oeuvre le régime de la liberté surveillée et de l'assistance éducative ;

- Renforcer les relations avec les personnes ou institutions publiques ou privées recevant des mineurs ainsi qu'avec toutes personnes et organisations participant à la protection de l'enfance et de la jeunesse.

Le MEMJDH dispose d'une Direction de la Protection Judiciaire de l'Enfance et de la Jeunesse. Elle élabore et met oeuvre la politique de protection judiciaire des enfants503. Les

501 Abidjan est la capitale économique de la Côte d'Ivoire, dont la capitale administrative et politique est Yamoussoukro. Elle est également la ville la plus peuplée de l'Afrique de l'Ouest francophone. Elle compte selon les autorités du pays, en 2014, 4707000 habitants soit 20% de la population totale du pays, tandis qu'elle représenterait 60% du produit intérieur brut du pays.

502 Dabou est une ville de Côte d'Ivoire proche d'Abidjan et située administrativement dans la Région des grands ponts. La ville de Dabou est chef-lieu de commune, sous-préfecture mais également chef-lieu du département de Dabou.

503 Décret n°2006-70 du 26 avril 2006 portant organisation du Ministère de la Justice et Droit de l'Homme.

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enfants pris en compte par son mandat sont spécifiquement ceux qui sont en conflit avec la loi. Dans ce cadre, le MEMJDH emploie des travailleurs sociaux (un par juridiction, mais toutes les juridictions n'en sont pas encore pourvues), pour des activités d'enquête sociale, d'observation et de réinsertion. Il convient de noter que les travailleurs sociaux exerçant au MEMJDH étaient formés jusqu'en 2010 à l'Institut National de Formation Sociale 504(INFS). Notons que chaque année, cet institut forme environ 500 diplômés en action sociale (éducateurs périscolaires, maitres d'éducation spécialisée, assistants sociaux, éducateurs spécialisés)505. Il est à noter que l'institut ne dispose pas de module ou de cours portant spécifiquement sur les problèmes de protection de l'enfant ou du bien-être de la famille506.

Mais la réforme du secteur de la justice en cours envisage de regrouper la formation de ses agents dans une nouvelle école dénommée « l'institut national de formation judiciaire (INFJ) »507. L'institut est composé de 4 écoles différentes, soit : l'école de la magistrature, l'école des greffes, l'école des personnels pénitentiaires et de l'éducation surveillé, puis celle de l'école de la formation continue et des stages. Ces écoles sont actuellement réparties sur différents sites, inadaptés aux besoins de formation et trop étroits. Bien qu'il n'existe pas de formation spécifique sur la protection de l'enfance destinée aux juges des enfants, ni aux procureurs, il existe une formation commune de base d'une durée de 30 heures dispensées à tous les élèves magistrats depuis 1983, incluant les articles spécifiques du code pénal

504 Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales, Direction de la planification des études et de la documentation « Cartographie et analyse du système de protection de l'enfant en Côte d'Ivoire », Rapport final, avril 2010, p.43, disponible en ligne sur http://cpwg.net/wp-content/uploads/sites/2/2012/09/Cote-dIvoire-Systeme-protection-enfant-Rapport-2010-FRA.pdf ( consulté le 06/05/2015).

505 Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales, Direction de la planification des études et de la documentation « Cartographie et analyse du système de protection de l'enfant en Côte d'Ivoire », Rapport final, avril 2010, p.43, disponible en ligne sur http://cpwg.net/wp-content/uploads/sites/2/2012/09/Cote-dIvoire-Systeme-protection-enfant-Rapport-2010-FRA.pdf ( consulté le 06/05/2015).

506 Ibid.

507 L'institut national de formation judiciaire (INFJ) est un établissement public national à caractère administratif crée par le décret n° 2005-40 du 03 Février 2005, qui est devenu fonctionnel en 2008.Il a pour mission la formation initiale et continue des magistrats, des greffiers, du personnel de l'administration pénitentiaire et de l'éducation surveillée. L'institut peut, dans le cadre d'un accord conclu avec les ordres et les chambres professionnelles, assurer la formation des avocats, des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs. Il peut également dans le cadre d'un accord de coopération, assurer la formation des magistrats, des greffiers, des avocats et du personnel de l'administration pénitentiaires étrangers. Il est placé sous la tutelle administrative et technique du ministère chargé de la justice et sous la tutelle économique et financière du ministre chargé de l'Economie et des finances.

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concernant la minorité. Il existe également une formation pour les agents d'encadrement pénitentiaire et les maitres d'éducations surveillée, mais pas pour les greffiers. Cette formation aborde brièvement le sujet du traitement de la délinquance juvénile et des moyens de rééducation, mais ne répond actuellement pas aux normes internationales de justice pour mineurs. Cependant, plusieurs matières, telles que l'éducation des enfants, la sociologie de la famille, la psychologie de l'enfance et les procédures à suivre dans le traitement d'un dossier de mineur, sont enseignées, l'ensemble du cursus insiste davantage sur la question des enfants en conflit avec la loi. Le directeur national de l'INFJ est également instructeur à l'école de la gendarmerie d'Abidjan, et son cours, d'une durée environ de 30 heures, porte sur le traitement des mineurs. Ces cours s'adressent aux officiers de police judiciaire.

Par ailleurs, le service de l'assistance éducative508 (SAE) apporte en faveur des enfants victimes et de leurs parents, des conseils concernant toutes les démarches y compris celles judiciaires à entreprendre dans l'intérêt des enfants en danger. Le service procède souvent au placement des enfants en danger dans des centres sociaux. Le SAE est confrontée dans son fonctionnement à des problèmes financiers et matériels. L'absence surtout d'un centre d'accueil d'une grande capacité lui rend la tâche compliquée. En effet, le SAE utilise le centre d'accueil « Sauvetage » du Bureau International Catholique pour l'Enfant (BICE) pour placer les enfants. Ledit centre est géré par le BICE dans les locaux de l'AE509.

508 Les mesures de protection ou d'assistance éducative sont contenues dans la loi n° 70-483 du 3 Août 1970 sur la minorité :

Article 10 : « Les mineurs peuvent faire l'objet de mesures de protection ou d'assistance éducative : 1°) lorsqu'ils donnent à leurs parents ou à la personne investie du droit de garde des sujets de mécontentements très graves, par leur inconduite ou leur indiscipline ; 2°) lorsque leur santé, leur sécurité, leur moralité, ou leur éducation sont compromises ou insuffisamment sauvegardées en raison de l'immoralité ou de l'incapacité des père ou mère ou de la personne investie du droit de garde. ».

Article 11 : « Les mesures de protection ou d'assistance éducative visées à l'article précédent sont ordonnées par le juge des tutelles qui peut notamment prescrire la remise du mineur : 1°) celui des père et mère qui n'a pas l'exercice du droit de garde ; 2°) à un autre parent ou à une personne digne de confiance ; 3°) à tout établissement public ou privé relevant du service de l'aide sociale à l'enfance. ».

Article 12 : « Les frais d'entretien, d'instruction, d'éducation et de rééducation du mineur qui a fait l'objet d'une des mesures visées à l'article précédent incombent aux père et mère. Lorsqu'ils ne peuvent supporter la charge totale de ces frais et des frais de justice, la décision fixe le montant de leur participation ou déclare qu'en raison de leur indigence, il ne sera alloué aucune indemnité. ».

509 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.39.

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L'élargissement des services de la DPJEDJ est également nécessaire. Cette direction a en charge la protection des droits des enfants en conflit avec la loi et celle des enfants en danger. Cependant, il ressort que parmi ses quatre (4) services, seule l'assistance éducative s'occupe en partie du cas des enfants en danger. La pratique a même révélé que même au sein du SAE, c'est la question de l'enfant en conflit avec la loi qui est la plus traitée. Il convient de créer d'autres services effectivement en charge de la question de l'enfance en danger afin de faciliter l'écoute, les conseils et l'orientation de ces enfants et leurs représentants légaux.

Il est important de rendre les enfants victimes plus visibles. Cela passe pour ce qui concerne les enfants, par la création de centres sociaux ou de points d'écoute avec un personnel formé pour recevoir les enfants, les parents, les voisins ou toute autre ayant connaissance d'une enfant en situation difficile.

Cette direction assure de plus, l'organisation et le contrôle des structures accueillant des mineurs (centre d'observation des mineurs, centres éducatifs, de formation et de rééducation des mineurs)510. Il convient de noter que, malgré le mandat du ministère qui englobe tant les enfants victimes que ceux en conflit avec la loi, la pratique montre que seuls ces derniers sont rencontrés par des juges. On est tenté d'affirmer que tout est en place (sur papier) pour l'enfant auteur de crime, alors qu'aucune prise en charge juridique n'est prévue pour l'enfant victime511. Autre mission intéressante, la direction a aussi pour mandat de « renforcer les relations avec les personnes ou institutions publiques ou privées recevant des mineurs ainsi qu'avec toutes personnes et organisations participant à la protection de l'enfance et de la jeunesse512. »

Dans la pratique, lorsque la Direction de la protection judiciaire de l'enfance et de la jeunesse a connaissance d'un cas de violation des droits de l'enfant ou lorsqu'elle en est saisie, elle contacte la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) qui diligente une enquête. Au terme de l'enquête, la BPM lui envoie un rapport ou, en cas de nécessité, la Brigade saisit directement le Procureur de la République. En ce qui concerne les enfants en danger moral,

510 Décret n°2006-70 du 26 avril 2006 portant organisation du Ministère de la Justice et Droit de l'Homme, Article 12.

511 Ministère de la Famille, de la femme et des affaires sociales, Direction de la planification des études et de la documentation « Cartographie et analyse du système de protection de l'enfant en Côte d'Ivoire », Rapport final, avril 2010, p.44, disponible en ligne sur http://cpwg.net/wp-content/uploads/sites/2/2012/09/Cote-dIvoire-Systeme-protection-enfant-Rapport-2010-FRA.pdf ( consulté le 06/05/2015)

512 Décret 2011-257 du 28 septembre 2011, Article 12.

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la Direction effectue des enquêtes auprès des parents de l'enfant513. Si à l'issue de l'enquête, l'enfant peut être retourné dans sa famille, l'on prend soin de sensibiliser les parents avant de l'y intégrer. Dans le cas contraire, la Direction entre en contact avec les centres de prise en charge des enfants en situation difficile. Sur ce plan, il a été relevé que la Direction s'appuie beaucoup sur les Centres des organisations non gouvernementales, notamment le Centre « SAUVETAGE » du BICE. Ce centre semble être le principal sinon l'un des partenaires privilégiés du Ministère de la justice en matière de placement des enfants. On peut y ajouter d'autres centres tels la Fondation AMIGO514 qui se chargent de l'accueil des filles en situation difficile.

Concernant les enfants en conflit avec la loi, la Direction assure le suivi judiciaire des dossiers des mineurs en conflit avec la loi. Dans ce cadre, lorsque l'infraction commise est mineure, la direction négocie avec le juge pour qu'il ordonne une mesure de placement alternative. Cependant, on imagine bien que la direction n'est pas systématiquement informée de tous les cas de mineurs en conflit avec la loi. La DPJEJ prend souvent connaissance des cas lors des tournées annuelles qu'elle effectue dans les centres de détention du pays. Au cours de ces tournées, les mineurs en détention, souvent en détention provisoire, sont interrogés et les informations recueillies peuvent amener la DPJEJ à demander la mise en placement d'un enfant. La Direction assure également la supervision des conditions d'éducation des enfants au niveau des centres publics et privés de placement des enfants, conformément aux normes et standards en vigueur.

513 L'enquête sociale est en réalité réalisé le centre de protection sociale du ressort des parents de l'enfant avec qui la direction collabore.

514 La FONDATION AMIGÓ a été constituée à Madrid (Espagne) le 19 avril 1996 par la Congrégation de Religieux Tertiaires Capucins1 et dressée en Acte Publique constitutif de la Fondation conféré celui-ci par le Notaire Monsieur MARQUES PEREDA Ange l. Le siège central est à Madrid, Rue Zacarias Homs, 18 28043 MADRID. Le 27 novembre 1999 le Patronat a accordé, en séance ordinaire, de créer une Délégation (Bureau National) de la FONDATION AMIGÓ sur le continent africain dont le siège est à Abidjan (Côte d'Ivoire) 23 BP 2738 Abidjan 23, dans l'enceinte du Centre AMIGO-DOUME de Niangon-Lokoa, commune de Yopougon. Le Ministère d'Etat, Ministère de l'Administration du Territoire a octroyé l'Arrêté n° 168/MEMAT/DGAP/DAG/SDVAC portant déclaration de l'Association étrangère dénommée FONDATION AMIGO, le 17 juillet 2003. Le but de la FONDATION AMIGÓ est : « La recherche, la formation, la sensibilisation, l'assistance et la coopération technique dans les domaines de l'éducation et du social pour le développement humain, la qualité de vie, et l'amélioration de la prévention, l'assistance, l'intégration, et la réhabilitation d'enfants, d'adolescents et de jeunes qui subissent l'abandon, la marginalisation, l'alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance, le mauvais traitement, l'isolement et la pauvreté».

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En réalité, la DPJEJ a souvent du mal à accomplir sa mission. Le manque de moyens, notamment financiers et matériels semble être son principal handicap. Dans ces conditions, et vu le rôle qu'elle est censée jouer dans la protection des droits de l'enfant, il est difficile à ce service d'accomplir efficacement sa mission.

Outre ces organismes rattachés par les textes à différents ministères, il importe d'analyser le rôle joué par la Commission nationale des droits de l'homme dans le processus de mise en oeuvre des droits reconnus aux enfants en Côte d' Ivoire.

2. De l'apport de la Commission nationale des droits de l'homme dans la protection des enfants

A la suite d'un long processus commencé en 2000, la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI) a été créée par la Décision n° 2005-08/PR du 15 juillet 2005 qui a force de loi.

La CNDHCI, qui a commencé à fonctionner de façon effective le 31 juillet 2007, s'articule autour de trois organes : l'Assemblée Générale, le Bureau Exécutif et le Secrétariat Général. Elle exerce des fonctions de concertation, de consultation, d'évaluation et de propositions en matière de promotion, de protection et de défense des Droits de l'Homme. Cette décision susvisée a été remplacée par la loi n° 2012 -1132 du 13 décembre 2012515 et le décret n° 2012-1133 du 13 décembre 2012 portant création, attributions, fonctionnement et organisation de la CNDHCI.

Elle est, aux termes de la loi, un organe indépendant, doté de la personnalité juridique et d'une autonomie financière. Elle exerce des fonctions de concertation, de consultation, d'évaluation et de proposition en matière de promotion, de protection et de défense des Droits de l'Homme.

A ce titre, la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire peut être saisie par toute personne physique ou morale résidant en Côte d'Ivoire et ayant intérêt à agir en cas de violation des Droits de l'Homme. Elle peut donc également être saisie par tout

515 Loi n°2012-1132 du 13 décembre 2012 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI), et qui abroge la Décision n° 2005-08/PR du 15 juillet 2005 ayant force de loi, qui elle-même modifiait la loi n°2004-302 du 03 mai 2004 portant création de la Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire (CNDHCI).

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citoyen victime ou témoin de violations des droits de l'homme. Aucune condition d'âge ou de nationalité n'est exigée. Pour l'accomplissement de ses missions, la CNDHCI dispose d'un pouvoir d'auto-saisine non juridictionnel ; Elle peut en effet se saisir d'office de tout cas de violation des Droits de l'Homme commis en Côte d'Ivoire.

Elle procède à des enquêtes non judiciaires, mène toutes investigations nécessaires sur les plaintes et dénonciations dont elle est saisie. Dans la conduite de ses enquêtes, la Commission peut assigner tout témoin à comparaître et exiger toute assistance de la part des organismes de l'État, pour permettre la manifestation de la vérité. Elle adresse un rapport contenant les mesures qu'elle propose au Gouvernement.

Elle peut aussi interpeller toute autorité ou détenteur d'un pouvoir de coercition, sur les violations des Droits de l'Homme dans les domaines qui les concernent et propose des mesures tendant à y mettre fin. Elle peut également procéder à la visite des établissements pénitentiaires et de tout lieu de garde à vue, après autorisation du Procureur de la République compétent qui peut y assister.

Elle étudie toute question relative à la protection des Droits de l'Homme. Elle informe périodiquement le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Conseil constitutionnel, le Médiateur de la République, le Président du Conseil économique et social, le Premier Ministre, l'Assemblée nationale, le Ministre en charge des Droits de l'Homme et tout le Gouvernement de ses activités et leur fait des propositions tendant à la mise en oeuvre, par l'Etat, des résolutions des organes et institutions de l'Organisation des Nations Unies, de l'Union Africaine et de toutes autres organisations internationales intervenant dans le domaine des Droits de l'Homme.

Elle remet aux autorités suscitées, un rapport annuel sur l'état des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire qui doit être rendu public par ses soins. A cet effet, elle a publié et diffusé, en 2008, 2009, 2010 et 2011, un rapport annuel516 sur l'Etat des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire. Elle donne à titre consultatif au Gouvernement, au Parlement et à toute autre institution de l'Etat, soit à leur demande, soit d'office, des avis concernant toute question relative à la protection des Droits de l'Homme.

516 http://www.cndh.ci/publication/pdf/1444079449_Rapport-2014.pdf (consulté le 06/05/2015)

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Elle participe à l'élaboration des rapports prescrits par les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d'Ivoire est partie et entretient dans le cadre de sa mission, des rapports avec les institutions et organisations nationales et internationales intervenant dans le domaine des Droits de l'Homme, conformément à la politique définie par le Gouvernement. La Commission Nationale des Droits de l'Homme de Côte d'Ivoire se compose de membres avec voix consultative et de membres avec voix délibérative.

Les membres avec voix délibérative sont : quatre représentants de l'Assemblée Nationale ; deux représentants du Conseil économique et social ; deux représentants du Médiateur de la République ; deux représentants du Conseil Supérieur de la Magistrature ; deux représentants de l'ordre des avocats ; un représentant par centrale syndicale ; quatre personnes reconnues pour leur compétence dans le domaine des Droits de l'Homme dont au moins une femme ; trois représentants du monde religieux ; trois représentants du monde paysan dont au moins une femme ; un représentant de chaque partie signataire de l'accord de Linas-Marcoussis.

Quant aux membres avec voix consultative, ils proviennent des ministères concernés.

La nouvelle CNDHCI a redémarré effectivement ses activités le 21 juin 2013, soit plus de 11 mois après l'expiration du mandat des premiers commissaires, intervenue depuis le 31 juillet 2012. En effet, au terme du mandat des premiers membres de la Commission, une réforme a été engagée par le Gouvernement, à l'issue du Conseil des Ministres du jeudi 06 septembre 2012, à travers l'adoption d'un projet de loi portant création, attributions, organisation et fonctionnement de la CNDHCI, visant surtout le renforcement du cadre institutionnel de la CNDHCI, en rendant son statut juridique plus conforme aux "principes de Paris517", avec l'exclusion des entités politiques au profit des organisations non gouvernementales (ONG).

517 Sur le plan international, la Commission française a été à l'origine de la relance du réseau international, particulièrement grâce à l'influence de Paul Bouchet. Parmi les moments importants, la tenue d'une conférence internationale des Institutions-soeurs à Paris en octobre 1991, à l'issue de laquelle les « Principes de Paris concernant le statut des institutions nationales de défense et de promotion des droits de l'Homme » ont été adoptés. Ces principes visent notamment à garantir l'indépendance et le pluralisme de ces institutions. Ils insistent également sur le fait que les institutions nationales doivent voir leur mandat énoncé dans un texte constitutionnel ou législatif, c'est la raison pour laquelle la France a adopté une loi en 2007. Ces principes prévoient également la possibilité de compétences à caractère quasi juridictionnel. Cela n'a pas été suivi en France où l'on a préféré privilégier un système souple, compte tenu du fait de l'existence d'autres organes compétents, qu'il s'agisse du juge administratif ou du Médiateur. L'esprit était celui d'un club ou les

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Au-delà de cette volonté affichée, il nous parait utile de relever deux défis majeurs à la garantie de l'indépendance de cette Commission. Ses défis sont à rechercher dans la nomination de ses membres, leur traitement, avantage et indemnités, ainsi que la détermination du budget de la CNDHCI. Il s'agit de :

- L'ineffectivité de l'autonomie financière de la Commission : à ce jour, la CNDHCI a, théoriquement, un budget propre indépendant mais en réalité celui-ci transite par la direction financière du ministère en charge des droits de l'homme. Il en va ainsi de leur traitement, avantages et indemnités financières qui se font par le ministère de l'économie et des finances sur proposition du ministère de la justice. Concernant le budget de la CNDHCI, il est déterminé par le Ministre de la justice. Ceci offre à ce ministère une opportunité de bloquer les décaissements au cas où, pour une raison ou une autre, il serait tenté de bloquer le travail de la Commission. En réalité ce ministère devient juge de l'opportunité de ses activités ;

- L'opportunité offerte aux tenants du pouvoir, à travers différents ministères et organismes étatiques, de désigner un quota important de membres. En effet, sur les seize membres de la CNDHCI qui ont voix délibératives seules sept (7) sont issus de la société civile, les neuf autres sont des acteurs étatiques. La nomination des membres découle derechef de la volonté des membres du gouvernement, notamment, des préfets de région et du ministre de la justice.

Au regard de ce qui précède, des interrogations importantes méritent d'être posées : L'Etat envisage-t-il de donner une plus grande autonomie à la CNDHCI notamment en la dotant de ressources financières directes sans passer par le ministère en charge des droits de l'Homme ? L'Etat peut-il garantir que la composition de la CNDHCI est de nature à lui assurer une indépendance vis-à-vis de toute influence politique ? « Vérité en deçà des

Commission venues de tous les continents, du Canada comme de l'Australie se retrouvaient pour la première fois. Les principes de Paris ont été transmis à la Commission des droits de l'homme en 1992. Lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme de Vienne en 1993, les institutions nationales ont participé aux travaux à titre propre, avec leurs propres réunions parallèles. Leur rôle est mentionné à plusieurs reprises dans la Déclaration et programme d'action de Vienne, notamment en matière d'éducation et de lutte contre le racisme. Mais la principale consécration est venue de l'Assemblée Générale des Nations Unies qui le 20 décembre 1993, dans une résolution 48/134 adoptée au consensus, fait siens les « Principes de Paris » annexés à la résolution. Il s'agit d'un texte de référence, marquant le passage d'un document privé, élaboré par un « club », à un document officiel des Nations Unies.

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Pyrénées, erreur au-delà », la vérité de l'indépendance de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme518 en France est loin d'être une réalité en Côte d'Ivoire. Cela se confirme d'autant plus que cette indépendance est mise en doute par l'expert DOUDOU DIENE. A ce propos, dans son rapport de 2014, il demande le renforcement de l'indépendance et la liberté de la CNDHCI. Tous ces éléments montrent son manque d'harmonie avec les principes de Paris519. Pire, les représentants du gouvernement qui la composent sont plus élevés que ceux de la société civile.

S'agissant du domaine particulier des droits de l'enfant, la CNDHCI a en son sein un département spécialisé en matière de protection de l'enfant. Ses rapports sur la protection des droits de l'homme et celui des enfants, témoignent de son implication pour le respect des droits de celui-ci. Il existe toutefois une volonté de la Commission de se doter d'un commissaire expressément chargé des droits de l'enfant ou d'une section ou division spéciale responsable des droits de l'enfant.

Par ailleurs, le Gouvernement s'est engagé, à la fin du processus électoral, à assurer la mise en conformité de la CNDHCI aux Principes de Paris concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des Droits de l'Homme.

Enfin, il convient de signifier que ce sont de simples recommandations que cet organe émet, elles n'ont aucune force exécutoire. Il s'avère donc indispensable de revoir toutes ces limites en sorte de mener à bien la mission qui lui a été assignée.

A côté de ces organes à compétence générale, les pouvoirs publics ivoiriens ont créé depuis des années de nombreux organes spécifiques en charge des questions de l'enfance.

§ 2. LES ORGANES SPECIFIQUES DE PROTECTION

Au nombre des organes mis en place par l'État ivoirien, figurent divers organes intervenant de façon spécifique sur des questions précises. On essaiera dans le cadre de ce paragraphe, d'en examiner les plus pertinentes au regard de leurs compétences et actions. Nous verrons donc successivement le rôle de la sous-direction de la lutte contre la traite des

518 Pour plus d'infos sur la CNCDH de France, voir http://www.cncdh.fr/ (consulté le 06/05/2015).

519 http://www.ohchr.org/Documents/Publications/PTS-4Rev1-NHRI_fr.pdf (consulté le 06/05/2015).

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enfants et la délinquance juvénile (A), avant de nous appesantir sur les deux Comités de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants récemment créés (B) .

A. LA SOUS-DIRECTION DE LA LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ENFANTS ET LA DELINQUANCE JUVENILE (S/D-LTEDJ)

Au sein du Ministère de l'Intérieur, il existe depuis 2006, une Sous-direction de la lutte contre le trafic d'enfant et la délinquance juvénile (S/DLTEDJ) faisant partie des forces de Polices Criminelles520. Cette Sous-direction intègre l'ex-brigade pour mineurs (BPM) en adoptant son mandat et en élargissant ses compétences territoriales au niveau national. Quelles sont les attributions de la sous-direction de la lutte contre la traite des enfants et la délinquance juvénile (S/D-LTEDJ) en matière de protection des enfants contre la traite et de quels moyens dispose-t-elle pour accomplir sa mission. Ce sont les deux points qui seront développés dans les lignes qui vont suivre.

1. Composition et attributions de la sous-direction de la lutte contre la traite des enfants et la délinquance juvénile

Créé par décret n°2006-11 du 22 Février 2006 portant organisation du Ministère de l'intérieur, la S/DLTEDJ a pour mission à la fois, la lutte contre la traite des enfants et la délinquance juvénile et la lutte contre toutes atteintes aux droits fondamentaux des enfants521. La S/DLTEDJ est une unité centrale basée à Abidjan et composée de 2 commissaires, 6 officiers de police, 12 sous-officiers de police et 2 travailleurs sociaux. Ils travaillent en collaboration avec les forces de police locale et les Forces de Défense et de Sécurité. La S/DLTEDJ remplace dans ses attributions, l'ex-Brigade pour mineurs (BPM). Toutefois, contrairement à la BM dont la compétence territoriale se limitait à la ville d'Abidjan, la SD/LTEDJ a une compétence nationale. Depuis la création de la S/DLTEDJ, toutes les affaires concernant les mineurs dans les différents commissariats doivent y être centralisées. Cela signifie que dans la pratique, les plaintes déposées pour le compte des

520 Décret n°2006-11 du 22 Février 2006 portant organisation du Ministère de l'Intérieur.

521 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.37.

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mineurs ou contre les mineurs au niveau des commissariats doivent être transférés à la

SD/LTEDJ522.

Elle a pour mission d'assurer la protection de l'enfant et de l'adolescent en danger. Dans ce cadre, elle est appelée à constater les infractions commises sur les enfants, de même que les infractions commises par les enfants eux-mêmes. Dans ces cas, elle se doit de rassembler les preuves et d'opérer la recherche des auteurs des infractions commises. Les attributions de la SD/LTEDJ recouvrent trois domaines d'intervention : la prévention, la protection et la répression. Ces trois domaines d'intervention sont répartis à travers les trois services qui composent la SD/LTEDJ, à savoir : le service de la prévention, le service de la répression et le service de la statistique et de la documentation523.

En matière de prévention, la SD/LTEDJ a pour mission d'assurer la sensibilisation des acteurs de ses domaines de compétence et de détecter, de façon préventive, en ce qui concerne la traite des enfants, les trafiquants potentiels. Pour cela, elle effectue quelques fois des sorties au niveau des zones frontalières, notamment la frontière avec les pays tels le Mali et le Burkina524. En ce qui concerne sa mission de répression, en réalité, la SD/LTEDJ ne réprime pas, car cette prérogative est celle de la justice. Elle contribue à la répression des auteurs d'infractions, en identifiant les auteurs qu'elle défère à la justice pour qu'ils soient jugés. Enfin, elle tient à jour des données statistiques sur les cas relevant de son domaine d'intervention. Dans la pratique, elle est saisie pour des affaires relatives à la traite des enfants, à l'exploitation des enfants sous toutes formes, à la maltraitance physique et morale des enfants, aux violences sexuelles, à l'enlèvement d'enfant, aux enfants abandonnés, aux problèmes conjugaux, etc525. Les actions de la S/DLTEDJ en faveur des enfants victimes concernent la réception des plaintes, les enquêtes, l'écoute des victimes, le placement dans des centres d'accueil et la transmission des Procès-Verbaux (PV) au parquet. Pour tenir

522 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

523 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

524 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

525 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, pp.50-58.

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compte de la particularité de l'enfant, la S/DLTEDJ comprend des agents de police judiciaire (APJ) et des travailleurs sociaux.

En matière d'accès à la justice, l'écoute et l'enquête par le personnel approprié permettent de recueillir des informations importantes pour la justice : auteurs de l'infraction, dommages subis par l'enfant, domicile, besoins de la victime, etc. Le placement dans un centre d'accueil permet de garder l'enfant dans un endroit sécurisé pendant que la procédure suit son cours surtout dans les cas d'enfants ayant subi des dommages de la part de ceux chez qui ils résidaient526. Le procès-verbal dressé et transmis au parquet par la SDLTEDJ est par ailleurs, un réservoir d'informations clés.

Malgré son rôle essentiel dans l'administration de la justice en faveur de l'enfant victime, la S/DLTEDJ est confrontée à des difficultés impactant son bon fonctionnement. D'abord, ces difficultés sont d'ordre matériel ; en effet, l'absence de véhicules, de bureaux appropriés et surtout l'absence de centre d'accueil étatique destiné à recevoir les enfants victimes constituent des freins à l'atteinte des objectifs de la S/DLTEDJ. Les difficultés sont ensuite d'ordre humain car l'effectif est réduit pour un organe à compétence nationale. Enfin, il existe des handicaps d'ordre organisationnel tels que l'absence de ligne téléphonique, de numéro vert et l'absence de permanence des assistants sociaux. Vu le rôle clé que doit jouer la S/DLTEDJ, des actions positives méritent d'être engagées en vue de faciliter le travail des agents de police et travailleurs sociaux. Face aux difficultés d'ordre matériel, humain et financier, il est important de doter la S/DLTEDJ de moyens nécessaires (personnel, véhicules, locaux appropriés, centre d'accueil pour enfants en danger) pour fonctionner correctement. Il faut aussi éviter au maximum la lenteur dans le traitement des dossiers des enfants et agir avec célérité pour qu'ils soient vite dédommagés. S'y ajoutent la nécessité de joindre au procès-verbal que la police transmet au parquet après audition des parties prenantes, le rapport des travailleurs sociaux qui illustre mieux les besoins de l'enfant et sa version des faits. Ces besoins peuvent être utiles pour le juge dans la détermination de la réparation. Aussi, comme suggéré par des travailleurs sociaux rencontrés, il importe de créer des salles d'écoute afin que l'enfant puisse aisément relater les faits. Enfin, il apparait important de sensibiliser les agents de police sur la nécessité de traiter les enfants victimes

526 TAPSOBA (J.S.), L'accès des enfants victimes à la justice en Côte d'Ivoire, mémoire de master II, CERAP, 2010, p.38.

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avec une attention particulière et également, sensibiliser les enfants sur la nécessité de connaitre leurs noms et prénoms, ceux de leurs parents, leur lieu de résidence et l'adresse de leurs parents.

Outre l'amélioration des conditions d'accès à la justice de façon générale, pour voir l'enfant victime, obtenir effectivement réparation, il faut que l'Etat puisse doter les institutions spécialisées de moyens pour fonctionner correctement.

D'abord, la SDLTEDJ doit fonctionner effectivement vu son rôle particulier en matière de justice pour mineurs. Elle a une compétence nationale, et partant, devrait voir ses services dotés de moyens conséquents pour fonctionner correctement. Cela implique des locaux adaptés, un personnel en nombre suffisant pour traiter les dossiers des enfants, des moyens de transport nécessaires pour faire les enquêtes de terrain aussi bien à Abidjan que dans les autres villes, une ligne téléphonique véritablement ouverte et accessible, etc. Par ailleurs, il est impératif de décentraliser les services de la S/DLTEDJ car il s'agit d'une structure à compétence nationale. Laisser les enfants des autres régions dépendre uniquement des commissariats n'est pas conforme au principe de l'égalité puisque ceux d'Abidjan peuvent accéder aux services de la S/DLTEDJ, qui est une institution spécialisée. Toujours, pour le compte de la S/DLTEDJ, un centre d'accueil doit être créé pour faciliter la prise en charge des enfants victimes dont les cas nécessitent un placement. L'exemple du Bénin mérite d'être cité car la brigade de protection des mineurs (BPM) béninoise qui a également compétence nationale, dispose d'une antenne départementale dans chaque département du pays527.

A travers la mission qui lui est assignée, la SD/LTEDJ apparaît comme un organe clé dans la lutte contre le trafic des enfants.

Par ailleurs, le seul centre d'accueil fonctionne, grâce aux ONG, l'équipement du centre est l'oeuvre du BICE, qui d'ailleurs est le principal partenaire du centre. Tout ceci pourrait amener à dire que l'unique centre n'aurait jamais vu le jour sans le secours des partenaires techniques et financiers. Dès lors, un regard sur le rôle et le fonctionnement de ce centre d'accueil s'avère indispensable.

527 OMCT, Droits de l'enfant au Bénin . Rapport alternatif au comité des Nations Unies des droits de l'enfant sur la mise en oeuvre de la convention relative aux droits de l'enfant au Bénin, disponible sur : http:// www.crin.org/docs/Benin OMCT NGO Report.pdf (consulté le 04/03/2015).

227

2. Le centre d'accueil et de transit des enfants de la SD/LTEDJ

Principal centre public de transit des enfants victimes de toutes sortes d'abus et de violences, le centre dénommée « SAUVETAGE », accueille les enfants victimes de traite et oeuvre pour leur réinsertion dans leur famille d'origine. Des centaines d'enfants transitent chaque année par le centre de la SD/SLTEDJ528. Parmi eux, on dénombre des enfants victimes de traite, interceptés à Abidjan et ses environs ou en provenance de pays limitrophes tels le Burkina, le Mali, le Bénin... A en croire les données recueillies sur le terrain, le Mali et le Burkina seraient les pays d'origine des enfants victimes de traite hors du territoire national.

Il existe aujourd'hui une procédure de prise en charge des enfants victimes de traite en Côte d'Ivoire.

Cette procédure comprend trois phases :

- La détection, l'accueil et le rapatriement de l'enfant victime de traite

La première phase prend en compte la détection, l'accueil et le rapatriement de l'enfant dans son pays d'origine ; Cette première phase dure entre un et trois mois. La détection qui peut être faite par les organismes étatiques, les organisations non gouvernementales et la communauté du pays d'origine de l'enfant dans le pays de détection, doit permettre d'avoir un dossier sur l'enfant529, de l'informer et de l'orienter vers les services compétents530. En ce qui concerne l'accueil et le rapatriement de l'enfant, ils doivent se conformer à la procédure mise en place dans le pays où l'enfant est détecté et la durée des actions à mener est de un mois à trois mois. Trois catégories d'intervenants sont identifiées pour jouer un rôle : la Représentation diplomatique du pays d'origine de l'enfant, la Structure d'accueil de l'enfant et la Cellule conjointe de la SD/LTEDJ et de le DPE531. Dans un premier temps, il s'agira d'informer les autorités du MEMAE532 et du MSFFE533 et de rechercher les auteurs

528 Par exemple, selon une assistante sociale dénommée Mme KOFFI que nous avons rencontrée lors de notre passage en 2013, plus de 500 enfants y avaient transité.

529 Le dossier de l'enfant prendra en compte la déclaration de la personne ayant détecté l'enfant, le rapport de police et une fiche personnelle avec la photo de l'enfant.

530 Cette phase théoriquement, doit durer au plus 24 heures.

531 Direction de la Famille, de l'enfant et de l'adolescent.

532 Ministère d'Etat, Ministère des Affaires Étrangères.

533 Ministère de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l'Enfant.

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de la traite de l'enfant victime, tout en veillant à son intérêt supérieur. Ensuite, veiller à l'indemnisation par voie judiciaire de l'enfant victime et organiser son départ vers son pays d'origine. Enfin, informer les partenaires qui doivent intervenir dans l'accueil de l'enfant dans son pays d'origine, coordonner les recherches sur l'identification de ses parents et mobiliser les ressources matérielles, humaines et financières pouvant permettre son accueil. La deuxième phase prend en compte, la prise en charge au retour et la réintégration familiale de l'enfant.

- La prise en charge et la réintégration familiale de l'enfant victime de traite534

Cette deuxième phase de la procédure, qui varie entre un et trois mois, doit connaître la participation de la cellule conjointe de la SD/LTEDJ et de la DPE, les forces de sécurité publique et des structures de protection et d'accueil des enfants et des parents de l'enfant. Au cours de cette phase, la SD/LTEDJ et la DPE doivent d'abord assurer l'accueil de l'enfant, obtenir une ordonnance de placement de l'enfant, placer l'enfant dans une structure d'accueil et coordonner les actions de recherche des parents de l'enfant ; ensuite, elles doivent faire mener une enquête sociale535 pour évaluer les possibilités de stabilité de l'enfant dans sa famille, sensibiliser cette dernière et les autorités locales. Les forces de sécurité, quant à elles, doivent sécuriser les opérations relatives à l'accueil de l'enfant et assurer la poursuite judiciaire des trafiquants. En ce qui concerne les centres d'accueil de l'enfant, ils doivent, dans un premier temps, héberger l'enfant, le nourrir, l'habiller, lui donner les soins nécessaires, et assurer sa réinsertion dans sa famille536, puis assurer son retour dans sa famille d'origine en collaboration avec le MFFE. Enfin, la famille de l'enfant, si elle est identifiée, doit préparer l'arrivée de l'enfant, s'engager à garder et suivre l'enfant et attester avoir reçu son enfant des services compétents du Ministère de la famille et de l'enfant. Enfin, la troisième phase concerne le processus de réinsertion sociale de l'enfant.

534 La deuxième phase de la procédure doit donner lieu à : l'ordonnance de placement, au rapport relatif à l'identification de l'enfant, un dossier médical de l'enfant, un rapport de l'action de poursuite judiciaire des trafiquants et leurs complices, un rapport de suivi de l'enfant au sein de la structure d'accueil, l'inventaire des biens de l'enfant à son arrivée au centre d'accueil, la décision du MFPSS de réintégrer l'enfant dans sa famille.

535 L'enquête sociale est menée par le centre de promotion sociale de la localité.

536 Outre les points énumérés, les centres d'accueil doivent ouvrir un dossier sur chaque enfant reçu, l'encadrer, l'assister juridiquement etc.

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- Le processus de réinsertion sociale de l'enfant victime de traite537

La dernière étape de la procédure de prise en charge de l'enfant victime de traite dure entre deux et trois ans. Elle doit connaître la participation des structures étatiques (le MFFE notamment), des organisations non gouvernementales, de la famille et de la communauté de l'enfant victime. Au cours de cette phase, les services du MFFE et les ONG doivent veiller à la réinsertion sociale de l'enfant, coordonner le processus de réinsertion et collecter des informations relatives à cette réinsertion. En ce qui concerne la famille de l'enfant, elle doit participer à la recherche et à la mise en oeuvre des solutions pour la réinsertion de l'enfant ; dans son rôle, elle doit être accompagnée par la communauté. D'autres structures peuvent jouer un rôle en ce qui concerne l'appui à la scolarisation et la formation professionnelle de l'enfant victime.

La mise en place d'une procédure de prise en charge de l'enfant victime de traite constitue sans doute une avancée dans la prise en charge des enfants. Cependant, dans la pratique, ces différentes étapes sont rarement suivies et les mesures prévues ne sont presque jamais respectées. En attendant de revenir, dans la seconde partie de ce travail, sur les problèmes qui constituent un handicap sérieux pour la lutte contre la traite des enfants en Côte d'Ivoire, nous remarquons déjà que les pouvoirs publics ne jouent qu'un rôle de coordination des diverses actions à mener pour la réinsertion de l'enfant. En effet, les actions déterminantes, qui peuvent participer efficacement à une réinsertion réussie de l'enfant (appui à l'éducation et à la formation professionnelle), étaient laissées à d'autres structures, notamment les ONG ou partenaires techniques. Mais avec la création récente de deux Comités de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants, osons espérer que la donne changera au niveau du degré d'engagement des acteurs étatiques.

B. LA CREATION RECENTE DE DEUX COMITES DE LUTTE CONTRE LA TRAITE, L'EXPLOITATION ET LE TRAVAIL DES ENFANTS

Pour permettre une meilleure coordination et capitalisation de toutes les actions de lutte, un nouveau cadre institutionnel a été mis en place et un plan d'action national est élaboré. Le cadre institutionnel de lutte contre le travail des enfants a été renforcé par la création de

537 La dernière phase doit aboutir à : un projet de réinsertion de l'enfant victime de traite, l'identification des structures d'appui, un rapport trimestriel de suivi de l'enfant et un rapport d'évaluation des actions entreprises

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deux (02) comités. En effet, le 3 novembre 2011, le Président de la République a signé deux décrets portant création de deux Comités de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants538.

Le premier, le Comité National de Surveillance des Actions de Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants (CNS)539, est présidé par Mme Dominique Ouattara, et est doté d'un Secrétariat exécutif. Il est composé de membres du Cabinet de Mme Ouattara, d'experts, et d'organisations nationales et internationales choisies « pour leurs actions en faveur des enfants »540. Le Comité National de Surveillance a pour mission de suivre et d'évaluer les actions du gouvernement en matière de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants. A ce titre, il est chargé :

- de suivre la mise en oeuvre des projets et programmes du gouvernement dans le cadre de la lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- de suivre l'application des conventions en matière de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- d'initier des actions de prévention contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants; - de faire des propositions au gouvernement en vue de l'abolition du travail des enfants ;

- et de veiller à l'application des orientations du gouvernement dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la traite des enfants;

- de proposer des mesures pour la prise en charge des enfants victimes des pires formes de travail des enfants ;

538 DIENE (D.), Rapport sur la situation des droits de l'homme en Côte d'Ivoire, 9 janvier 2012, page 15, disponible sur : http:// www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/ docs/19session/A.HRC.19.72_fr.pdf (consulté le 30 septembre 2013).

539 Décret n°2011-365, portant création du Comité National de Surveillance (CNS), le 3 novembre 2011.

540 Discours de Mme Ouattara à l'occasion du lancement officiel des activités du CNS, le 15 février 2012. Disponible sur : http://africaview.net/?action=show_ page&id_page=1791&child_page_start=336 (consulté le 30 septembre 2013) ; Il est composé d'organisations internationales et nationales oeuvrant dans le domaine de la protection de l'enfance. Ce sont :le Fonds des Nations-Unies pour l'Enfance (UNICEF) ; le Bureau International du Travail (BIT) ; l'ONG Save The Children international ; le Bureau International Catholique de l'Enfance (BICE) ; la Fondation International Cocoa Initiative (ICI) ; l'International Rescue Committee (IRC); le Conseil du Café -Cacao ; le Groupement des Exportateurs (GEPEX) ; le Groupement des Négociants Internationaux (GNI) ; l'Union Générale des Travailleurs de Côte d'Ivoire (UGTCI) ; le Forum National des ONG d'aide à l'enfance ; l'ONG Fraternité sans Limites ; la Coopérative Agricole KAVOKIVA du Haut Sassandra (CAKHS) ; la Fondation Children of Africa.

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- de contribuer à la réinsertion scolaire et professionnelle des enfants travailleurs.

Le second, le Comité Interministériel de Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants (CIM)541, est présidé par le ministre d'Etat en charge de l'emploi, des affaires sociales et de la formation professionnelle, et est composé de quinze ministères techniques542. Il est doté d'un Secrétariat technique.

Il a pour mission de concevoir, de coordonner et d'assurer la mise en oeuvre des programmes et projets en vue de l'interdiction du travail des enfants. A ce titre, il est chargé:

- de définir et de veiller à l'application des orientations du gouvernement dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- de valider les différents programmes et projet exécutés par les partenaires en vue de vérifier leur conformité avec la politique nationale de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- de coordonner les activités de tous les acteurs intervenant dans la lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ;

- d'évaluer l'exécution des programmes et projets relatifs à la lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants.

Pourquoi deux (2) comités alors que leurs missions sont très proches : l'une d'entre elles est identique : « veiller à l'application des orientations du gouvernement dans le cadre de la politique nationale de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants ». Un seul comité aurait suffi pour être plus opérationnel.

Les deux Comités ont travaillé conjointement pour l'élaboration du Plan d'Action National (PAN) 2012-2014, seul programme adopté à ce jour contenant des mesures de lutte

541 Décret n°2011-364, portant création du Comité Interministériel de Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants (CIM), le 3 novembre 2011.

542 Il est Présidé par le Ministre en charge de l'Emploi et a pour Vice-président le Ministre en charge de l'Enfant. Il est composé de : un représentant du Premier Ministre ; un représentant du Ministre en charge de la Justice ; un représentant du Ministre en charge de l'Administration du Territoire ; un représentant du Ministre en charge de l'Economie et des Finances ; un représentant du Ministre en charge de l'Education Nationale ; un représentant du Ministre en charge de l'Artisanat , un représentant du Ministre en charge de l'Agriculture ; un représentant du Ministre en charge de l'Enseignement Technique ; un représentant du Ministre en charge des Droits de l'Homme , un représentant du Ministre en charge de la Communication ; un représentant du Ministre en charge des Transports ;un représentant du Ministre en charge de la Promotion de la Jeunesse ; un représentant du Ministre Délégué à la Défense.

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contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Le CNS et le CIM se sont appuyés sur une collaboration avec les institutions publiques, des organisations non gouvernementales et des institutions internationales, tels que le Bureau International du Travail (BIT) et le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNICEF)543. Ce plan visait à réduire de manière significative les pires formes de travail des enfants jusqu'en 2014, et se décline en quatre axes stratégiques à savoir : La prévention, la protection des enfants, la poursuite et la répression des auteurs d'infractions, et enfin le suivi-évaluation des activités. Les stratégies ne sont toutefois pas définies précisément, et aucune référence n'est faite quant à la réduction de la demande en matière d'exploitation sexuelle d'enfants, ni concernant la participation des enfants dans la lutte contre ce phénomène. D'un point de vue des ressources, le plan prévoit un coût s'élevant à 13 milliards de francs CFA, dont un peu plus de 3 milliards financés par l'Etat ivoirien544. Les 10 milliards restant doivent donc être financés grâce aux partenaires et bailleurs de fonds, tout au long de la période d'exécution du Plan. Dans le cadre du Plan, les actions prioritaires pour 2012 étaient notamment de sensibiliser la population, créer un site internet de lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants, créer des infrastructures complémentaires (deux structures d'accueil, mise en place d'un numéro vert et de deux brigades de protection de mineurs) et renforcer celle déjà existantes545. Ainsi, des activités de sensibilisation ont été réalisées, avec notamment la mise en place de comités de villageois et de surveillance. Par ailleurs, les compétences des autorités préfectorales de Yamoussoukro ainsi que les autorités policières et judiciaires en charge de la problématique du travail des enfants, ont été renforcées546. Si

543 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, Plan d'Action National 2012-2014 de lutte contre la traire, l'exploitation et le travail des enfants, budget et financement du Plan, page 25,: http://www.dominiqueouattara.ci/sites/default/files/pan_2012-2014_tpfte_partie_narrative_0.pdf (consulté le 30 septembre 2013).

544 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, Plan d'Action National 2012-2014 de lutte contre la traire, l'exploitation et le travail des enfants, budget et financement du Plan, page 25,: http://www.dominiqueouattara.ci/sites/default/files/pan_2012-2014_tpfte_partie_narrative_0.pdf(consulté le 30 septembre 2013).

545 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, Plan d'Action National 2012-2014 de lutte contre la traire,

l'exploitation et le travail Côte d'Ivoie|52 Côte d'Ivoie|53 des enfants:
http://www.dominiqueouattara.ci/sites/default/files/pan_2012-2014_tpfte_partie_narrative_0.pdf 4 (consulté le 24 janvier 2013).

546 Abidjan.net, Atelier de formation / Lutte contre la traite, l'exploitation et le travail des enfants : La Première dame renforce les capacités opérationnelles de la police et de la gendarmerie, Atelier de formation à l'intention des éléments de la sous-direction de la police criminelle et des brigades de la gendarmerie nationale en charge

233

aucun bilan officiel n'a été publié, la Secrétaire exécutive du CNS a néanmoins énuméré les actions entreprises au cours de l'année 2012, lors de la 23ème réunion de partenariat de la World Cocoa Foundation (WCF) à Washington en juin 2013547. Notons toutefois que la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants n'étant prévue que de façon partielle à travers ce programme, le CNS ne semble pas considérer cette problématique comme prioritaire et s'est concentré principalement sur le travail des enfants dans les plantations de cacaoyers.548 Enfin, le suivi et l'évaluation du Plan 2012- 2014 est assuré au niveau des deux comités par différentes entités : un Secrétariat Exécutif qui assure la coordination au niveau central, le CNS, et enfin les comités régionaux et départementaux. Par ailleurs, dans le cadre de l'axe stratégique « suivi-évaluation des activités », la Présidente du CNS a lancé en juin 2013 le Système d'Observation et de Suivi du Travail des Enfants en Côte d'Ivoire (SOSTECI), outil ayant vocation à fournir une « base de données fiable et solide »549. Lors du lancement de ce nouvel outil, la Présidente du CNS, a appelé les différents acteurs à s'impliquer d'avantage pour une meilleure collaboration afin de lutter contre les pires formes de travail des enfants.

Comme on le voit, en dépit de leurs faiblesses, il existe divers mécanismes politiques et administratifs afférents à la protection des droits des enfants en Côte d'Ivoire. Cela traduit une certaine volonté de ce pays à mieux protéger les enfants. Cette volonté est renforcée par la mise en place de juridictions spécialisées pour enfants.

de la lutte contre la traite et la délinquance juvénile au cabinet de la Première Dame à Cocody, le 13 août 2013,: http://news.abidjan.net/h/467881. Html (consulté le 30 septembre 2013).

547 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, L'engagement de la Première Dame Dominique Ouattara salué aux Etats-Unis: http://www. dominiqueouattara.ci/fr/activites/lutte-contre-le-travail-des-enfants-3 (consulté le 30 septembre 2013).

548 Site officiel de Mme Dominique Ouattara, « Lutte contre les pires formes de travail des enfants : Le CNS sensibilise les populations des zones de production de cacao»,: http://www.

dominiqueouattara.ci/fr/activites/lutte-contre-les-pires-formes-de-travail-des-enfants-0(consulté le 30
septembre 2013).

549 Cérémonie de lancement du Système d'Observation et de Suivi du Travail des Enfants en Côte d'Ivoire (SOSTECI), présidée par Mme Dominique Ouattara, le 25 juin 2013 : http://www.dominiqueouattara. ci/fr/activites/lancement-du-sosteci (Consulté le 29 juin 2013).

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SECTION II. LES JURIDICTIONS SPECIALISEES POUR ENFANTS

La prise en compte des spécificités de la délinquance juvénile exige l'existence de juridictions spéciales chargées de juger les mineurs délinquants550. Cette spécialisation constitue la clé de voute de la justice pénale des mineurs. A l'instar de bien de pays africains, en Côte d'Ivoire, le délinquant âgé de moins de 18 ans au moment des faits relève, sauf pour les petites contraventions551, d'une juridiction spécialisée : le tribunal pour enfants pour les délits, la Cour d'assises des mineurs pour les crimes. Ce faisant, ces juridictions sont saisies suivant la nature ou la gravité de l'infraction reprochée à l'enfant, suivant qu'il s'agisse d'une contravention ou d'un délit (Paragraphe 1) ou bien d'un crime (Paragraphe 2).

§ 1. LES JURIDICTIONS COMPETENTES EN MATIERE

CONTRAVENTIONNELLE ET DELICTUELLE

Le Tribunal de simple police est compétent pour connaitre des contraventions (A) tandis que les délits relèvent de la compétence du Tribunal pour enfants (B) et du juge des enfants (C).

A. LE TRIBUNAL DE SIMPLE POLICE

Le tribunal de simple police est la seule juridiction non spécialisée appelée à intervenir dans les affaires impliquant des mineurs. C'est une juridiction de droit commun qui juge les contraventions552. La procédure suivie devant cette juridiction est quasi identique à celle indiquée pour tout tribunal correctionnel553 à la différence que le prévenu peut se faire représenter par un avocat ou une personne titulaire d'une procuration554. Cela a pour conséquence immédiate de rendre la décision du tribunal contradictoire555. Il est surprenant

550 BOULOC (B.), Procédure pénale, Précis Dalloz, 22e éd., Paris, 2010, p.456 ; COMMISSION DE PROPOSITIONS DE REFORME DE L'ORDONNANCE DU 2 FEVRIER 1945 RELATIVE AUX MINEURS DELINQUANTS, Rapport Varinard. Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter. La justice pénale des mineurs 86-87.

551 Le tribunal de simple police est compétent pour juger des contraventions les moins importantes reprochées aux enfants. Ainsi, l'enfant, auteur d'une contravention de la circulation, sera jugé de la même manière qu'un adulte.

552 Art.521, C.P.P. fr. rapp. Art.514 nouveau, C.P.P.iv. ( loi n°69-371, 12 août 1969).

553 Art.524, et s. C.P.P. iv.

554 Art.537 et 538, C.P.P. iv.

555 Cass. Crim.2 juin 1977 :Bull.crim.1977, n°64.

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que les enfants soient justiciables devant une telle juridiction de droit commun, alors que les principes directeurs de la justice pour mineurs énoncent clairement la spécialisation des juridictions pour mineurs.

En droit français, les contraventions de police des quatre premières classes commises par les mineurs sont déférées au tribunal de police556.

Au contraire en droit ivoirien, le tribunal de simple police est compétent pour connaitre des contraventions, toutes classes confondues. Tel est ce qui ressort des dispositions contenues à l'article 788 du code de procédure pénale ivoirien « les contraventions de simple police, commises par les mineurs de dix-huit ans, sont déférés au tribunal de simple police siégeant dans les conditions de publicité prescrites à l'article 782 pour le tribunal pour enfants ». Néanmoins, l'article 789 alinéa 2 nouveau du code de procédure pénale ivoirien précise que « le tribunal peut s'il l'estime conforme à l'intérêt du mineur, transmettre le dossier au juge des enfants qui a la faculté de placer le mineur sous le régime de la liberté surveillée »557.

Cette possibilité de saisine est aussi prévue en France par l'ordonnance du 2 février 1945 uniquement pour les contraventions de cinquième classe558.

En tout cas, l'article 789 alinéa 2 du nouveau du code de procédure pénale ivoirien permet de soustraire le mineur de la rigueur de la procédure suivie devant le tribunal de police au profit d'une autre juridiction présentant les garanties de la spécialisation. Toutefois, si la loi autorise le tribunal de police à se dessaisir au profit du juge des enfants, il ne peut se déclarer incompétent pour juger un mineur déféré devant lui. Telle est la position de la jurisprudence de la Cour d'appel d'Abidjan confirmée par un arrêt du 2 mars 1982559. L'arrêt rendu est libellé comme suit :

« (...) Considérant que le tribunal susvisé, par jugement de défaut en date du 22 octobre 1981 s'est déclaré incompétent pour cause de minorité de M. D., au motif qu'en vertu de l'article 766 alinéa 2 du code de procédure pénale, en aucun cas, il ne peut être suivi contre un mineur, selon la procédure de flagrant délit ou de citation directe, et renvoyé le ministère

556 Art.21, Ord. 2 février 1945.

557 Article 789 alinéa 2 de la loi N°81-640 du 31 Juillet 1981portant code de procédure pénale ivoirien.

558 Art. L531-2, C. org.Jud.anc. ; art.5, 8 al.8-2, 21, Ord.2 février 1945.

559 C.A. d'Abidjan, 2 mars 1982, Ministère public c/M.D., Arrêt précité.

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public à se mieux pourvoir ; considérant que par acte de Greffe en date du 4 novembre 1981, le Ministère public a relevé appel de cette décision ; considérant que l'article 766 du code de procédure pénale dispose pour les crimes et délits, et non pour les contraventions qui relèvent toujours, quel que soit l'âge de leurs auteurs du Tribunal de simple police, qu'en l'espèce, les infractions commises par M.D. étant des contraventions, le prévenu pouvait bel et bien être assigné devant le Tribunal de simple police suivant la procédure de citation directe nonobstant sa minorité ; que c'est à tort que le tribunal de simple police s'est déclaré incompétent ; qu'il y'a lieu par conséquent de reformer la décision entreprise et de condamner M.D. du chef des deux contraventions (...) »

L'arrêt de la Cour d'appel d'Abidjan appelle deux observations. La première est l'intérêt que la loi et la jurisprudence accordent à la répartition des compétences entre les différentes juridictions répressives : à savoir, les crimes sont jugés par la cour d'assises, les délits par le tribunal correctionnel, et les contraventions par le tribunal de simple police. Le tout est de faire respecter les règles de procédure pénale et d'éviter qu'une contravention soit jugée par un tribunal correctionnel, ou un délit par une cour d'assises. La seconde a trait à l'intérêt du mineur. Sans remettre en cause le principe précédent conforté par l'arrêt de la Cour d'Appel d'Abidjan, le législateur ivoirien reste attaché à la nécessité de la spécialisation des juridictions pour mineurs, et autorise pour ce faire quelques dérogations à certains principes de droit commun. En ce sens, les infractions commises par les mineurs échappent à la compétence des juridictions répressives ordinaires pour ressortir à la compétence des juridictions spéciales à savoir le tribunal pour enfants, le juge des enfants et la cour d'assises des mineurs.

B. LE TRIBUNAL POUR ENFANTS

En règle générale, le mineur délinquant n'est pas traduit devant les juridictions de droit commun, mais plutôt devant des juridictions spécialisées560. Force est de constater que cette

560 Article 756 CPP. Ivoirien « Le mineur de dix-huit ans auquel est imputée une infraction qualifiée crime ou délit n'est pas déféré devant les juridictions pénales de droit commun et n'est justiciable que des tribunaux pour enfants et de la cour d'assises des mineurs ».

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idée fait l'unanimité dans l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant561, et a fait écho dans le droit positif de presque tous les pays signataires.

Malheureusement, la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant a tout simplement éludé la question de la spécialisation des juridictions pour enfants, comme si cela ne présentait aucun intérêt. Pourtant, elle se montre favorable au traitement spécial de tout mineur accusé ou déclaré coupable d'avoir enfreint la loi pénale562. Or, pour parvenir à ce traitement différentiel ou spécial, les intervenants au procès pénal du mineur doivent nécessairement présenter la garantie d'un minimum de spécialisation. Dans le silence de la Charte, il est loisible de supposer que les rédacteurs ont préféré réserver à chaque Etat, la primeur de l'élaboration des lois pénales applicables aux mineurs conformément aux recommandations de la Charte. Force est de reconnaître que les Etats s'efforcent de promouvoir la création de juridictions spéciales, même si dans certains pays, la spécialisation de la justice des mineurs se fait encore attendre563. En République populaire du Congo, dans le cadre de la création des tribunaux populaires, des juridictions pour enfants ont vu le jour. Il s'agit du juge des enfants, de la Chambre correctionnelle pour mineurs, la section pour mineurs de la Chambre criminelle564. Mais dans l'ensemble, ces juridictions n'ont la plupart du temps qu'une existence théorique. La pénurie de magistrats spécialisés dans les affaires de minorité fait que les fonctions de juge des enfants sont exercées par un magistrat ordinaire, un président de tribunal ou un juge désigné par lui. Ce qui revient à dire que ce sera le même magistrat qui jugera aussi bien les adultes que les mineurs, au risque de voir ces derniers traités suivant les règles applicables aux premiers565. Au Niger, la compétence des juridictions répressives en matière de crime a longtemps souffert d'une limite tenant à l'âge de l'inculpé. Les crimes commis par les mineurs de 16 ans étaient jugés par le tribunal de première instance statuant en matière correctionnelle. Le mineur de 13 ans pouvait être déféré à une juridiction répressive de droit commun. Il était jugé par le président du tribunal

561 A propos de la spécialisation et la professionnalisation des acteurs de la justice des mineurs V. art 2-3, Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice des mineurs (Règles de Beijing, 1985), art.40-3 Convention internationale relative aux droits de l'enfant 1989.

562 Art. 17-3 « Le but essentiel du traitement de l'enfant durant le procès est son amendement, sa réintégration au sein de sa famille et sa réhabilitation ».

563 Il en va ainsi du Cameroun.

564 KOKI (A.) « Les tribunaux populaires en République populaire du Congo », Penant, 1985, n°786-787, p.110 et s.

565 MANDE DJAPOU (J.) « La législation centrafricaine de protection de l'enfant », op. cit., p.310.

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civil et ne devait faire l'objet que de mesures de surveillance, d'éducation et d'assistance566. Aujourd'hui, avec une ordonnance intervenue en 1999, la situation a changé. En effet, le Niger s'est doté en juin 1999 d'un texte de loi qui institue une juridiction des mineurs, définit le concept de mineur en danger, réoriente les missions des magistrats vers une démarche plus éducative que répressive et positionne le ministère public dans un rôle de protection de l'enfance. Ainsi, l'Ordonnance n°99-11 du 14 mai 1999 portant création, composition, organisation et attributions des juridictions des mineurs a institué des juridictions des mineurs au siège de chaque Tribunal de Grande Instance ou d'Instance. En conséquence, les mineurs qui se rendent coupables d'infractions à la loi pénale sont jugés par une juridiction spéciale dénommée tribunal ou juge des mineurs. Le mineur de moins de 13 ans est pénalement irresponsable mais peut faire l'objet de mesures de protection ordonnées par le juge des mineurs567.

Le Cameroun a fait la remarquable expérience d'associer la société civile au fonctionnement de la justice des mineurs, avec la création des comités de protection des mineurs568. Ces comités569 sont très actifs dans le traitement de la petite délinquance grâce à un système partenarial mis en place avec le parquet de Douala. Lorsqu'un mineur commet une infraction de faible gravité, le parquet ne transmet pas le dossier de poursuite au tribunal, mais le soumet au comité qui devient en quelque sorte une juridiction pour enfants570. La création de ces comités s'inscrit dans la droite ligne d'une stratégie centrée sur la substitution des méthodes du système pénal par une politique de justice sociale571. Elle rejoint également

566 RAYNAL (M.) « La diversité dans l'unité. Le système juridictionnel nigérien », Penant, n°805 ( January-May 1991)., p.84 et s.

567 Fondation Joseph The Workers et O.I.F, Guide de bonnes pratiques pour la protection des mineurs en conflit avec la loi au Niger, Novembre 2011, pp 8-9.

568 Ibid.

569 Les comités de protection des mineurs sont composés d'un chef du quartier, d'un père ou d'une mère de famille, d'un instituteur, d'un policier, d'un représentant politique et de toute personne dont le comité estime la présence nécessaire.

570 Outre leur rôle juridictionnel, les comités de protection des mineurs ont pour mission de susciter la motivation des jeunes au développement de leurs quartiers, en leur proposant des activités ou des travaux communautaires. Ils interviennent aussi au niveau du maintien de l'ordre en assurant la nuit la surveillance des quartiers et des mineurs, apportent des conseils aux parents d'enfants difficiles, organisent des débats sur l'éducation, la tradition etc.

571 BERNAT DE CELIS (J.) « Les grandes options de la politique criminelle », A.P.C., n° 5, 1982, p.43.. ; La politique de justice sociale rejoint la préoccupation de ceux qui depuis longtemps savent qu'en favorisant des conditions de vie souvent précaires, de travail, de santé, de loisirs, de logement, on peut éviter beaucoup d'actes déviants.

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le modèle type d'une politique criminelle participative572. Beaucoup de pays africains ressentent le besoin de réviser leur système de justice criminelle en y intégrant les méthodes traditionnelles de résolution des conflits573, en y associant étroitement la société civile574. Mais en fait, le processus est encore à l'état embryonnaire. L'Etat, nouvellement constitué, reste le principal acteur de la politique criminelle officielle575. Aussi, l'un des domaines où s'exerce le contrôle de l'Etat est celui de la justice des mineurs.

En Côte d'Ivoire, suivant en cela le système français, le Tribunal pour enfants est composé du juge des enfants qui le préside et de deux assesseurs titulaires ou suppléants nommés pour quatre ans par le garde des sceaux sur proposition du président de la cour

572 LAZERGES (C.) « Une politique criminelle participative. A propos de la mise en place et du fonctionnement des conseils communaux de prévention de la délinquance (L'exemple du Languedoc-Roussillon) », A.P.C., n° 10, 1988, p. 91. et s. ROYARE (S.), « Une politique criminelle participative : L'exemple de la participation des associations à la variante de médiation », A.P.C., n°11, 1989, p.107. et s. La politique criminelle participative se présente comme l'un des moyens de diversification des réponses à la délinquance. Elle met l'accent sur le concours de la société civile à l'élaboration et à la mise en oeuvre des réponses à la délinquance. Dans ce corps constitué qu'est la société civile, sont représentées les associations, les collectivités locales, les personnes morales ou physiques concernées par le problème de la délinquance. La politique criminelle fait donc cohabiter les réponses étatiques et les réponses sociétales à l'infraction et à la déviance dans un programme ou une stratégie commune. ; V. ég. SZABO (D.) « Modèles et mouvements de politique criminelle. Réflexion sur une approche nouvelle de la politique criminelle », R.I.C.P.T., Vol. XXXVI, n°2, 1993, p.25 et s. LIEGE (M-P) « Les habitants acteurs de la sûreté des villes », R.S.C., n°1, 2000, p. 255 et s.

573 RAYNAL (M.) « Politique criminelle en Centrafrique », A.P.C., n°14, 1992, p.149.

574 SOUMBOU (A.) « La politique criminelle congolaise », A.P.C., n°14,1992, p.156.

575 L'emprise de l'Etat sur la conception et les productions du système pénal a pour conséquence d'imposer un modèle de politique criminelle centré sur les institutions de l'Etat, en l'occurrence l'institution judiciaire, et de réduire les possibilités d'éclosion de modèles sociétaux de politique criminelle. Même lorsqu'ils existent en marge des modèles étatiques, il n'en demeure pas moins qu'ils subissent sans cesse les assauts du contrôle étatique. La vindicte populaire et l'autodéfense par exemple qui sont deux variantes des modèles sociétaux admises par le groupe social, n'ont au regard de l'Etat détenteur exclusif du monopole de la contrainte physique, aucune légitimité. Dans un système de réponse étatique à l'infraction, l'autodéfense et la vengeance privée ne sont pas admises. Cela suffit à justifier la réglementation des sociétés de gardiennage (Loi n°83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fond, J.O., 13 juillet 1983, p.2155). Les modèles étatiques s'expriment par référence au droit pénal. Néanmoins, les modèles sociétaux de politique criminelle se manifestent comme une substitution du corps social à l'Etat ; soit que celui-ci ne joue pas le rôle de régulateur des conflits que la société attend de lui, soit qu'à l'inverse, le groupe social ou une partie du groupe social s'interpose entre le phénomène criminel et l'Etat ; soit que celui-ci ne joue pas le rôle de régulateur des conflits que la société attend de lui, soit qu'à l'inverse, le groupe social ou une partie du groupe social s'interpose entre le phénomène criminel et l'Etat ; soucieux de gérer lui-même tout ou partie des comportements de refus des normes. V. DELMAS-MARTY (M.), Modèles et mouvements de politique criminelle, Ed. Economica, Paris, 1983, p. 129 et s. ; LAZERGES (C.), « Les conflits de politique criminelle » A.P.C., n°7 , 1984, p.39 et s. ; WEBER (M.) Economica y sociedad, Mexico, Fondo de cultura Economica, 1987. p. 292.

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d'appel et choisis parmi les personnes de l'un ou de l'autre sexe âgées de trente ans qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions relatives à l'enfance et par leurs compétences576. Contrairement au tribunal de simple police, le tribunal pour enfants peut prétendre à l'étiquette de « juridiction spécialisée » en ce sens qu'il est présidé par un juge des enfants assisté par des assesseurs présentant les garanties de la spécialisation. Les assesseurs qui composent le Tribunal pour enfants en Côte d'Ivoire, sont choisis dans les mêmes conditions que leurs homologues français, à la différence qu'ils sont au nombre de cinq577. En plus des assesseurs titulaires, le tribunal pour enfants comprend également cinq assesseurs suppléants nommés pour quatre ans par le Ministre de la justice. Certes, l'importante représentativité des assesseurs au sein de cette juridiction n'a pas pour effet immédiat de réduire les pouvoirs de décision du juge des enfants, étant donné que c'est à ce magistrat que revient la décision finale prise à l'égard du mineur. Mais, l'avis des assesseurs au moment des délibérations peut influer sur le choix de la sanction. Mieux, l'originalité de cette juridiction consiste dans le fait que les assesseurs du juge des enfants sont des ressortissants ivoiriens non-magistrats mais ayant des compétences dans le domaine de l'enfance578.

En droit ivoirien, le tribunal pour enfants ne connait que des délits commis par les mineurs de 18 ans et des crimes commis par les mineurs de moins de 16 ans579. Il en est de même dans le système juridique français. Par contre, toutes les contraventions relèvent de la compétence du tribunal de simple police580. L'une des difficultés liées à la saisine de la juridiction compétente est celle qui résulte de la détermination de l'âge du mineur. En clair, il s'agit de savoir si l'âge à prendre en compte est celui au moment des faits ou plutôt celui

576 STEFANI (G.), LEVASSEUR (G.), BOULOC (B.), Procédure pénale », op.cit., pp.393-394 ; art.L 522-3 C. org. Jud. ; art.5, Ord. 22 déc. 1958 mod. Loi 1er juillet 1965.

577 Art.780 nouveau C.P.P.iv. (Loi n°69-371 du 1er août 1969).

578 B.I.C. E, Recueil sur la minorité, Analyse et commentaire de la législation applicable aux mineurs, 2010, p.66.

579 Les diligences effectuées, le juge des enfants peut renvoyer le mineur devant le Tribunal pour enfants (art.772-10 nouveau C.P.P., .n°69-371 du 12 Août 1969, art.756 C.P.P.) . En cas de crime, il rend une ordonnance de renvoi devant le Tribunal pour enfants, s'il s'agit d'un mineur de 16 ans (art. 772-2° nouveau C.P.P.). Lorsque le tribunal pour enfants décide d'appliquer une qualification criminelle aux faits dont il a été saisi sous une qualification correctionnelle, il ordonne, dans ce cas, un supplément d'information et délègue pour ce faire un juge à cette fin (art.78 al.4 nouveau C.P.P., L.n°69-371 du 1er Août 1969).

580 En France, le Tribunal pour enfants peut connaitre des contraventions de 5e classe commis par le mineur de 18 ans passible d'une amende n'excédant pas 5000 francs (art.21-1, Ord. 2 février 1945, mod.L.10 Juillet 1989).

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au moment du jugement. La jurisprudence est favorable à la première proposition. L'âge au moment des faits est déterminé par le temps écoulé depuis la naissance du mineur, calculé d'heure à heure581. Pour les personnes étrangères, l'âge réel peut être rapporté par tous les moyens, aucun texte ne donnant une force probante irréfragable aux actes de l'état civil des pays étrangers582. Mais, la preuve de l'âge n'est pas toujours facile à rapporter en l'absence de tout document délivré par une autorité. Ainsi, il arrive que le parquet et les juridictions de jugement soient en désaccord à propos de l'âge du jeune prévenu.

Dans un arrêt en date du 6 avril 1992583, la Cour d'appel d'Abidjan a rejeté l'appel interjeté par le Ministère public contre un jugement rendu par le tribunal correctionnel d'Aboisso qui, dans une décision rendue le 28 juin 1980, s'est déclaré incompétent pour connaitre du chef des délits de vol et d'usurpation de titre reproché à E.D. en raison qu'il était âgé de moins de 18 ans au moment des faits. Pour la Cour, le jugement rendu par le premier juge est conforme à la loi : « considérant qu'il apparait (...) que le prévenu né le 14 août 1962, était âgé de moins de 18 ans au moment des faits ; qu'il s'ensuit qu'il n'était justiciable que du tribunal pour enfants, par application des dispositions de l'article 756 du code de procédure pénale, qu'il y a lieu de confirmer la décision du premier juge (...) ». La prise en compte de l'âge au moment des faits paraît tout à fait logique. Mais encore, faut-il en rapporter la preuve. La preuve de l'âge est établie au vu de la production d'un acte d'état civil584. En fait, la détermination de l'âge des prévenus pose souvent quelques problèmes en raison de la défectuosité de l'état civil concernant en particulier les individus nés avant les indépendances. L'état civil est une création récente dans les Etats d'Afrique Noire francophone585. Non seulement, les déclarations de naissance se font de moins en moins surtout dans les campagnes isolées, dépourvues de toute structure de santé publique ou administrative (maternité, sous-préfecture ou préfecture), et où les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées à cette procédure. Aussi, même lorsqu'elles sont faites, elles sont parfois entachées d'erreurs.

581 Cass. Crim., 3 septembre 1985 : Bull. crim. 1985, n°283.

582 Cass. Crim., 13 octobre 1986 : Bull. crim. 1986, n° 282 ; ég. BOULOC (B.), Pénologie. Exécution des sanctions adultes et mineurs , Précis Dalloz, 2e éd., Paris, 1998., p.296.

583 C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n° 698 du 6 avril 1982, Ministère Public c/E.D.

584 Art. 760 al. 1er nouveau C.P.P. iv. (L. N°69-371 du 12 août 1969).

585 MANGIN (G.) « La délinquance juvénile en Afrique Noire francophone », A.P.C., Ed. Pedone, 1975,p. 229 et s.

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En tout état de cause, le juge a le pouvoir d'apprécier souverainement l'âge du mineur déféré devant lui, lorsque cet élément n'a pas été transcrit à l'état civil. L'article 760 alinéa 2 nouveau du code de procédure pénale ivoirien énonce à ce propos qu'« en cas de contrariété, la juridiction saisie apprécie souverainement l'âge du délinquant ». Le juge peut requérir l'aide de l'officier d'état civil en vue de la délivrance d'un extrait d'acte de naissance. Ce dernier est tenu de s'exécuter sous peine d'une amende de deux mille à vingt mille francs586. A défaut d'un acte de naissance, la preuve de la minorité du prévenu peut résulter d'un jugement supplétif de naissance rendu par un juge d'après le témoignage de deux personnes. Cependant, la valeur probante de ce document n'est pas certaine, car souvent les parents le font établir à des fins scolaires pour retarder par exemple la limite d'âge scolaire ou la période à laquelle l'enfant n'aura plus droit aux allocations familiales587. Cette pratique est très répandue en milieu urbain où les conditions sociales et scolaires des jeunes sont en général précaires.

Par ailleurs, il est fréquent que le juge se retrouve face à des jeunes délinquants « officiellement mineurs », mais dont le physique s'apparente vraisemblablement à celui de jeunes adultes. Il faut noter que l'âge du mineur est calculé à la date à laquelle l'infraction a été commise. Si l'acte d'état civil ne précise que l'année de la naissance, celle-ci sera considérée comme étant intervenue le 31 décembre de ladite année. Si le mois est précisé, l'infraction sera considérée comme étant intervenue le dernier jour dudit mois588. Quelques fois, on retrouve inscrite sur l'acte d'état civil la mention « ...né(e) vers... » au lieu de « ... né(e) le... » ; Ce qui complique la détermination de l'âge exact de l'intéressé. En l'absence de toute précision, la jurisprudence soutient parfois que le doute bénéficie au prévenu. C'est en tout cas ce qui ressort d'un arrêt de la Cour d'Appel d'Abidjan du 20 mars 1980589 : « (...) considérant qu'il est reproché au prévenu, courant novembre 1973, d'avoir volontairement exercé des violences et voies de fait sur la personne de N'. D.M ; considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le prévenu est né vers... ; qu'en conséquence, par application de l'article 760 alinéa 2 du code de procédure pénale, il était mineur de 18 ans justiciable du

586 Art.761 al. 1er C.P.P. iv.

587 MANGIN (G.) op.cit. p.230.

588 Ibid.

589 C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n° 722 du 20 mars 1980, Ministère public c/ Y.E.G., R.I.D., n°3-4/1986, Jurisp.3.2, Pp. 170-171.

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tribunal pour enfants ; considérant que donc c'est à tort qu'il a été traduit devant le tribunal correctionnel de droit commun, qu'il y a lieu d'annuler le jugement entrepris (...) ».

Toutefois, le doute ne profite pas toujours à l'accusé, lorsque le document établissant l'âge du jeune délinquant émane d'une autorité étrangère. La jurisprudence française estime dans ce cas qu'il appartient aux juridictions de s'assurer de la force probante de l'acte d'état civil émis par une autorité étrangère590. En l'espèce, poursuivi pour assassinant et tentative d'assassinat, un jeune ressortissant turc prétend justifier de son âge par un acte de naissance qu'ont délivré les autorités de son pays, acte duquel il résulte qu'il était âgé de seize ans au moment des crimes qu'on lui reproche. Seulement, le document ne concordait pas avec l'aspect physique de l'inculpé qui apparaissait sensiblement plus vieux que l'acte d'état civil turc ne l'affirmait. Ce faisant, le juge d'instruction ordonna une expertise et une contre-expertise qui, toutes deux, parvinrent à la même conclusion. En réalité, le jeune inculpé devait avoir environ dix-sept ans et demi lors des faits. Il fut donc renvoyé, non pas devant le tribunal pour enfants comme l'aurait exigé l'article 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 et comme l'aurait souhaité l'intéressé, mais devant la Cour d'assises des mineurs où, bien entendu, il risquait d'être condamné comme un majeur. Finalement, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre l'arrêt de mise en accusation.

Cette espèce assez particulière ne remet pas en cause le principe selon lequel le mineur de 18 ans reste justiciable du tribunal pour enfants en matière délictuelle. La jurisprudence ivoirienne conserve une position constante sur ce principe. Aussi, la Cour d'appel n'hésite pas à censurer les décisions des juridictions du premier degré prises en violation de l'article 756 du code de procédure pénale. Dans un arrêt du 24 avril 1979591, elle a infirmé un jugement du tribunal correctionnel pour incompétence : « ...(...) considérant qu'il résulte du dossier que K.O. né le 2 mars 1959 à Ahiégbé-Koffikro (Aboisso), selon l'acte de naissance n°359 du 22 juillet 1959 du registre des actes d'état civil pour l'année 1958 du centre d'Aboisso, a été renvoyé suivant l'ordonnance du 2 février 1976 du juge d'instruction d'Abidjan devant le tribunal correctionnel de cette ville pour avoir à Abidjan, Treichville le 30 juin 1975 soustrait frauduleusement un sac à main au préjudice du sieur L.E. qui en était

590 Cass. Crim. 13 octobre 1986 : Bull. crim. 1986, n°282, Gaz.pal., 25-26 février 1986, note DOUCET.

591 C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt, n°875 du 24 avril 1979, Ministère public c/K.O. ; C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°1524 du 11 novembre 1981, Ministère public c/L.A. ; C.A.d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°542 du 15 avril 1975, Ministère Public c/K.Y.J.

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propriétaire ,
· considérant qu'il apparait de ce qui précède que le prévenu était âgé de moins de 18 ans au moment des faits ,
· qu'il s'ensuit qu'il était justiciable du tribunal pour enfants par application de l'article 756 du code de procédure pénale ,
· qu'il y a lieu d'annuler le jugement entrepris (...)
».

S'il est affirmé dans cet arrêt que les juridictions de droit commun ne peuvent connaître des délits commis par les mineurs de 18 ans592, de même, les juridictions pour enfants doivent se déclarer incompétentes s'il est établi que le prévenu déféré devant elles, est âgé de 18 ans au moins. Dans un arrêt en date du 3 mars 1975593, la Cour d'Appel d'Abidjan a confirmé un jugement rendu par le tribunal pour enfants de Bouaké au terme duquel ledit tribunal s'est déclaré incompétent pour connaitre du chef d'escroquerie commis par Y.D.E., et ordonné la levée du mandat de dépôt au motif que le prévenu était majeur. En l'espèce, un mineur, par des manoeuvres frauduleuses s'est fait remettre diverses sommes d'argent, de vivres et un poste de radio courant 1973. Lors de l'enquête préliminaire, le prévenu a déclaré être né en 1955, avant d'être renvoyé devant le Tribunal pour enfants de Bouaké par le juge des enfants le 18 janvier 1974. Ledit tribunal, par un jugement n°11 du 11 mars 1974, s'est déclaré incompétent au motif que le prévenu était âgé de plus de 18 ans au moment des faits. Dans ces considérants de l'arrêt du 3 mars, la Cour relève que « pendant l'information faite par le juge des enfants, le prévenu avait précisé qu'il était né en 1944 et non en 1955 ,
· que par ailleurs, l'expert nommé par le magistrat instructeur pour déterminer l'âge du prévenu a fixé cet âge entre 26 et 28 ans, suivant certificat médical en date du 13 avril 1973
». Pour la Cour, « c'est à bon droit que le tribunal pour enfants s'est déclaré incompétent ,
· le prévenu étant bel et bien majeur à la date des faits ,
· qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions (...)
».

S'agissant de la procédure d'appel devant le tribunal pour enfants, il convient de noter que les audiences du T.P.E594 sont assujetties à la règle de « la publicité restreinte »595. Seuls sont admis à assister aux débats, les témoins de l'affaire, les proches parents, le tuteur ou le

592 La règle selon laquelle les mineurs échappent aux juridictions de droit commun est d'ordre public (Cass. Crim. 9 mars 1973 : Bull. crim. 1973, n°128).

593 C.A d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°244 du 3 mars 1975, Ministère public c/Y.D.E. ; C.A. d'Abidjan, Ch. Corr., Arrêt n°542 du 15 avril 1975, Ministère public c/K.Y.J.

594 Entendre par T.P.E, tribunal pour enfants.

595 RENUCCI (J.-F.), « Droit pénal des mineurs. L'actualité du droit pénal des mineurs », R.I.D.P. ,1992. p.201 et s.

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représentant légal du mineur, les membres du barreau, les représentants des sociétés de patronage et des services ou institutions s'occupant des enfants, les délégués de la liberté surveillée596. Le président du T.P.E peut ordonner, si l'intérêt du mineur l'exige, que ce dernier se retire pendant tout ou partie des débats. Dans un objectif de protection, et conformément aux articles 40.2.b. de la CDE et 8.1 des règles de Beijing, est interdite toute diffusion par voie médiatique (la publication du compte rendu des débats dans les livres, la presse, la radiophonie, la cinématographie, d'informations extraites des débats ou de quelque manière que ce soit qui pourraient nuire au mineur en permettant son identification )597, sous peine de sanctions pénales; ce qui serait attentatoire à sa vie privé et risquerait de le stigmatiser et d'hypothéquer ses chances de réinsertion; Le jugement est rendu en audience publique en présence du mineur. Il peut être publié, mais sans que le nom du mineur puisse être indiqué598. Le principe de la publicité restreinte est l'une des caractéristiques de la procédure de jugement des mineurs. Commune à toutes les juridictions répressives statuant en matière de minorité, elle est considérée comme l'une des conditions essentielles de la validité des débats599. La publicité faite autour des audiences du T.P.E. peut avoir des conséquences sur la personnalité de l'adolescent qui est jugé par un tribunal surtout pour la première fois. Le passage devant le juge et la diffusion à grande échelle de cet évènement peut le conforter dans son attitude de déviance, créer en lui des sentiments négatifs de honte, d'humiliation ou de vengeance contre la société. Cela peut également compromettre les possibilités de sa rééducation600. La publicité des audiences des tribunaux est une garantie fondamentale pour les libertés publiques. Mais, l'étalage sans nécessité des drames intimes risquerait de le stigmatiser, d'hypothéquer ses chances de réinsertion et d'affecter le mineur d'autant plus cruellement qu'il n'est pas indispensable et qu'une publicité abusive serait plutôt de nature à compromettre la solution recherchée. C'est pourquoi, le législateur veille à ce que la discrétion soit la plus grande601.

596 Art.782 al.2, C.P.P. iv.

597 Art.782 al.3 et 4, C.P.P. iv. ; ég. Art.13, 14 et 14-1, Ord. 2 février 1945.

598 Art.782 al.6, C.P.P. iv.

599 Cass. Crim. 11 mai 1988, Gaz. Pal. 1988 ; Dr.enf.fam.1989-2, p.135, note RENUCCI (J-F) Cass. Crim. 1er février 1989, J.C.P. , 1989, IV, 144.

600 En ce sens V. RENUCCI (J-F), op.cit., p.202.

601 BAUDOUIN (J-M), « Le juge des enfants. Punir ou protéger ? », Coll. La vie de l'enfant, Ed. ESF, Paris, 1990, p.52.

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Qui plus est, le principe de protection de la vie privée de l'enfant en conflit avec la loi ne s'applique pas seulement lors des audiences de jugement, mais tout au long de la procédure, dès le début de l'enquête préliminaire. Toute violation de cette interdiction est sanctionnée pénalement par une peine de deux (2) ans d'emprisonnement et une peine d'amende pouvant être comprise entre 36.000 à 3.000.000 FCFA602.

C. LE JUGE DES ENFANTS

Dans le système pénal ivoirien, inspiré du système pénal français, le juge des enfants est la seule autorité judiciaire compétente à la fois pour instruire et juger les affaires de mineurs603. Ce cumul des fonctions répond à l'exigence de la connaissance de la personnalité du mineur et de l'efficacité de l'intervention judiciaire : le juge des enfants doit connaitre le mineur, c'est-à-dire « pénétrer sa personnalité mobile et complexe »604 en vue de prendre des mesures appropriées à sa rééducation et sa réinsertion. Cela montre à quel point le principe de l'individualisation de la sanction a pénétré le droit pénal des mineurs605. Il est l'organe central de la prise en charge judiciaire des mineurs délinquants. En tant que juridiction de jugement, il préside les audiences du T.P.E606. Il peut également juger le mineur en Chambre de conseil.

Le juge des enfants dispose de pouvoirs étendus607. Cependant l'élargissement de ses pouvoirs mérite quelques remarques. Lorsque le juge des enfants intervient en tant que juridiction de jugement, le problème qui se pose est celui de la répartition des compétences entre ce magistrat et le tribunal pour enfants608. A l'analyse, on remarque que le juge des enfants et le T.P.E ont des compétences identiques et se rejoignent quant aux mesures à prendre à l'égard du mineur609. La similitude est d'autant plus évidente que le T.P.E est présidé par le juge des enfants et que dans la pratique, le renvoi du mineur devant le T.P.E.

602 Art. 782. A al.4,5 et 6. C.pén.

603 RENUCCI (J-F.), op.cit., p.152. ; art.768 al.4, C.P.P.iv.

604 CHAZAL (J.) « Le juge des enfants » colloque, XXe anniversaire de la revue de science criminelle, R.S.C., 1956, p.780 et s. ; MAZEROL (M.-Th.), « Le juge des enfants. Fonction et personne », CRIV, 1986

605 RENUCCI (J-F.), op.cit., p.150.

606 Art.772-1° nouveau C.P.P. iv. (Loi n°69-371 du 12 août 1969).

607 BAUDOUIN (J. M.), op.cit., p.47 et s.

608 En ce sens V. RENUCCI (J-F), op.cit., p.153.

609 Art.783, C.P.P.iv . rappr. Art. 7770 nouveau C.P.P.iv

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est décidé par ordonnance du juge des enfants610. Toutefois, en cas d'infractions très graves telles que les atteintes à l'intégrité physique, le trafic des stupéfiants ou les vols aggravés ou encore en cas de crime, le tribunal pour enfants sera exclusivement saisi, si le prévenu a moins de 16 ans611. Le juge des enfants et le T.P.E. ont une mission explicite de fonder leurs décisions sur l'intérêt du mineur et ont, à cet effet, un devoir de protection envers ce dernier.

Seulement, il manque à la protection du mineur l'organisation d'un système de défense efficace devant la justice. Celle-ci passe bien entendu par la présence de l'avocat à toutes les phases du procès du mineur, conformément au principe du contradictoire qui garantit la transparence et l'équité de tout procès612. Or, l'expérience montre que les audiences de cabinet ou les jugements en Chambre du conseil se déroulent en pratique entre le juge des enfants et le mineur accompagné parfois de ses parents ou d'un éducateur du service de l'éducation surveillée ou du SEAT613. Le droit à l'assistance d'un avocat dans toutes les procédures concernant le mineur a été affirmé par la Convention internationale relative aux droits de l'enfant614 ainsi que par la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant615. Ce droit ne peut être effectivement garanti que si l'avocat assiste le jeune prévenu durant la procédure dirigée contre lui. L'assistance du conseil est le seul moyen pour assurer sa défense. Dès lors, il importe que la justice des mineurs soit dotée d'avocats professionnels ou spécialisés aux questions relatives à l'enfance délinquante.

Entendre et défendre n'est pas une tâche simple. Elle ne peut être effectuée sans une formation spécifique préalable portant non seulement sur le droit pénal des mineurs, mais aussi sur la psychologie de l'enfant. L'avocat appelé à défendre le mineur doit écouter, prendre en compte et transmettre la parole de son client. Il doit aussi expliquer à l'enfant le processus judiciaire, la procédure dont il est l'objet, le conseiller, le rassurer du bien-fondé

610 Art.772 nouveau C.P.P.iv.

611 Art.774 al.2, art. 772-2° nouveau, art.781 al.4 nouveau C.P.P.iv.

612 GLON (C.), « L'avocat des mineurs », in Enfance et délinquance. XIe journées de l'Association française de droit pénal, Travaux et recherches de la Faculté des sciences juridiques de Rennes, Paris, Économica, 1993, p. 135.

613 Entendre par SEAT, le Service Educatif auprès du Tribunal, l'équivalent du service de l'éducation surveillée.

614 Art. 40, Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant de novembre 1989.

615 Art.17, Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1991, Doc. CAB/LEG/153/ rev.2.

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de l'action à engager pour garantir ses intérêts. En un mot, il s'agit d'organiser une défense qui reflète la conception moderne de la protection des droits de l'enfant616.

Au problème de la formation des avocats de mineurs, s'ajoute celui de la rémunération617 qui reste la seule source de motivation des avocats attirés par les affaires présentant un intérêt financier. En Côte d'Ivoire, les honoraires de l'avocat ayant en charge la défense des mineurs près le tribunal de grande instance d'Abidjan, sont payés par le Bureau international catholique pour l'enfance (BICE). En principe, l'Etat ne peut se désengager du financement de la justice. La rémunération des juges ainsi que des avocats accomplissant des missions d'intérêt public devrait en principe relever de sa compétence. Accessoirement, peut être associé à cette mission, le concours financier des organisations privées ou celui des collectivités locales.

L'expérience de financer la défense a été tentée en France avec la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique618. La loi contient des dispositions concernant la rémunération des avocats, bien qu'elle s'avère imprécise pour certains observateurs619. L'article 54 de la loi du 10 juillet 1991 dispose en substance qu'il est créé dans chaque département, un conseil départemental de l'aide à l'accès au droit et laisse à cette structure le soin d'en fixer le domaine, l'étendue et les effets, d'évaluer la qualité du fonctionnement des services organisés à cette occasion, de rechercher et recevoir les fonds de toute mesure destinée au financement de sa politique, de répartir les fonds reçus.

Outre ces juridictions, l'existence de la Cour d'assises des mineurs explique aussi le privilège de juridiction accordé aux mineurs au regard de sa compétence à l'égard du mineur, auteur de crimes.

§ 2. LA COUR D'ASSISES DES MINEURS, UNE JURIDICTION SPECIALE COMPETENTE EN MATIERE CRIMINELLE

La nécessité d'une spécialisation des juridictions pour mineurs a conduit le législateur à modifier les règles de droit commun de la Cour d'assises en instituant une Cour d'assises

616 GLON (C.), op. cit., p.135 et s.

617 BENHAMOU (Y.) « Réflexions en vue d'une meilleure défense en justice de l'enfant », op. cit., p.103 et s.

618 J.O. Rép. Franç., 13 juillet 1991, p.9170.

619 BENHAMOU Yves, op. cit., p.105.

des mineurs. En principe, la Cour d'assises des mineurs doit présenter les caractéristiques d'une juridiction spécialisée. Créée pour connaitre des crimes commis par les mineurs de plus de seize ans, la Cour d'Assises des Mineurs (C.A.M.).620 se distingue des autres juridictions pour mineurs par le fait qu'elle n'est pas une juridiction permanente, et par le fait qu'elle peut, contrairement au tribunal pour enfants, juger les mineurs et majeurs impliqués dans la même cause. Examinons donc sa particularité manifeste au regard de sa composition (A) et sa compétence (B).

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