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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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II.2. La maladie sacrée

II.2.1 Problème de définition

Le mot épilepsie est utilisé pour dire deux choses : la maladie et l'attaque.

Les Hippocratiques avaient rangé cette maladies dans la liste des maladies chroniques car ils avaient repéré que les crises avaient tendance à se répéter. Oswei Temkin en donne la définition suivante : l'épilepsie est une convulsion du corps dans son intégralité avec détérioration des fonctions de premier plan. Définition trouvée chez beaucoup d'auteurs qui décrivent les attaques dont furent victimes les patients qu'ils suivaient. Des maladies telles que l'éclampsie infantum et gravidarum furent aussi appelées épilepsie. Ceci nous permet d'expliquer pourquoi durant l'Antiquité, l'épilepsie était considérée comme étant la maladie des enfants.

Selon Arétée, c'est une maladie aux formes différentes et horribles.

Dans le corpus hippocratique, un problème se pose quand on veut essayer de définir ce qu'était la maladie sacrée pour Hippocrate : les mots convulsions et épilepsie sont interchangeables. Quand Hippocrate aborde l'effet bénéfique des fièvres quartes, un passage se réfère à l'épilepsie, l'autre aux convulsions452(*).

De nos jours, il n'existe pas d'accord sur la pathologie de l'épilepsie, mais toutes les personnes travaillant sur le sujet sont d'accord sur le fait que les recherches doivent être faite sur la base de procédés scientifiques. Ce n'était pas le cas dans l'Antiquité, quand les considérations scientifiques étaient rejetées par beaucoup de médecins. Les croyances médicales différaient beaucoup selon l'école de médecine à laquelle on était rattaché. Après Hippocrate, trois écoles se sont formées ; les méthodistes, les empiriques et les dogmatiques et toutes les trois avaient un point de vue différents sur l'épilepsie.

II.2.2 Les causes

L'histoire des anciennes théories sur l'épilepsie peut être divisées en trois périodes : la période hippocratique, le temps des écoles médicales, la période dominée par Galien. Dans le cadre de cette étude, nous n'aborderons que la période hippocratique recouvrant le V-IVème siècle453(*).

Un des traits les plus étonnant chez les médecins et les philosophes antiques est leur attitude face aux troubles impliquant l'esprit et la connaissance. La résistance de ces penseurs aux croyances magiques est, de nos jours, considérées comme l'une des plus grande réussite454(*). Alors qu'il est facile de comprendre qu'une maladie somatique soit expliquée par des procédés somatiques, il est plus difficile de soutenir qu'une maladie psychique reposait sur des facteurs somatiques, naturels et également somatique. La tendance matérialiste mena les fondations des la tradition médicale à interpréter toutes les maladies comme des troubles du corps455(*). Dans le cas de l'épilepsie, cette interprétation trouva son application dans le fait que cette maladie était rangée parmi les affections du corps et que ces manifestations somatiques et psychiques étaient imputables aux mêmes causes de départ. Les Hippocratiques, Platon, et Aristote partageait cette croyance, cependant les explications variaient à quelques détails près456(*). Trois traités de la Collection présentent des arguments théoriques et chacun diffère des deux autres. Le traité Maladie sacrée est celui qui a eu le plus de succès. L'auteur considère que l'épilepsie est une maladie naturelle, curable par des remèdes naturels si le traitement est commencé tôt. Ce motif est le fil rouge de ses arguments et le contraint à laisser des caractéristiques de la maladie inexpliquées457(*).

Comme toutes les maladies, l'épilepsie est héréditaire. Toutefois, l'épilepsie n'arrive que chez les phlegmatiques, jamais chez les colériques (bilieux). La théorie des humeurs, ajoutée au fait que l'épilepsie, comme les autres grandes maladies, trouve sa naissance dans le cerveau, est la pierre angulaire de la théorie458(*).

Pour appuyer celle-ci, l'auteur donne quelques concepts physiologiques et anatomiques. Le cerveau humain est double, une délicate membrane sépare les deux ensembles. Du corps entier, des veines arrivent au cerveau, lequel est connecté au foie et à la rate par deux grosses veines. L'une est appelée la veine cave et s'étend jusqu'au pied, alors que l'autre pénètre le diaphragme et les poumons, avec des ramifications jusqu'au coeur et au bras droit. Dans sa course vers le cerveau, elle se divise à la hauteur de l'oreille, une branche va vers lui, mais l'oreille, l'oeil et le nez reçoivent également des ramifications. A part le fait que la veine qui va à la rate est plus mince, il est évident que le côté gauche correspond à celle de foie et l'autre au côté droit459(*). Ces deux veines oxygènent l'ensemble des organes du corps. Elles véhiculent l'air, le propage à l'intérieur des organes par l'intermédiaire de petites veines, refroidissent l'organisme et laisse l'air ressortir. L'air est en perpétuel mouvement ; s'il est bloqué dans une partie du corps et qu'il est forcé de rester, cette partie du corps devient impuissante460(*).

Après ses explications, l'auteur revient à la pathologie de l'épilepsie faisant remonter les prémisses de la maladie au foetus. A ce stade, toutes les parties du corps sont engagées dans un processus de purification. Si cette purification n'a pas lieu dans le cerveau, la personne deviendra phlegmatique, et si elle ne développe pas d'ulcères et de surcharge pondérale durant l'enfance, elle peut risquer de devenir épileptique461(*). Il est également possible que l'excès de phlegme se dirige vers les poumons, le coeur et l'abdomen, causant palpitations, asthme ou diarrhée. Mais si ces routes sont bloquées, le phlegme refroidit se rue vers le cerveau par le biais des petits vaisseaux et cause les symptômes d'une crise d'épilepsie en obstruant les vaisseaux, refroidissant le sang et en interférant avec les mouvements de l'air. Ordinairement, l'air est pris, en premier lieu, par le cerveau, puis par les membres. Le cerveau, comme l'indique l'auteur, est l'organe central des phénomènes psychiques. Quand l'air, dans le processus respiratoire, atteint le cerveau, il y dépose l'intelligence et s'en va vers les autres parties du corps. Par conséquent, le cerveau sert d'interprète au reste du corps. Mais si l'air n'atteint pas en premier le cerveau, la personne devient muette et inconsciente. Surgissent des suffocations, lesquelles par leur violence, peuvent amener à la production d'excréments. Les poumons, coupés du souffle, cause de l'écume sur la bouche, les petites veines des yeux frémissent et les yeux commencent à se troubler. Dans la jambe, l'air incarcéré cause des crampes et des douleurs qui font donner au patient des coups de pied. Dans les mains, cependant, le sang est encore présent, le phlegme froid congèlera le sang et le patient mourra. Il est également possible qu'il se disperse dans le sang tout comme l'air, mettant ainsi fin à l'attaque462(*).

Le volume des vaisseaux change avec l'âge, tout comme la qualité du sang. La puissance du flux peut varier et affecter un seul côté, et le vent sera poussé dans différentes directions. Tous ces facteurs, comme l'auteur l'indique, décide de l'issue de l'attaque et rendent compte des possibles complications.

Le changement des vents et des températures sont les causes principales des crises. Les adultes épileptiques, quand le vent est le facteur principal, le cerveau est si humide que le phlegme ne peut pas l'isoler et il reste humide malgré l'augmentation de la fréquence des attaques. Le crâne des épileptiques en donne la preuve ; si on en ouvre un, le cerveau apparaît, humide, et sent mauvais. Le phlegme divise le cerveau qui fond dans l'eau. Quand ce stade est atteint, la maladie devient incurable463(*).

En lisant cette monographie, on voit que l'anatomie et la physiologie de la maladie sont considérées comme essentielles pour comprendre les causes de l'attaque et le mécanismes de l'action. Dans cette hypothèse, l'air apporte l'intelligence au cerveau et est le messager pour le reste du corps. On peut y voir l'influence d'un philosophe Diogènes d'Apollonie. Cependant, la théorie indiquant que le cerveau jour un rôle essentiel dans l'explication de cette maladie est également présente chez Platon. Selon lui, la partie la plus divine de l'homme à son siège dans le cerveau, et quand le phlegme blanc se mêle à la bile noire, il en résulte la maladie sacrée. Dans le traité Maladie sacrée, qui exclue expressément les colériques de l'épilepsie, le point de vue de Platon sur la bile noire comme facteur causal est corroboré par un autre traité hippocratique464(*). Quand le souffle est arrêter dans les vaisseaux et que la bile noire coule vers l'avant, des crampes apparaissent si le flux atteint le coeur, le foie ou les veines. Dans le cas où ce sont les parties environnantes de ces organes qui sont atteintes le flux et les dernières à se tarir par la stagnation de l'air, l'épilepsie viendra.

Pour un lecteur moderne, le point de vue de Platon peut paraître négligeable mais pas pour un homme comme Galien qui le considère comme la plus grande autorité en philosophie, de même pour Hippocrate en médecine. En témoigne cette courte phrase de Galien « la cause de l'affection est, comme Platon et Hippocrate l'ont dit, le phlegme et la bile noire465(*) »

Les théoriciens de la période n'étaient pas unanimes. Ainsi dans le traité Des vents, c'est le phlegme qui cause la maladie en interférant avec le souffle. Dans ce traité, c'est le souffle qui est l'agent morbide. La condition de l'esprit dépend de la condition du sang ; s'il est agité, l'esprit est dérangé. Ici, l'épilepsie est causé par le mélange de l'air et du sang qui obstrue les veines. Le passage du sang est, par conséquent gêné et devient irrégulier. Ces irrégularités engendrent des convulsions et des mouvements saccadés du corps autant que la perte de conscience. L'air monte à la bouche, se transporte le long du sang et de l'écume est produite. Mais l'attaque provient, elle-même, de son propre rétrécissement. Réchauffé par les efforts du corps, le sang, à son tour, réchauffe l'air qui se disperse et, ainsi, met fin à l'attaque466(*).

Le traité Maladie sacrée n'appréhende la maladie que comme une crise. Les explications se réfèrent uniquement à l'attaque. Il est vrai que la théorie mené par le meilleur élève de Platon, Aristote, indiquait que la nourriture produit une évaporation dans les veines, qui remonte, tourne et redescend. Ce procédé serait à l'origine du sommeil, et explique également certaines maladies, dont l'épilepsie. Dans un certain sens, dormir est une crise d'épilepsie et pour cette raison la crise se déroule souvent durant le sommeil. Si trop de vapeur remonte, il fabrique de la houle dans les veines et empêche la respiration467(*).

L'influence d'Aristote sur le développement dans la biologie ancienne et médiévale peut à peine être surfait. La théorie du souffle du dessus pour l'épilepsie se retrouve chez Galien et chez d'autre. Cependant, c'est un contraste avec l'idée du pseudo-Aristote, Problemata, où l'épilepsie est considérée comme une maladie mélancolique, engendré par la bile noire. Cette dernière idée n'est qu'en accord qu'avec le texte du Timée mais également avec l'écrit hippocratique disant que « beaucoup de mélancolique deviennent des épileptiques et les épileptiques des mélancoliques ». Néanmoins, les médecins tels que Diocles et Proxagoras disent qu'il a été influencé par le philosophe et que, au moins, sa théorie selon laquelle le coeur est un organe psychique lui est dû. Ils proposent une théorie différente : Praxagore dit que l'épilepsie est engendrée dans la région de l'aorte par une agrégation d'humeurs phlegmatique. Ceci, forme des bulles, bloque le passage de l'air psychique vers le coeur, le pneuma engendre des secousses dans le corps et convulse. Quand les bulles disparaissent, l'attaque s'arrête468(*).

La période d'approximativement cent ans entre le temps d'Hippocrate et la fin du IVème siècle montre une multitude de théories. La seule chose sur laquelle tout le monde s'entend, c'est que le phlegme est un facteur étiologique reconnu par une relative majorité469(*).

La puberté est l'âge socialement reconnu comme celui auquel les jeunes filles ont un trop plein de sang dans leur corps qui se dirige vers la matrice. Si celle-ci n'est pas ouverte, alors le sang remonte vers le coeur ce qui cause des symptômes similaires à l'épilepsie et peuvent déboucher sur un suicide. Pour pallier à cela, les jeunes filles doivent se marier afin d'être déflorées470(*).

On acceptait que les crises d'épilepsie donnent souvent lieu à des tentatives de suicides chez les adolescentes avant que les théories médicales hippocratiques ne soient élaborées471(*) et les Hippocratiques ont repris à leur compte l'idée que le passage de l'état de jeune fille à celui de femme soit difficile.

Ce qui diffère des croyances pré-hippocratique réside dans les causes même de la maladie.

« Voici ce qu'il en est de la maladie dite sacrée : elle ne me paraît rient avoir de plus divin ni de plus sacrée que les autres maladies [...] la cause n'est pas plus divine et elle est tout humaine472(*). »

Pour eux, cette maladie est causée par la rétention du sang dans la matrice. C'est le sujet du traité Maladies des jeunes filles précédemment abordé Or, si l'orifice, l'hymen, n'a pas été déchiré, alors le sang s'accumule et une fois la matrice remplie, remonte dans le corps afin de sortir par l'autre orifice, la bouche. Ainsi peut s'expliquer la suffocation chez les jeunes filles. Par conséquent, quel meilleur remède que le mariage ? En effet, il y a fort à parier que les grecs considèrent le moment du mariage comme celui pendant lequel la jeune fille est déflorée. On voit ici à quel point hystérie et maladie sacrée sont proches. Toutefois, rappelons que le mot hystérie n'est pas utilisé par Hippocrate mais que c'est Emile Littré qui l'emploie. De plus, hystérie et épilepsie ont des causes différentes selon les traités.

Il est communément reconnu que l'épilepsie survient tôt, notamment lors de la poussée des dents. L'arrivée de cette maladie après l'âge de vingt ans reste exceptionnelle. On pense même que cette maladie est congénitale et l'auteur de Maladie sacrée n'hésite pas à dire qu'elle est peut être héréditaire. C'est sous cette formulation qu'on retrouve des traces de cette maladie dans la littérature ancienne. Ce n'est, en soi, pas très étonnant : toutes les maladies sont héréditaires et la maladie sacrée ne forme pas une exception. C'est pourquoi, on peut dire que la maladie sacrée a une explication toute aussi naturelle que celle des autres maladies. Cette formulation isolée, par conséquent, représente un argument dialectique contre les croyances magiques plutôt que la reconnaissance précoce du caractère héréditaire de l'épilepsie473(*).

La crise épileptique, d'Hippocrate à Démocrite, est comparée à un petit coït.

De façon générale, la période de la puberté était considérée comme étant décisive dans le cas de l'épilepsie et dans beaucoup de cas, les crises d'épilepsies s'arrêteront à cette période. Si tel n'est pas le cas, la maladie sera incurable. Par conséquent, beaucoup de médecins attribuent comme remède à cette maladie, la pratique de rapports sexuels474(*). Quoi qu'il en soit, les crise d'épilepsie seraient à relier à l'absence de flux menstruels.

L'épilepsie, quelle que soit ces formes, tous au long des siècles est attribuées à l'utérus475(*).

Le traité Airs, Eaux, Lieux, montre également le fait que, dans la pensée des grecs anciens, le climat avait un impact sur la santé.

«  Celui qui veut approfondir la médecine, doit faire ce qui suit ; il considérera d'abord les saisons de l'année et l'influence respective que chacune d'elle exerce476(*). »

Cette dépendance aux types de vents est accentué par l'auteur du traité Maladie Sacrée, qui ajoute aux types de vent, la saison, la température et l âge du patient.

« les enfants tout petits qui sont pris de cette affection, succombent pour la plupart, si la fluxion est considérable et que le vent souffle du midi477(*). »

« Mais à un âge plus avancée, l'épilepsie, quand elle survient, ne cause ni la mort ni des distorsions478(*)

Autres facteurs, la peur et la colère sont reconnues comme facilitant les crises d'épilepsie, notamment la peur de l'invisible ou celle lorsqu'on est victime de la colère de quelqu'un. Dans cette catégorie, on peut mentionner des impressions variées comme les mauvaises odeurs. Même des philosophes tel que Plutarque connaissent les causes qui peuvent produire les crises et note l'influence fatale, sur les épileptiques, des vertiges479(*).

Aristote, pour sa part, considère que l'épilepsie est pareil au sommeil et le sommeil pareil à l'épilepsie.

Les irrégularités diététiques, telle que l'excès d'alcool, les indigestions, les irrégularités dans la vie sexuelle est spécialement la cessation des flux menstruels sont d'autres causes des crises d'épilepsie480(*).

II.2.3.Symptômes précédent la crise

Les Hippocratiques avaient noté quelques symptômes annonçant l'arrivée d'une crise qu'ils soient tactiles, sensoriels, moteurs ou psychiques. Un des auteurs hippocratiques décrit le patient qui, alors qu'il n'avait pas de fièvre souffrait de maux de tête, de bruits, de vertiges, parlait lentement et de raideur dans les mains. Il s'attendait à ce qu'il soit atteint d'une crise d'épilepsie ou d'apoplexie. Beaucoup de raisons expliquent l'intérêt des anciens pour les signes prémonitoires : on pensait que la place d'origine avait un sens dans le pronostic possible de la maladie481(*). Ainsi, le traité Maladie Sacrée indique que des terreurs nocturnes ont été attribuées à Hécate et aux héros alors que, si le patient bave, c'est Mars qui est inculpé482(*).

«  Avec l'écume à la bouche et des battements de pieds, c'est Mars qui est inculpé. Quand, la nuit, surviennent des peurs, des terreurs, des délires, des sauts hors du lit, des visions effrayantes, des fuites hors de la maison, ce sont, disent-ils, des assauts d'Hécate, des irruptions des Héros483(*).

« Le flux est-il au contraire coupé de ces voies, et pénètre-t-il dans les veines que j'ai indiqué plus haut ? Le sujet perd la voix et étouffe, l'écume lui sort de la bouche, il grince des dents, les mains se tordent, les yeux divergent, toute connaissance est perdue, quelquefois même il y a sortie des excréments484(*)

Au regard des auteurs plus tardifs, le corpus hippocratique ne montre que les aspects principaux de la crise : le patient est muet, perd conscience, est insensible aux sons, à la lumière et à la douleur. Son corps est tendu et bouge dans tous les sens, ses mains sont tordus et ses dents grinces. Il donne des coups avec ses jambes et ses yeux se révulsent. De l'écume sort de sa bouche, il suffoque et peut produire des excréments. On retrouve de la froideur dans les jambes et dans les mains, un aspect livide, des palpitations du coeur.

II.2.4. Les remèdes

Le remède traditionnel consistait à offrir à Artémis, déesse régnant notamment sur la puberté et les difficultés qui y sont liées, des objets appartenant à la jeune fille pour apaiser sa colère. Or, c'est ce lien que remette en cause les Hippocratiques. Cette maladie est liée à des phénomènes naturels et non à une quelconque intervention divine.

Au regard de ce que l'on a dit précédemment, les menstrues sont considérées comme étant capable de prévenir l'épilepsie485(*).

Les médecins grecs abordaient le traitement de cette maladie sans grande conviction de pouvoir en venir à bout. Même le plus optimiste d'entre eux, l'auteur du traité Maladie sacrée, considère que, pour pouvoir se débarrasser de cette maladie, il faut agir avant que celle-ci ne devienne chronique. Si elle apparaît chez les personnes âgées, les aider revient à les laisser seuls car dans ce cas la médecine n'est pas très utile486(*). Ces principes seront repris 400 ans après Hippocrate par Celsus.

L'auteur du traité Maladie sacrée, utilise des mesures drastiques contre l'épilepsie incluant des drogues et des prescriptions de régime. Mais, les anciens avaient également noté, avec désapprobation, qu'il ne donnait pas de détails concernant sa méthode. La seule mesure thérapeutique contre l'épilepsie enregistré dans la collection hippocratique se réfère au cas d'un homme qui a été saisi par une convulsion épileptique après s'être oint lui-même en hiver avant le feu dans une baignoire. Une abstinence concernant la nourriture et la boisson était prescrit, et une cure doit être effectuée487(*).

A la fin du quatrième siècle, les méthodes utilisées pour traiter l'épilepsie sont diététiques, chirurgicales, et pharmacologiques. Les efforts pour trouver un traitement furent peu important durant les siècles qui précédèrent le christianisme.

II.2.5. Pronostic et complication

Une crise sévère d'épilepsie peut tuer le patient tout de suite488(*).

Les petits enfants voient leur vie mise en danger quand les attaques se produisent alors que souffle le vent du sud489(*). Si l'attaques survient alors que le patient est dans le vieil âge, l'issue lui est fatale490(*).

Une question concernant l'épilepsie a beaucoup intéressé Aristote : pourquoi, de tout les animaux de la création, l'homme est il le seul à subir l'épilepsie ? Outre le strabisme, la déviation d'un oeil peut avoir pour cause une crise d'épilepsie tout comme d'autres troubles plus sérieux tel que la cécité491(*). Une paralysie d'un côté du visage est également envisageable. Une main peut être atrophiée ou un pied paralysé492(*).

Concernant les chances de récupérer, il faut voir à quel âge la maladie est apparue. Si elle date de la naissance, elle sera difficile à guérir. Si elle cesse à l'apparition de la puberté, la maladie peut ne plus apparaître. Quand on s'éloigne de cet âge de changement, que l'on change de lieu et de mode de vie, tous ceci est très bénéfique pour le jeune épileptique493(*). Même si une épilepsie a commencé à l'adolescence et ne se poursuit pas ensuite il faut adapter sa façon de se nourrir494(*). Si la maladie commence à la puberté et continue ensuite, il sera presque impossible de ne pas être épileptique jusqu'à la mort495(*). Les Hippocratiques considèrent que les chances pour un épileptique de guérir définitivement sont très minces, surtout quand son épilepsie a pris une forme chronique. Un médecin qui arrive à guérir un épileptique est considéré comme un dieu !496(*).

Autre remarque, les maladies liées à l'utérus ont souvent été mis en parallèle avec l'épilepsie dans le Corpus, notamment l'hystérie et beaucoup de médecins ont emboîté le pas à Hippocrate497(*).

CONCLUSION

« La femme piège, la femme piégée, porteuse de la fleur qui attire et de l'atelier qui fabrique, la femme, quels que soient ses amours, son indépendance, son intelligence, sa beauté, n'est rien d'autre qu'une fantastique machine à faire des vivants, avec, autour de cette machine, ronde, fragile, solide, géniale, des formes sublimes ou repoussantes, une peau de soie ou de gravier, un cerveau coincé ou épanoui, des seins éteints ou exquis, tout un ensemble d'outils d'une ingéniosité divine n'ayant absolument aucune autre raison d'être que servir l'usine à fabriquer la vie498(*). »

Cette citation de Barjavel, auteur du vingtième siècle montre à quel point la fonction première de la femme revendiquée par les grecs, celle de mère, est encore vivante aujourd'hui.

A travers la femme piège, comment ne pas voir l'héritage de Pandora ? A travers la femme piégée, comment ne pas voir la soumission au mari mais, plus encore, la soumission à son sang, piégé entre deux ouvertures, piège pouvant s'avérer fatal ?

Enfin, à travers l'ingéniosité divine, comment ne pas entendre l'esprit subtil de Zeus (car c'est l'un de ces attributs) ordonnant aux dieux de l'Olympe de fabriquer une créature qu'on trouverait belle ?

Au début de ce travail, j'aurais voulu prouver que la maladie sacrée, que je pensais marginale, était un obstacle à l'intégration des parthenoi atteintes de ce mal dans la cité. Je percevais cette maladie comme un obstacle au mariage car, étant héréditaire, aucun grec, surtout pas les spartiates, n'avait intérêt à posséder pour femme une épouse malade susceptible de transmettre ce mal.

Laisser vieillir des filles dans les oikos était mal vu. Il me semblait donc probable que celles-ci entraient en religion. Ceci me semblait d'autant plus vrai que la transe de la pythie pouvait donner à penser qu'on était en présence de crise. Comme l'a montré Oswei Temkin, on a réussi à déterminer les facteurs déclenchants de cette maladie. Quoi de plus simple que d'exposer une jeune fille aux vents ou à la chaleur afin qu'elle fasse ou crise ou, pardon, qu'entre en transe ?Qui plus est la maladie sacrée était, selon les croyances traditionnelles, vu comme une possession par un Dieu. On pouvait donc rapprocher cette croyance de la possession de la pythie par Apollon, qui ainsi, lui communiquait ses oracles.

Malheureusement, rien dans la mantique apollinienne ne vient corroborer cette hypothèse, et bien que selon Jean-Pierre Vernant, l'impur, donc la maladie et même la femme, côtoie, chez les grecs le plus pur, donc le dieu, je ne peux prétendre soutenir cette hypothèse.

De plus, le traité Maladie des jeunes filles a mis en avant un point auquel je ne m'attendais pas : bien loin de relayer ces jeunes filles dans les oikos, on considérait leur état comme, certes, pathologique, mais normal au regard de leur âge et on y cherchait des remèdes.

Ce que cette recherche a surtout mis en avant, c'est l`incroyable emprise qu'exerçait la société des hommes sur les femmes. Non pas qu'elle me soit inconnue, le statut de mineure perpétuelle, Sparte excepté, le disait bien. Mais le fait que la médecine rationnelle, qui se veut médecine d'observation et donc, ici, la lectrice contemporaine que je suis transparaît peut-être, un temps soit peu objective fasse sienne des croyances millénaires pour ne pas remettre en cause l'ordre établit m'interpelle quelque peu.

Même si cette vision s'explique par le fait que les grecs recherchaient un ordre dans toute chose, même si le médecin dont la profession n'était pas réglementée et donc soumis à l'approbation populaire dont il dépendait pour vivre, on perçoit le chemin qu'il reste à parcourir pour atteindre la médecine objective dégagée de toutes superstitions. En même temps, comment demander à des médecins ayant vécu il y a 2500 ans d'effectuer le tour de force de se dégager de toutes influences culturelles alors que, dans notre société où l'Etat s'est détaché de l'Eglise depuis un siècle, nous n'en sommes pas capable ?

Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que cette médecine a eu le mérite d'ouvrir le champs des explications possible aux maux féminins et que la parthenos a, peut-être une chance, même si le remède n'est pas parfait, d'échapper à la pendaison. Car, pour diverses raisons déjà abordées et selon l'auteur du traité Maladie des jeunes filles, des épidémies de jeunes filles pendues semblent bien avoir existé. Des théories récentes soutenues par des pédopsychiatres reconnaissent que la puberté est comme une deuxième naissance et que, chacun, consciemment ou non, vit une dépression à cette période de la vie, même si elle est plus ou moins ressentie par les individus.

Ainsi, même si ce procédé peut nous paraître choquant la conclusion à laquelle j'arrive est que les grecs ont réussi dans leur tâche. Ils voulaient prouver que le monde était un tout ordonné, c'est chose faite ; pour le bien des jeunes filles et celui des oikos, le mariage est la solution à la maladie sacrée.

Je laisse à chacun le soin de réfuter ou d'acquiescer cette position.

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE 8

PRESENTATION DES SOURCES 8

CHAPITRE I 10

LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE 10

I.COMPOSITION DU CORPUS 11

I.1. Une oeuvre constituée par le hasard ? 11

I.2. Le problème d'ordonnancement du corpus. 13

I.3. La question de l'auteur du corpus 14

II. L'APPORT DU CORPUS A LA MEDECINE 20

II.1. La théorie des humeurs 20

II.2. Toutes les maladies ont des causes naturelles : la recherche d'une méthode et le divorce médecine/philosophie 22

II.3. Du pronostic 26

III. LA POSTERITE DU CORPUS HIPPOCRATIQUE. 32

III.1. De l'époque classique à Galien 32

III.2. Galien et l'Antiquité tardive 33

III.3. Le temps des traductions 34

III.4. Les temps modernes 35

Chapitre II 37

PRESENTATION DES TRAITES UTILES A CETTE ETUDE 37

I. MALADIE SACREE 38

I.1. Fond et forme 38

I.2. Contenu 40

I.3. Date et auteur 45

II. LE TRAITE MALADIES DES JEUNES FILLES 47

II.1. L'auteur : hypothèse 47

II.2. Contenu 48

III. MALADIES DES FEMMES 50

DEUXIEME PARTIE 53

HISTORIOGRAPHIE 53

POUR UNE APPROCHE RAPIDE DU SUJET 53

TROISIEME PARTIE 61

LA NAISSANCE DE LA MEDECINE RATIONNELLE 61

Chapitre I 63

Hippocrate et le Vème siècle 63

I. HIPPOCRATE 64

I.1. Les témoignages des auteurs anciens 65

I.2. Hippocrate (460-375/351) 66

II. La transmission du savoir médical 69

II.1. Comment le savoir médical se transmettait-il ? 69

II.2. L'expansion du savoir médical 70

II.3. Défense et illustration de l'art médical 78

Chapitre 82

I. La médecine rationnelle 84

II. La médecine magico-religieuse 85

III. La médecine des temples 87

III.1. La médecine des sanctuaires d'Asclépios. 87

III.2. Médecine d'Asclépios et médecine des Asclépiades. 89

IV. L'opposition de la médecine rationnelle à la médecine magique 91

IV.1. Une rivalité 91

IV. 2. Un crime d'impiété ? 93

Chapitre III 95

Les facteurs responsables de l'interrogation sur la médecine magico-religieuse 95

I. Les premières tentatives 96

II. Le contexte social 97

II.1. Les grecs et le Proche-Orient 97

II.2. Quelques hypothèses explicatives 98

II.3. Les changements politiques 100

QUATRIEME PARTIE 107

LA PARTHENOS, PROLOGUE DE LA FEMME, RACE A PART 107

CHAPITRE I 109

PANDORA, NAISSANCE DE LA RACE DES FEMMES 109

I. ET VINT PROMETHEE. 110

II. LA FEMME, FRAUDULEUX FLEAU 116

III. LA FEMME SELON LES AUTEURS. 120

CHAPITRE II 127

UNE NATURE DIFFERENTE 127

I. ANCIENS ET GYNECOLOGIE. 128

I.1 Justification d'une médecine à part 128

I.2. Comment atteindre le corps des femmes ? 129

II. HOMME/ FEMME : DIFFERENCES 132

II.2. Un système de reproduction différent. 132

II.2. Une physis, facteur de la dichotomie du monde grec. 134

III. ESQUISSE DE DEFINITION D'UNE PARTHENOS. 136

III.1 Ce qu'en dit la société. 136

III.2. Les sources médicales 139

CHAPITRE III 143

METTRE SOUS LE JOUG 143

I. LE SANG DOMESTIQUE PAR LE MARIAGE. 144

II. MEDECINE ET SOCIETE 150

CINQUIEME PARTIE 156

UN ETRE GOUVERNE PAR UN ORGANE, L'UTERUS 156

CHAPITRE I 158

L'UTERUS 158

I. ANATOMIE DE L'UTERUS. 159

II. L'UTERUS ET SES DIVAGATIONS. 165

II.1. Le corps des femmes et les Hippocratiques 165

II.2. Un utérus mobile 168

II.3. Remèdes 169

II. L'UTERUS, RESPONSABLE DE TOUS LES MAUX 172

CHAPITRE II 176

LE PIVOTEMENT DU SACRE 176

I. LE SANG : DANGER ET REMEDE 178

1.1 Par les hommes 178

I.2. De par leur nature 180

II. DES MALADIES EN RAPPORT AVEC LA NATURE DES FEMMES. 185

II.1. La pendaison 185

II.2. La maladie sacrée 187

CONCLUSION 200

* 452 Oswei TEMKIN, op. cit., p 50.

* 453 Ibid., p51.

* 454 Ibid.

* 455 Ibid.

* 456 Ibid., p 52.

* 457 Ibid.

* 458 Ibid.

* 459 Ibid., p 52.

* 460 Ibid.

* 461 Ibid., p 53.

* 462 Ibid., p 53.

* 463 Ibid., p 54.

* 464 Ibid.

* 465 Galien, Introductio seu medicus, c. 13, vol 14, p 739.

* 466 Oswei Temkin, op. cit., p 55.

* 467 Ibid.

* 468 Ibid., p 56.

* 469 Ibid.

* 470 Lesley Ann Dean-Jones, op. cit. p 50.

* 471 Oswei Temkin, op. cit., p 29.

* 472 Hippocrate, De la maladie sacrée, 1, p 23 et 359, traduction d'Emile Littré.

* 473 Oswei Temkin, op. cit., p 28-31.

* 474 Ibid., p 32.

* 475 Ibid.

* 476 Hippocrate, Airs, Eaux, Lieux, 1.

* 477 Hippocrate, De la maladie sacrée, Livre VI.8.

* 478 Hippocrate, De la maladie sacrée, Livre VI.9.

* 479 Oswei Temkin, op. cit., p 32.

* 480 Ibid., p 35.

* 481 Ibid., p 39.

* 482 Ibid., p 43.

* 483 Hippocrate, De la maladie sacrée, Livre VI.1, p 363.

* 484 Ibid., Livre VI. 7, p 373.

* 485 Ibid., p 34.

* 486 Ibid., p 65.

* 487 Ibid., p 67.

* 488 Ibid., p 44.

* 489 Ibid., p 45.

* 490 Ibid.

* 491 Ibid.

* 492 Ibid.

* 493 Ibid., p 46.

* 494 Ibid.

* 495 Ibid.

* 496 Ibid.

* 497 Ibid., p 50.

* 498 Barjavel, L'ultime secret.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard