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Chambre d'isolement : du point de vue des patients. Impact d'un temps d'élaboration sur le vécu des patients après un séjour en chambre d'isolement dans une unité d'hospitalisation de psychiatrie adulte

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par Charlotte Mouillerac
Université Paris 8 - Master 1 psychologie clinique et psychopathologie 2007
  

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3 Table des illustrations

Tableau 1 - Ressenti / Nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Tableau 2- Notion de soin intensif / Nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Tableau 3 - Notion d'utilité / Nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Tableau 4 - Temps de parole / Nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Tableau 5- Ressenti / Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse 25

Tableau 6 - Ressenti / Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse 25

Tableau 7 - Notion de soin intensif / Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse 25

Tableau 8 - Notion de soin intensif / Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse 25

Tableau 9 - Notion d'utilité/ Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse 25

Tableau 10 - Notion d'utilité/ Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse 25

Tableau 11 - Temps de parole / Nombre de sujets du groupe TE- par catégorie de réponse 25

Tableau 12 - Temps de parole / Nombre de sujets du groupe TE+ par catégorie de réponse 25

Tableau 13 - Patients n'ayant pas bénéficié d'entretien de recueil du vécu 25

Tableau 14 - Patients ayant bénéficié d'un entretien de recueil du vécu 25

Figure 1 - Ressentis / Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Figure 2 - Notion de soin intensif / Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Figure 3 - Notion d'utilité/ Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Figure 4 - Temps de parole/ Moyennes du nombre de sujets par catégorie de réponse 25

Figure 5 - Ressentis / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse 25

Figure 6 - Notion de soin intensif / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse 25

Figure 7 - Notion d'utilité / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse 25

Figure 8 - Temps de parole / Comparaison des moyennes des groupes par catégorie de réponse 25

Remerciements

A toute l'équipe de l'unité Saint-Exupéry, et particulièrement au docteur Ribault,

pour leur accueil chaleureux et leur soutien tout au long de ce projet de recherche,

A M. Patrick Perret qui m'a fait confiance,

A tous les patients de l'unité sans qui rien de tout cela n'aurait été possible,

Aux bibliothécaires de l'hôpital Saint Jean de Dieu, qui ont été parfaites à tous points de vue,

A M. Patrick Thomassin dont l'aide m'a été précieuse dans la réalisation de ce travail.

Avant-Propos

L

e patient qui entre pour la première fois en chambre d'isolement interroge souvent les infirmiers qui l'y accompagnent. Comme Alice au Pays des Merveilles, il cherche la clé : que faut-il dire, à quoi faut-il réfléchir, quelle est la bonne réponse qui le fera sortir ?

Le patient est parfois comme Alice qui erre dans un monde incompréhensible, menée par un lapin blanc imprévisible et pressé et qui cherche des repères dans l'incohérence de cette nouvelle réalité pour pouvoir s'en sortir et, peut-être, finalement, grandir.

Les lois de ce pays sont changeantes et angoissantes. Demander son chemin est mission impossible. Rien n'est fiable dans un monde absurde où manger vous fait grandir, ou rapetisser. On prend le thé avec le chapelier fou, le chat de Cheshire disparaît mais son sourire demeure, les jumeaux Twideuldie et Twideuldeume vous contredisent sans arrêt... Les décisions, enfin, sont prises par une reine de coeur lunatique et dangereuse.

En isolement, ce sont les soignants qui détiennent la clé. Ils arrivent à plusieurs, parlent entre eux, parfois ils rient, peut-être se moquent-ils ?

Ils restent énigmatiques : il faut réfléchir... Mais à quoi ? Qui décide, qui faut-il croire ? Sortira-t-on un jour ?

Tandis que la psychose ronge le sens de la réalité, les patients, comme Alice, cherchent à tout prix à retrouver un peu de logique dans le bizarre et l'absurde... Un sol ferme, des indications claires, un peu de bon sens... Que le lapin s'arrête et prenne un peu son temps...

A / Introduction

A

u départ de cette recherche, une phrase entendue régulièrement dans les services de psychiatrie : « la chambre d'isolement, c'est un soin, ce n'est pas une punition ».

Si l'on admet que la négation est un modalisateur qui renvoie à des mondes possibles, on comprend ce que cette affirmation a de surprenant. Il est en effet concevable qu'un soin puisse être pénible, douloureux, voire dangereux. Il l'est beaucoup moins qu'il puisse être une punition. Quel besoin est-il de préciser que ce n'est pas le cas ? Cela ne devrait-il pas aller
de soi ?

Dans les services, cette affirmation des soignants vient souvent en réponse à une parole bien réelle des patients, pour lesquels justement l'aspect thérapeutique de la chambre d'isolement (CI) ne va pas de soi.

Il apparaît ainsi que pour que la CI devienne véritablement un soin, il faut que des mots y soient appliqués. Remettre du sens, c'est souvent débuter un soin.

Mais alors, soin ou punition... et si la question était vaine ? La CI n'est en effet qu'un dispositif, un outil qui peut correspondre à une mise à l'écart aussi bien qu'à un véritable dispositif de soins intensifs adapté à chaque cas individuel et objet d'une réflexion d'équipe permanente.

L'isolement des patients, souvent associé à la violence et à une certaine culpabilisation, accentuée par une représentation sociale très négative, reste un acte difficile pour les équipes soignantes elles-mêmes.

Il renvoie en effet à une histoire où contention et répression allaient souvent de pair. Il souligne aussi la difficulté de soigner, dans un domaine où l'alliance thérapeutique est si rarement acquise, et où la maladie attaque si profondément le lien à l'autre. Les conflits d'équipe ne sont pas rares autour de ce soin qui met en relief les difficultés du travail en psychiatrie : problèmes de manque de personnel, de moyens, d'options thérapeutiques, de formation, de tradition psychiatrique, problème de la dangerosité, de l'insécurité (pour les soignants et les autres patients), des agressions...

L'association des hôpitaux du Québec fait, au travers d'une revue de la littérature, la liste des principaux intérêts des chercheurs au regard de l'utilisation de la contention et de l'isolement1(*) :

Ø Fréquence, durée et variation d'utilisation,

Ø Motifs d'utilisation,

Ø Facteurs liés à l'utilisation,

Ø Pertinence, efficacité et conséquences,

Ø Normes et protocoles d'utilisation,

Ø Recherche des meilleures pratiques.

Cette recherche s'inscrit dans la dernière catégorie. Mais plutôt que de chercher à porter un jugement, il s'agira d'étudier l'existant. Interroger les patients sur leur vécu est en effet une première étape vers une amélioration des pratiques.

Il s'agira d'évaluer ce dispositif du point de vue des usagers que sont les malades.

Quand on sait que c'est pour beaucoup un soin "introducteur" à l'hospitalisation2(*), on ne saurait trop souligner l'importance de ce moment, qui peut conditionner pour longtemps leur représentation de l'hôpital. Mettre le patient au centre du soin, redonner une valeur à sa parole, même défaillante, c'est sans aucun doute favoriser l'instauration d'une relation de confiance et d'une compliance aux soins indispensables à une prise en charge efficace.

Antonin Artaud a à ce propos ces mots : « [...] j'ai noté depuis longtemps dans la médecine le funeste parti de ne pas prendre en considération suffisante les observations des malades sur leur état, surtout des malades mentaux, et de mettre sur le compte d'une impressionnabilité maladive l'importance qu'ils attachent à leurs symptômes. »3(*)

Je reprendrai volontiers à mon compte ces mots de Dominique Laplane4(*) parlant de son expérience de médecin, « qui sauf rarissimes exceptions, doit croire ce que ses patients lui disent. Les croire ne veut pas dire, naturellement, accepter leurs interprétations, ce qui est une toute autre affaire. Le médecin doit accepter les dires de ses patients, s'en réserver l'interprétation lorsqu'elle est à sa portée, mais ne pas nier les faits, même subjectifs, que lui soumettent ses patients, sous prétexte qu'il ne peut pas les comprendre dans son paradigme actuel. » Même s'il est vrai que la chambre d'isolement permet, lorsqu'elle est l'objet d'une réflexion et d'un consensus d'équipe, de bons résultats thérapeutiques, même si elle est souvent la seule réponse possible dans des moments d'urgence et de crise, la parole souvent critique des patients à son sujet ne peut être écartée sous prétexte que la maladie mentale obscurcirait les capacités de raisonnement.

Ce travail se développera sur cinq chapitres.

Une première partie sera dédiée au cadre théorique de la recherche.

La CI sera d'abord présentée dans son cadre historique et légal, puis un chapitre sera consacré à l'épidémiologie au travers d'une revue de la littérature qui fera le point sur les pratiques : Qu'est-ce qu'une chambre d'isolement ? Pourquoi et comment va-t-on en CI ? Combien de temps y reste-t-on ? Combien de patients sont isolés, quelles sont leurs pathologies ? Quelles sont les pratiques à l'étranger ?...

Un point sera ensuite fait sur l'institution, introduisant les différentes indications et théories associées à l'isolement, que ce soit pour en exposer les effets thérapeutiques ou pour dénoncer des effets pervers. Suivra enfin une présentation des quelques études existantes portant sur des témoignages de patients.

Cet exposé montrera que, dans ce débat contradictoire, les uns et les autres s'accordent finalement sur une chose, qui est que l'isolement ne peut être thérapeutique qu'à la condition d'être envisagé comme un véritable soin intensif, encadré par une équipe formée et ayant accompli un véritable travail de réflexion sur le sujet.

Une deuxième partie exposera la problématique et les hypothèses de la recherche.

Partant de la remarque précédente, la question posée sera de savoir si la perception que les patients auront eue de leur séjour en CI sera conditionnée par le fait d'avoir pu communiquer sur le sujet. Il s'agit ici d'approcher le vécu, forcément subjectif, des patients.

Plusieurs points seront abordés : ressenti, notion d'utilité, notion de soin intensif, impression d'avoir bénéficié de temps de parole.

La méthodologie et le déroulement de la recherche seront développés dans une troisième partie. On notera que l'unité de soins au sein de laquelle s'inscrit cette recherche est précisément dans une démarche de réflexion sur la chambre d'isolement et sur l'accueil des patients.
Un protocole de CI spécifique y a été développé et pourrait être adopté par la suite dans le reste de l'hôpital. Le psychologue de l'unité reçoit de manière systématique les patients sortant de CI pour un entretien centré sur leur vécu. Un point sera consacré à la synthèse de ce travail.

Après une présentation du détail de deux des onze entretiens de recherche réalisés, les résultats seront exposés et discutés en quatrième partie.

Les apports et les limites de cette recherche, ainsi que ses prolongements possibles, concluront enfin ce travail.

B / Cadre théorique de la recherche

4 HISTORIQUE

La chambre d'isolement s'inscrit dans une histoire de la psychiatrie dont elle ne peut être dissociée. La CI actuelle n'a évidemment plus rien à voir avec les anciennes pratiques que le nom. Mais il serait vain de nier qu'avec ce nom survit tout un imaginaire rattaché à cette histoire dont soignants et patients conservent encore la mémoire.

«Dès l'Antiquité, des écrits font allusion à la nécessité " d'exercer un contrôle physique sur les personnes agitées " [...] Si Soranos considère la contention comme un mal nécessaire, Celse estime, lui, que cette contrainte est thérapeutique. »5(*)

Tandis que, jusqu'alors, les fous étaient plus ou moins intégrés à la population, et même s'il était courant, pour préserver la sécurité, d'attacher les fous furieux (ce qui permettait de les maintenir dans leur famille), c'est au Moyen Age qu'ils commencent à être enfermés, dans un contexte de grande pauvreté. Si le fou calme conserve encore une place dans la société, il devient possible d'arrêter les plus perturbateurs. Péché et déraison, folie et sorcellerie sont liés dans l'imaginaire populaire et il faut pratiquer pèlerinage et invocation des saints guérisseurs pour traiter la "lèpre de l'âme".

4.1 LE GRAND RENFERMEMENT

Michel Foucault6(*) fait débuter ce qu'il appelle le « grand enfermement » en 1656.

Alors que le pouvoir royal est de plus en plus centralisé et cherche à exercer un contrôle de plus en plus rigoureux sur l'ensemble de la société, l'instrument tout désigné pour mettre cette politique en pratique est ce "grand renfermement " mis en place par Louis XIV et son ministre Colbert.

En 1656, l'Edit Royal crée l'hôpital général.

A partir de cette date, les " fous " sont internés à Bicêtre et les " folles " à la Salpêtrière. Les malades mentaux sont alors enfermés avec tous ceux que la société réprouve, prostituées, délinquants, malades vénériens, vagabonds... L'hôpital a un rôle de régulation et de maintien de l'ordre public. Les fous y sont installés derrière des grilles, à même le sol sur de la paille, souvent enchaînés. Ils sont considérés comme des pêcheurs, et le châtiment a une dimension morale et religieuse. Des dépôts de mendicité sont aussi créés pour désengorger un hôpital général saturé par les miséreux.

L'absence de moyens et de thérapeutique plus qu'une cruauté délibérée explique l'horreur carcérale, la promiscuité, la contention et la mortalité, qui est très importante.

Pour exemple, un rapport de l'inspecteur général des hôpitaux décrit la Tour Chatimoine, ou Tour aux fous de Caen, en 1766, lieu terrible d'internement des fous sous l'ancien régime :
« Elle en contient ordinairement vingt à vingt-cinq, placés les uns dans des souterrains, et les autres dans différents étages. Les souterrains sont principalement ce qui doit frapper : on y descend à environ 25 à 30 pieds de profondeur ; là, on trouve une cave voûtée qui ne reçoit le jour et l'air que par 3 ou 4 lucarnes infiniment étroites, de manière qu'en plein jour on ne peut y voir sans flambeau. Ce lieu profond est tellement humide que plusieurs fois dans l'année il est inondé au point que l'on y est obligé d'y pomper l'eau. Dans l'épaisseur des murs de cette cave sont creusées 4 ou 5 cavités dans lesquelles on place des prisonniers qui sont véritablement scellés dans les murs puisqu'une fois établis dans ces lieux, la porte par laquelle ils sont entrés ne s'ouvre plus, et qu'elle est assurée dans les murs au moyen de fers qui y sont scellés. Au milieu de cette porte est une ouverture par laquelle le prisonnier respire, reçoit ses aliments, et rejette ses excréments, genre de cachot le plus inouï et le plus barbare qu'on puisse concevoir. »7(*)

Esquirol, élève de Pinel, fait lui aussi une description terrible du traitement des aliénés du XVI au XVIIIème siècle : « Partout, à cette époque, les insensés, nus ou couverts de haillons, n'avaient que de la paille pour se garantir de la froide humidité du pavé sur lequel ils étaient étendus ; on les a vus grossièrement nourris, privés d'air pour respirer, d'eau pour étancher leur soif et croupissant dans l'ordure, livrés à de véritables geôliers dans des réduits étroits, sales, infects, enchaînés dans des antres où l'on craindrait de renfermer des bêtes féroces. »8(*)

La théorie voudrait que plus la contention est douloureuse, meilleurs sont les résultats obtenus.

* 1 Association des hôpitaux du Québec / mars 2004 / Cadre de référence. Utilisation exceptionnelle des mesures de contrôle : contention et isolement : document disponible sur le site http://perso.orange.fr/cec-formation.net/contentionquebec.pdf

* 2 Cf. Partie B. Paragraphe 3.6 Le motif.

* 3 Roumieux, A. (1996) Artaud et l'asile 1. Paris. Ed Séguier, p 80

* 4 Laplane, D. (2005) Penser, c'est-à-dire ? Enquête neurophilosophique. Paris. Ed. Armand Colin. p 123

* 5 http://www.serpsy.org/piste_recherche/isolement/sequestration.html

* 6 Foucault, M. (1974) Histoire de la folie (Folie et déraison à l'âge classique). Paris. Ed. Plon

* 7 In Pépier, I. (1992) A propos de l'utilisation des chambres d'isolement dans l'institution psychiatrique.
Thèse de médecine. Faculté de Dijon. p 5

* 8 Foucault, M. (1974) Histoire de la folie (Folie et déraison à l'âge classique). Paris : Ed. Plon. p 59

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard