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Contribution des Ecoles Normales Primaires au processus de l'Education Pour Tous

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par Jean-Baptiste NDAGIJIMANA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Maîtrise 2005
  

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Toute recherche scientifique exige la contribution de plusieurs personnes. Elle bénéficie de l'aide tant matérielle, financière, intellectuelle que morale de personnes auxquelles nous voulons exprimer notre profonde reconnaissance.

Nos remerciements s'adressent à ceux qui ont répondu au questionnaire de recherche :

- La Direction de l'Enseignement Préscolaire et Primaire du Ministère de l'Éducation au Rwanda

- La Coordination Nationale de l'Éducation Pour Tous et son Secrétariat au Ministère de l'Éducation au Rwanda.

- Les Directeurs des Écoles Normales Primaires (E.N.P/T.T.C) au Rwanda.

- Les enseignants.

Nous tenons également à remercier ici :

- Le Professeur Maurice KOUYATE qui, par son accompagnement, sa disponibilité, son expérience dans le domaine de la formation des enseignants et sa rigueur, nous a permis de mener à bien notre recherche.

- L'administration académique et tous les professeurs du CELAF/ ISSPR pour leur encadrement pédagogique. Nous remercions en particulier, les Professeurs de l'année de Maîtrise 2004-2005: Pr. TAPE Goze, Pr. ANY-BGAYERE Sahou, Pr. KOFFI Daniel, Dr. Patrice AKE et Édouard DELOISY. Ils nous ont permis d'appréhender avec audace et précision l'étape initiatique de la recherche scientifique.

- LEFEUVRE Loïc, pour sa lecture minutieuse et attentive.

- Toutes les personnes qui, d'une manière ou d'une autre, ont permis la réalisation de cette recherche.

*******************************************

« Il n' y a pas d'autre choix que d' ``éduquer'',

et de le faire vite et bien »

Joseph KI-ZERBO

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION ..1

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE DE L'ÉTUDE. 8

1.1. L'INTÉRÊT POUR LE SUJET 9

1.2. INTÉRÊT PÉDAGOGIQUE DU SUJET 12

1.3. INTERET NATIONAL ET SOCIAL DU SUJET 13

1.4. ÉNONCÉ DU PROBLÈME 14

1.5. LA QUESTION DE RECHERCHE 15

CHAPITRE 2 : ANALYSE DES CONCEPTS CLÉS 16

2.1. NAISSANCE DU CONCEPT « ÉDUCATION POUR TOUS » 17

2.2. ÉDUCATION POUR TOUS COMME POLITIQUE 18

2.3. PILIERS ET STRUCTURES DE L'ÉDUCATION POUR TOUS. 19

2.3.1. LES PILIERS DE L'ÉDUCATION POUR TOUS 19

2.3.2. LES STRUCTURES DE L'ÉDUCATION POUR TOUS 20

2.3.2.1. ÉDUCATION DE BASE 20

2.3.2.2. ÉDUCATION PRÉSCOLAIRE 20

2.3.2.3. ÉDUCATION PRIMAIRE 21

2.3.2.4. ENSEIGNEMENT PRIMAIRE UNIVERSEL (EPU) 21

2.3.2.5. ENSEIGNEMENT ARTISANAL 21

2.3.2.6. PROGRAMME DE RATTRAPAGE 21

2.3.2.7. ÉDUCATION SPÉCIALE 22

2.3.2.8. ALPHABÉTISATION 22

2.4. METHODES D'ENSEIGNEMENT ET D'EVALUATION 23

2.4.1. METHODES D'ENSEIGNEMENT 23

2.4.2. METHODES D'EVALUATION 25

2.4.2.1. RENDEMENT SCOLAIRE 26

2.4.2.2. DÉPERDITION SCOLAIRE 26

CHAPITRE 3: REVUE DE LITTÉRATURE 28

3.1.LES ÉCOLES NORMALES PRIMAIRES 30

3.1.1. LES ECOLES NORMALES PUBLIQUES 31

3.1.2. LES ÉCOLES NORMALES DE JEAN-BAPTISTE DE LA SALLE 35

3.1.2.1. ORGANISATION DES ÉCOLES NORMALES PRIMAIRES. 38

3.1.2.2. L'AUTONOMIE DES ÉCOLES NORMALES 40

3.1.2.3. LE RECRUTEMENT DES ELEVES-MAÎTRES 41

3.1.2.4. REGIME FINANCIER DES ÉCOLES NORMALES 42

3.1.2.5. LES PRINCIPES PEDAGOGIQUES 42

3.1.2.6. MATIERES ENSEIGNEES DANS LES ÉCOLES NORMALES 44

3.2. POLITIQUES EDUCATIVES DE L'EDUCATION POUR TOUS. 45

3.2.1. LA DÉCLARATION MONDIALE SUR L'EDUCATION POUR TOUS. 45

3.2.2. LA POLITIQUE EDUCATIVE SUR L'ÉDUCATION POUR TOUS AU RWANDA. 48

3.2.2.1. POLITIQUE EDUCATIVE. 48

3.2.2.1.1. MISSION DE L'EDUCATION 48

3.2.2.1.2. BUTS DE L'EDUCATION 49

3.2.2.1.3. OBJECTIFS SPECIFIQUES DU SECTEUR DE L'EDUCATION. 49

3.2.2.2. PLAN STRATEGIQUE ET LE PLAN D'ACTION 50

3.2.2.2.1. L'OBJECTIF GLOBAL DE L'ÉDUCATION DE BASE 50

3.2.2.2.2. L'ENGAGEMENT DU RWANDA EN MATIÈRE DE L'EDUCATION POUR TOUS. 51

3.2.2.2.3. PRIORITES POUR L'ÉDUCATION DE BASE 51

CHAPITRE 4: LA FORMATION DES ENSEIGNANTS POUR L'ÉDUCATION DE BASE. 53

4.1. FORMATION INITIALE 55

4.1.1. LA FORMATION INFUSE 56

4.1.2. LA FORMATION TRADITIONNELLE 56

4.1.3. LA FORMATION SCIENTIFIQUE 57

4.1.4. LA FORMATION BEHAVIORISTE 58

4.1.5. LA FORMATION HUMANISTE 61

4.2. FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS 64

4.3. LA FORMATION DES ADULTES. 65

4.3.1. LES STRUCTURES D'ALPHABÉTISATION. 65

4.3.2. PRINCIPAUX OBJECTIFS GÉNÉRAUX DE L'ALPHABÉTISATION 67

4.3.3. POLITIQUES ET PROGRAMMES D'ALPHABÉTISATION 68

CHAPITRE 5: CADRE MÉTHODOLOGIQUE 70

5.1. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE 71

5.1.1. OBJECTIF GÉNÉRAL 71

5.1.2. OBJECTIFS SPÉCIFIQUES 71

5.2. HYPOTHÈSE DE L'ÉTUDE 72

5.3. PRÉSENTATION DU CONTEXTE DE L'ÉTUDE 72

5.3.1. LES ECOLES NORMALES PRIMAIRES DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF RWANDAIS 74

5.3.2. ORGANISATION, STRUCTURE ET POPULATION DES ECOLES NORMALES PRIMAIRES 75

5.4. CHOIX DE L'APPROCHE METHODOLOGIQUE 77

5.5. POPULATION D'ETUDE 79

5.5.1. CHOIX D'UN ECHANTILLON REPRESENTATIF. 80

5.5.2. METHODES DE COLLECTE DES DONNEES 81

5.5.3. ENQUETE QUANTITATIVE 82

5.5.4. L'INTERVIEW 82

5.5.5. LE QUESTIONNAIRE 84

5.5.5.1. QUESTIONS À RÉPONSES FERMÉES. 84

5.5.5.2. QUESTIONS À RÉPONSES OUVERTES. 84

CHAPITRE 6 : PRÉSENTATION DES RÉSULTATS. 86

6.1. RÉSULTATS DE L'INTERVIEW 88

6.2. TENDANCES DÉGAGÉES PAR LE QUESTIONNAIRE D'ENQUÊTE 89

6.2.1. EDUCATION POUR TOUS : BASE DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ ET L'AMÉLIORATION DU BIEN ÊTRE DE LA POPULATION. 89

6.2.2. L'IMPLICATION DES ECOLES NORMALES DANS LA PLANIFICATION ET DANS L'EXÉCUTION DU PLAN D'ACTION DE L'EDUCATION POUR TOUS. 92

6.2.3. L'ENGAGEMENT DES ÉCOLES NORMALES PRIMAIRES À LA MISE EN OEUVRE DES OBJECTIFS DE L'EDUCATION POUR TOUS. 95

6.2.3. 1. LES ACTIVITÉS DES ECOLES NORMALES EN FAVEUR DE L'EDUCATION POUR TOUS 95

6.2.3. 2. FORMATION INITIALE ET CONTINUE DES ENSEIGNANTS DU PRIMAIRE 100

6.2.3.2. 1. FORMATION INITIALE 100

6.2.3.2.2. FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS DU PRIMAIRE. 103

6.2.4. LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DANS LE CADRE DE L'EDUCATION POUR TOUS. 105

6.2.4.1. LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES DE L'ÉDUCATION DE BASE. 105

6.2.4.2. AMÉLIORATION DE LA FORMATION DES ÉLÈVES-MAÎTRES. 107

6.2.4.3. AMÉLIORATION DU RENDEMENT SCOLAIRE. 108

6.2.4.4. LA SENSIBILISATION DE LA POPULATION ENSEIGNANTE. 109

CHAPITRE 7 : INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS. 110

7.1. SYNTHÈSE DES RÉSULTATS 111

7.2. DISCUSSION - INTERPRÉTATION 113

7.2.1. DE L'ÉDUCATION AU BIEN-ÊTRE DE LA POPULATION 113

7.2.2. DE LA PLANIFICATION À LA PARTICIPATION EN ÉDUCATION 115

7.2.3. DE L'INITIATIVE PÉDAGOGIQUE À LA CONTRIBUTION AU PROCESSUS DE L'EDUCATION POUR TOUS. 116

7.2.4. FORMATION INITIALE ET CONTINUE 119

7.2.4.1. DE LA FORMATION INITIALE À L'ENSEIGNEMENT 119

7.2.4.2. DE LA FORMATION CONTINUE À LA RÉUSSITE SCOLAIRE. 122

7.3. INTERPRÉTATION D'ENSEMBLE DES RÉSULTATS. 124

7.3.1. LA FORMATION INITIALE DES ÉLÈVES-MAÎTRES. 124

7.3.2. ACTIVITÉS PÉDAGOGIQUES PARASCOLAIRES DES ECOLES NORMALES PRIMAIRES 127

CHAPITRE 8 : PROPOSITIONS. 128

CONCLUSION 140

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 143

ANNEXES 144

ABREVIATIONS ET SIGLES

CELAF/ISSPR 

Centre Lassalien Africain / Institut Supérieur de Sciences Pédagogiques et Religieuses

C.E.R.A.I.

Centre d'Enseignement Rural et Artisanal Intègre

C.N.D.P. 

Centre National de Développement des Programmes

C.N.E.R. 

Conseil National des Examens au Rwanda.

C.N.R.U:

Commission Nationale Rwandaise pour l'UNESCO

E.D.D. 

Education en vue du Développement Durable.

E.N.P./P.T.C/T.T.C

Ecole Normale Primaire/ Primary Teachers College/ Teachers Training College

E.N.T.

Ecole Normale Technique

E.P.T

Education Pour Tous

E.P.U. 

Enseignement Primaire Universel

G.T.Z. 

Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit GmbH

I.G.E. 

Inspection Générale de l'Education.

IMPRESCO 

Imprimerie Scolaire

I.R.S.T. 

Institut de Recherche Scientifique et Technologique

I.S.A.E. 

Institut Supérieur d'Agriculture et d'Elevage.

K.H.I

Kigali Health Institute

K.I.E

Kigali Institute of Education

K.I.S.T

Kigali Institute of Sciences Technology and Management

MINEDUC 

Ministère de l'Éducation, de la Science, de la Technologie et de la Recherche Scientifique

N.C.H.E:

National Council of High Education/Conseil National de l'Enseignement Supérieur

N.R.F/F.N.R

National Research Fund/Fond National pour la Recherche

O.N.G :

Organisation Non Gouvernementale

P.E.P.E. 

Protection et Education de la Petite Enfance

P.S.S.E. 

Plan Stratégique du Secteur de l'Education

RAAS

Rwandan Academy of Arts and Sciences.

S.F.A.R

Student Financing Agency for Rwanda/Agence Rwandaise de Financement des Étudiants

S.T.E. 

Sciences et Technologie Élémentaire

TSC

Teachers' Service Commission

T.I.C./I.C.T 

Technologie de l'Information et de la Communication/Information and Communication Technologies

UNESCO 

Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture

U.C.A.O/U.U.A.

Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest/Unité Universitaire d'Abidjan

U.N.R. 

Université Nationale du Rwanda.

V.I.H/SIDA

Virus Immunodéficitaire Humain/Syndrome d'Immuno-Déficience Acquise

INTRODUCTION

Le thème qui fait l'objet de notre étude est centré sur l'analyse et la recherche de l'implication des Ecoles Normales Primaires au processus de l'Education Pour Tous; c'est-à-dire la contribution effective des institutions de formation des enseignants du primaire à ce processus. Pour cibler les contributions possibles au processus de l'Éducation Pour Tous, nous voulons mettre en évidence le lien qui existe entre « la politique de l'Education Pour Tous »  et la formation des enseignants du primaire tout au long de notre travail de recherche. Les politiques éducatives déclarées seront des outils nécessaires pour connaître l'ensemble des décisions prises par anticipation en vue de préciser les attentes de la société rwandaise vis-à-vis de l'éducation formelle et non formelle.

Toute éducation comprend plusieurs étapes et est le résultat d'un long processus. Toute société a des valeurs à transmettre aux nouvelles générations. Elle veut que toutes les nouvelles générations soient éduquées en vue d'être intégrées dans la société. Le concept de l'«Éducation Pour Tous (EPT) » n'est donc pas nouveau dans le système éducatif rwandais. Comme dans tous ceux des pays accédant à l'indépendance en matière d'éducation formelle, le Gouvernement Rwandais de la Première République a essayé de le structurer en confiant deux missions essentielles à l'école : l'expansion de l'éducation en tant que moteur du développement d'une part et l'enseignement primaire universel et obligatoire d'une autre part. C'est dans ce contexte que la loi du 27 août 1966 a mis fin au monopole de l'Église dans l'enseignement ; les écoles primaires ont été nationalisées.

La société rwandaise a toujours désiré donner une éducation de base à tous les citoyens. Mais la jeune nation, dépourvue du personnel enseignant et des moyens financiers nécessaires pour ouvrir les écoles de formation des instituteurs, n'a pu offrir l'éducation de base à tous. L'enseignement secondaire est ainsi, pendant plusieurs années accessible, seulement à un petit nombre d'élèves sélectionnés, parfois sur des bases subjectives.

Dans le désir de bâtir une société ouverte sur le monde, capable de se prendre en charge et d'être compétitive sur le marché du travail, le Gouvernement de la Deuxième République a initié une réforme du système éducatif en 1979-1980 dans le but de démocratiser l'éducation, puis de créer un lien entre l'école, la production et le développement national. Très ambitieuses mais sans élaboration d'un processus éducatif, toutes ces intentions politiques en matière de l'éducation n'ont pas connu de vraies réalisations ; beaucoup d'initiatives sont restées ponctuelles et dépendantes des bailleurs de fonds. À long terme, la continuité du système n'était pas assurée et on revenait à la case de départ.

La réforme de 1979-1980, en créant des écoles de métiers appelées couramment CERAI (Centre d'Enseignement Rural et Artisanal Intégré), en renforçant l'école primaire sur huit ans au lieu de six ans et en créant des Écoles Normales Techniques pour former les enseignants de ces écoles, avait suscité beaucoup d'espoir au Rwanda. Mais, après quelques années, ces écoles de métiers et les Écoles Normales Techniques ont été purement et simplement supprimées. Les septième et huitième années de l'enseignement primaire, initiées par la même réforme, sont supprimées pour en revenir au système de six ans.

À la fin de la Deuxième République, les objectifs n'ont pas été atteints. Pendant cette période, le système scolaire a été marqué par l'instabilité et les inégalités sociales. Les critères de passage de l'enseignement primaire à l'enseignement secondaire étaient basés sur l'équilibre régional et ethnique et non sur une évaluation des connaissances scolaires. L'école rwandaise connaîtra des effets néfastes du génocide 1994, car elle n'a pas pu rester à l'écart des divisions ethniques et régionales. De nombreux enseignants ont participé activement à ces horribles massacres.

Au milieu de l'instabilité politique et du tâtonnement du système éducatif rwandais, « l'Éducation Pour Tous » ne peut être une chose acquise du jour au lendemain. C'est un processus qui doit se préparer dès la formation initiale des enseignants. C'est à l'École Normale que l'élève-maître acquiert des attitudes, des comportements, des méthodologies, le sens de responsabilité et la déontologie professionnelle. Ce processus exige une planification rigoureuse. La planification de l'EPT doit être considérée comme un processus et non comme des actions ponctuelles dans le secteur de l'éducation. Ces actions ponctuelles peuvent parfois nous donner l'impression d'un avancement considérable du processus éducatif ou d'une réalisation importante, mais, si elles ne se trouvent pas insérées dans la politique sectorielle de l'éducation, dans un processus bien planifié, elles n'ont que peu d'utilité. Ainsi, la réalisation de « l'Éducation Pour Tous » dépendra en grande partie de la planification et des formations initiale et continue des enseignants. La politique éducative nationale doit tenir compte de cette réalité.

Depuis 1994, le Gouvernement d'Union Nationale, pour redresser et développer le secteur de l'éducation, s'est fixé deux missions essentielles confiées à l'école : former les ressources humaines nécessaires au développement économique et social et promouvoir la paix et la tolérance au sein de la société rwandaise. Ces deux missions ont permis d'entrer dans une autre phase de développement de la politique sectorielle de l'éducation :

Nous avons entamé une nouvelle phase de développement et par conséquent, le secteur de l'éducation a besoin d'une nouvelle politique. Le Rwanda, comme tant d'autres pays se trouve maintenant à la croisée des chemins avec les engagements d'aboutir à quelques objectifs de développement international, tels que l'Enseignement Primaire Universel (EPU) et l'Éducation Pour Tous. (......). La nouvelle politique du secteur de l'éducation devrait être le reflet de ce nouveau milieu politique. Ce milieu exige à ce que tout domaine d'activité économique soit géré comme secteur, la nécessité donc d'adopter une approche sectorielle s'impose pour que le secteur de l'éducation puisse recevoir la contribution de tous les acteurs1(*).

A travers cette politique éducative qui envisage de nouvelles orientations dans le secteur de l'éducation, le Gouvernement d'Union Nationale a pris conscience du besoin de réformer l'approche de la formation des enseignants pour empêcher la répétition de la situation où les enseignants étaient vus comme contribuant significativement au génocide et rendre la formation des enseignants plus professionnelle par la mise en place des collèges (ENP) consacrés à la formation d'enseignants2(*) (plutôt que de prendre leur formation comme branche de l'enseignement secondaire).

L'engagement pour l'Éducation Pour Tous (EPT), et en particulier la réalisation rapide de l'Enseignement Primaire Universel (EPU), y compris la hausse de la qualité comme motivation pour des taux d'accès et de conservation croissants, a exercé une forte pression sur le système pour former des enseignants efficaces du primaire3(*). Le processus est en marche mais une réorganisation des ENP s'avère urgente en faveur de l'EPU et en général de l'EPT. La mission nécessite d'être bien définie et aussi élargie pour permettre aux élèves-maîtres de contribuer à leur formation pédagogique. Les ENP sont composées par des acteurs devant contribuer au processus de l'Enseignement Primaire Universel et de l'Éducation Pour Tous.

Les concepts  de l'EPU et EPT, vus comme utopie sur le continent africain et les autres pays du tiers monde, sont pourtant réalisables. L'éducation se présente comme une solution « sine qua non » pour sortir de la misère et pour pouvoir entrer en compétition économique avec les pays développés ; c'est une vision que nous partageons avec le Gouvernement Rwandais et d'autres pays africains. Pour Fay Chung, ancien Ministre de l'éducation du Zimbabwe « l'éducation a un rôle important à jouer dans l'instauration et la définition des valeurs qui feront de l'Afrique un continent politiquement et culturellement uni, harmonieux et tourné vers l'avenir »4(*). Le besoin d'éducation semble plus que jamais urgent. Nous devons investir dans l'éducation. Sans négliger les autres étapes de la formation, il nous faut à tout prix offrir l'éducation de base à tous les Rwandais: « cela signifie que nous attendons beaucoup des enseignants, qu'il sera beaucoup exigé d'eux, car il dépend d'eux en grande partie que cette vision devienne une réalité »5(*)

La formation initiale des enseignants doit tenir compte de la vision de « l'Éducation Primaire Universelle » ainsi que de « l'Éducation Pour Tous », d'où le rôle primordial des onze Écoles Normales Primaires. L'Éducation Pour Tous devrait être un processus éducatif conduit dans un esprit de l'éducation de qualité. Koïchiro Matsuura, Directeur Général de l'UNESCO6(*) ne souhaite pas que la quantité soit privilégiée au détriment de la qualité quand il dit: 

La finalité de l'éducation ne peut plus se réduire à dispenser l'instruction ou la maîtrise des compétences nécessaires pour exercer un métier. Il ne faut pas oublier qu'éduquer, c'est conduire dehors (ex ducere), c'est donner à l'apprenant les moyens de son ouverture au monde, c'est le mener jusqu'au plein épanouissement de ses capacités. Perdre de vue de cette approche, privilégier dans l'«éducation pour tous » le « tous » au détriment de l'«éducation », conduirait à développer un nouveau type d'analphabétisme et à creuser les disparités et les inégalités centre lesquelles l'éducation doit justement être la plus puissante des armes.

Dans les pays du tiers monde, le danger de la mise en application de l'Enseignement Primaire Universel est la surpopulation des classes primaires. Bien que les politiques insistent sur la qualité d'éduquer, concrètement la course à la réalisation de l'EPU néglige parfois la qualité. L'évaluation formative dans les écoles devient quasiment impossible à cause du nombre d'élèves et on se contente de l'examen de fin de trimestre, l'élève restant souvent un inconnu. Les critères de passage à la classe supérieure deviennent moins rigoureux, la promotion automatique est privilégiée. La qualité est sacrifiée au profit de la quantité. Cela est observable au Rwanda où avec « le système de double vacation », un enseignant se retrouve avec 156 élèves : 78 élèves le matin et 78 autres l'après-midi, ce qui réduit le temps d'apprentissage de moitié pour les élèves et double le temps de travail des enseignants. Cela affecte la qualité de l'enseignement. Le ratio d'élèves par enseignant est de un pour 72 élèves à l'intérieur du pays, et de un pour 47 élèves dans la Capitale. On peut citer également le cas de l'Ouganda où « les écoles sont en nombre insuffisant pour accueillir des élèves toujours plus nombreux. Le ratio d'élèves par enseignant y est de un pour 63 (contre 37 en 1996) et il n'est pas rare que les instituteurs aient 150 élèves par classe (et cinq enfants par pupitre) »7(*). La conséquence se manifeste dans la diminution de la qualité de l'encadrement pédagogique. L'enseignement individualisé, ou centré sur l'apprenant, devient pratiquement impossible. D'après le rapport de l'Unesco, les parents ayant des moyens préfèrent actuellement l'enseignement privé à l'enseignement public. Cette surpopulation dans l'enseignement primaire des pays du tiers monde est due au manque de moyens financiers pour augmenter le nombre d'enseignants et le nombre de classes proportionnellement à la population scolarisable. La créativité dans l'invention de nouvelles méthodes pédagogiques adaptées à la situation s'avère nécessaire pour le processus de l'éducation.

L'Education Pour Tous ne doit pas être un vain mot mais un comportement pédagogique. Tous les enseignants et les parents doivent être imprégnés de la vision de l'Education Pour Tous. Le bien-fondé de cette éducation doit s'installer dans l'esprit des élèves-maîtres. Le système éducatif rwandais sera meilleur dès que la qualité de ses enseignants s'améliorera. Dans notre travail, suite aux enquêtes menées auprès du Directeur de l'enseignement préscolaire et primaire du Ministère de l'éducation Nationale, de la Coordination Nationale de l'Education Pour Tous au Rwanda, des onze directeurs des Ecoles Normales Primaires, de quelques enseignants, nous serons en mesure de cibler des contributions importantes des ENP au processus de l'Education Pour Tous au Rwanda. Ce travail est reparti en huit chapitres.

Dans le premier chapitre nous dégagerons la problématique de ce travail en constatant qu'une grande partie de la population est analphabète. Devant cette réalité « comment parler de développement, de démocratie véritable, de citoyenneté si 50 % des habitants sont analphabètes ? »8(*) Nous préciserons les motifs du choix du sujet, l'intérêt pédagogique et l'intérêt social. « Si un effort important n'est pas consenti en faveur de l'école qui permettra une accélération du processus de scolarisation, une grande partie des enfants (...) restera écartée des bénéfices de l'éducation pendant cinquante ans »9(*). Nous énoncerons le problème et la question de recherche.

Le deuxième sera consacré à l'analyse des concepts clés liés à l'éducation en rapport avec les objectifs de l'Education Pour Tous : sa politique, ses piliers et ses structures de base. Les méthodes d'enseignement et d'évaluation seront analysées en rapport avec ses conséquences.

Dans le troisième chapitre, nous ferons l'inventaire des documents portant sur le système éducatif des Écoles Normales Primaires. Bien que nous parlerons un peu des Ecoles Normales Primaires de l'enseignement public en France et en Côte d'Ivoire, le modèle des Ecoles Normales (autrefois appelées « Séminaires des Maîtres d'écoles ») de Monsieur Jean-Baptiste de la Salle est choisi pour une simple raison historique. Le modèle des Ecoles Normales du système éducatif du Rwanda nous vient de la Belgique (ancien colonisateur du Rwanda) par le biais des missionnaires catholiques, les Frères des Ecoles Chrétiennes et les Frères de la Charité, qui ont ouvert les premières Ecoles Normales au Rwanda. Nous présenterons la déclaration mondiale sur l'Education Pour Tous et la politique éducative du système éducatif rwandais en rapport avec les objectifs de « l'Éducation Pour Tous » et ses implications.

Le quatrième chapitre passera d'abord en revue les modèles de formation initiale tels que l'infuse, le traditionnel, le béhaviorisme, l'humanisme, le scientifique. Ensuite, nous présenterons la formation continue des enseignants du primaire. Enfin, nous parlerons de la formation des adultes et des structures d'alphabétisation, du programme et des objectifs d'alphabétisation.

Le cinquième chapitre sera centré sur le cadre méthodologique. Ce qui nous permettra d'énoncer les intentions de notre recherche. Nous définirons des objectifs à deux niveaux: l'objectif général pour présenter notre intention générale de recherche et les objectifs spécifiques pour expliciter toutes les opérations de recherche. Nous énoncerons l'hypothèse de l'étude que notre recherche veut confirmer. Pour faciliter la compréhension de l'objet de recherche, nous présenterons brièvement le contexte de l'étude, l'échantillonnage, les méthodes de recherche et l'analyse des données

Le sixième chapitre présentera des résultats d'interview et des enquêtes menées au sein du Ministère de l'Education et des Écoles Normales au Rwanda. Nous présenterons les résultats obtenus aux questions fermées et aux questions ouvertes en utilisant la méthode qualitative plutôt que la méthode quantitative. Les souhaits du terrain d'étude seront mis en évidence, ce qui nous permettra d'interpréter les résultats.

Le septième chapitre sera consacré à la discussion et à l'interprétation des résultats. Il s'agit de déterminer si notre hypothèse est confirmée ou infirmée et de faire ressortir quelques perspectives pédagogiques en faveur de l'Éducation Pour Tous au sein des Écoles Normales Primaires au Rwanda.

Le huitième chapitre se préoccupera de donner des propositions à partir des résultats de notre recherche. Nous serons en mesure de proposer de nouvelles missions ou d'élargir les missions des Ecoles Normales Primaires au Rwanda en faveur de l'Education Pour Tous.

En conclusion, nous rappellerons les grandes lignes de notre démarche ainsi que des résultats de la recherche. Nous essaierons de souligner en quoi la recherche nous a permis de mieux comprendre l'Education Pour Tous en rapport avec le rôle des Ecoles Normales primaires. Il s'agit pour nous de montrer en quoi notre recherche apporte un plus sur le fonctionnement des Ecoles Normales en ce qui concerne le processus des objectifs de l'Education Pour Tous au Rwanda.

* 1 MINEDUC, La Politique Sectorielle de l'Éducation, p2

* 2 MINEDUC, Rapport sommaire sur les visites d'étude en Tanzanie et au Kenya. P 33

* 3 Ibid. p. 33

* 4 LE COURRIER DE L'UNESCO, mars 2000, p. 26

* 5 UNESCO, rapport mondial sur l'éducation, p. 16

* 6 UNESCO, Éducation pour tous : Quand l'école sort de ses murs, p 17

* 7 Le Courrier de l'UNESCO, p. 23

* 8 Afrique Éducation n°79, p. 28

* 9 Idem

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon