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Les droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA

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par Dieynaba Sakho
Université Gaston Berger de Saint Louis, Sénégal - DEA 2008
  

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SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 3

TITRE I/ La pluralité des sources communautaires du droit des procédures collectives dans l'espace OHADA 9

CHAPITRE I/ L'existence d'un droit commun des procédures collectives dans l'espace OHADA 9

SECTION 1/ Le domaine d'application du droit OHADA des procédures collectives 9

Paragraphe 1/ L'application du droit OHADA aux sociétés commerciales 9

Paragraphe 2: L'application du droit OHADA à un autre espace juridique 18

SECTION 2/ Le contenu du droit OHADA des procédures collectives 24

Paragraphe 1: Les procédures de sauvegarde des entreprises 24

Paragraphe 2/ Les procédures entraînant la disparition de l'entreprise 29

CHAPITRE II/ La consécration des droits des procédures collectives dérogatoires au droit OHADA 35

SECTION 1/ La spécificité du domaine d'intervention des droits des procédures collectives dérogatoires au droit OHADA 35

Paragraphe 1/ L'activité exercée par les sociétés assujetties aux droits dérogatoires des procédures collectives 35

Paragraphe 2/ La prise en compte des intérêts en cause 40

SECTION 2/ L'intervention de l'autorité administrative dans les droits des procédures collectives dérogatoires au droit OHADA 43

Paragraphe 1/ La subordination de l'ouverture de la procédure collective à l'avis de l'autorité administrative 43

Paragraphe 2/ Le contrôle des opérations de procédure collective par l'autorité administrative 48

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 54

TITRE II/ La contrariété des différents droits communautaires des procédures collectives dans l'espace OHADA 56

CHAPITRE I/ L'autonomie des sources des droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 56

SECTION 1/ L'équivalence des sources des droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 56

Paragraphe 1/ Les modalités d'application des droits communautaires des procédures collectives 56

Paragraphe 2/ La neutralisation réciproque des droits communautaires des procédures collectives 61

SECTION 2/ L'inexistence d'une hiérarchie entre les droits communautaires des procédures collectives 65

Paragraphe 1/ L'absence d'un critère d'élection d'un droit communautaire des procédures collectives 65

Paragraphe 2/ Les possibilités de règlement des conflits de droits communautaires 70

CHAPITRE II/ Les manifestations de l'autonomie dans les droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 73

SECTION 1/ Les objectifs des droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 73

Paragraphe 1/ Les choix politiques des droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 73

Paragraphe 2/ Les manifestations des choix politiques dans la mise en oeuvre des procédures collectives 78

SECTION 2/ Les rapports entre les droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 84

Paragraphe 1/ La dimension négative des rapports entre les droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 84

Paragraphe 2/ La dimension positive des rapports entre les droits communautaires des procédures collectives de l'espace OHADA 91

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 95

CONCLUSION GENERALE 97

TABLE DES MATIERES 100

BIBLIOGRAPHIEINTRODUCTION GENERALE

Les Etats africains sont engagés dans divers processus d'intégration qui, dans leurs derniers développements, entendent constituer de véritables ordres juridiques1(*). A cet effet, de nombreux ensembles et sous ensembles régionaux ont été mis en place. La multiplicité de ces ordres juridiques n'est pas sans poser quelques contradictions dans les rapports qu'ils entretiennent. Aussi, leur efficacité repose sur la cohérence juridique et judiciaire. C'est l'une des missions fondamentales assignée à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)2(*). L'OHADA malgré sa dénomination n'est pas la seule organisation s'intéressant au droit des affaires. Elle partage son domaine d'intervention3(*) avec d'autres organisations sous régionales. Bien avant son avènement, l'harmonisation4(*) du droit des affaires en Afrique s'est essentiellement accomplie dans des secteurs particuliers qui se sont trouvés en crise vers la fin des années 805(*). Ce fut le cas des entreprises du secteur bancaire et des marchés d'assurance régies respectivement par les dispositions de l'Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et de la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance (CIMA).

Instituée par un traité signé à Dakar le 10 janvier 1994 et regroupant huit pays6(*) d'Afrique de l'ouest, l'UEMOA qui constitue le prolongement de l'UMOA7(*), est une organisation qui a pour principal objectif le renforcement de « la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d'un marché ouvert et concurrentiel et d'un environnement juridique rationalisé et harmonisé... »8(*). A cet effet, l'article 22 du traité UEMOA dispose: "Afin de permettre la pleine application des principes d'union monétaire définis ci-dessus, les Gouvernements des Etats membres conviennent d'adopter une réglementation uniforme dont les dispositions seront arrêtées par le conseil des ministres de l'union concernant notamment: l'exécution et le contrôle de leurs relations financières avec les pays n'appartenant pas à l'union; l'organisation générale de la distribution et le contrôle du crédit; les règles générales de la profession bancaire et des activités s'y rattachant; les effets de commerce; la falsification des signes monétaires et de l'usage des signes falsifiés". Relativement à la profession bancaire, il faut noter que celle-ci est aujourd'hui organisée dans les pays de la zone UEMOA par trois textes fondamentaux que sont: la loi-cadre bancaire, le décret-cadre relatif au classement, à la forme juridique et aux opérations des établissements financiers et la loi portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d'épargne et de crédit9(*).

A l'instar de l'UEMOA, la CIMA intervient elle aussi dans une branche du droit des affaires. La CIMA a été instituée par traité signé à Yaoundé le 10 juillet 1992. Elle succédait ainsi à la convention de coopération en matière de contrôle des entreprises d'assurances des Etats africains et malgache signée à Paris le 27 novembre 1973, laquelle faisait suite à la convention de coopération signée également à Paris le 27 juillet 196210(*). Le traité CIMA proprement dit contient les règles d'organisation de la conférence interafricaine des marchés d'assurances et deux annexes portant d'une part, code des assurances des Etats membres11(*) de la CIMA, et d'autre part statut et missions des directions nationales des assurances. De l'ensemble des dispositions du traité et de ses annexes, il ressort que la CIMA poursuit deux objectifs : d'abord la réglementation unique des entreprises et des opérations d'assurance, ensuite celle des contrats d'assurance par un seul code. Désormais, toutes les entreprises d'assurance, quelles que soient leur forme et les opérations d'assurance auxquelles elles se livrent « sont soumises à un régime commun »12(*), qu'il s'agisse de leur constitution, de leur fonctionnement ou de leur liquidation13(*).

La notion de droit des affaires ne connaît pas une définition précise. Seul l'article 2 du traité OHADA dresse une liste de matières entrant dans ce domaine avec la possibilité accordée au conseil des ministres de l'OHADA de l'élargir14(*). Dans une acception large, on considère que le droit des affaires englobe la réglementation des différentes composantes de la vie économique. A ce titre, le secteur bancaire tout comme celui des Assurances ne saurait échapper à cette branche du droit. C'est ainsi qu'on retrouve dans l'espace OHADA, d'autres organisations régionales qui légifèrent toutes dans le domaine du droit des affaires et composées des mêmes Etats membres. En effet, les Etats membres15(*) de l'OHADA sont tous parties au traité de l'UEMOA. A l'exception de la Guinée Bissau, ils sont également membres de la CIMA.

Le secteur bancaire en Afrique de l'Ouest est essentiellement régi par les textes de l'UEMOA. Conformément à la définition retenue par l'article 2 de la loi n°2008-26 du 28 juillet 200816(*) portant réglementation bancaire, les établissements de crédit agréés en qualité de banque ou d'établissement financier à caractère bancaire effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque que sont la réception de fonds du public, les opérations de crédit ainsi que la mise à disposition de la clientèle et la gestion de moyen de paiement. A l'image du secteur bancaire, le secteur des marchés d'assurance est lui aussi régi par un texte communautaire à savoir le code CIMA.

L'assurance est l'activité par laquelle, une personne dite « assureur » s'engage envers une ou plusieurs personnes dites « assurées » à couvrir, moyennant le paiement d'une somme d'argent dite « prime » une catégorie de risques déterminés par contrat.17(*)

L'environnement économique ouest africain est, en partie, marqué par la présence des banques et des sociétés d'assurance. Les activités de ces dernières (commerciales en général), de même que la forme (sociétés commerciales) que ces entités revêtent conduisent à considérer que ces secteurs d'activités sont susceptibles de tomber dans le domaine du droit des affaires pourtant régi par le traité OHADA.

La coexistence des différentes normes de ces organisations communautaires peut soulever de nombreux conflits dont on note quelques exemples au niveau du droit des procédures collectives. En effet, la pléthore des sources communautaires de ce droit n'est pas sans soulever quelques contradictions normatives.

Le vocabulaire utilisé par la doctrine pour traiter de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises a, selon le Pr. Yves Guyon, « une connotation plus médicale et militaire que juridique car prévenir, c'est à la fois soigner et défendre »18(*). En outre la matière est complexe en raison du nombre de questions et de conflits d'intérêts qu'elle traite. Enfin elle fait appel à d'autres matières tel que le droit civil, le droit commercial, le droit bancaire, la procédure civile, le droit pénal, les voies d'exécution, le droit des sûretés...L'existence de plusieurs normes indépendantes les unes des autres et régissant la matière ne fait qu'en accentuer la complexité.

S'il est exact que la mise en place de plusieurs institutions ayant pour vocation une intégration juridique et ou économique bénéficie d'un consensus général quant à sa pertinence, sa réalisation concrète suscite plusieurs interrogations. En effet, bien vrai que le droit des procédures collectives est considéré comme l'ensemble des procédures faisant intervenir la justice lorsque le débiteur n'est plus en mesure de payer ses dettes en vue d'assurer le paiement des créanciers et dans la mesure du possible, le sauvetage de l'entreprise ou de l'activité, la mise en oeuvre de cette procédure peut rencontrer quelques difficultés en raison de la pléthore de sources juridiques en la matière.

En effet l'OHADA dispose d'un acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif19(*). De même la conférence interafricaine des marchés d'assurance a émis un code dont la section trois (3) du livre trois (3) contient des dispositions relatives aux procédures de redressement et de sauvegarde des entreprises d'assurance. En outre, les orientations portant organisation de la profession bancaire dans la zone UEMOA à savoir la loi 2008-26 du 28 juillet 2008 portant réglementation bancaire20(*), la loi Projet d'appui à la réglementation des mutuelles d'épargne et de crédit (PARMEC)21(*), et la loi 2008-47 du 3 septembre 200822(*) portant réglementation des systèmes financiers décentralisés contiennent toutes des dispositions relatives aux procédures collectives des établissements de crédit.

Du point de vue du champ d'application du droit des procédures collectives, le droit OHADA s'applique aux personnes physiques commerçantes ainsi qu'aux personnes morales de droit privé23(*) quels que soient leur but (lucratif ou non) et la nature de leur activité économique (civile ou commerciale). Les banques et les sociétés d'assurance devraient-elles être considérées comme toutes les personnes morales de droit privé au sens de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif ? Existe-t-il une hiérarchie entre ces normes régissant le droit des procédures collectives ? Où alors faut-il considérer qu'il existe un droit commun des procédures collectives et un droit spécial organisé par d'autres textes ? Répondre à toutes ces questions revient à évoquer les différentes sources des droits des procédures collectives de l'espace OHADA.

Relativement aux différents traités qui coexistent dans l'espace OHADA, il faut noter que, selon l'article 6 du traité de l'UEMOA « les actes arrêtés24(*) par les organes de l'Union pour la réalisation des objectifs du présent traité et conformément aux règles et procédures instituées par celui-ci sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure ». En outre, l'article 43 du même traité énonce que les règlements ont une portée générale. Ils ont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans tout Etat membre.

De même les articles 40 et 47 du traité instituant la CIMA énoncent respectivement : "Les règlements et les décisions sont obligatoires. Le règlement a une portée générale et est directement applicable dans tous les Etats membres. La décision désigne ses destinataires et est directement applicable..."; " les juridictions nationales appliquent les dispositions du présent traité et les actes établis par les organes de la Conférence nonobstant toute disposition nationale contraire antérieure ou postérieure à ces textes ". De même l'article 10 du traité OHADA affirme clairement que les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure.

Les normes dérivées de ces traités s'inscrivent dans cette même logique. Ainsi l'article 257 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif dispose : « sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à celle du présent Acte uniforme... » De même l'article 114 de la loi 2008-26 du 28 juillet 200825(*) dispose : « sont abrogées, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi, toutes dispositions contraires... ». Il en est de même pour l'article 85 de la loi PARMEC26(*) qui déclare abrogées à compter de sa date d'entrée en vigueur toutes dispositions contraires ou antérieures. On retrouve les mêmes dispositions au niveau de l'article 149 de la loi 2008-47 du 3 septembre 200827(*).

Ainsi sont affirmées la force obligatoire et la supranationalité des différentes dispositions émanant tant des traités instituant ces organisations communautaires que des normes édictées par elles.

La supranationalité signifie un système institutionnel et normatif qui permet de privilégier le bien commun, c'est-à-dire celui de la communauté, par rapport aux intérêts nationaux à savoir celui des Etats membres. Cette supranationalité peut s'observer dans le pouvoir d'édicter des normes communautaires ou régionales qui sont immédiatement applicables et ont des effets directs. En outre la supériorité des normes communautaires sur les règles juridiques nationales antérieures mais surtout postérieures en découle aisément.

Les trois ordres juridiques précédemment cités présentent toutes, à des degrés différents, tout ou partie des caractéristiques qui viennent d'être évoquées. L'UEMOA, l'OHADA tout comme la CIMA produisent toutes des normes immédiatement applicables et qui ont des effets directs dans l'ordre interne. Enfin toutes trois affirment explicitement la primauté des normes qu'elles produisent.

Lorsqu'il s'agit de solutionner un problème faisant appel à une disposition de droit national et une norme communautaire, la difficulté ne se posera pas puisque la norme communautaire s'appliquera en raison de sa primauté sur la disposition interne.

La question qu'il convient alors de se poser est de savoir quelle solution adopter lorsque les trois dispositions ont vocation à régir une même situation ?

Relativement au droit des procédures collectives, les conflits de normes voire les contradictions sont inévitables. On retiendra notamment les inopposabilités de la période suspecte, la notion de cessation des paiements, les paiements anormaux, le principe de l'irrévocabilité des ordres de paiement, la compensation effectuée en chambre de compensation, la règle de l'opposabilité aux tiers de la pension dès la livraison des valeurs...Autant de règles qui sont envisagées différemment d'un ordre juridique à un autre.

Démontrer les problèmes posés par la pluralité des sources du droit des procédures collectives dans l'espace géographique OHADA, apprécier les tentatives de solutions apportées à ces problèmes présentera un intérêt tant théorique que pratique.

D'une part, la coexistence de plusieurs normes de procédures collectives soulèvera des difficultés pour l'application de ce droit dans l'espace OHADA tant pour le juge que pour les praticiens. D'autre part, ces difficultés ne manqueront pas d'influer sur la jurisprudence en la matière. Enfin, elles risquent de remettre en cause les objectifs d'uniformisation de ce droit.

Dès lors, la question qu'il convient de se poser est celle de savoir quels sont les problèmes posés par la coexistence des normes communautaires portant organisation des procédures collectives dans l'espace OHADA ? Répondre à cette question nous renverra au débat relatif à l'harmonisation des législations communautaires, au pluralisme juridique ordonné. A ce titre, retenons ces propos du Pr. Delmas-Marty qui estime que « ce qui domine le paysage juridique actuel, c'est le grand désordre d'un monde tout à la fois fragmenté à l'excès, comme disloqué par une mondialisation anarchique, et trop vite unifié, voire uniformisé, par une intégration hégémonique... Ordonner le multiple sans le réduire à l'identique, admettre le pluralisme sans renoncer à un droit commun, à une commune mesure du juste et de l'injuste, peut dès lors sembler un objectif inaccessible et même contradictoire... »28(*). En effet, la coexistence de plusieurs droits communautaires régissant le droit des procédures collectives dans l'espace OHADA n'est pas sans susciter diverses contradictions qui affectent le domaine normatif mettant ainsi en exergue plusieurs règles susceptibles de s'appliquer à une même situation et de proposer des solutions différentes ou contraires. Cette situation influe sur l'état de la jurisprudence en matière de procédure collective. Le rôle primordial des procédures collectives étant l'apurement du passif, l'insécurité juridique et judiciaire provenant de la contrariété entre plusieurs normes de procédure collective tend à remettre en cause les efforts d'intégration et d'harmonisation de cette branche du droit des affaires. C'est à ce niveau que se trouve tout l'intérêt du débat relatif à l'harmonisation des droits communautaires.

Cette question de la rationalisation des droits communautaires dans l'espace OHADA se posera avec acuité si on considère le foisonnement d'ordres juridiques qui se chevauchent dans un même espace géographique et légifèrent indépendamment dans un domaine similaire. Edifié par à-coups et en ordre dispersé, le droit des affaires est, à maints égards, à l'antipode de ce qu'il devrait être : harmonisé certes, du moins par blocs compartimentés, mais pas du tout harmonieux, et complexe plutôt que simplifié. Le Pr. Tiger évoque cette « mosaïque juridique du droit des affaires »29(*) comme une question préoccupante. Et bien avant, le juge Kéba Mbaye épinglait le risque d'une contrariété des normes émanant des différentes instances africaines d'harmonisation juridique30(*). Cette situation complique du coup, non pas la compréhension ou l'insertion des normes dans l'ordre juridique interne des Etats, mais leur coexistence dans l'espace (titre I) et leur application à des situations déterminées pouvant créer des contradictions diverses (II).

TITRE I/ La pluralité des sources communautaires du droit des procédures collectives dans l'espace OHADA

Le droit des procédures collectives dans l'espace OHADA est caractérisé par l'existence de plusieurs sources, toutes indépendantes les unes des autres. Cette pluralité de sources est à la base de différents conflits attachés à l'application de ce droit dans l'espace OHADA. Les règles émanant de ces différentes sources sont souvent concurrentes et le juge doit choisir entre elles.

Cependant, au sein de l'espace OHADA, ce choix peut s'avérer difficile puisqu'a priori il n'y a aucun critère d'éligibilité d'une norme communautaire par rapport à une autre entre les dispositions de l'UEMOA, de l'OHADA et de la CIMA. Dans l'ensemble, la solution adoptée est de considérer qu'il existe, d'une part, un droit commun des procédures collectives dans l'espace OHADA (chapitre I) et d'autre part, des droits dérogatoires (chapitre II).

* 1 Il s'agit  «  d'ensembles organisés et structurés de normes juridiques possédant leurs propres sources, dotés d'organes et de procédures aptes à les émettre, à les interpréter ainsi qu'à en faire constater le cas échéant, les violations » V. G. ISSAC, Droit communautaire général, Paris, Masson, 1989

* 2 L'OHADA est un groupement de seize (16) pays principalement d'Afrique francophone (Bénin, Burkina-faso, Cameroun, Congo Brazzaville, Côte-d'Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo, Union des Comores). C'est aussi un traité (signé à Port louis le 17 octobre 1993) conclu entre ces pays pour "unifier" le droit des affaires et palier ainsi la fuite des investisseurs, conséquence de l'insécurité juridique et judiciaire qui existait jusque là.

V. Y. LARBA, « L'OHADA, ses institutions et ses mécanismes de fonctionnement » in Revue burkinabé de droit, n° spécial 39-40, p. 37

* 3 Il s'agit d'abord du domaine géographique car l'OHADA n'est pas la seule organisation intervenant dans l'espace constitué par ses Etats membres. Ensuite, d'autres organisations intervenant dans d'autres branches du droit des affaires émettent des normes susceptibles d'interférer avec la législation OHADA

* 4 L'harmonisation est une opération consistant à mettre en accord des dispositions d'origine différente, plus spécialement à modifier des dispositions existantes afin de les mettre en cohérence entre elles tout en respectant plus ou moins le particularisme des législations nationales. Quand à l'uniformisation, elle se présente comme une méthode plus radicale de l'intégration juridique puisqu'elle consiste à effacer les différences entre les législations nationales en leur substituant un texte unique, rédigé en des termes identiques pour tous les Etats concernés. Sur l'ensemble de la question voir J. ISSA-SAYEGH, « Quelques aspectes techniques de l'intégration juridique, l'exemple des Actes uniformes »in Revue de Droit uniforme, 1999-1, p. 5 et s. V aussi A. JEAMMAUD, « Unification, uniformisation, harmonisation : de quoi s'agit-il ? » in Vers un code européen de la consommation, éd. Bruylant, Bruxelles 1998, p. 35 et s.

* 5 V. D. NDIAYE, « Afrique de l'ouest, crise des banques dans l'UEMOA des années 80 : deux poids, deux mesures », Journal Sud Quotidien du 21 mars 2009.

V. B. POWO FOSSO, « Les déterminants des faillites bancaires dans les pays en développement : le cas des pays de l'Union économique et monétaire ouest africaine », Cahier 2000-2002 Université de Montréal sur http//www.sceco.umontréal.ca

* 6 Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo

* 7 Union Monétaire Ouest Africaine créée le 14 novembre 1973 visant l'harmonisation des législations bancaire et monétaire.

V. J. ISSA-SAYEGH, et J. LOHOUES OBLES, OHADA harmonisation du droit des affaires, Bruylant 2002, p.64 à 67

* 8 V. article 4 du traité de l'UEMOA

* 9 Au Sénégal il s'agit de la loi 2008-26 du 28 juillet 2008 portant réglementation bancaire, de la loi 2008-47 du 3 septembre 2008, de la loi 95-03 du 5 janvier 1995 portant réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d'épargne et de crédit. Cette loi a été abrogée par la loi 2008-47 du 3 septembre 2008 portant réglementation des systèmes financiers décentralisés ainsi que son décret d'application 2008-1366 du 28 novembre 2008.

* 10 V. J. ISSA-SAYEGH, et J. LOHOUES OBLE, OHADA, harmonisation du droit des affaires, op.cit., p. 81et s

* 11 Bénin, Guinée Bissau, Guinée équatoriale, Centrafrique, Mali, Cameroun, Niger, Comores, Sénégal, Congo, Tchad, Côte d'Ivoire, Togo

* 12 Voir articles 300 à 329-2 livre III code CIMA

* 13 Ces règles ne sont pas toujours compatibles avec les actes uniformes de l'ohada sur les sociétés commerciales et les procédures collectives d'apurement du passif en l'état actuel

* 14 V. article 2 du traité OHADA : « Pour l'application du présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports,et de toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure, conformément à l'objet du présent traité et aux dispositions de l'article 8 ci-après ».

* 15 Op. Cit. Note 2

* 16 V. loi n°2008-26 du 28 juillet 2008, JORS du samedi 8 novembre 2008

* 17 V. S. BRAUDO et A. BAUMANN, Dictionnaire du droit privé, 1996-2009

* 18 V. Y. GUYON, Droit des affaires : entreprises en difficulté, redressement judiciaire, faillite, 8ème éd. Economica 2001, n° 1031.

* 19 V. Acte Uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, JO OHADA n°7 du 1er juillet 1998, p. 1 et s.

* 20 V. JORS n°6437 du samedi 8 novembre 2008

* 21 Loi 95-03 du 5 janvier 1995, JORS n°5617 du 21 janvier 1995, pp. 47-52

* 22 V. JORS n°6452 du Samedi 31 janvier 2009

* 23 V. article 2 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif.

* 24 Il s'agit des règlements, directives, décisions, recommandations, avis

* 25 Op. Cit. p. 5

* 26 Op. Cit. p.5

* 27 Op. Cit. p.5

* 28 V. M. DELMAS-MARTY, Le pluralisme ordonné et les interactions entre ordres juridiques, discours présenté lors d'une conférence en date du 26 janvier 2006 à l'Université Bordeaux IV. Voir aussi C. PONTHOREAU, Les forces imaginaires du droit, le pluralisme ordonné, édition Seuil, 2006.

* 29 TIGER P., Le droit des affaires en Afrique, 3ème éd., coll. « Que sais-je ? », PUF 2001, p. 11

* 30 MBAYE K., « L'unification du droit des affaires en Afrique » in Revue sénégalaise de droit, 1971, n°10, pp.65 et s.

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