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Presse et responsabilité civile

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par Antoine Petit
Université Toulouse 1 Capitole - Master 2 droit privé fondamental 2012
  

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Section 2 : Les conséquences tenant à l'action civile en réparation

25. Le processus d'extension jurisprudentiel des règles de procédure pénale particulières de la loi de 1881 aux actions civiles en réparation paraît incontestablement constituer un obstacle à leur aboutissement (Paragraphe 1). Par ailleurs, ce mouvement s'avère révélateur de défaillances dont il conviendra d'examiner les causes et manifestations. Toutefois, il semblerait que la Haute juridiction prenne conscience des difficultés engendrées par la voie d'une identité des procès civil et pénal de presse. En effet, sans pour autant procéder à une totale remise en question de l'édifice, celle-ci paraît depuis peu vouloir atténuer sa jurisprudence sur un certain nombre d'exigences qui semblaient jusqu'alors être acquises (Paragraphe 2).

57 Civ. 2e, 26 oct. 2000 : Bull. civ.II, n°147.

58 Civ. 2e, 12 mai 1999 : Bull. civ.II, n°90.

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Paragraphe 1 : Un alignement procédural malvenu pour les victimes

26. La transposition du carcan procédural instauré par la loi du 29 juillet 1881 au procès civil de presse devait inévitablement causer des difficultés supplémentaires pour le bon acheminement des actions civiles en responsabilité (A). À ce titre, les conceptions doctrinales eu égard au bien fondé de ce mouvement d'unification sont tout à fait divergentes (B).

A. L'issue périlleuse des actions en responsabilité

27. L'époque où les victimes d'infractions de presse avaient la possibilité d'exercer leur action devant la juridiction civile en vue de se soustraire aux contraintes procédurales de la loi du 29 juillet 1881 est révolue.

Les dispositions plus libérales régissant classiquement le procès civil - et tout particulièrement celles des articles 56-2 du Code de procédure civile exigeant de manière floue, un exposé « en fait et en droit », avec un pouvoir pour le juge de requalification des faits prévu par l'article 12 de ce même code - ont désormais laissé la place à la rigueur du formalisme imposé par le texte spécial59.

En effet, parmi les points les plus importants, notons que l'assignation doit qualifier avec précision le fait incriminé, mais aussi faire explicitement référence au texte de la loi de 1881 dont l'application est requise60. La jurisprudence constante en déduit qu'il est dès lors impossible de procéder à des qualifications alternatives, cumulatives ou encore subsidiaires. L'assujettissement au formalisme de l'article 53 du texte spécial a donc pour effet de contraindre le juge à respecter les qualifications opérées - à tort ou à raison - par le demandeur. Une erreur de qualification s'avèrerait ainsi fatale pour ce dernier. À titre d'exemple, a été approuvé - et le cas est d'école ! - l'arrêt rendu par une Cour d'appel dont l'attendu précisait que « l'assignation ayant fixée définitivement la nature et l'étendue de la poursuite quant aux faits et à leur qualification d'injures publiques au sens des articles 29 alinéa 2, et 33 de la loi du 29 juillet 1881 (É) la juridiction de jugement ne pouvant prononcer aucun changement de qualification par rapport à la loi sur la presse, l'action de l'association est prescrite »61. Le « couperet » de la prescription trimestrielle,

59 C. Bigot, « Les spécificités de la loi de 1881 concernant tant le régime de responsabilité en cascade que celui des règle dérogatoires de procédure et de prescription », Légicom n35, 2006, p. 22.

60 V. Supra n23.

61 Civ. 2e, 15 avr. 1999 : Bull. civ. II, n73.

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dont l'application devant le prétoire civil n'a fondamentalement jamais été remise en cause, retrouve alors toute sa vigueur en cas de qualification erronée.

28. Néanmoins, si un certain nombre d'auteurs ne cessent de dénoncer le régime procédural spécial mis en place par la loi sur la liberté de la presse - « aboutissant bien souvent à empêcher la poursuite et la sanction des infractions de presse»62 - d'autres, à l'instar du magistrat Nicolas Bonnal, persistent à croire en la justesse des équilibres instaurés par la loi du 29 juillet 1881.

Celui-ci fait tout d'abord valoir que si le texte spécial met effectivement en place un certains nombre de règles de procédure particulièrement exigeantes pour la partie demanderesse, la loi sur la liberté de la presse compense sa situation en instituant un mécanisme de responsabilité automatique du directeur de publication ou encore un système de renversement de la charge de la preuve en matière de diffamation. Cela participe selon lui à la création d'un ensemble globalement équilibré.

Ensuite concernant le respect des exigences découlant des articles 50 et 53 du texte spécial - là aussi constamment décriées comme abusivement complexes pour qui veut intenter une action contre un organe de presse - ce dernier ne manque pas de rappeler la chose suivante : « trois règles à respecter, avec pour l'essentiel une exigence de clarté et de précision dans la rédaction, est-ce vraiment si périlleux que cela ? »63. Une telle remarque a le mérite de retenir notre attention. Il n'apparaît en effet pas si laborieux que de satisfaire à ces quelques exigences dont la noble finalité consiste de surcroît - et il n'est pas vain de le rappeler - à mettre aussitôt le prévenu « en mesure de préparer tous les éléments de sa défense »64 .

Enfin - et c'est là probablement le point le plus convaincant de son analyse car s'appuyant sur la base de données chiffrées - l'auteur démontre la chose suivante : sur les 237 décisions rendues par le Tribunal de grande instance de Paris durant l'année 2010 en matière de presse, un quart des débats ayant précédé celles-ci portaient sur des questions de procédure et non de fond (type exception d'incompétence, nullité de forme de l'assignation, prescription des faits et autres). On ne peut donc négliger que le débat de procédure est relativement bien présent dans le contentieux de la presse. Mais - et c'est là tout l'intérêt de l'étude statistique entreprise par l'auteur - sur ce quart de débats durant

62 E. Derieux, « Faut-il abroger la loi de 1881 ? », Légipresse n°154-II, sept. 1998, p. 93.

63 N. Bonnal, « Les chausses trappes procédurales de la loi de 1881 : mythe ou réalité ? Essai d'étude statistique », Légipresse n°289, Déc. 2011, p. 670.

64 Circulaire du 9 novembre 1881 aux procureurs généraux : D. 1881, III, 106, n°58.

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lesquels des moyens de procédure ont été soulevés, il apparaît que seulement 8% d'entre eux aient permis de faire échec aux poursuites entreprises par les victimes. Ce chiffre est donc très révélateur. Selon ce dernier, il « prive de réelle substance la dénonciation des chausses trappes procédurales de la loi »65.

Ce développement appelle inéluctablement à s'interroger quant au réalisme ou à la supercherie de ces fameuses « chausses trappes » procédurales si souvent dénoncées par les spécialistes du contentieux de la presse. Si certains auteurs semblent en effet convaincus par l'effet ravageur du respect de telles exigences sur l'aboutissement des actions en responsabilité, d'autres, paraissent soutenir la thèse du fantasme. La question tenant à la légitimité de la transposition de ces exigences aux actions civiles en réparation ne fait d'ailleurs qu'accroître les ardeurs contradictoires de ces derniers.

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